Essai
18 octobre 2008
La Cour Dossou et ses Équations Médiatiques
Le Peuple et Son Latin, la Cour et son Credo.
= La Cour Constitution-nelle, saisie d’une requête du 14 août 2008 par laquelle le Prési-dent de l’Assemblée Nationale, demande à la Cour de le « situer sur la recevabilité ou non » de la proposition de loi organique modificative des articles 16, 18 et 35 de la loi organique n° 92-021 du 21 août 1992 relative à la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) introduite par le député Sacca FIKARA et douze autres députés ; décide que la proposition de loi organique modificative des articles 16, 18 et 35 de la loi organique n° 92-021 du 21 août 1992 relative à la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) introduite par les députés Sacca FIKARA et douze autres à l’Assemblée Nationale est irrecevable.
De même la Cour Constitutionnelle, saisie d’une requête du 21 juillet 2008 par laquelle Monsieur Joseph H. GNONLONFOUN forme un « recours en inconstitutionnalité contre une décision de l’Assemblée Nationale. » décide qu’en ajournant sine die l’exa-men des trois projets de lois relatifs aux accords de prêt, l’As-semblée Nationale a violé la Constitution ; et qu’en s’abstenant de légiférer, les députés ont violé l’article 35 de la Constitution.
Ces deux décisions ont suscité un immense tollé du côté de l’opposition. Dans l’opinion comme parmi les acteurs politiques, la polémique a fait rage autour du soupçon sinon des accusations d’allégeance de la cour au pouvoir en place. De part et d’autre chaque partie a avancé ses arguments et les raisons de ses certitudes. Le fait que la première décision de la cour ait pour objet une question politique n’y est pas étranger. Étant donné que cette décision intervenait dans un contexte de tension politique marqué par le blocage de l’assemblée sur les répercussions duquel la cour était appelée à statuer. Dans une certaine urgence incompatible avec la sérénité de ses assises, de fait, la Cour assumait à son corps défendant un rôle d’évacuateur politique. Et dès lors, il n’est pas jusqu’à la synchronisation de sa décision avec le calendrier politique du gouvernement qui ne soit vue comme étant la traduction de l’allégeance incriminée. En effet, le rôle de la Cour est de dire le Droit pas de veiller au déblocage des tensions politiques, surtout si cela doit se faire au détriment de la sérénité de ses assises. L’appréciation du temps d’une Décision et de l’opportunité du moment de son rendu font partie des conditions de la sérénité requises aux travaux de la Cour. Mais par-dessus tout ce qui a dopé la certitude du soupçon dans l’opinion et les accusations de l’opposition ce sont les conditions douteuses et pour tout dire loufoques qui ont présidé au choix par le Chef de l'État des représentants de l’Assemblée à la Cour Constitutionnelle. La précipitation et le refus de faire droit au strict respect des procédures a laissé planer un sérieux doute sur l’indépendance de la plupart des membres de la Cour.
Dans ces conditions, la Cour, apparaissant à tort ou à raison aux yeux de l’opinion et de l’opposition comme une émanation du pouvoir, était attendue au tournant de sa première décision. Or dès lors que le contraire de cette décision possède à son actif quelques éléments de crédibilité, la justesse de celle-ci devient sujette à caution. Et c’est ce côté discutable qui a d’entrée plombé l’image de la Cour Dossou.
La Cour a sans doute compris qu’elle démarrait avec un déficit d’image dans l’opinion. Et elle entend œuvrer à y remédier. Aussi, médiatiquement, elle essaie de compenser l’accalmie des décisions d’objet politique par un déluge de décisions de nature judicaire, pénale, éthique et humanitaire. RÉVOCATION DU DIRECTEUR DE PADME DE SES FONCTIONS ; SANCTIONS INFLIGÉES AU COMMISSAIRE MATHIAS ZOMALÈTHO ; DES OFFICIERS DE POLICE CONDAMNES POUR ACTES CONTRAIRES A LA CONSTITUTION, bref, la moulinette des décisions judiciaires fonctionne à fond. Celles-ci ne sont pas seulement prises dans l’intérêt des plaignants ; mais sont constituées de façon médiatique en actes d’une pédagogie du respect des droits de l’homme à laquelle la Cour Dossou se fait fort d’attacher son image. Mais qu’est-ce qui empêche les nombreuses autres juridictions qui jugent des mêmes violations et formulent les mêmes sentences éthiques de les faire savoir ? La Cour Constitutionnelle doit-elle se faire plus Cour des Droits de l'Homme que de raison ? A-t-elle le monopole de la pédagogie sociale du droit ? Est-elle la mieux habilitée pour ce faire ?
TABLEAU D’UNE ÉQUATION MÉDIATIQUE | |
Décision d’objet Politique |
Décision d’objet Judiciaire |
DCC 08- 072 DU 25 JUILLET 2008 |
DCC 08-126 du 18 septembre 2008 RÉVOCATION DU DIRECTEUR DE PADME DE SES FONCTIONS |
DCC 08-065 du 21 Août 2008 |
DCC 08-129 du 18 septembre 2008 SANCTIONS INFLIGÉES AU COMMISSAIRE MATHIAS ZOMALÈTHO |
|
Dcc 08-075 du 11 août 2008 VIOLATION DES DROITS HUMAINS |
|
Dcc 08-119 du 11 septembre 2008 VIOLATION DES DROITS HUMAINS |
|
Dcc 08-077 du 13 août 2008 DÉCISIONS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE |
|
Dcc 08- 073 du 11 août 2008 DÉCISIONS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE |
|
|
L’impact des deux premières décisions d’objet politique devrait être si fort pour que l’équation médiatique exige trois fois plus de décisions d’objet judicaire pour en atténuer l'effet. En tout état de cause, il faut espérer que l’équation soit linéaire et d’un coefficient raisonnable. Car si d’aventure elle devait être un tantinet exponentielle comme on peut le craindre au vu de son allure, l’opinion y perdrait son latin, et la Cour son credo.
Binason Avèkes.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
04 octobre 2008
Images du Dahomey, Réalités du Bénin : Récupération Mémorielle et Manipulation
1. Politique, Histoire et Manipulation
Dans le climat de manipulation touts azimuts mis à l’honneur par le régime dit du changement et sa culture rétrograde de propagande, la question du bien fondé de la résurrection de l’UDD ne manque pas de sens.
L’un des principes éculés de la manipulation est l’ignorance. Si la référence aux faits marquants et aux figures du passé doit se limiter à un impressionnisme superficiel basé sur des prénotions et le pouvoir émotionnel des évocations, alors l’ignorance s’enracine en même temps que fleurit la manipulation. Il faut bien que nous ayons une histoire. Mais pourquoi faire comme si notre passé plus ou moins récent et ses acteurs sont glorieux ou dignes d’être célébrés sans nuance lorsqu’ils sont directement responsables de la mauvaise situation dans laquelle nous végétons et que nous voulons changer ? Pourquoi s’échine-t-on à ressusciter des leaders du passé qu’on affuble de toutes les lumières alors que de 1960 à 1972 ces hommes, tous autant qu’ils sont, ont brillé surtout par leur incompétence notoire, leur irresponsabilité, leur aveuglement, leur discours creux, et leur fanatisme tribal ? A l’évidence, il y a de la manipulation dans l’air et une volonté manifeste de duper la multitude en surfant sur la vague émotionnelle de pieuses et non moins fausses images du passé. La question subsidiaire est : comment peut-on espérer fonder le changement politique, économique et moral d’une société, son essor véritable sur le seul pouvoir de la manipulation et sur le parti-pris de l’obscurité au détriment du désir ardent des lumières ?
Lire la suite "Images du Dahomey, Réalités du Bénin : Récupération Mémorielle et Manipulation " »
04 septembre 2008
PAUVRE YAYI ET SON FUTUR
Pour Comprendre l'Originalité des Images du Président
On ne connaissait pas Yayi Boni en politique avant 2006. Du coup, la découverte progressive de sa personnalité, son actualisation étonne et choque. Il y a d’abord ses démêlées avec les partis politiques qui se réclament de son élection triomphale et qui l’accusent de n’avoir pas respecté les promesses contenues dans l’accord électoral qui l’a porté sur les fonts baptismaux de la magistrature suprême du pays en 2006. Cette accusation non démentie a fait apparaître Yayi Boni
13 août 2008
Sociologie Politique de la Mort sous Yayi Boni
Bénin, Démocratie ou Thanatocratie ?
Depuis plusieurs semaines une crise politique sévit au Bénin et s'enracine au fil des jours. Elle oppose le Gouvernement et son chef, le Président Yayi Boni aux partis dits de l'opposition, à leurs ténors et à leurs députés à l'Assemblée. Cette crise a connu deux moments et deux formes distincts. Le premier moment situé avant les élections muncipales a atteint son point d'orgue le 12 mars 2008 avec la déclaration commune des G4, G13 et d'autres partis aux intérêts pourtant divergents. Le second moment se situe après les élections muncipales. Consécutif à la perte de majorité de fait du Président Yayi Boni à l'Assemblée, ce moment s'est cristallisé sur les frustrations et les tensions générées par les élections municipales.
Il s'exprime d'une part par le refus du gouvernement d'exercer une contrainte contre les militants de son parti qui bloquent l'installation des conseillers dans 24 communes au mépris de la loi ; et d'autre part par le refus des députés majoritaires de siéger ou de procéder à l'examen des textes législatifs pendants. Cette crise a généré un bras de fer qui a conduit le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans des conditions sujettes à caution. L'intervention dans le débat de la Cour Constitutionnelle nouvellement mise en place loin d'apaiser les esprits n'y a fait qu'apporter le trouble, en renforçant le soupçon de sa servilité vis à vis du pouvoir. Avec sa durée et sa difficulté à se résorber, la crise devenait anxiogène. L'une des conséquences immédiates et preuves de la dureté de la crise est l'incertitude qui entoure la formation du nouveau gouvernement suite aux élections municipales et l'attente anormalement longue dont elle fait l'objet. Dans ce climat délétère et de tension inédite depuis le renouveau démocratique, nous assistons actuellement à des menaces de mort sur la personne des députés de l'oppostion et des personnalités politiques de permier plan. Face à ces menaces de mort, le gouvernement ne réagit pas comme cela se doit dans une démocratie digne de ce nom et son silence est plus qu'inquiétant. A l'évidence, cette menace sur la vie et la liberté des hommes politiques affecte directement la santé de notre démocratie. Toutefois depuis le début du Changement, ce phénomène n 'est pas isolé. Il participe d'une politisation de la Mort qui a pris et prend des formes variées. Pour mieux comprendre le sens de ces menaces qui interviennent en ce moment de crise et exorciser leurs effets néfastes, il est intéressant de remettre en perspective la politisation de la Mort et d'analyser les formes de son maniement depuis l'avènement du Changement dans notre pays en mars 2006.
1. La Mort comme moyen de déblayage du ciel politique préélectoral
Lire la suite "Sociologie Politique de la Mort sous Yayi Boni" »
25 juillet 2008
La Crise Actuelle au Bénin : Raisons d’une Déraison.
Ce que Cache la Politique
Depuis quelques semaines une crise politique sévit au Bénin qui a du mal à se dénouer. Alors que le pays, à l’instar de ses frères africains, est confronté à la vie chère, difficile pour la grande majorité et dangereuse pour les plus vulnérables, voilà le moment choisi par la classe politique – gouvernement et opposition – pour se livrer à un bras de fer stérile qui met en danger la cohésion sociale et la paix nationale. Au vu de l’expérience des 18 dernières années où la culture démocratique issue du Renouveau a un tant soi peu régulé les mœurs politiques, on peut s’inquiéter de cet enlisement. Mais replacée dans le contexte africain, la tendance à s’abîmer dans des joutes stériles n’est ni une exception ni une résurgence ; avec des conséquences plus ou moins dramatiques voire tragiques, elle est une tentation récurrente de la vie politique africaine depuis les indépendances. Cette tendance est-elle une traduction du cercle vicieux de la pauvreté ? Pourquoi nous enlisons-nous dans des crises stériles alors que la paix est une condition sine qua non de notre développement ? Répondre à ces questions revient à éclairer la raison cachée et l’usage de ce paradoxe. Mais tout d’abord une mise en perspective historique et géopolitique s’impose.
Lire la suite "La Crise Actuelle au Bénin : Raisons d’une Déraison. " »
05 juillet 2008
Le PJB : Charles Toko, et Voltaire !
La Citation qui fait Pschitt... !
La presse béninoise grouille de critiques et d’interventions diverses. Une pléiade de voix se fait entendre à travers une diversité d’organes et de moyens de diffusion. La caractéristique de cette richesse dans l’expression des opinions et des idées et en même temps son talon d’Achille est la monomanie du thème politique. Sous ce rapport, les autres domaines de la vie sociale sont orphelins, abandonnés à leur sort, font l’objet d’une étrange désaffection. Notamment le domaine de la pensée sociologique, littéraire, philosophique et culturelle.
01 juillet 2008
L’Afrique et la Métaphysique du Porc
Pourquoi les Blancs considèrent-ils les Noirs comme des Porcs ?
On connaît le pillage matériel de l’Afrique, celui qui touche aux matières premières, source de guerres et de génocides sur le continent noir. Dans la logique du néocolonialisme, ce pillage est enté sur la manipulation culturelle et symbolique. L’usage des langues et l’endossement des représentations et visions du monde du colonisateur créent une disposition aliénante chez le colonisé – qu’il soit néo ou ancien.
25 juin 2008
Obama : Je (Fais un Rêve...) ne serai pas Président !
L'Amérique est Extraordinaire...
Pendant le discours à Saint-Paul (Minnesota) mardi soir. (Reuters)
Bush et Condoleezza Rice le félicitent d'être devenu le premier Noir d'un grand parti candidat à la Maison Blanche, signe que les Etats-Unis sont un pays «extraordinaire».
Je fais un rêve. Sur l'usage de la dénégation symbolique des rapports sociaux en politique. En ce qui concerne les Noirs en général et les Noirs américains en particulier. Pour tout Noir qui a un peu de jugeote et d'expérience dans le commerce avec les Blancs, on ne peut pas ne pas se rendre compte qu'il y a un
Lire la suite "Obama : Je (Fais un Rêve...) ne serai pas Président !" »
11 juin 2008
Les Racines d’Obama
Figures Politiques Noires d’envergure dans les Gouvernements des Etats-Unis
On voit émerger aujourd’hui la figure de Barack Obama qui est entré dans l’histoire comme le premier candidat Noir à être investi par un grand parti aux élections présidentielles aux Etats-Unis ; et de ce fait premier Noir à avoir une chance réelle de présider aux destinées de l’Amérique. Mais en matière de personnalités politiques d’origine historique africaine, élues ou ministres dans l’histoire politique des Etats-Unis, Barack Obama a derrière lui tout un vivier bien enraciné. Ces personnalités apparues au gré des enjeux politiques, sont des hommes et des femmes de très grand talent, souvent diplômés des grandes universités, impliqués d’une façon ou d’une autre dans la lutte pour l’égalité et les Droits civiques. Ils se recrutent dans les deux plus grands partis politiques américains, même s’ils sont plus nombreux chez les Démocrates que chez les Républicains. Cette présence des Noirs au sein du gouvernement ou des élus de la Nation est la traduction d’une prise en compte à la fois de l’effervescence politique de la communauté noire, en même temps du poids de celle-ci dans l’électorat, dans un contexte où l’égalité des droits civiques a évolué du stade primitif et violent de revendication pour devenir une réalité agissante. Dans cette pléiade d’hommes et de femmes illustres qui constituent le sol riche des devanciers où s’enracine aujourd’hui la figure de Barack Obama, on peut distinguer trois types de personnalités politiques. Il y a ceux qui ont atteint un niveau effectivement remarquable dans la vie politique nationale ; ceux qui ont une notoriété mondiale en raison du symbole qu’ils incarnent ou du record historique qu’a constitué leur promotion politique ; et enfin ceux qui ont une envergure internationale parce qu’ils occupent ou ont occupé des postes de premier plan dans la politique des Etats-Unis.
Quelques remarques sur ce bref passage en revue des Figures Politiques Noires d’envergure dans les Gouvernements des Etats-Unis. La première remarque concerne la définition et l’usage du terme de « Noir » Aux Etats-Unis, le politiquement correct a imposé de nos jours l’usage du mot « African American » à la place de Black, au moment même où en France un certain euphémisme branché mâtiné de dénégation préfère le même Black au mot Noir. Dans tous les cas, nous sommes loin de la vieille période du NAACP où le mot Negro faisait figure à la fois de repoussoir et de revendication d’une réalité sociopolitique aussi brûlante qu’indéniable.
