« C'est avec un plaisir renouvelé et sans surprise que j'ai accueilli l'heureuse nouvelle de votre belle et brillante réélection à la magistrature suprême de votre beau et grand pays, les États-Unis d'Amérique ». C'est en ces termes que commence la lettre lestée d'adjectifs redondants et, au-delà de toute rhétorique diplomatique, flagorneurs à souhait que M. Yayi, le ci-devant président des Béninois et de l'UA, adresse ses félicitations au président Obama pour sa réélection.
Le président Béninois écrit, on l'a compris, à double titre. Dans son paraphage, il gratifie son illustre correspondant des qualificatifs de « Cher Ami » et « Frère ».
Mais peut-on sincèrement être le frère d'un régionaliste sans être de la même région que lui ? Il serait intéressant d'enquêter sur les vraies origines du père de Barack Obama. Peut-être que sous couleur de Kenyan, est-il au fond un Tchabè originaire de Tchaourou et installé dans le pays des Luos depuis une ou deux générations ?
Pour ce qui est de l'amitié chère, toute rhétorique diplomatique mise à part, Yayi Boni considère-il vraiment Barack Obama comme ami, lui dont la définition de l'amitié -- qui inscrit en creux celle de l'inimitié -- concerne exclusivement toute personne physique ou morale susceptible d'être utile ou instrumentale à sa perpétuation au pouvoir ?
En effet, loin d'être un signe de joie, la réélection de Barack Obama est pour M. Yayi, en raison de son projet à peine secret, un cauchemar. Son projet ? Eh bien, ses lubies de perpétuation au pouvoir par bidouillage de la constitution, rêve de réussir là où le vieux Wade s'est cassé la figure et les deux ou trois dents qu'il lui restait !
Pourquoi ? Parce que Barack Obama, qui est arrivé au pouvoir en 2008 -- soit bien après Yayi Boni--a vu de ses yeux le maintien au pouvoir de ce dernier dans des conditions frauduleuses sur lesquelles il a fait mine par paternalisme de fermer les yeux. Par paternalisme parce que les meilleurs Blancs en Occident considèrent que la démocratie est dans ses balbutiements en Afrique -- pour les pays qui veulent bien faire leurs ses valeurs et ses règles. Dès lors, la réélection constitutionnelle d'un président africain, même dans des conditions farfelues et théâtrales, ne devrait pas être un casus belli ; mais une éventualité contractuelle à soutenir, assortie de la garantie du respect de la constitution et de l'obligation de l'alternance.
Dans ces conditions, d'avoir été lui-même le témoin et le garant de ce contrat tacite, Barack Obama ne pourrait, au risque de se déjuger en tant que démocrate constructiviste, accepter que Yayi Boni veuille -- et quel que soit l'artifice utilisé --se présenter à des élections en 2016
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ou tout simplement conserver autoritairement le pouvoir en dévoilant sa face dictatoriale jusque-là cachée à ses «frères et amis » de l'Occident, bien qu’il n’eût de cesse de la montrer en plein jour à son propre peuple. Yayi Boni parierait volontiers sur l'amnésie de l'État américain dès lors qu'un nouveau président, au demeurant venant de l'opposition, aurait relayé Barack Obama. A celui-là, à coups de génuflexions et de flagornerie, la main sur le coeur, il pourra faire croire à la virginité de ses intentions démocratiques et respectueuses de la constitution. Mais à Barack Obama, niet !
À moins de prendre le risque de se trouver à la Haye comme certains de ses vrais « frères » qui l’y ont déjà précédé, Yayi Boni devra faire une croix sur ses projets de bidouillage de la constitution pour rester au pouvoir 15 ou 20 ans alors que comme Barack Obama ou François Hollande qui seraient amenés, le cas échéant, à entériner la recevabilité politique et géopolitique d'un tel projet, ne pourraient eux-mêmes pas excéder dix ans au pouvoir !
Après l'élection de François Hollande en France, très peu enclin à être sensible aux génuflexions des dictateurs aux petits pieds de petits pays sans enjeux comme le Bénin, et encore moins à la danse du ventre françafricaine, l'élection de Barack Obama, mine de rien, vient de sceller la mort du rêve de perpétuation au pouvoir de M. Yayi.
De ce point de vue, la joie évoquée dans sa lettre de félicitation à Barack Obama pour sa réélection, au-delà de toute rhétorique diplomatique, cache bien la tristesse profonde et l'embarras d'un homme pris dans la nasse de ses arrière-pensées, de sa bassesse éthique et politique.
Prof. Cossi Bio Ossè
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