La deuxième remarque touche à la culture et à la logique de stigmatisation raciale dans la vie politique. Comme le disait Toni Morrison, Prix Nobel de littérature, en Amérique on est d’abord Noir ou Blanc avant d’être Américain. Aux Etats-Unis le communautarisme fait partie de la culture sociale et politique. En ce qui concerne les Noirs, c’est sur sa base que s’applique la politique de discrimination positive. De celle-ci on peut dire tout ce qu’on veut, notamment faire la critique de ses effets pervers mais on ne peut pas nier qu’elle n’a pas eu un effet sur les chances de mobilité sociale de ses bénéficiaires, et contribué à lutter contre les mécanismes du racisme. En France par exemple pays anticommunautariste par culture et par raison il est aisé de constater que l’égalité sans distinction de race tant proclamée sert souvent concrètement à faire passer un Blanc avant un Noir, dans la mesure où ils sont égaux. En effet, si n = b pourquoi ne pas choisir b chaque fois qu’on le peut ? Cette façon de se représenter par la couleur ou la « race » est héritée de l’histoire violente de l’Amérique. La question de la présence et du nombre des Noirs aux Etats-Unis a été une question cruciale dans l’évolution du pays, comme celle de leur libération détermina la guerre de sécession.
Pour s’assurer d’une domination démographique blanche, les Oncles fondateurs de la Nation, moins glorieux que les Pères fondateurs, mais sans doute plus entreprenants, n’ont pas hésité à exercer un contrôle sur la démographie des Noirs. Au besoin en encourageant d’une façon ou d’une autre le retour des anciens ou descendants d'esclaves vers leur continent d’origine souvent sous de bons prétextes, tenus à bout de bras par des philanthropes plus ou moins manipulés ou plus ou moins de mauvaise foi. On a aussi manipulé avec astuce le radicalisme messianique de certains héros Noirs comme Marcus Garvey, partisans d’un retour romantique en terre africaine, à qui on n’a pas ménagé les moyens ou les incitations pour une contribution involontaire quoiqu’efficace à la réduction de la population noire. Parallèlement à cette réduction on encourageait l’immigration blanche ou proto-blanche d’Europe ou du Moyen-Orient. Sur le plan social, alors que l’esclavage était aboli, on avait ainsi créé les conditions d’une oppression raciale du Noir, cerné entre les survivances tenaces des brimades et injustices de tous ordres qui déterminent sa condition sociale de citoyen de seconde classe d’une part et la terreur haineuse d’organisations criminelles comme le Ku Klux Klan. Tout ceci a contribué à objectiver la culture du communautarisme, apparue alors comme un besoin social et une nécessité politique. La lutte pour l’émancipation, le progrès et l’égalité effectifs des droits en faveur des Noirs a été une lutte de longue haleine. Cette lutte est passée par des étapes successives. Et les figures politiques d’envergure que nous évoquons ici sont à la fois la traduction et le principe de cette lutte. L’identité noire a été pour elles un ressort et un facteur d’unité. Cette culture de la stigmatisation ou de la revendication de l’identité noire a une histoire. Et que l’on se dise Noir ou Texan, la revendication ou l’assignation d’une identité en politique n’est jamais naïve. Dans tous les cas la revendication ou l’assignation ne sont pas en soi négatives dès lors qu’elles n’aboutissent pas à une réduction. On peut revendiquer ou être assigné à une identité (noire ou texane) sans que cela ne porte atteinte en quoi que ce soit à la plénitude ouverte de son humanité. Au contraire, une revendication saine est une manière d’avoir les pieds sur terre, de savoir d’où on vient et ce qu’il nous en a coûté d’être là. Mais malgré ses aspects positifs, et sans doute en raison de son histoire, la culture communautariste américaine génère des effets pervers, et semble flirter avec l’essentialisme délirant de ses origines. De ce point de vue, tout se passe comme si la culture communautariste, en tout cas dans sa version américaine, bien loin d’éliminer le racisme en rapprochant les hommes ne fait que les séparer dans des barrières d’un autre temps. La preuve de l’ambigüité de la culture communautariste à l’américaine réside dans le rejet du métissage, et la fin de non-recevoir dont il fait l’objet dans l’imaginaire national. Toute chose qui consolide le vieux principe antinégrite du « one drop rule » en vigueur au début du XXe siècle et qui voulait que soit considérée comme noire toute personne qui a une goutte de sang noir.
Une chose est sûre, depuis le temps où John Mercer Langston, par son élection au poste de clerc municipal était devenu l’un des tout premiers noirs élu à un poste public jusqu’aujourd’hui où un américain de mère blanche et de père noir prend une sérieuse option pour présider aux destinées de l’Amérique, il est passé beaucoup d’eau sous les ponts du changement social, économique et mental. Certes les changements ont un aspect anachronique et illusoire parce qu’en terme de comparaison on opère volontiers de façon ponctuelle au détriment d'une démarche systémique. Se pose toujours la question des rapports entre la forme et le fond du changement. Par exemple avant de s’extasier sur le caractère historique de la possibilité aujourd’hui d’avoir un Président Noir aux Etats-Unis, comparée à une période où la chose serait impensable, il faudrait peut-être s’interroger sur la différence des enjeux et des représentations que concentre une telle fonction. Mais par rapport au symbole et à ses effets sur les mentalités, il va sans dire le progrès est évident.
Alan Blaisdell & Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
07 mai 2008
Pour en Finir avec le Mythe du Bénin Émergent
MADE in Bénin
5/5. Conclusion : Condition sine qua non de l'Émergence au Bénin
B. A.: Alors Professeur que faut-il pour que l’émergence du Bénin ne soit pas une simple illusion démagogique ?
C.B.O. : En attendant de voir des baleines émerger de l’océan sous-régional de la pauvreté, il faut que l’idée d’émergence ne soit pas une idée solitaire. Il faut qu’elle soit concertée, et portée par des pays voisins solidaires, dynamiques et ambitieux. Le Bénin seul ne peut pas être ni se vouloir une sorte d’exception à une règle de médiocrité économique, et sociopolitique. Il faut que de nouveaux pays frères entrent en même temps dans le même mouvement concerté. D’un point de vue politique, loin que ce soit, dans une logique nationale étriquée, un parti du genre FCBE qui porte cette ambition, nous devrions avoir sur le modèle des partis politiques qui font de leur vocation africaine un élément clé de leur identité, des partis Africains. Ainsi un peu comme le MADEP au Bénin et bien d’autres partis du continent qui affirment leur vocation africaine, on peut penser à un Mouvement Africain, pour la Démocratie et l’Emergence : MADE. La version béninoise d’un tel parti peut s’appeler MADE in Bénin, celle du Ghana, Made in Ghana, etc. En tout état de cause, il faut que nous soyons rejoints par d’autres nations régionales et africaines. Je pense à la Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigéria, bref à cette zone de coprospérité qu’on nous vante sur le papier mais qui semble être lettre morte. La volonté d’émergence doit animer la politique des pays de la CEDEAO ; c’est à ce niveau que l’ambition doit être portée sur ses fonds baptismaux. Pour l’instant, le seul pays d’Afrique noire qui peut servir de modèle au Bénin est l’Afrique du Sud. Le Nigeria qui de par sa population et ses ressources a tout pour jouer le rôle de la baleine n’est pas considéré comme un pays émergent. Or il serait presqu’improbable que le Bénin émerge avant le Nigeria ou même le Ghana.
B. A.: Donc, Professeur, parler d’émergence du Bénin dans l’état actuel des choses c’est un peu se moquer du monde...
C.B.O. : Disons que c’est une ambition politique louable, mais elle court le risque d’être purement démagogique et illusoire, c’est-à-dire sans contenu...
B. A.: Façon plus polie de dire la même chose ?...
C.B.O. : Je ne vous le fait pas dire...
B. A.: Professeur, merci pour ce long exposé, qui a permis d’éclairer la notion d’émergence, et de situer la place de notre pays par rapport à cette ambition. Merci de nous avoir consacré tout ce temps précieux...
C.B.O. : Oh, tout le plaisir est pour moi...
Binason Avèkes...
Article associé : La Profonde Musique des pays émergés
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
19 avril 2008
Pour en Finir avec le Mythe du Bénin Émergent
MADE in Bénin
IV. La Théorie de la nébuleuse Émergentiste
B. A.: Alors concrètement, Professeur, en quoi consiste l'approche typologique que vous préconisez, et qui selon vous est susceptible de faire découvrir plus qu’on nous a dit jusqu’à présent sur l’émergence ?
C.B.O. : Sur le point particulier que nous discutons, eh bien la considération de l’émergence en termes de modèle est une considération négative : il n’y a pas de modèle nous dit-on, soit. Mon point de vue est que cette négativité n’explique rien en soi, et ne donne pas le droit, comme le dirait Kant d’en faire quelque chose de transcendantal, c’est-à-dire quelque chose dont on peut a priori tirer de la connaissance. Or l’approche typologique, me paraît synthétique. D’abord parce qu’elle suppose une ouverture du monde et non pas son cloisonnement ou par isolement des nations, perçues comme des choses fermées et repliées sur elles-mêmes. Autrement dit l’approche que je suggère se base bien sur la morphologie très actuel d’un monde perçu comme un village planétaire. Ce qui nous rapproche plutôt d’une analyse sociologique ou même anthropologique. Alors de quoi s’agit-il ?
B. A.: Justement, j’allais vous le demander...
C.B.O. : Eh bien regardons d’un autre œil, la liste des pays émergents que nous avons cités plus haut, à savoir : l’Asie hors Japon : (Inde, Chine, Corée du Sud, Taïwan, Thaïlande, Philippines, Indonésie, Malaisie), l'Europe de l'Est ou, de manière plus restrictive, les pays d'Europe centrale et orientale (Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie), l'Amérique latine (Brésil, Argentine, Chili, Pérou, Colombie, Mexique, Venezuela), mais aussi la Russie, Israël, le Pakistan, la Jordanie, l'Égypte, le Maroc, la Turquie et l'Afrique du Sud.
Tableau 1 ; Pays, superficie et Population
Téléchargement emergencetableau_1.doc
On ne peut sous-estimer le lien existant entre démographie et économie. Si le marché est une réalité ouverte sur le monde, les marchés émergents sont caractérisés par un poids critique qui se présente sous des modalités variées. Cette variété lorsqu’elle est mal appréhendée peut conduire à sous-estimer le facteur démographique comme un des déterminants de l’émergence. En effet, dans une première approche purement démographique, on peut dire qu’il n’y a rien de commun entre l’Inde dont la population se chiffre en Milliard et des pays comme la Jordanie ou la Malaisie, peuplés seulement de quelques millions d’habitants. Or pour être pertinente, l’analyse démographique doit être croisée avec les réalités, historiques, géopolitiques, et culturelles. Le premier geste d’une telle analyse multifactorielle consiste à regrouper les pays émergents selon des niveaux de poids démographique. Suivant l’ordre de grandeur de la population, on peut former trois groupes de pays ; le premier groupe est celui constitué par les pays dont la population varie entre 1,5 milliards et 100 millions d’habitants ; ce groupe, représenté en bleu sur le tableau ci-dessous est composé des pays suivants : Chine, Inde, Indonésie, Brésil, Pakistan, Russie, et Mexique ; puis vient le groupe des pays dont le nombre d’habitants est compris entre 100 millions et 33 millions, en vert; enfin le dernier groupe est celui des pays dont la population est comprise entre 33 millions et 5 millions d’habitants, en jaune. Ce regroupement est conforme à ce que j’appelle « la théorie du banc » selon laquelle les pays émergents se constituent et interagissent réciproquement les uns avec les autres ainsi qu’avec les autres nations plus ou moins avancées du système économique du monde.
Tableau 2. Bancs et densité
Téléchargement emergencetableau_2.doc
B. A.: De quelle sorte de banc s’agit-il, Professeur ?
C.B.O. : Il s’agit d’une métaphore ichtyologique ; en clair je veux parler des bancs de poisson. Et pour rester cohérent avec cette image, je nomme « Baleines » les pays de la partie bleu, du tableau, « Thons » ceux de la partie verte et « Harengs » les pays de la partie jaune du tableau. La nécessité de vivre en banc va croissante du haut du tableau vers le bas. Ainsi si les baleines peuvent vivre seules, si les thons peuvent émerger en nombre restreint, les harengs eux pour émerger doivent vivre en banc.
B. A.: Mais Professeur, pensez-vous que le niveau démographique constitue un critère d’unité valable ?
C.B.O. : Votre question est pertinente. En effet, comme je l’ai souligné, si les baleines n’ont pas de contrainte d’unité, les harengs eux ne peuvent vivre qu’unis.
B. A.: Même si en l’occurrence, ils sont géographiquement, culturellement et historiquement hétéroclites ?
C.B.O. : Non bien sûr que non, la théorie du banc n’est pas rigide et en tant que telle elle a ses limites. En fait, la théorie du banc suggère dans un premier temps des types à la fois idéaux et abstraits. Elle montre l’existence d’une typologie des niveaux démographiques. Dans la réalité, la prise en compte de la contrainte démographique conduit à un mouvement régi par ce que j’appelle la « logique de nébuleuse émergentiste. »
B. A.: Qu’est-ce à dire ?
Eh bien cela veut dire que lorsque c’est nécessaire, comme chez les harengs et dans une moindre mesure chez les thons, les bancs se reconstituent. Cette reconstitution se fait autour d’une distribution stable de niveaux démographiques.
C.B.O. : Que voulez-vous dire par là, Professeur ?
En clair, cela veut dire que dans chaque nébuleuse, il y a au moins un représentant de chacun des trois niveaux démographiques : baleine, thon et hareng. Ainsi apparaît de nouveaux types fondés dans la réalité des nébuleuses émergentistes. Celles-ci sont au nombre de cinq ou six comme résumé dans les tableaux ci-dessous.:
Tableau 3. Nébuleuses émergentistes
Téléchargement emergencetableau_3.doc
Comme on le voit l’Afrique du sud, se retrouve seule dans sa catégorie. Du point de vue de la logique de la nébuleuse ainsi esquissée, on peut considérer que sa situation est critique. Bien sûr en tant que pays de la catégorie des thons, elle peut survivre malgré cette solitude relative. Mais, comme cela s’exquise déjà dans la région du centre et du Sud de l’Afrique, une nébuleuse peut se constituer autour d’elle avec de nouveaux pays qui caressent l’ambition d’émerger. Toutefois, faute d’une telle avancée décisive, le maintien dans cette catégorie et à plus forte raison la sortie par le haut vers la catégorie des pays avancés sont sujette à caution. L’image de la nébuleuse montre clairement l’effectivité des déterminations géographiques, démographiques, historiques et culturelles dans la consistance de l’ambition d’émergence. Cette articulation peut être systématisée dans une configuration qui s’appuie sur un schéma plus vaste où les éléments culturels et géographiques s’élargissent au niveau de toute une civilisation et de tout un continent ou une zone continentale large.
Cette vision élargie de l’émergence, est celle que j’appelle la Macronébuleuse émergentiste. Dans cet ordre d’idées, suivant la liste des pays émergents considérée ici, comme nous le montre les tableaux ci-dessous, nous pouvons constituer trois Macronébuleuses émergentistes qui sont : 1. Macronébuleuse Orientale ; 2. Macronébuleuse Euro-américaine ; 3. Macronébuleuse Eurafricaine
Tableau 4. Macronébuleuse émergentiste
Téléchargement emergencetableau_4.doc
Dans tous les cas, comme vous le voyez, dans l’état des choses, il apparaît que le Bénin, sauf miracle n’a pas sa place dans cette configuration...
Binason Avèkes
A suivre...
Article associé : La Profonde Musique des pays émergés
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
09 avril 2008
Pour en Finir avec le Mythe du Bénin Émergent
MADE in Bénin
III/5. Notion d'Émergence : Des Modèles au Types
Binason Avèkes : Professeur Cossi Bio Ossè, merci d’éclairer notre lanterne. Notre but est de comprendre ce que c’est que l’émergence, et de répondre à l’interrogation sur l’opportunité de l’envisager au Bénin, dans l’état actuel des choses. Tout d’abord, nous mettant dans le sillage de la Conférence de Strasbourg, il serait bon de situer le concept.
Lire la suite "Pour en Finir avec le Mythe du Bénin Émergent" »
08 avril 2008
Pour en Finir avec le Mythe du Bénin Émergent
MADE in Bénin
II/5. Notion d'Émergence : Du Pourquoi au Comment
Voilà donc en quel terme se pose la nécessité de l’examen de la notion d’émergence. Et pourquoi il est important de questionner le concept pour comprendre si sa mise en jeu ou en œuvre au Bénin dans le cadre du Changement initié par le
Lire la suite "Pour en Finir avec le Mythe du Bénin Émergent" »
07 avril 2008
Pour en Finir avec le Mythe du Bénin Émergent
MADE in Bénin
I/5. L'Émergence du Docteur-Président
L’émergence qui fait rage au Bénin actuellement est sujette à caution. Le premier regard se tourne vers son promoteur. Monsieur Yayi Boni. L’homme est apparu dans l’espace politique auréolé du titre de docteur. L’une des raisons de cette présentation est d’ordre dynamique. Dans le cadre
Lire la suite "Pour en Finir avec le Mythe du Bénin Émergent" »
24 mars 2008
Pourquoi les Béninois Snobent-ils Leurs Modèles ?
Jérôme Carlos et « Nos Modèles »
.
.
.
.
.«Quand on reconnaît le mérite de certains Béninois et qu’on distingue ceux-ci pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils font, c’est le Bénin tout entier qui est honoré » écrit Jérôme Carlos dans sa Chronique. Déjà le « on » pose problème. Et ce n’est pas par hasard que le chroniqueur avisé préfère ici ce "on " indéfini qui entretient le flou. Il n’est pas tout que nos « modèles » soient reconnus. Il faut aussi dire par qui, et quel est le mode de leur reconnaissance. Qui les a reconnus et pourquoi ?
Lire la suite "Pourquoi les Béninois Snobent-ils Leurs Modèles ? " »
31 janvier 2008
Chronique business
Sociologie de la Presse : Le Marché de la Critique Politique au Bénin.
Le paysage de la presse béninoise – papier et/ou électronique – est riche de nombreux titres. Une diversité qui a priori devrait rimer avec richesse et liberté d’expression. Si formellement la liberté est un acquis respecté par les politiques, en réalité, au vu de certaines pratiques des professionnels de la presse elle reste sujette à caution. La richesse quant à elle pose problème en raison du contenu thématique de l’information dominée par la monomanie du thème politique. Cette situation est à l'origine de la réduction des genres journalistiques, et de certaines pratiques douteuses qui caractérisent le fonctionnement de la presse béninoise. Des déviances acquises, parce que plus ou moins répandues et partagées sont devenues si évidentes qu'elles passent inaperçues et se donnent même pour la norme. Comment en est-on arrivé là ? Notre objectif ici est d'en rendre raison. Pour ce faire, il convient d'entrée de s'interroger sur l'origine de la monomanie du thème politique.
20 novembre 2007
L'Afrique Noire et l’Écriture.
Critique de la Raison Immédiate
En Afrique noire, suite à un déficit historique dans l'usage de l'écriture, l’oralité est revendiquée et encensée comme culture, mode de transmission de la mémoire, manière d’être et tempérament. Mais si elle a des avantages indéniables, cette valoriation de l'oralité ne saurait cacher ses faiblesses encore moins les avantages de l'écrit. Ecrire c’est représenter, analyser, conserver avec exactitude. Le manque d’écriture a un effet désastreux sur la mémoire africaine, sa conservation systématique et rigoureuse ainsi que sa transmission. L’écriture permet une distance analytique, une capacité de calculer, une habileté algébrique que n’a pas la parole. Or s’il n’y a pas de gène de l’oralité, il semble que l’instinct et la culture de l’oralité en Afrique ont un poids trop lourd, une prégnance trop agissante… Cette prégnance de la culture de l’oralité se révèle dans le dévolu que les Africains ont jeté sur les médias audiovisuels qui font appel à l'immédiat et l'émotion au détriment des médias écrits qui permettent le recul de l’analyse et un exercice de la réflexion. Parmi ces médias, l’un des plus en vogue, le téléphone portable est d'un usage qui s’est imposé à l’échelle globale. En Afrique, il a tôt fait de pallier à la carence des infrastructures d’Etat en matière de télécommunication. Très vite, il a été accessible à un nombre considérable de gens de toutes conditions, surtout dans les centres urbains. Cette appropriation et l’engouement qui le caractérise sont révélateurs de la prépondérance de la culture de l’oralité en Afrique. Mais si le téléphone portable est un outil de communication pratique, il reste que, à l’instar de la domination moderne des médias audiovisuels, son développement au détriment des média écrits n’est pas la chose la mieux indiquée pour un continent où le déficit en réflexion est d’abord et avant tout un déficit en écriture. |
Mots-clef : Oralité/Hampaté/Portable/Réflexion/Ecriture/Alphabétisation. |
L’Écriture n’a pas pignon sur rue en Afrique. Ce constat historique et factuel est aussi actuel. Il est l’une des sources du retard socioéconomique de l’Afrique aujourd’hui. Mais en même temps, son pendant, la valorisation de la parole, est exploité à fond par les industries audiovisuelles qui y trouvent tout leur intérêt. L’actualité en fournit des exemples. Le téléphone portable et l’engouement qu’il suscite chez ses usagers africains sont une actualisation de la même culture de la parole. La considération de cet usage dans les milieux urbains de l’Afrique est à faire à part. Mais ce qui est intéressant c’est la possibilité de comparaison culturelle directe qu’offre une grande ville cosmopolite comme Paris, où toutes les origines ethniques sont bien représentées. En ce qui concerne l’usage du téléphone portable, le constat qui saute aux yeux à Paris c’est l’engouement que suscite cet objet chez les usagers d’origine africaine. Cet engouement se caractérise par le recours permanent, une fixation, l’utilisation à tout propos, l’indifférence marquée au dérangement dans les lieux publics, le brandissement de l’objet comme un signe extérieur de connectivité sociale, un gadget, ou un jouet émotionnel, bref une certaine frénésie. Toutes dérives qui sont certes propres à l’usage du téléphone portable mais qui chez les Africains sont très marquées et peuvent atteindre un niveau de frénésie inégalé. Ainsi, comme on peut le constater au quotidien, sans que cela fasse l’objet d’une étude sérieuse, les gens d’origine chinoise font un usage moins fréquent et moins tapageur du téléphone portable que les Blancs qui en font moins que les Arabes. Evidemment tout ne s’explique pas par le seul fait que les Africains ont la parole pour ne pas dire le bavardage dans le sang. Des raisons sociologiques président à cette prédilection spécifique des Noirs pour le téléphone portable. Cette sociologie peut se décliner à deux niveaux. Tout d’abord, elle ressortit de la sociologie de l’usage du téléphone portable. Un constat empirique permet de voir que l’usage intempestif du téléphone portable est sociologiquement déterminé ; et que de mesuré au sein des classes supérieures ou intellectuelles, il tend vers une modalité frénétique dans les classes populaires ou ordinaires. Encore qu’une telle affirmation qui relève d’un constat empirique doive prendre en compte certains biais comme la différence sociologique de la visibilité sociale des usages. Les riches et les pauvres n’ayant pas la même approche et les mêmes fréquences de l’usage des espaces urbains, etc. Le second niveau d’interprétation de cet usage spécifique du téléphone portable par les Noirs est anthropologique. Il prend en compte la condition d’immigrés de cette population, sa précarité sociale, ses difficultés de logement, l’écartèlement social, le fait que le téléphone portable offrait pour nombre d’entre eux sans domicile personnel l’insigne occasion d’être joints ou de téléphoner par soi. Et il est vrai que de ce point de vue, le mode frénétique d’usage peut correspondre à une volonté de déni de la discontinuité territoriale qu’impose les conditions de vie de l’immigré Africain (Les Noirs étant paradoxalement le groupe ethnique le moins territorialement regroupé dans le tissu urbain, le plus communautairement dispatché)
Enfin, à mi-chemin entre les vues sociologiques et anthropologiques, il y a l’effet performatif ravageur de ce qu’une certaine pensée raciste s’est crue autorisée à promouvoir dans les médias et la publicité comme la disposition innée du Noir à la parole sinon au bavardage. Ainsi, au même titre que l’image du guépard peut servir de support dans la publicité d’une voiture de course, on a construit de toute pièce l’image du Noir super-usager du téléphone portable avec lequel il entretiendrait un rapport à la fois inné et privilégié. Un rapport qui lui colle à la peau. Cette construction publicitaire raciste se donne à voir aussi comme une concession faite au Noir dont les rares utilisations de l’image dans la grammaire publicitaire occidentale ne sont jamais laissées au hasard ; apparitions qui sous couleur d’intégration, restent hantée par une stigmatisation ethnocentriste sournoise mais qui n’a rien à envier aux campagnes anciennes, style « Y’ A BON BANANIA ». L’intériorisation de la valorisation illusoire créée par la publicité ; le sentiment d’être dans un rôle socialement reconnu ; la réponse non réfléchie à un conditionnement ; le fait d’assumer une identité comportementale définie, bref tous ces effets conjugués peuvent rendre raison de l’engouement des Noirs pour le téléphone portable et l’usage frénétique qu’une certaine classe sociale de ce groupe est portée à en faire au quotidien en Région parisienne.
Cela étant dit, force est de reconnaître que l’engouement des Noirs pour le téléphone portable tel qu’on peut le constater empiriquement dans les espaces urbains de la Région parisienne renvoie à deux attitudes complémentaires des Africains à l’égard de la parole ou de sa représentation. La première attitude est celle qui est valorisée sous le signe de la culture de l’oralité ; et l’autre en est l’exact opposé, à savoir l’indigence graphique du continent Africain. Certes il fut une époque où le discours ethnologique fonctionnaliste d’obédience coloniale faisait grief à l’Afrique de n’avoir pas connu ou utilisé l’écriture ; et expliquait son retard et ses difficultés par ce qu’il tenait pour une tare irrémédiable ou qui donnait raison au programme colonial alors considéré comme civilisateur et rédempteur. Dans cette posture idéologique, l’aventure de l’écriture en terre africaine était sous-estimée, méprisée et scindée.
En dehors de l’apport du monde arabe, et encore plus anciennement d’une Égypte totalement désafricanisée, l’Afrique noire était perçue comme un espace vide d’écriture et pleine de parole. Cette perception négative, suivant en cela les progrès de l’ethnologie et son adaptation politique, a trouvé une compensation commode et peut-être même une légitimation positive dans l’encensement de la culture de l’oralité. D’entièrement négative, la thématique du vide d’écriture en Afrique noire en rapport avec sa capacité intellectuelle et culturelle s’élargit dans la découverte extasiée et la reconnaissance des vertus de la parole. Ainsi les propos de l’un des chantres africains de cette reconnaissance éclairent-t-ils d’un jour nouveau le regard qu’il convenait de porter désormais sur la culture africaine et son rapport à la parole : « Les peuples de race noire n'étant pas des peuples d'écriture ont développé l'art de la parole d'une manière toute spéciale. Pour n'être pas écrite, leur littérature n'en est pas moins belle. Combien de poèmes, d'épopées, de récits historiques et chevaleresques, de contes didactiques, de mythes et de légendes au verbe admirable se sont ainsi transmis à travers les siècles, fidèlement portés par la mémoire prodigieuse des hommes de l'oralité, passionnément épris de beau langage et presque tous poètes ... »
Mais cette reconnaissance devenue presqu’un mythe se plait à passer à côté d’une problématique de fond qui est celle des limites épistémologiques de l’usage exclusive de la parole comme mode de représentation. « Quand un vieillard meurt en Afrique nous rappelle le sage, c’est tout une bibliothèque qui brûle » Cette vérité est à la fois analytique et circulaire. Elle met en garde contre le jugement selon lequel le savoir véritable serait livresque – mise en garde salutaire – mais en même temps, elle se clôt sur elle-même dans une vision folklorique du savoir. La magie du verbe peut véhiculer jusqu’à nous la beauté des épopées, des contes et des mythes des temps anciens, mais cette magie de la mémoire se confond-elle avec l’exactitude, l’objectivité et la richesse des faits historiques ? A-t-elle le pouvoir analytique et euristique que l’écriture confère à la science ? La réponse est non. Certes le vide d’écriture n’est pas le vide de culture ; les cultures sans écriture ont élaboré des formes autonomes de relai de la mémoire qu’ont perdues ou ne connaissent pas les cultures dotées d’écriture. Mais il va de soi que la découverte et l’utilisation active de l’écriture dans les sociétés humaines constituent une rupture épistémologique aussi bien dans la transmission de la mémoire que dans la représentation de la pensée, son développement et sa maîtrise. Et le danger ou l’erreur comme toujours dans ce genre de considérations interculturelles et politiques a été de basculer d’un excès à l’autre, du mépris ethnocentriste triomphant à la ruse d’un relativisme culturel passablement hypocrite.
Certes quand on considère les choses d’un point de vue poétique ou dans les conditions d’une efficacité rhétorique on peut dire que « La parole vole comme un oiseau, jaillit comme une flamme, elle est présence, instantanéité, fulgurance, elle persuade et elle agit, elle convainc ou suscite la contradiction, l’éveil ou le dialogue. » ; et se demander « comment l’écriture pourrait-elle enfermer le feu volatil, éphémère et vivant de la parole ? N’intervient-elle pas toujours avec un temps de retard ? Ne repose-t-elle pas sur l’absence de celui qui parle ? » Ce point de vue aboutit au constat que « l’écriture est un médium « froid », son pouvoir d’émotion et de transformation semble faible au regard de la puissance créatrice de la Parole »
La parole pourrait bien être, selon la formule d’Anne-Marie Christin, « le tourment de l’écriture » mais d’un point de vue épistémologique l’expérience historique montre que la culture écrite est supérieure à la culture orale. Toutes les civilisations dominantes depuis des siècles sont des civilisations enracinées dans une solide culture d’écriture. Mais une culture ne doit pas privilégier une forme au détriment de l’autre. L’écriture en effet possède des vertus de conservation, de restitution, et de transmission précise de la mémoire ; elle a un pouvoir d’analyse et une capacité de recul objectif vis-à-vis des phénomènes physiques et psychologiques, toutes choses qui caractérisent faiblement ou font défaut à l’oralité.
Dès lors, dans la perspective de progrès qui incombe à l’Afrique aujourd’hui, le véritable débat ne se situe pas au niveau de la défense et illustration de l’oralité ni même dans la valorisation nostalgique d’une identité culturelle asservie au mythe de la parole magique. Il se situe au niveau des voies et moyens pour combler le retard africain en matière d’usage actif et généralisé de l’écriture. Fini le temps où le savant africain pouvait se suffire d’être « diplômé de la grande université de la Parole enseignée à l’ombre des baobabs. »
Malheureusement l’environnement technologique, économique et mondial actuel ne favorise pas cette prise de conscience qui doit être aussi une prise à cœur de l’urgence d’une mutation des rapports de l’Afrique avec la pratique de l’écriture. Les grandes avancées dans le domaine médiatique et technologique ont consacré la domination des média audiovisuels au détriment de ceux qui sont basés sur l’utilisation de l’écriture. La télévision et le téléphone portable ou non constituent un raccourci commode de véhicule des échanges socioculturels à la place de la lettre, du livre ou du journal imprimés. Or tout le monde sait combien les uns invitent à se vautrer dans le culte de l’immédiat et de l’émotion reine, là où les autres font plus appel à la réflexion, au recul et à l’analyse. Si bien que, comme s’il existait une fatalité liguée contre son décollage, encore une fois l’Afrique est induite à l’heure actuelle dans des choix, des pratiques et une valorisation contraires aux conditions sine qua non de sa mutation, de son développement. Cette tromperie se pare des dehors du progrès, comparé de façon superficielle aux données antérieures. Et pour mieux convaincre de son caractère naturel elle essaie de faire passer pour une justification du bien fondé de la culture de l’oralité ce qui n’est en fait que le triste retour en force de la sous-culture médiatique de l’immédiat, la domination de l’ouïe et la vue, jouissance compulsionnelle prise en charge et tarifée par les industries de l’audiovisuel. Elle essaie de faire passer en contrebande les tendances régressives de la modernité, et l’Afrique se plaie à lui jouer le rôle de faire valoir naturel.
C’est ainsi qu’il faut comprendre l’intérêt que la publicité du téléphone portable en Occident accorde à la visibilité du Noir, en tant qu'esclave de la parole là où le Blanc s’arroge et conserve le rôle éternel de maître à penser. Or cette manipulation pourrait ne pas réserver que de la joie de vivre au quotidien que procure l’usage du téléphone portable. Outre le fait qu’elle réinstalle l’Afrique dans le mythe lénifiant de la parole reine au détriment de la valorisation nécessaire de l’écriture, elle pourrait déboucher sur un fléau ou sur la justification a posteriori de certains préjugés racistes. En effet, au regard du dévolu jeté sur ces médias audiovisuels de masse dont la gestion est prise en charge par des sociétés capitalistes privées, et de la manie collective des usages qu’il suscite, une simple corrélation de l’usage du téléphone portable avec la probabilité de survenue d’une affection quelconque du cerveau serait calamiteuse en Afrique ou parmi les populations noires. Or la probabilité d’une telle corrélation n’est pas nulle, même si elle est méprisée ou déniée actuellement au profit des milliards que génère le marché porteur du téléphone portable. Le cas échéant, comme le montre le drame de l’épidémie du sida, l’Afrique sera laissée seule face à son destin.
En Afrique noire, dans un contexte historique marqué par le déficit d'écriture, l’oralité est revendiquée comme culture, mode de transmission de la mémoire, manière d’être et tempérament. Mais s'il identifie la sortie de l'état de nature, l'art de la parole n'assure pas la maîtrise de l'état de culture ; celui-ci s'affirme avec l'usage de l'écriture. La valoriation de l'oralité ne saurait donc cacher la primauté de l'écrit. Ecrire c’est représenter, analyser, conserver avec exactitude. Du point de vue de la logique de la connaissance, le paradigme de l'oralité est le discours magique ou triomphent le verbe, l'incantation, et le culte de l'immédiat. A l'opposé se trouve le paradigme de la rationalité scientifique où dominent l'analyse, le recul et le calcul. Or s’il n’y a pas de gène de l’oralité, il semble que l’instinct et la culture de l’oralité en Afrique ont un poids trop lourd, une prégnance trop agissante… Cette prégnance de la culture de l’oralité est aggravée par les problèmes économiques et politiques de l'Afrique qui rendent difficile la mise en oeuvre d'actions hardies d'alphabétisation, clé de voûte de l'instauration d'une culture dynamique de l'écriture. Cette situation explique le dévolu que les Africains ont jeté sur les médias audiovisuels qui font appel à l'immédiat et l'émotion au détriment des médias écrits qui permettent le recul de l’analyse et un exercice de la réflexion. Parmi ces médias, le téléphone portable est d'un usage global. En Afrique, il a tôt fait de pallier à la carence des infrastructures d’Etat en matière de télécommunication. Très vite, il a été accessible à un nombre considérable de gens de toutes conditions, surtout dans les centres urbains. Cette appropriation et l’engouement qui le caractérise sont révélateurs de la prépondérance de la culture de l’oralité en Afrique. Mais si le téléphone portable est un outil de communication pratique, il reste que, à l’instar de la domination des médias audiovisuels, son développement au détriment des média écrits n’est pas la chose la mieux indiquée pour un continent où les déficits multiples ont tous un dénominateur commun : le déficit en écriture.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
18 novembre 2007
Conseil des Ministres : En Attendant le Vote des Bêtes Sauvages
Le Nord et le Sud : le Changement saute aux yeux.
Naguère, compte tenu du fait qu’il y a un plus grand nombre de Béninois connotés « du Sud » que de Béninois connotés « du Nord » ; et compte tenu des conditions socio-historiques qui déterminent les recrutements et nominations administratifs au Bénin, c’étaient les « Nordiques » qui servaient de caution à une logique d’hégémonie ethnique du sud – logique servie par (et inscrite dans) la réalité sociohistorique du Bénin. Maintenant, sans que la réalité qui la sous-tend ait varié d’un iota, cette logique s'inverse sans crier gare : ce sont les Béninois connotés sudistes qui servent de caution à une logique qui n’est pas seulement de discrimination positive, mais d’un positionnement décomplexé dans de ce qu’on peut appeler la « présence nordique » dans la vie politico-administrative du Bénin.
Entre autres exemples, les nominations du dernier Conseil des Ministres en font foi ; pour autant que les patronymes puissent être considérés comme des indicateurs valables de l’origine ethnique, religieuse et géographique des individus. Certes, une femme peut être connotée d’un lieu et en même temps être l’épouse d’un homme connoté du lieu « opposé ». Sans perdre de vue aussi que certaines localités Nord des collines sont volontiers connotées Nord plutôt que Sud. C’est dire que si le régionalisme à connotation religieuse perdure chez nous, le marqueur choisi est trop sommaire pour donner lieu à une répartition univoque. Pour autant le critère patronymique, malgré son imperfection et la diversité des situations biographiques qu'elle recouvre, reste pertinent pour notre propos.
Jugez en plutôt dans ce compte rendu où les nominations- cautions sont en bleu et petits caractères, et les preuves de la tendance invoquée sont en rouge.
« Enfin, les nominations suivantes ont été prononcées :
Au Ministère des Affaires Etrangères, de l’Intégration Africaine, de la Francophonie et des Béninois de l’Extérieur
Sur proposition du Ministre :
Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Bénin près le Canada : Monsieur Honoré Théodore AHIMAKIN
Au Ministère de la Famille et de l’Enfant
Sur proposition du Ministre
Directeur de Cabinet : Monsieur Chabi Toko Barogui
Directeur Adjoint de Cabinet : Monsieur Jean-Baptiste Dégbey
Conseiller technique aux Affaires Sociales : Madame Antoinette Lawin Orè
Conseiller technique au Développement des Initiatives de Base : Monsieur Orou Pibou Sanni
Conseiller technique au Genre et Développement : Madame Fouléra Tafa Gaba
Conseiller technique Juridique : Monsieur Ali Moumouni Bawa N’gobi
Conseiller technique à la Mobilisation : Madame Pascaline Gblagada
Directeur des Ressources Financières et du Matériel : Monsieur Karim Boni Biao
Inspecteur Général du Ministère : Monsieur Antoine Avikpo
Directrice des Ressources Humaines : Madame Lamatou Nassirou
Directeur de la Protection Sociale et de la Solidarité : Monsieur Cha-Toko Narou N’gobi
Directeur de l’observatoire de la Famille, de la Femme et de l’Enfant : Monsieur Zakari Imorou
Directrice de la Réadaptation et de l’Intégration des Personnes Handicapées : Madame Albertine Vignon
Directrice de la Famille : Madame Raliatou Akpado Epouse Adimi
Directrice de la Promotion de la Femme et du Genre : Madame Cathérine Agossouvo
Directeur de l’Enfance et de l’Adolescence : Monsieur Olivier Adjaï Houngbédji
Directrice du Fonds d’Appui à la Solidarité : Madame Christine Atchadé épouse Konaté
Directeur du Fonds d’Appui aux Initiatives de Base : Monsieur Soumaïla Petoni Koda Issifou
Directeur Départ. de la Famille et de l’Enfant de l’Atacora-Donga : Monsieur Sanni Orou Yérima
Directrice Départementale de la Famille et de l’Enfant de l’Atlantique- Littoral : Madame Antoinette Houedete
Directeur Départemental de la Famille et de l’Enfant du Mono-Couffo : Monsieur Félicien Sotomé
Directrice Départementale de la Famille et de l’Enfant de l’Ouémé- Plateau : Madame Mariam Mamoudou, épouse Dara
Directeur Départemental de la Famille et de l’Enfant du Zou-Collines : Monsieur Mathias Ezin Toni
Directrice Départementale de la Famille et de l’Enfant du Borgou-Alibori : Madame Hortense Chabi Offin.
Cotonou, le 14 novembre 2007
Au total sur 25 nominations 10 peuvent être connotées d’origine sud, soit 40% et 13 connotées d’origine nord, soit 52%, tandis que 2, soit 8 % sont simplement équivoques. Dans le même temps, il est curieux de constater que la parité homme femme est strictement respectée, puisque sur les 25 nominations 13 concernent des hommes et 12 des femmes. Cette parité sexuelle qui fait violence à la réalité sociologique nationale peut être interprétée comme la traduction d’une volonté mais aussi d'un usage politiques. A contrario la disparité stigmatisée ici ne saurait être interprétée autrement. Quoi qu’il en soit, la nomination d’un serviteur de l’Etat d’origine connotée nord ne peut plus être considérée comme ayant la fonction de caution. Dans les conditions du rapport démographique entre le Nord et le Sud, à n’en juger que par ces nominations, c’est plutôt la présence du sud qui sert de caution à cette volonté politique.
Entre discrimination positive et bonne volonté ethnique, le Changement saute aux yeux ! En attendant la fin de la vie chère, du délestage, de la corruption, de la misère chronique des Béninois de tous horizons, en attendant le pétrole qui fera de nous le Koweit du Golfe du Bénin, bref en attendant l'émergence promise, voilà au moins quelque chose de changé...
En vérité le problème posé ici n'est pas celui des distinctions bizantines entre Nord et Sud, Ouest et Est, toutes choses qui participent de la cuisine infecte du régionalisme dont les odeurs et les saveurs suranées continuent de marquer la vie politique en Afrique. Au-delà de la dénonciation du régionalisme méthodique et de l'acharnement clientéliste, il sied de rappeler qu'au sein de nos nations fragiles la bonne volonté ethnique constitue une véritable boîte de Pandore. L'alchimie régionaliste et les signaux ethniques sont incompatibles avec la promotion des compétences universelles et de l'excellence citoyenne. Il nous faut donc rester vigilants. Au risque d'être politiquement incorrect, il n’est jamais trop tôt de mettre à nu des logiques d’inspiration vicieuse qui se parent de bonnes intentions. A terme, le clientélisme forcené est partisan du vote des bêtes sauvages¹... Ce qui est une perversion de la démocratie. Souvenons-nous que c'est en jouant avec un concept, au départ anodin, pour soi-disant corriger le déficit de fierté nationale et de patriotisme de l'Ivoirien que la Côte d’Ivoire, est tombée dans l'abîme où elle se trouve depuis quatre ans déjà ! Dans le cas ivoirien la doctrine vicieuse avait ses théoriciens et ses hérauts. Au Bénin, ce n’est pas parce qu’elle agit de manière subtile et sans crier gare qu’elle n’est pas tout aussi dangereuse.
Binason Avèkes.
¹ En attendant le Vote des Bêtes Sauvages, Ahmadou Kourouma, Paris, Seuil, 1998
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
22 octobre 2007
Le Bôgbé ou incantation magique
Dans la culture béninoise, les langues et les pratiques magico-religieuses s’articulent autour du principe de bôgbé ou incantation magique. Le bôgbé est une clause rhétorique qui met en jeu des principes psychologiques et épistémologiques arcboutés sur le présupposé du pouvoir agissant du verbe. La culture du bôgbé soumet la réalité à l’ordre de la volonté du sujet dont la parole est le véhicule. Pour autant, cette parole n’est pas n’importe laquelle ; il faut que de par l’évidence des liaisons qu’elle met en jeu, elle atteste de sa légitimité naturelle et sociale. Le bôgbé est donc à la fois un fait de langage et un fait de croyance ; il est intimement enraciné dans les structures symboliques de notre société. Un tel enracinement a une influence non-négligeable sur les consciences individuelles et sur l’imaginaire collectif. A l’instar de certaines techniques propres aux pratiques religieuses, le bôgbé joue un rôle positif dans la régulation des affects, et influe sur l’état d’esprit de leurs usagers. Si le réel est rationnel l’irrationnel est aussi réel. Le bôgbé, en tant que fait de croyance, a donc son côté bénéfique. Mais le bôgbé, dans la mesure où il instaure un impensé social de l’incantation n’a pas que des avantages. Si elle devient le mode paradigmatique de la pensée sociale, la culture magico-religieuse du bôgbé peut dégénérer vers une valorisation tous azimuts de la pensée incantatoire. C’est le cas de la mentalité sociale béninoise où les effets induits de la culture de l’incantation court-circuitent la dynamique des interactions sociales. Au Bénin, l’aveuglement sur soi inhérent à la culture du bôgbé enferme les acteurs dans des certitudes délirantes mâtinées de cynisme qui travestissent les règles du jeu de l’économie des échanges sociaux. Des individus ou des groupes sociaux restreints n’hésitant pas à confondre leur volonté avec la volonté générale, agissent en dépit du bon sens social et tiennent pour vrais ou fondés des faits ou des actes dont ils sont les seuls garants de la légitimité. Cet aveuglement génère d’autres cultures comme celles de l’individualisme, du tchédjinanbisme, de la béninoiserie, du mépris de soi et du sentiment national. Toutes ces cultures dérivées constituent autant de vices sociaux qui affectent la dynamique sociale, l’imaginaire collectif et pèsent sur l’émergence d’un esprit social sain tourné vers le progrès. |
Dans la culture béninoise, les langues et les pratiques magico-religieuses s’articulent autour du principe de bôgbé ou incantation magique. Le bôgbé est une clause rhétorique qui met en jeu des principes psychologiques et épistémologiques de la sympathie, de l’induction, de l’analogie, et de l’inférence implicite arcboutés sur le présupposé du pouvoir agissant du verbe. La culture du bôgbé fait une part prépondérante à la volonté du sujet, en vertu de laquelle son pouvoir ou celui des instances
12 octobre 2007
L’Art de Bénin et l’Art du Bénin
L’art Bini est à l’honneur au Quai Branly à Paris. A peine la nouvelle a-t-elle été portée au public que, comme c’est toujours le cas, certains parmi nous, frétillant de joie s’en sont fait l’écho sans demander leur reste et, incontinents, ont commencé à emboucher la trompette
01 octobre 2007
Les Hémorragies Africaines
Causerie sur les Parallèles et Différences dans les Fléaux Africains et leurs Solutions.
Allant chercher mon fils scolarisé dans une école sise non loin des Champs Elysées à Paris, dans la rue Marbœuf, en passant devant un café, je tombe sur deux jeunes hommes noirs, bien beaux en conversation avec un Blanc qui, avec ses manières de Charlus, semblait être à la Recherche de quelque chose de perdu. Ces folles ne sont pas rares dans ce quartier de riches qui semble en abriter un grand nombre au mètre carré. A croire que l’inversion fait bon ménage avec l’appartenance à la classe des nantis. Comme s’ils étaient employés par l’établissement, les deux Noirs se tenaient sur le seuil du café dont ils barraient l’entrée, dominant de leur grande taille le Blanc court sur pied quoique un peu corpulent qui était à un niveau plus bas sur le trottoir. Les compères avaient l’air de bien se connaître et se parlaient sur un ton badin. Le Blanc était juste en face du « corps beau » et le mieux vêtu ; celui-ci portait une veste noire qui montrait sa chemise blanche ouverte sur sa poitrine musclée. L’autre Noir était svelte, et dans un accoutrement quelconque. Il se fendait la poire sans arrêt de ce que disait le Blanc comme dans ces sitcoms où la fonction du rire fait partie de l’effet comique lui-même. En l’occurrence, on eût dit que, moqueur, son rire avait pour fonction d’euphémiser l’obscénité des propositions de leur client audacieux. Lorsque, après avoir suivi la scène de loin, j’arrivai à leur hauteur, le Banc disait à son vis-à-vis : « On vous invitera un de ces soirs à dîner, et vous pourrez passer la nuit… » et ce disant, il caressait sans complexe et avec douceur la poitrine nue du Noir, comme s’il se fût agi du dos d’un chien. Le Noir engrangeait les caresses avec une indifférente passivité bien assumée.
05 septembre 2007
Cool, l'Afrique, Circulez, il n’y a Rien à Suicider !
Pourquoi les Hommes Politiques Africains ne se Suicident Jamais ?
Le 28 mai 2007 Monsieur Toshikatsu Matsuoka, 62 ans, Ministre japonais de l'Agriculture, de la Forêt et de la Pêche, s'est donné la mort par pendaison, quelques heures avant son audition par une commission parlementaire enquêtant sur un scandale financier auquel il était mêlé.
Lire la suite "Cool, l'Afrique, Circulez, il n’y a Rien à Suicider ! " »
21 août 2007
Indépendance Tchatcha... Eclipse Totale
De la lune de l’Autonomie par le Soleil de l’indépendance
.
La colonisation aussi cruel qu’a été son règne a à son actif directement ou indirectement quelques aspects positifs. Si les discours qui ont eu tendance à la faire paraitre comme une civilisation relèvent d’un mythe judéo-chrétien, on ne peut pas nier qu’à son corps défendant, la colonisation a induit tout un pan de positivité humaniste qui a culminé dans l’idée d’autonomie non pas tant au sens politique qu’au sens d’organisation autonome de la vie ; de la capacitation à s’insérer dans la marche mondiale du progrès humain.
07 août 2007
Hubert MAGA : Président Arbitre du DAHOMEY
Pourquoi Hubert Maga, contre toute attente, est-il devenu le 1er Président du Dahomey ?
.
Pour répondre à cette question, il convient d’abord de rappeler en quelques mots les réalités sociologiques et les mœurs politiques dont les lois ont été apparemment ignorées ou battues en brèche par cette élection. Ces réalités sont démographiques et économiques. Le Sud est plus peuplé que le Nord, à l’époque il abritait aussi les infrastructures socioéconomiques les plus importantes du pays. Quant aux mœurs politiques,
Lire la suite "Hubert MAGA : Président Arbitre du DAHOMEY" »
24 juillet 2007
Plein feu sur nos auteurs : Aidez-nous à recueillir les Info Bio-Biblio
APPEL A CONTRIBUTION
.
Il est utile que le Béninois, jeune ou moins jeune puisse se faire une idée des idées de ses devanciers écrivains et de qui ils sont ; au-delà, toute personne intéressée par les oeuvres de pensée, doit pouvoir découvrir les écrivains Béninois et leurs oeuvres. Cette découverte permettra aux uns et aux autres de situer les auteurs et les oeuvres dans leur diversité, dans leur originalité mais aussi dans leur unité. Ainsi, au lieu de faire comme si rien n'a été pensé, on peut facilement et utilement continuer de tresser la nouvelle corde sur l'ancienne. Cette démarche de mise en regard et en forme n'est pas nouvelle ; elle a été déjà abordée, entre autre, par le travail remarquable autour de l'exposition LE BENIN LITTERAIRE 1980-1999 sous l'égide de M. Guy Ossito MIDIOHOUAN en sa qualité de Président de l'AEGLB. Comme le rappelait alors Monsieur MIDIOHOUAN, l'objectif du présent appel reste certes de "contribuer à remédier à cette situation paradoxale qui consiste, pour la partie la plus importante et la plus significative de la littérature béninoise d'expression française contemporaine à végéter dans l'ombre" ; mais aussi de situer historiquement les oeuvres et leurs auteurs de façon à rendre vivante l'unité de leur diversité.
Avec internet, une telle contribution est faisable et peut prendre forme rapidement. Nous présentons ci-dessous une liste d'auteurs béninois (non exhaustive et qui s'enrichira au fur et à mesure). Chaque auteur ou, le cas échéant, toute personne susceptible de renseigner sur sa vie et son oeuvre, est vivement prié d'en faire part ; soit en cliquant sur le lien " écrivez-moi" dans la marge de droite de la page d'acceuil ; soit en commentaire de la présente note. Les formalités d'insertion de commentaires sont relativement simples et ne demandent pas beaucoup de temps. Merci de bien vouloir les suivre à la fin de la note.
La connaissance de nos écrivains d'hier et d'aujourd'hui est une mine de savoirs sur nous ; elle peut nous donner des clés du présent et de l'avenir. Ensemble, de nos doigts, contribuons à boucher les trous de la jarre de cette connaissance !
Merci!
Binason Avèkes.
LISTE DES AUTEURS |
ABEHIKIN, Laurent Mama
ACHODE, Codjo S.
ACOGNY, Togoun Servais
....
Lire la suite "Plein feu sur nos auteurs : Aidez-nous à recueillir les Info Bio-Biblio" »
23 juillet 2007
Repères culturels du Bénin -2
L’éducation dans les couvents vodous au Bénin
Par Adjignon Débora Gladys HOUNKPE
.
Cet article met en exergue la problématique de l’éducation au Bénin : l’éducation
religieuse et traditionnelle dispensée dans les couvents vodous, ainsi que l’éducation moderne à travers l’école. Cette analyse souligne l’inadaptation culturelle de l’école et le caractère hermétique que revêt la socialisation dans ces couvents. Malgré les dysfonctionnements de chacun de ces systèmes éducatifs, la société béninoise favorise l’école, sans pour autant renoncer complètement à l’éducation, ainsi qu’aux pratiques qui caractérisent les couvents vodous.
Introduction
Dans la culture traditionnelle béninoise, il existe des endroits clos, les Hounkpamin1, où sont formés les adeptes des vodous. Il s’agit de sociétés secrètes dont les membres sont liés par la croyance en des divinités. En langue française, ces lieux d’internat s’appellent des couvents vodous, sortes de temples où vivent et sont initiés les futurs prêtres vodous.
21 juillet 2007
Repères culturels du Bénin -1
Le Vodoun en débat
En ces temps de festivals ou de rencontres culturelles nationales et internationales, le vodoun -- ou quelque nom qu'on lui donne ailleurs -- qui est au coeur de la culture des pays du Golfe du Bénin, est plus que jamais d'actualité. En dehors des travaux parcellaires et parfois partiaux des ethnologues sur les divers aspects de la pensée vodoun, la connaissance des divinités, des rites et rituels, leurs rapports avec les saisons et la raison sociopolitique, il reste que la réflexion de fond sur le vodoun par nous autres héritiers des temps modernes qui devons assumer des exigences politiques et éthiques nouvelles reste en chantier. Des efforts dans ce sens sont faits par des penseurs africains ; c'est dans ce sillage que se situe la publication en 1992 du Sillon Noir, qui sous le titre LE VODUN EN DEBAT, nous livre quelques éléments de réflexion basés sur une conceptualisation éclairante et fort pertinente ; il nous invite au débat sans concession : ni avec les autres encore moins avec nous-mêmes. Lisez plutôt...
.
PROPOSITION POUR UN DIALOGUE
.
.
L'actualité chez nous, il faut le dire, est au Vodun. Le Bénin qui s'achemine vers un festival culturel vodun (Ouidah 92) doit se préparer à gérer une tension sourde qui se profile à l'horizon entre démocrates, humanistes, chrétiens, musulmans d'un côté et gestionnaires de l'héritage ancestral de l'autre côté. Mais il faut préciser que cette tension traverse les religions prophétiques elles-mêmes et les courants humanistes parce que, dans le conflit des interprétations, un accord minimal n'est pas réalisé.
Sorti des impasses du marxisme-léninisme, notre pays se retrouve, pour ainsi dire, perplexe devant le sens à donner à son héritage.
Les religions de type prophétique, le christianisme notamment, s'investissent de plus en plus dans un dialogue plein de respect avec les religions africaines traditionnelles et parlent d'inculturation, c'est-à-dire de la nécessité d'assumer tout ce qu'il y a de vrai et de saint dans le patrimoine de nos peuples. De leur côté, les responsables des traditions religieuses africaines, singulièrement du Vodun, s'interrogent sur le sens à donner à la démocratie, à la raison scientifique et technique, à la foi prophétique qui anime bien des fils de l'Afrique, s'ils doivent conserver fidèlement les traditions religieuses dont ils ont la gestion. Le sillon Noir qui s’est constamment préoccupé de rechercher avec respect le viable et le transmissible de notre héritage, pense que quelques aspects de ses réflexions peuvent devenir un bien commun. C’est pourquoi il livre à un plus large public la substance de deux conférences qui lui ont été demandées par les Chefs coutumiers et Traditionnels et par la Fondation Konrad Adenauer sur le thème annoncé.
Lire la suite de "Repères culturels du Bénin"
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
30 juin 2007
Yayi Boni et l'Extension en Politique
Contradictions et Limites d’une Intention.
La notion d’extension est une notion très fertile en science. Elle est prisée par les linguistes et les logiciens qui lui donnent des acceptions diverses. En mathématiques les algébristes y font appel pour expliquer les structures différentielles des groupes.
Sans vouloir effaroucher le lecteur, nous faisons le pari que même sans les aimer d’un amour fou, il connaît les ensembles N, Z, D, Q, R, et C, chers à nos profs de maths.
27 juin 2007
Presse Béninoise : Enjeux, Défis et Dérives
Liberté de Presse : la Presse Béninoise mesure-t-elle la portée du statut de quatrième pouvoir qui lui est conféré ?
Par Paula AGBEMAVO
.
Il n'est un secret pour personne que la presse béninoise tient une bonne place au rang des presses dont les droits et prérogatives ne sont pas violés quotidiennement. Une presse libre et expansive dans son désir d'informer. Seule tache sur ce tableau auquel on accorderait bien volontiers la mention "passable", les délits de presse qui jusqu'ici ont conduit derrière les barreaux, des journalistes qui ont jeté la première pierre en piétinant l'essence
Lire la suite "Presse Béninoise : Enjeux, Défis et Dérives" »
24 juin 2007
Lettre à Pancrace sur la Découverte faite par le Docteur Médégan.
Au-delà de l’euphorie, questions éthiques et politiques.
.
Mon cher Pancrace, ces temps-ci, mon harcèlement épistolaire à ton endroit est établi. Je te sais gré de le subir avec alacrité et bienveillance. Cela ne fait qu’aiguiser ma confiance. Tes questions sont pertinentes et c’est leur faire violence que d’y répondre oralement. Du reste, tu sais que j’ai horreur du téléphone. Je ne suis pas des nôtres qui même sans toit, passent leur temps pendus au portable, nouvelle calamité qui passe pour une confirmation à rebours de notre culture de l’oralité. Puisque plusieurs milliers de kilomètres nous séparent que puis-je faire d’autre que de t’écrire ? Je ne doute pas de l’intérêt que tu portes à mes réponses. Et je suis heureux de la satisfaction que tu dis éprouver en me lisant. C’est peut-être cela qui me pousse à t’écrire. Excuse-moi à l’avance de chercher à m’installer dans le sillon égoïste de ce bonheur.
Lire la suite "Lettre à Pancrace sur la Découverte faite par le Docteur Médégan." »
07 juin 2007
QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !
5/5. Racisme anti-noir
Par Paula AGBEMAVO
De mon point de vue, les Blancs sont dans leur grande majorité racistes anti-Noir. Il faut juste le savoir et s’en accommoder sans toutefois jamais perdre une occasion de le décrier et rester "digne", debout, la tête haute devant le mépris avec toujours plein d'humanité et de générosité dans le cœur. Les plus habiles essaient de le cacher sous des dehors humanistes, tolérants. Ils jettent le masque à la première occasion. Dans la compilation : "le temps des colonies", l'emblématique Charles TRENET,
Lire la suite "QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !" »
22 mai 2007
QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !
4/5 Immigration des occidentaux vers l'Afrique
.
Paula AGBEMAVO
.
Le thème consacré est "l'expatriation" qu'ils soient arrivés d'eux-mêmes explorer les possibilités d'emploi ou d’investissement en Afrique ou dans le compte de la fameuse Coopération Internationale. Les procédures d’obtention de visa sont d’une simplicité expéditive. Visa d’entrée obtenu en moins de vingt-quatre heures, pas de longue file, pas de tracasserie, pas d’humiliation et quasiment jamais de rejet.
D’autres encore y débarquent sans le moindre visa. Ils régulariseront leurs situations quelques jours plus tard une fois sur le territoire. A peine l’offre d’emploi a-t-elle été publiée que le logisticien d’ici se met déjà martel en tête pour trouver une maison au veinard. Quartier chic, belle villa meublée, climatisée, avec jardin voire piscine, gardien de jour et de nuit, même l’eau qu’il boit, l'électricité et le téléphone portable qu'il utilise seront aux frais de la princesse. Il peut tirer un trait sur
Lire la suite "QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !" »
17 mai 2007
QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !
3/5 Immigration des Africains en Occident
.Paula AGBEMAVO
.
Parvenir à déposer son dossier de demande de visa dans une ambassade, un consulat est déjà un chemin de croix. Les longues files d'attente sous le soleil, les traitements humiliants, l'infantilisation des demandeurs de visa est édifiante. Raison pour laquelle des centaines de bras valides africains choisissent la solution la plus facile et la plus périlleuse aussi. Pour ce qui est du Bénin, le consulat de France s'est illustré dans le mauvais traitement des demandeurs de visa et ceci est d'autant plus révoltant quand on sait qu'en cas de rejet, les frais d'obtention de visa pour la France ne sont jamais retournés aux intéressés. Cela ne gène évidemment pas ces français de garder par-devers eux l'argent des pauvres africains. Si ce n'est pas de l'arnaque ça, ça lui ressemble fort bien !
Dans le cadre d’un séminaire en planification familiale tenue au Canada en octobre 2006, une spécialiste béninoise de la santé de la reproduction s'était rendue à Accra pour obtenir son visa
Lire la suite "QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !" »
10 mai 2007
QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !
2/5 L'Afrique et les médias occidentaux
Paula AGBEMAVO
Délibérément ou pas, les médias occidentaux entretiennent une vision pessimiste, et misérabiliste de l’Afrique. Le génocide du Darfour, la guerre en RDC, au Libéria, en Sierra Léone, les troubles au Togo, la famine au Niger et tout récemment le bourbier ivoirien…, toutes ces calamités sont "bons à prendre". Des enfants squelettiques mourant de faim, les déplacements massifs de femmes et enfants épuisés et affamés, des cadavres jonchant le sol, brefs, de violentes images de cette Afrique malade, miséreuse qui viennent confirmer, s’il en était encore besoin que ce continent concentre toutes les malédictions de la terre. Et quand il s’agit de perspectives encourageante, il n'y a quasiment sur cette
Lire la suite "QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !" »
07 mai 2007
QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !
.1/5. Un Constat Désespérant
.
Par Paula AGBEMAVO
.
L’hémorragie continue toujours. Un chalutier, une pirogue, une barque fourmillant de clandestins sub-sahariens a encore échoué sur les côtes de l’Espagne, de l’Italie ou pire en mer. Et vous les voyez, chancelants, le visage émacié, ramassés par les secouristes à la fois condescendants, stupéfaits et hébétés devant cette détresse. Ils affrontent l’océan sur des embarcations de fortune, au mépris de leur vie. Au comble du désespoir, certains se jettent par-dessus bord. D’autres encore avalent leurs pièces d’identité pour retarder leur inexorable renvoi dans leur pays d’origine. Le cauchemar perdure.
Lire la suite "QUI A DIT QU’IL NE FAIT PAS BON VIVRE EN AFRIQUE !" »
31 mars 2007
Démocratie, mentalités et pratiques
Eloge du conflit
.
.
Depuis Marx et Engels au moins, on sait que le conflit est moteur de l’histoire. Cette idée hégélienne que Karl Marx aurait selon ses propres termes remise sur les pieds est pourtant vieille comme le monde. Ses vibrants échos remontent à 2500 ans avec Héraclite. L’idée est présente de façon embryonnaire dans certaines religions orientales avec en Chine le concept du yin et du yang ou encore le bouddhisme ; en Inde les trois phases de la religion hindoue – la création (Brahmâ) le maintien de l’ordre (Vishnu), et la destruction ( Shiva) en constituent le germe. Avec Hegel, elle prend la forme ternaire : thèse/antithèse/synthèse. Marx dans son nouveau matérialisme qualifié à son corps défendant d’« historique » reste fidèle à une dynamique ternaire qui va de l’asservissement à la société sans classe en passant par la Révolution et la lutte des classes. Mais, comme le montre l’expérience, l’appropriation de ces idées dans la pratique n’a pas été à la hauteur des espoirs soulevés par la théorie. De nos jours, de manière consensuelle, la démocratie s’est substituée à l’idéal révolutionnaire, comme la réalité au rêve. Mais la démocratie ne s’oppose pas à la dialectique. Dans la sphère politique, la dialectique a son usage et son utilité : le fonctionnement démocratique normal constitue le cadre institutionnel de son expression. C’était le cas avec les Grecs avant Marx et Engels, cela le demeure après que les totalitarismes eurent fait la preuve de leur échec.
09 mars 2007
La Maison Inachevée
Eloge du radicalisme
Devant la maison de ma soeur où je loge depuis mon retour définitif au Bénin, se trouve une maison inachevée. Phénomène de société, fait de culture, les maisons inachevées font partie du décor urbain de nos villes – grandes et moins grandes : il relève à la fois d’une éthique et d’une pratique. D’un point de vue éthique, le Béninois, on le sait, valorise le fait de posséder son coin de terre et d’y élever sa demeure. En fonction de ses moyens, il donne à ce rêve la forme de ses rêves. Il n’a de cesse de le réaliser. Pour la bonne cause : famille, relations, amis, parenté dont chacun peut, à loisir, avoir sa part de la jouissance de ce lieu commun. Tant il est vrai qu’au Bénin toute maison est une maison commune. C’est pour se conformer à cette attente légitime que dès qu’il le peut, le Béninois se met en demeure de construire sa demeure. Tendus vers ce but de sa vie, – premier entre tous – tous ses efforts visent en permanence à l’atteindre, à s’en rendre maître. Et pour se faire, il met en jeu sa propre stratégie.
Toute une palette de choix se présente en fonction des situations : il y a ceux qui construisent de but en blanc parce qu’au préalable ils ont épargné ; il y a ceux qui ont bénéficié de la manne d’un héritage ; ou ceux qui – et c’est là l’un des usages fatals du détournement de denier public –profité d’une source frauduleuse. Figer les rapines dans du béton armé est une des stratégies du Béninois pour blanchir l’argent indûment acquis. Le Béninois ne blanchit d’ailleurs pas l’argent, il le fige en béton. Enfin, dans leur grande majorité, les Béninois choisissent d’aller à leur rythme et réalisent leur rêve de maison étape par étape : acquisition du terrain, pose de la fondation, élévation des murs ; pose de la toiture, réalisation des commodités, peinture, etc. Souvent, pour amplifier l’effet de son épargne, à un moment donné, lorsque le gros oeuvre est passé, et surtout lorsque la maison présente une viabilité essentielle, le Béninois n’hésite pas à l’intégrer en même temps que se poursuivent les travaux de finition.
22 février 2007
La Spiritualité en question
1. L'ivresse du religieux
Une ivresse du religieux s’empare de plus en plus de la société béninoise. Le phénomène religieux n’est pas nouveau ; il connaît depuis des décennies une expansion soutenue qui se traduit par la multiplication dans tous les coins et recoins du pays, villages et hameaux reculés de toutes sortes de sectes avides de posséder les âmes informes, pétries de croyances et proies faciles des marchands d’illusions. Ces sectes grouillantes naguère opéraient toutefois dans une relative discrétion et faisaient montre d’une certaine pudeur dans leur rapport aussi bien à l’Etat qu’à tout ce qui touche à la politique. Maintenant, l’ivresse du religieux se fait offensive et adopte une posture décomplexée. Avec les nouveaux moyens de diffusion, les marchands d’illusions religieuses ont le vent en poupe ; leur fureur évangélique, remontée comme une houle marine en furie, n’hésite pas, telle une marée noire, à se déverser sur les plages innocentes des consciences socialement déboussolées. Une nouvelle junte de rhéteurs assoiffés de manipulations et formés aux méthodes de harponnage publicitaire en odeur de sainteté dans les sphères religieuses anglo-saxonnes, utilisant les peurs, les croyances, les superstitions, les réalités du quotidien, essaient d’attirer vers leurs subtiles chapelles les âmes égarées, prêtes à se laisser embobiner par leurs discours frelatés. La télévision est devenu leur média providentiel : facile, direct, visuel, leur reality-show évangélique scandé en un jeu de contrepoint idiomatique, où langue occidentale et autochtone se relaient en boucle, a de quoi ébaudir les âmes simples.
Mais le phénomène religieux, les vapeurs religieuses semblent diffuses et si répandues dans l’espace mental de la société béninoise ; elles semblent tellement imprégner les mentalités, faire partie du souffle intime et quotidien d’un grand nombre de gens que les qualifier d’âmes simples ne suffira pas à donner une juste mesure du phénomène.
De plus en plus, les aboyeurs de prophéties évangéliques, les rhétoriqueurs patentés et passablement suborneurs s’enhardissent, se sentent en terrain conquis dans la mesure où ils semblent avoir reçu leur sauf-conduit des autorités politiques de haut niveau. Comment saurait-il en être autrement lorsque ceux-ci, par machiavélisme ou par engagement personnel, n’hésitent pas à instaurer un climat trouble de mélange des genres entre le religieux et le politique ? Toutes dérives qui constituent des entraves sérieuses non seulement au principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais surtout à la consolidation de la rationalité légale dans notre démocratie.
Ce mélange des genres instauré au plus haut niveau de l’Etat est parfois, de manière parodique, récupéré par certains de ces aboyeurs évangéliques. Ceux-ci, dans leurs reality-show, affublés des oripeaux nationaux, n’hésitent plus à adopter des postures d’Etat. Comme s’ils étaient liés aux hauts personnages de l'Etat par une fraternité institutionnelle, les voila qui s’en donnent à cœur joie de les apostropher à l’occasion de grotesques cérémonies de vœux sans commune mesure avec leur mission et leur place réelle dans la société. La naïveté avec laquelle ces nouveaux manipulateurs se prennent au jeu du mélange des genres en dit long sur le flou entre l’Eglise et l’Etat dans notre pays.
Chez nous, dans les affaires publiques, Dieu a bon dos, et ceux qui l’invoquent ne sont pas toujours au-dessus de tout soupçon. Que le Béninois soit par culture avide de croyance est une chose. Mais que les hommes politiques et tenants de l’Etat dans leur fonction et leur posture d’Etat naturalisent cette hypothèse en est une autre. La politisation de Dieu ne va pas dans le sens d’une rationalité légale. Comme le montrent ces parodies médiatiques qui au nom de Dieu abaissent l’Etat à travers ses institutions et ses rituels, la politisation de Dieu est aussi source d’une confusion de légitimité, entrave sérieuse au progrès démocratique et social.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
06 novembre 2006
Nous et les Chinois
.
Sur les traces de Zheng He.
.
Comme tu as pu le remarquer, en Afrique noire, il y a de plus en plus de partenariats avec les pays asiatiques et principalement la Chine ; en témoigne le récent sommet Chine/Afrique. Le mot partenariat est sans doute plus rassurant que l'exploitation dont nous sommes victimes depuis plusieurs siècles. Mais ne cacherait-il pas quelque chose? Sachant que les décennies prochaines consacreront sans aucun doute la montée en force de l'Asie, sous la houlette de la Chine, cette dernière ne chercherait-elle pas à nous mettre sous sa coupe, et nous exploiter comme les autres le font pour arriver à ses fins?
Dis-moi ce que tu en penses et qu'elles sont tes visions de ces ententes!
Merci
Hilaire
.
.
40 chefs d'Etat et de gouvernement de 48 pays d’Afrique, ont répondu présents au Forum sur la Coopération Chine-Afrique (FCCA), le troisième depuis 2000, qui s’est déroulé à Pékin du 3 au 5 novembre 2006. Il s’agit d’une grande réunion politique internationale et le Bénin était représenté au plus haut niveau par le Président Yayi Boni dont la boulimie diplomatique trouve là matière à se restaurer. Je comprends donc, mon cher Hilaire ton intérêt pour la question. Mais au-delà de l’événement, ton intérêt se porte sur le destin international de l’Afrique, dans ses rapports avec les grands pays ou zones du monde. Tu te demandes si l’Afrique va pouvoir enfin sortir la tête hors de l’eau ou si de Charybde elle ne va pas retomber en Scylla. Ton inquiétude est légitime. Chat échaudé craint l'eau froide. Depuis quelque temps, en Europe et notamment en France les media s’alarment de l’offensive diplomatique de la Chine en direction de l’Afrique. Moi-même je fais l’expérience de cette inquiétude dans les média, comme l’illustre cette anecdote. Depuis une vingtaine d’années, j’écoute une radio nationale française entièrement dédiée à la musique classique. Un choix qui, en dehors de ma passion pour ce genre est dicté par la volonté de limiter les bruits idéologiques des médias généralistes à sa portion congrue. Sur cette radio en effet, le temps dédié à l’information en une journée n’excède guère trente minutes, répartie en quatre temps forts.
Ce n’est pas le lieu de parler de la discrimination tenace dont font l’objet les Africains dans les médias français : il n’y a pour ainsi dire pas de journalistes d’origine africaine dans les comités de rédaction des journaux, écrits ou audiovisuels, et les rares fois où les médias s’intéressent à l’Afrique ou à ses enfants dits immigrés, ce n’est pas pour les couvrir de roses, bien au contraire. Depuis que j’écoute cette radio, je n’ai jamais entendu donner la parole à un Africain, sauf à quelques rares exceptions près lorsqu’un ludion de service est mandaté pour rappeler le génie oublié d’un grand chantre de la francophonie, ou des choses délicieusement poétiques du même genre. Or ce matin, quelle ne fut ma surprise de voir que le bulletin d’information donnait la parole à des Africains, et ce pendant une petite moitié de sa déjà courte durée. Les Africains en question étaient des Gabonais. Des écologistes Gabonais, oui, c’est une race qui existe ! Et comme tous les écologistes du monde, l’espèce gabonaise elle aussi se plaignait des dégâts causés par les hommes à la nature. Les coupables, mon cher Hilaire, étaient les Chinois. Ayant obtenu des licences d’exploitation minière ou pétrolière, dans leur aveugle cupidité, les méchants n’hésitaient pas à détruire la faune et la flore des grands singes, des mammifères, des animaux et des essences rares, etc. Les commentaires, les questions et les réponses convenues, résonances insidieusement enfilées allaient bon train, à n’en plus finir. Tout cela pour démontrer la nuisance inénarrable des Chinois et la coupable complicité des dirigeants gabonais qui avaient laissé faire en signant les honteux contrats de destruction de la flore et de la faune africaines jusque là préservées de la prédation sauvage.
Voilà que tout à coup, grâce aux Chinois on donnait la parole aux Africains dans les médias français. La chose est rare pour qu’on le remarque. Evidemment, martelé de cette manière le thème de la coopération entre la Chine et l’Afrique peut susciter une certaine inquiétude. Et je comprends ta position, toi qui rêves d’une Afrique enfin libre et majeure.
Je pense qu’il convient d'aborder la question du partenariat entre l’Afrique et la Chine avec sérénité, loin de tout esprit de panique et de propagande.
En raison de l’histoire de leurs rapports avec l’Afrique, rapports étroitement ambigus, les Français ne voient pas d’un bon œil l’avènement du nouveau partenariat entre leur pré carré et la Chine. Cette crainte fort compréhensible explique la vigilance d’arrière-garde des médias français. Les deux angles d’attaque des Occidentaux pour discréditer la nouvelle donne chinoise en Afrique sont la question écologique et la "politique de non-intervention" prônée par la Chine : selon eux, l'empire du Milieu poursuivrait des visées "prédatrices" consistant à engranger le maximum de résultats économiques tout en étant peu regardant sur la moralité des régimes avec lesquels il traite. Tout cela ressemble à une levée de bouclier idéologique. Je pense qu’il convient d'aborder la question du partenariat entre l’Afrique et la Chine avec sérénité, loin de tout esprit de panique et de propagande.
De quoi s’agit-il ? Les écologistes Gabonais se plaignent, et les médias français dans leur étincelant altruisme se font l’écho de ce que les Chinois abattent à l’excès le bois gabonais. Mais en matière de bois abattu, l’Afrique n’en est pas à sa première saignée : le bois d’ébène, celui qui était le plus essentiel pour le dynamisme et la prospérité de l’Afrique, ce n’étaient pas les Chinois qui les abattirent et les mirent quatre siècles durant en coupes réglées. Et pourtant, l’occasion ne leur en a pas manqué. En effet, contrairement à tout ce qu’on t’a raconté, les Européens ne « découvrirent » ni l’Afrique ni l’Amérique. Quatre-vingts ans avant eux, les Chinois étaient sur nos côtes ; ils avaient foulé le sol de l’Afrique. Bien sûr, aujourd'hui Vasco de Gama, Christophe Colomb et Magellan sont connus de tous. Mais qui connaît en Afrique le nom du navigateur chinois Zheng He ? Or, il y a six siècles, le 11 juillet 1405, l'Etat chinois envoie sa première expédition à travers l'océan Indien. L'empire du Milieu ne fait pas dans la demi-mesure. Le convoi, composé de 370 navires, transporte 27 800 hommes. Le navire amiral est environ cinq fois plus grand que la Santa-Maria de Colomb. On estime qu'il déplace 1 500 tonneaux, contre 300 pour les bateaux européens à la même époque. Il ne comporte pas moins de neufs mâts. Le but de cette expédition n'est pas commercial mais essentiellement diplomatique. Au cours de sept expéditions, de 1405 à 1433, Zheng He parcourt l'océan Indien de Java à Ceylan, jusqu'à l'actuel Mozambique. Les résultats de ces expéditions semblent avoir répondu aux espérances engagées par les Chinois.
Tandis que les trois premières expéditions furent consacrées au contact diplomatique avec l’Asie, c’est au cours de la quatrième expédition que la flotte de Zheng He, après un passage par l’Inde, aborda la côte est de l'Afrique vers la Somalie actuelle, après quelque 6000 km de voyage sans escale. Une mission fut ensuite détachée à la Mecque et en Egypte. Par la suite, au cours de ses expéditions ultérieures, Zheng He et ses hommes visitèrent diverses contrées de la côte africaine. Maints indices laissent à penser que les Chinois auraient bien pu contourner le Cap de Bonne Espérance, à une centaine de kilomètres seulement au sud de leur dernier lieu de débarquement consigné en Terre africaine. On a retrouvé des tessons de céramiques chinoises à Grand Zimbabwe , ainsi qu'une tombe au Kenya, très différente de l'architecture locale et dont la forme rappelle celle des tombes chinoises Les expéditions de Zheng He firent l'objet de nombreuses publications géographiques en leur temps, et vinrent enrichir les connaissances chinoises des océans et de l'outre-mer.
Bref, mon cher Hilaire, telle est la vérité de l’histoire des rapports de la Chine et l’Afrique, avant la fin de l'ère Xuande qui marqua aussi celle de la politique diplomatique de la Chine, et le repli des Ming sur leur territoire sous la houlette des eunuques du Palais, désormais les véritables maîtres de l'Empire. Ce qui est sûr, c’est que ces gens sont venus chez nous. Ils étaient armés jusqu’aux dents. Mais leur puissance a surtout servi à la sécurité des mers, à éliminer les pirates qu’ils rencontraient sur leur route. Leurs voyages avaient un but diplomatique et scientifique. Ils étaient fascinés par la flore et la faune africaine, sa culture et ses institutions, mais à aucun moment, ils ne cherchèrent ni à nous capturer ni à nous torturer. Tout ça se passait au 15ème siècle et depuis, mon cher Hilaire, il est passé beaucoup d’eau sous les ponts.
Pour te donner une idée de l’ampleur des investissements financiers des Chinois en Afrique, sache mon cher Hilaire que 800 entreprises chinoises ont investi, en 2005, 5,5 milliards de dollars dans 43 pays !
Maintenant, nous sommes au 21ème siècle et la vérité est que l’Afrique, et j’ose l’espérer, à force de souffrance et de malheur, a pris dans ses mains la calebasse et la bouteille et sait ce qui est le plus lourd. Notre continent a besoin de se frotter à d’autres sources d’influence et de connaissance, d’autres conceptions d’organisation sociale et économique ; elle a besoin de faire et de savoir faire, de se mettre à l’école d’un dynamisme rénové, de diversifier ses rapports avec le monde après des siècles d’enfermement dans un attelage boiteux : celui du cocher blanc paternaliste, sadique et exploiteur et du cheval noir, source et matière première des tractions, tractations et attractions les plus violentes. De l’autre côté, la Chine, à l’instar des premiers dragons asiatiques éclaireurs, est en train de monter en puissance, et de prendre une place dans le monde qui n’est pas usurpée, au vu de sa taille géographique, culturelle, démographique et historique. Le quart de l’humanité comme on dit, première démographie au monde et quatrième par la superficie avec 9 Millions et demi de km², ce grand dragon parmi les dragons a de grandes ambitions, de grandes capacités et surtout de grands besoins. Au premier rang desquels se trouve l’énergie. Une énergie dont l’Afrique regorge, jusqu’ici pour son plus grand malheur, car comme tu le sais, sur notre continent, les pays les plus malmenés économiquement et politiquement sont ceux qui sont les plus riches en matières premières. La Chine a besoin de matières premières. Depuis 1993, elle a cessé d’être autosuffisante en pétrole et importe environ le tiers de sa consommation. L’Afrique lui fournit 30% de ses importations d’or noir qui vient principalement du Soudan, de l’Algérie, de l’Angola et de notre grand voisin, le Nigeria. Selon la volonté de l’empire du Milieu, cet échange avec l’Afrique est appelé à s’accroître et à se diversifier. En 2006, le commerce sino-africain devrait dépasser les 50 milliards de dollars, soit cinq fois plus qu'en 2000. Pour te donner une idée de l’ampleur des investissements financiers des Chinois en Afrique, sache mon cher Hilaire que 800 entreprises chinoises ont investi, en 2005, 5,5 milliards de dollars dans 43 pays ! Sur le plan commercial, la Chine n’est plus à la traîne : en peu de temps, elle est devenue le troisième partenaire commercial de l’Afrique derrière les Etats-Unis et la France.
Les Chinois veulent diversifier les sources de leur approvisionnement en matières premières, ainsi que les marchés alternatifs de leur production industrielle ; les Africains veulent eux aussi diversifier les investisseurs et partenaires au développement dans leurs pays respectifs. Des deux côtés, tout le monde veut diversifier. Il s’agit donc bien d’un partenariat, qui au demeurant se veut engagé. Mais mon cher Hilaire, je sens dans ta lettre que tu te méfies un peu des mots. Le mot "gagnant-gagant" te semble un peu enjôleur, de quoi endormir les esprits, susciter une espérance illusoire, un appel du pied à la corruption des pratiques, une manière de faire saliver les cupides amasseurs d'or qui nous dirigent ; quant au mot "partenaire", il semble inoffensif voire positif, comparé aux rapports passés de l’Afrique avec le monde extérieur et tu te demandes si sous la roche lisse de ce vocable, ne se cacherait pas quelque anguille sournoise. Et tu crains que si duplicité il y a celle-ci ne consacre la logique du piège sans fin dont parle Olympe Bhêly-Quenum. Je te comprends parfaitement.
Ma réponse sera un peu chinoise, c’est-à-dire qu’elle ne sera ni tranchée, ni directe. En général les grands regroupements entre nations à finalité diplomatique, politique et économique se font souvent sur la base de liens plausibles : géographiques, historiques, culturelles ou idéologiques, souvent avec ou autour d’un élément de contiguïté sinon de continuité territoriale ou symbolique avérée. Or avec la Chine rien de tel. Pas de continuité territoriale ou culturelle plausible. Bien sûr, il y a Zheng He. Et la Chine ne se prive pas de faire des expéditions du célèbre amiral sur les côtes africaines au 15ème siècle, un élément de référence éthique, esthétique et historique. Zheng He, le musulman, Zheng He l’eunuque, un homme d’extraction périphérique ! Zheng He l’homme des mers qui a le premier découvert l’Afrique sans jeter sur elle un regard de convoitise démesurée, sans la malmener ! Zheng He l’homme qui a respecté l’homme en l’Africain. On peut toujours accepter ce regard et ce discours, même si dans le ciel des faits marquants de la destinée africaine, ils ne font figure que de simple météore. Dans le fond, ce qui m’interpelle d’entrée c’est le fait que la Chine, pour répondre aux exigences de son propre développement, ait pensé à l’Afrique. Au risque de te surprendre, mon cher Hilaire, je dois avouer que la chose m’embarrasse un peu. En effet, cela montre in fine que l’Afrique est un continent qui inspire aux autres l’idée de l’usage – à tous les sens du terme – un usage dont tous les autres, sauf les Africains eux-mêmes, découvrent, exploitent ou recherchent l’utilité.
Cette conception de l’usage de l’autre n’est pas une mince affaire et peut se révéler d’une importance insoupçonnée.
Et, pour répondre à ta question, à savoir si le concept de partenariat ne cache rien de vicieux, on est amené à s’interroger sur le sens de l’usage que les Chinois ont dans leur tête, lorsqu’ils nous font l’honneur de penser à nous, et nous ouvrent grands leurs bras en partenaires de développement économique. Cette conception de l’usage de l’autre n’est pas une mince affaire et peut se révéler d’une importance insoupçonnée. L’exemple le plus parlant en est donné par l’histoire de nos rapports avec l’Occident. Si on considère que les deux nations les plus importantes qui ont tenu l’Afrique sous leur coupe, la France et l’Angleterre, relèvent toutes les deux de la même civilisation judéo-chrétienne, on ne peut pas non plus sous-estimer la différence de leur conception respective de l’usage de l’Afrique. Ces deux conceptions sont pérennisées dans des institutions caractéristiques distinctes qui sont celles de la Francophonie et du Commonwealth. Bien que ces deux conceptions s’enracinent dans le même terreau de civilisation, tout le monde s’accorde à leur reconnaître des contours, des buts et des philosophies politiques différentes. Mais la différence entre ces deux systèmes de relations internationales n’est pas toujours là où l’observateur le moins attentif aux choses et le plus porté sur le sens des mots croit la trouver. En effet, on prête volontiers une intention humaniste et poétique à la francophonie vue comme un bastion de doux rêveurs, là où par une approche étymologique superficielle on fait facilement rimer Commonwealth avec business. Mais, mon cher Hilaire, dans l’esprit de ceux qui ont conçu cette institution, le mot wealth n’a pas qu’un sens matériel : il a aussi une valeur symbolique. Vues ainsi, les deux conceptions de l’usage de l’autre qui ont sévi jusqu’ici en Afrique, outre leur terreau commun, ne sont pas aussi éloignées qu’on le croit. Or pour peu que subsiste entre elles une certaine différence, nous en voyons la triste traduction sous nos yeux tous les jours. En effet, on n’a pas besoin de chausser des lunettes mesquines pour remarquer qu’en Afrique, les pays où ont lieu des coups d’Etat, des guerres ou même des génocides relèvent plus souvent de l’une de ces deux conventions institutionnelles plutôt que l’autre.
Ainsi les Chinois loin de nous embobiner avec des gaz soporifiques façon francophonie, situeront leurs rapports avec nous dans une espèce d’au-delà du Commonwealth version business très débridée.
Tout cela prouve si besoin en est l’importance de la conception de l’usage de l’autre. Et c’est pour cela que je me pose la question au sujet du partenariat que les Chinois nous proposent aujourd’hui. Pour le peu que j’en sais, je puis te dire que les Chinois, ou d’une manière générale les Asiatiques d’obédience confucianiste, ne sont pas seulement gens pragmatistes mais ils sont aussi réalistes et empiristes. Ce qui fait qu’avec eux nous ne devons pas nous attendre à beaucoup d’idéologie. Ainsi les Chinois loin de nous embobiner avec des gaz soporifiques façon francophonie, situeront leurs rapports avec nous dans une espèce d’au-delà du Commonwealth version business très débridée. Je peux même aller plus loin, en te disant, mon cher Hilaire, que du côté chinois, il n’y a pas de piège qui nous guette ; mais le piège – car il y en a bien un – se trouve en nous-mêmes et de notre propre côté. En effet, si avec les Européens comme nous y invite Cheikh Hamidou Kane, nous devons nous interroger à grands frais sur l’art de vaincre sans avoir raison, sur les Chinois la question se pose tout autrement. A méditer sur l’issue diplomatique et pacifique des expéditions de Zheng He en Afrique un siècle avant les Européens, alors que la flotte et l’armada chinoises étaient cent fois plus puissantes et plus équipées que celles de nos impitoyables conquérants blancs, l’art que nous inspirent les Chinois serait plutôt l’art de ne pas vaincre bien qu’on soit plus fort. De ce point de vue, nous n’avons pas de souci à nous faire de leur côté. Contrairement aux Européens qui pour des raisons culturelles dès les premiers instants ont vu en nous l’incarnation du mal qu’ils n’ont eu de cesse de sublimer pour leur plus grande paix intérieure, les Chinois ne nous veulent pas du mal. Contrairement aux Européens, ils ne pensent pas que la condition absolue de leur bonheur réside dans notre malheur ; ni qu’une lueur d’espoir pour nous serait pour eux l’enfer. En revanche, ils ne nous veulent ni forcément encore moins expressément du bien. Le bien que nous aurons par eux, ce serait à nous-mêmes de le cueillir. Or de ce point de vue, il semble que les choses soient mal engagées. Nous avons besoin d’être un peu plus subtils et profonds. L’uns de nos points faibles sur lesquels les Européens s’appuient pour nous dominer est notre superficialité. Or si les Européens sont de loin plus profonds que nous, les Chinois eux, sont infiniment plus profonds que les Européens ; c’est d’ailleurs pour cette raison que ceux-ci ont tendance à traiter ceux-là d’hypocrites. En effet, si votre capacité de profondeur, de sérénité, d’autonomie intérieure et de pénétration de l’ordre des choses vous permet de comprendre et d’éviter les pièges qu’ils vous tendent, les Européens vous taxent très vite d’hypocrisie. Dans leur langage, le contraire d’hypocrisie veut dire « grand enfant » C’est pour cela que pour eux les Chinois sont hypocrites, et les Noirs de grands enfants. Mais pour ne pas mériter ou donner raison à ces stigmatisations fonctionnelles passablement racistes, ils nous appartient de bien penser nos rapports avec les autres. Ainsi, loin de toute euphorie sur une éventuelle nouvelle ère, loin de tout affairisme dans lequel une certaine élite de kleptocrates patentés retrouveront de nouvelles poches obscures de corruption à l'abri de tout contrôle rationnel, loin de toute opération politico-médiatique à visée surborneuse, loin d’opposer les partenaires au développement, bref, loin de toute approche superficielle sans boussole ni réflexion de fond, les Africains doivent au contraire comprendre qu’ils entrent dans une phase marchande des rapports internationaux. La diversité des partenaires est l’expression d’une évolution des rapports politiques avec le monde extérieur. Et la meilleure façon d’en tirer profit n’est pas de se précipiter sans réflexion ni préparation, encore moins de se complaire dans des schémas simplistes d'opposition des partenaires les uns aux autres : les anciens aux nouveaux, les bons aux méchants, mais de concevoir de cette opportunité historique un marché ouvert où l’Afrique puisse optimiser ses gains en fonction de la diversité des offres.
Bref, mon cher Hilaire, veuille excuser la longueur que j’ai mise à te répondre. Mais il me fallait établir certains faits afin d’éclairer mon propos pour le conduire le plus loin possible des rivages incantatoires d’une simple opinion sans preuve ni raison. Pour ce qui est de ta question principale à savoir si le partenariat des Chinois cache quelque chose de néfaste, surtout eu égard à l’expérience passée de notre continent, la réponse est non. Certes il n’y a rien d’expressément philanthropique dans la démarche des Chinois. Quand ils parlent de coopération gagnant gagnant ils sont sincères et c’est à l’Afrique de savoir donner son sens et son contenu à cela, en sachant se prendre résolument en mains. Nous ne devons pas nous faire des illusions idéologiques excessives sur les Chinois en voulant les opposer aux occidentaux. Toute complaisance de cet ordre serait un piège. La chance de l’Afrique c’est de pouvoir jouer des diverses sollicitations dont elle est l’objet. De pouvoir faire ses emplettes sur le marché du partenariat diversifié qui s’ouvre à elle ; plutôt que de se complaire dans une simpliste opposition des partenaires : ceux d’hier contre ceux d’aujourd’hui. De ce point de vue, les Chinois ont beaucoup à nous apprendre en matière de subtilité, l’art de ne pas opposer les choses, les genres, les êtres tout en restant soi-même.
Cela étant dit, nous devons quand même marquer une nette différence de mentalité et d’éthique entre les civilisations : celle des Européens et celle des Chinois dans leur rapport avec les autres. Vu sous cet angle, le partenariat avec les Chinois est déjà une source d’enrichissement. A l’art de vaincre sans avoir raison, nous devons ajouter maintenant celui de ne pas vaincre bien qu’on ait raison...
Binason Avèkes
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2006
23 août 2006
La qualité de l’air à Cotonou
.
Petite histoire d'un Changement
V
.
Mais l’un dans l’autre, seul ce Changement pratique importe à mes yeux. Le changement de la qualité de l’air à Cotonou n’a rien de poétique. Les Zémidjans, qui sont à l’origine de ce changement sont aussi ceux qui veulent le changement aujourd’hui. De ce point de vue, une ambiguïté doit être levée. Sous l’ère des changements poétiques, ces laissés-pour-compte de la trahison de l’impératif du pacte social ont fait allégeance à tous les pouvoirs du moment. Un attachement légitime à leur gagne-pain les porte à persévérer dans leur être. Logique. C’est aussi une catégorie qui aime à jouer de sa densité sociologique. Un élément de leur conservatisme pathétique est la prise de conscience de cette densité. La densité réside dans la visibilité : au-delà de leur nombre, c’est surtout leur identité qui crée cette unité dans la conscience de soi catégorielle. Identité générationnelle, sociale et urbaine : tout cela se résume dans l’uniforme jaune. Or cet uniforme a été le premier geste de rationalisation initié par les pouvoirs publics en leur direction. En son temps, il n’a pas été facile à faire passer. Rebelles dans l’âme et susceptibles d’instinct, ces desperados d’une société régressive ont intériorisé la loi du sauve-qui-peut implicitement en vigueur dans le pays. N’ayant jamais rien eu de personne et n’attendant plus rien de personne, ils n’entendent surtout pas qu’on viennent leur mettre les bâtons dans les roues. Cet ethos du Zémidjan résume à lui seule l’éthique du Béninois moyen. Le Zémidjan est ce que le génie social et politique de notre pays à inventé de mieux depuis l’indépendance. Très rusé, le Zémidjan veut travestir son individualisme anarchique sous les dehors d’un corporatisme éclairé. C’est étonnant de voir que dans sa condition, dans son esprit et dans sa culture, le Zémidjan est le type même du Béninois. Les taxi-villes qui ont laissé leur place aux Zémidjans peuvent être considérés comme des transports en commun, dans le sens où malgré leur exiguïté de petite voiture, ils transportaient un échantillon socialement signifiant de voyageurs vers des directions négociées selon un bon sens partagé dont le chauffeur était l’arbitre. « Edjroa ! » C’est à ce covoiturage à caractère social que le Zémidjan substitue ce qui est apparu à tous comme le règne de la liberté, de la fluidité et de l’indépendance. Mais outre le grave problème de la qualité de l’air, il s’agit là d’une indépendance en trompe l’œil qui consacre la régression du lien social, aiguise l’égoïsme du Béninois, et renforce l’esprit mesquin du chacun pour soi. La valorisation à outrance de la débrouillardise est socialement suspecte. Quelque part, cela traduit sinon une discrète volonté de mise hors jeu du lien social du moins une joyeuse résignation. Or cela fait partie de la mentalité béninoise d’aujourd’hui. Et c’est cette mentalité qui pollue l’air de Cotonou.
Pour le chrétien, la Trinité est un mystère qui consacre l’unicité du Dieu en trois personnes : Père, Fils, et Esprit. Pour le Béninois, il y a une Trinité qui porte désormais le nom de Zémidjan qu’on peut aborder selon trois aspects : social, écologique, et éthique.
Socialement le Zémidjan est le résultat d’un échec de notre pays à se prendre en mains après son indépendance. Ce n’est pas seulement à cause de l’incurie des hommes politiques, il y a aussi la complexité historique des pesanteurs mentales et géopolitiques qui pèsent sur les Africains ; la difficile perception de l’identité nationale et de la manière de l’articuler dans un projet social cohérent ; la difficulté de s’autodéterminer radicalement et de répondre à l’aliénation qui fonde notre être ; le fait que nous étions dans nos premiers balbutiements de jeune nation libérée d’un viol à répétition, et dont le violeur, subtil et récidiviste, rode toujours et n’entend pas lâcher prise, en dépit qu’il en aie...
Ecologiquement, le Zémidjan est un don de la proximité du Nigeria d’où vient le Kpayo sans lequel aucune moto ne peut rouler. Avec ces motos qui circulent en permanence dans Cotonou, des tonnes de gaz, tous plus nocifs les uns que les autres, emplissent l’air de la ville. Cela constitue un grave problème de santé et une atteinte à la nature et aux hommes auxquels il faut vite remédier par une politique de déplacements durables.
Enfin sur le plan éthique, sous les dehors de la liberté de se déplacer, le Zémidjan introduit au travers du mode de transports urbains un individualisme anarchique qui s’oppose à la convivialité sociale des taxi-ville qu’il a évincés. Il incarne à son corps défendant cette éthique du sauve-qui-peut, de la débrouille, du chacun-pour-soi qui, face à la faillite des pouvoirs publics, est la seule chose en valeur dans la société. Et ce n’est pas son corporatisme ostentatoire et bon enfant, stratégie pour persévérer dans son être, qui peut faire illusion.
On l’aura compris, la comparaison avec la Trinité chrétienne est trompeuse. En effet, la Trinité qui porte le nom de Zémidjan est négative. C’est la croix de cette négativité que nous portons tous désormais. Pas seulement à Cotonou, mais dans tout le Bénin. La qualité de l’air dépend de la manière dont nous regarderons en face le problème ainsi posé par cette Trinité. Nous avons le devoir de la rendre positive. Elle est la vraie mesure du Changement. Pour que le Changement annoncé débouche sur du positif et se démarque des changements poétiques qui l’ont précédé, il ne sera pas question de s’agenouiller devant cette Trinité, mais de la prendre à bras le corps et de relever le passionnant défi de sa sublimation.
Binason Avèkes
© Copyright, Blaise APLOGAN, Paris 2006
20 août 2006
La qualité de l’air à Cotonou
.
Petite histoire d'un Changement
IV
Malheureusement, tous les déchets ne peuvent être traités par la seule solidarité citoyenne. A Xwlacodji, quartier historique de Cotonou, l’installation d’une usine de cimenterie en pleine agglomération empoisonne la vie de la population. Les riverains sont confrontés à une source de pollution face à laquelle leur solidarité écologique ne peut rien, avec le bruit assourdissant des machines et la tonne de poussière qui s’élève dans le ciel. Si le lecteurs se trouve à Cotonou, qu’il se donne la peine d’aller à Xwlacodji, non loin du ministère de la fonction publique, et il verra de ses propres yeux ce que je dis. Il découvrira une zone fortement industrialisée en pleine agglomération. Infernal ! Riverains et visiteurs cohabitent avec le bruit des machines et la poussière du clinker. Sur les toitures des bars et restaurants, en face de l’usine, il peut voir une couche épaisse de poussière. Je pleins les élèves et usagers qui arpentent cette rue poussiéreuse, et qui n’ont d’autre recours que de se pincer le nez. Que le lecteur, une fois sur place, ne s’avise surtout pas de s’attabler à un des nombreux restaurants du coin, car son plat sera saupoudré de clinker ! A tout cela s’ajoute le ballet incessant des camions qui transportent le clinker. Ils jouent eux aussi un rôle non négligeable dans la pollution atmosphérique. Au déchargement, ces camions éventent la poussière de clinker qui envahit l’atmosphère et affecte la qualité de l’air oxygéné.
Tout ceci n’est pas pour décourager le touriste curieux de découvrir ce quartier historique de Cotonou. Moi-même j’ai eu l’agréable surprise de faire l’expérience de la conscience écologique aiguë des autorités et habitants du quartier. A quelque chose malheur est bon, Xwlacodji peut être est fier d’avoir une structure de collecte des ordures ménagères, dont l’objectif est de lutter contre l’insalubrité grandissante. La plage, qui jadis avait une mauvaise réputation d’insalubrité, aujourd’hui, par sa propreté, fait mentir les préjugés. Quel plaisir pour le Bruxellois de se reposer là et de contempler l’océan ! Spectacle de rêve ! Rêve que dans un futur plutôt proche, l’usine qui pollue l’air du quartier sera très vite démantelée…
Autres sources de pollution industrielle, autre lieu. Sortie de Cotonou, à la descente du « nouveau pont », à « Dédokpo », une odeur tenace me saisit à la gorge. Exécrable, il n’y a pas d’autre mot ! A l'autre sortie de la ville, après le pont bascule, à Kindonou, le long de la route inter-Etat, même spectacle. Dans les deux cas, les odeurs proviennent des usines agroalimentaires du coin. Elles ont nom Saab et Crustamer. Entre provende pour volaille et conditionnement de crevettes, le côté alimentaire est tout simplement trompeur. Pour ce qui est de la pollution rien à envier à l’usine de Xwlacodji…
Ici, il n’y a pas de plage pour se reposer et rêver. Les ponts sont bruyants et encombrés de passagers et voitures, et surtout de Zémidjan, encore eux…
« Et tout ce monde qu’on voit sur les zémidjans !
- la vendeuse, le bébé au dos, avec son tabouret, sa corbeille et toutes ses marchandises !
- l’ouvrier qui est monté avec tous ses outils et son matériel ;
- l’écolier qui s’accroche au conducteur ;
- la maman avec un bébé au dos, et deux autres sur les genoux, et le plus grand qui aide le conducteur à bien conduire sa moto...
- les copains qui font la traversée à trois ;
- le père de famille amenant un mouton pour la fête;
- l’éleveur qui transporte ses bêtes au marché ;
- le Blanc qui fait son excursion touristique... »
Ainsi s’extasiait un ami Français de passage à Cotonou. Les Français ont une âme de poète. Du Prévert sous les tropiques, on en finirait pas… Au-delà de la poésie, il y a la réalité. En effet, j’ai opposé dans le domaine de la politique tous les « changements » passés au Changement que nous abordons actuellement. Et à tout bien penser, il semble qu’on peut distinguer clairement les changements. Les changements du passé peuvent être considérés comme poétiques quel que soit le nom qu’on a pu leur donner : Révolution, Renouveau, Renaissance, et j’en passe. Actuellement la marque d’authenticité qui semble jouer en faveur du nouveau régime donne raison au fait que le changement proposé soit un changement pratique. Les philosophes grecs opposaient le pratique au poétique. Bien que leur acception soit différente de celle que le commun donne à ces mots aujourd’hui, je revendique la simple distinction pour mieux faire comprendre la différence entre les diverses offres de changements qui ont marqué le discours politique dans notre pays. Poétique/Pratique : de tous les changements dont on nous a rebattu les oreilles jusqu’ici, Révolution, Renouveau, Renaissance, Résurrection, il est à remarquer que tous commencent par un R, air de déjà-vu, qui n’a rien changé à la qualité de l’air ! En revanche ne trouvez-vous pas un curieux signe de la Providence que seul le dernier porte simplement le nom de Changement ? Sans fioriture ni poésie supplémentaire. Signes à méditer.
Mais me direz-vous, peut-on vraiment méditer quand le changement dans la qualité de l’air de Cotonou nous confronte aux terribles réalités que j’ai essayé de présenter ? La chose est peut-être facile pour quelqu’un qui vit à Bruxelles, ville où, même lorsqu’on parle de pic de pollution, on ne voit jamais à l’œil nu des nuages bleus prendre d’assaut le ciel comme à Cotonou.
Très croyant, je fais miens les 10 commandements de l'environnement édictés par le ministère de l’environnement mais que j’ai pris la peine de simplifier :
* Je dois protéger l'environnement car c’est mon patrimoine ;
* Je dois respecter les normes en matière de pollution.
* Je ne dois pas gaspiller les ressources naturelles.
* Je construirai ma maison en respectant les normes de salubrité et de sécurité.
* Je ne déposerai les déchets que dans les déchetteries ; trop de bruit est nuisible.
* Je dois faire mes plans touchant à l’environnement dans le respect des normes
* Je dois être paré aux catastrophes selon un plan rôdé à l’avance.
* Je dois prévenir qui de droit si mon environnement est pollué ou contaminé.
* Je suis comptable de ma part de pollution sous peine de sanctions
* Tu ne dois pas receler des produits chimiques nocifs.
La prière est la poésie du pécheur, dit-on. Ces dix commandements peuvent être considérés comme le côté poétique de la question sur la qualité de l’air à Cotonou. Ce n’est pas que j’aie quelque chose contre la poésie, loin s’en faut. Par exemple, je ne rejette pas en bloc tout le contenu des changements du passé bien que je les aie rangés dans la catégorie poétique. Dans ces changements en R, que ce soit la Révolution, le Renouveau, la Renaissance ou la Résurrection, si on cherche, on trouvera bien quelque chose de bon. Ainsi, «la caractéristique fondamentale et la source première de l’arriération de notre pays est la domination étrangère… » est un constat qui tombe sous le sens. La seule question est de savoir si sous ce rapport la Révolution a changé quelque chose ou pas. Par ailleurs, il est bien vrai qu’en cinq ans de règne à la tête du pays, le taux de croissance négatif à l’entrée en fonction de Soglo est passé à 6%. Et «Cototrous» est redevenu Cotonou : Vrai ! Quant à la Résurrection, on lui trouvera mille défauts, prévarication, gestion sans bilan, corruption, paupérisme, misère et j’en passe, on sera bien obligé de lui reconnaître au moins un avantage : le fait qu’il justifie la nécessité du présent Changement !
A suivre...
Binason Avèkes.
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2006
10 août 2006
La qualité de l’air à Cotonou
Petite histoire d'un Changement
III
Ce genre de situation doit changer. Le changement de la qualité de l’air à Cotonou est une mesure politique concrète du Changement. Que faut-il entendre par là ? Eh bien voici : à mon sens, l’impératif du pacte social énoncé plus haut a été trahi par les élites, les pouvoirs publics et les régimes politiques successifs. Passe encore qu’une classe minoritaire se soit enrichie sur le dos du peuple. Le plus grave est que toute une génération ait été sacrifiée. C’est dans un réflexe de survie que cette masse de jeunes et de moins jeunes unie dans la misère, son masque commun, remisant ses rêves les plus légitimes, s’est recyclée de force dans le métier de Zémidjan. Une analyse des origines sociales de cette division motorisée de l’armée des laissés-pour-compte montre qu’il s’agit d’un mélange bigarré. Ouvriers au chômage, victimes de l’exode rural, étudiants sans emploi, jeunes pressés, fonctionnaires "compressés". Outre les jeunes migrants, le métier s’est étendu aux diplômés sans emploi, voire aux fonctionnaires d’Etat qui consacrent leur fin de journée à une activité qui leur procure au quotidien un complément de revenu substantiel.
Depuis que j’ai été personnellement touché par les conséquences du changement de la qualité de l’air à Cotonou, j’en ai tiré les conséquences qui s’imposaient. En accord avec mon jeune frère, je l’ai réorienté, finance à l’appui, vers son métier initial de tailleur. Pour l’encourager, je l’ai mis en rapport avec une ligne de vêtement bruxelloise qui s’intéresse à la mode africaine d’origine. Et ses affaires ne marchent pas si mal. Mon frère qui est devenu avec l’âge très sage a reconnu qu’il l’avait échappé belle. Rétrospectivement, il reconnaît lui-même le caractère éprouvant de son ex-métier. Il va sans dire que le métier affecte dangereusement la santé de celui qui l’exerce. Les Zémidjans doivent faire face aux intempéries et au mauvais état des infrastructures routières. Ces conditions de travail difficiles en amènent plus d’un à consommer des stupéfiants.
Par ailleurs ma sensibilité aux problèmes écologiques s’est aiguisée. Il y a quelques mois, suite à un article que j’ai publié dans un magazine canadien, j’ai été l’hôte d’une association pulmonaire du Canada qui m’a invité à un colloque à Fredericton. A ce colloque, sans m’y attendre le moins du monde, j’ai rencontré mon ami, le docteur Maurice Vignon du Cnhu qui se trouvait lui aussi invité. Le Béninois est partout, me direz-vous, mais qu’un spécialiste éminent de mon pays se trouve présent à une réunion traitant de ce sujet m’a vraiment mis le cœur en joie. Le colloque a fait le point sur la prise de conscience de la qualité de l’air dans les politiques urbaines de par le monde. A cet effet, entre autres activités, nous avons eu l’occasion de visionner un film présentant le projet de création en 2010 de la première "ville écologique" du monde. Née de rien, au milieu des marais, la cité se situe à l'extrémité orientale de Chongming, la troisième plus grande île chinoise, à l'embouchure du fleuve Yangzi. Aucun des immeubles ne dépasse huit étages. Les toits sont recouverts de gazon et de plantes vertes pour isoler les bâtiments et recycler l'eau. La ville réserve à chaque piéton six fois plus d'espace que Copenhague, l'une des capitales les plus aérées d'Europe ! Des bus propres, à piles à combustible, relient les quartiers. Un système d'Intranet planifie la durée du trajet et met en contact les habitants désireux de partager une voiture. Les motos traditionnelles sont interdites : on circule en scooter électrique ou à bicyclette. Les routes ont été dessinées de telle sorte qu'il est plus rapide de rejoindre son travail à pied ou à vélo qu'en voiture. L'objectif fixé : une empreinte écologique de deux hectares par personne, trois fois plus qu'aujourd'hui à Shanghai, Londres ou Paris. L’empreinte écologique, il faut le préciser, est une unité de calcul représentant la superficie de terre nécessaire pour assurer la survie d'un individu. Entouré de kilomètres de marais, paradis des oiseaux qui migrent entre l'Australie et la Sibérie, le site de Dongtan veut préserver la qualité de l'air. Les voitures ne devront émettre aucune particule de carbone et des stations-service à hydrogène seront mises en place. Cela suppose d’imaginer des véhicules petits, légers, peu gourmands en énergie, aptes à rouler très près l'un derrière l'autre pour occuper un espace routier minimal. Dongtan se veut également autosuffisante en énergie. Celle-ci devrait provenir totalement de sources renouvelables : solaire, éolienne, biomasse…
« Ah, que tout cela est bien beau ! fis-je remarquer au docteur Vignon à la fin du film, mais la Chine n’est pas le Bénin.
– Vous avez raison, mais les Chinois n’ont pas deux têtes, ce qu’ils ont envisagé peut nous inspirer aussi.
– Sans aller jusque là, docteur, que faire ici et maintenant pour améliorer la qualité de l’air à Cotonou ?
− Question explosive ! dit le docteur sur le ton de la boutade. »
Et pourtant il était sérieux. A l’en croire, la question réunit toutes les données du drame national des trente dernières années. Très versé dans le dossier, il parlait en politique. « Je pense que toute mesure non fondée sur la volonté de régler réellement le problème de la pollution serait vouée à un échec, assène-t-il. »
En clair, après avoir décidé de régler réellement le problème de la pollution, il faut faire partager cette volonté aux populations. J’étais du même avis, mais je n’avais aucune idée des mesures concrètes à prendre, n’ayant jamais abordé la question sous l’angle scientifique ou technique. Voici alors comment mon ami, le docteur Maurice Vignon, satisfit ma curiosité de néophyte.
« Ecoute mon cher, dit-il, dans l’immédiat, il faut prendre des mesures pour gérer le problème au quotidien. Ce sont des mesures d’ordre essentiellement techniques bien connues de ceux qui sont en charge du dossier :
- le remplacement de vélomoteurs 2T par des vélomoteurs 4T, moins polluants, l'amélioration de la qualité de l'huile pour le 2T et de la qualité des mélanges essence/huile.
- la mise en place d'un contrôle technique pour les engins à 2 roues
- une amélioration du secteur des carburants
- la mise en place d'un réseau de garagistes formés. »
Tout cela était technique pour moi, je dois l’avouer. Je fis comprendre au docteur qu’il faut aussi penser à la reconversion des Zémidjans. Cela me tenait beaucoup à cœur. «Vous avez raison, approuva-t-il, c’est un impératif sociétal, il faut les orienter dans d'autres secteurs porteurs et trouver une solution à la question du transport collectif dans les villes. Une politique de déplacements durables doit être menée... »
Le docteur parlait en connaisseur, très précis et méthodique. C’est des gens comme lui qu’il faut pour diriger notre pays, si nous voulons que ça change. Il n’y a pas de doute, cette discussion au Canada avec un spécialiste béninois de la qualité de l’air m’a apporté si j’ose dire un grand bol d’air. J’espère que c’est l’air de l’espoir, même si je reconnais que la question de la qualité de l’air, dépasse de loin la fixation qu’on fait sur les Zémidjans.
En effet, on ne saurait sous-estimer les autres sources de nuisance à la qualité de l’air de Cotonou. Au-delà des Zémidjans, la qualité de l’air à Cotonou doit être appréciée dans le cadre plus général d’une politique de développement durable qui prenne en compte la diversité des sources de pollution. Malheureusement, ces sources sont légion. L’insalubrité urbaine en est un exemple concret. La gestion des déchets et ordures ménagères est un véritable problème de santé urbaine. A Cotonou, l’insalubrité est palpable. Rues, voies, et places publiques sont sales, jonchées d’emballages, de détritus, peaux de fruits divers et d’objets encombrants malgré ce qu’on peut imaginer comme effort déployé par la municipalité pour offrir aux populations un environnement un tant soit peu sain. Ces manquements aux règles de salubrité sont le fait de tous : passagers qui se débarrassent sans crier gare du moindre objet encombrant, vendeurs qui circulent sans prévoir une poubelle portative, acheteurs qui se soucient très peu d’être bons éco-citoyens ; Zémidjans, chauffeurs, etc. Et puis il y a la responsabilité directe des pouvoirs publics. Comment se fait-il qu’une ville comme Cotonou ne possède pas un système adéquat de déchetteries et de poubelles ? La question mérite réponse. Lorsqu’on la pose aux services techniques de la marie à Ganhi les agents laissent entendre que les rues sont nettoyées au moins trois fois dans le mois et que des déchetteries sont implantées presque dans tous les coins de la ville. Reste que leur visibilité, gage d’efficacité, laisse à désirer. Il existe également une équipe chargée du ramassage des ordures ménagères, me dit-on ; mais si de telles équipes ne rayonnent pas sur la ville et se cantonnent à quelques quartiers arbitrairement sélectionnés alors le problème de la pollution par les déchets reste entier.
Certes face au problème de la pollution, on ne peut pas dire que la ville reste inerte. Très récemment de passage à Cotonou, en circulant dans le quartier de Cadjehoun quelle n’a été ma joie de voir un samedi matin dans les rues des dizaines de jeunes qui ramassaient des ordures de manière très organisée et conviviale. Ils étaient vêtus de Tee-Shirts de couleur bleue et blanche avec les logos de la ville de Cotonou et de " Jeunesse Canada Monde ". Bel exemple de solidarité écologique. Cela m’a rappelé les mêmes scènes que j’ai vécues au Japon lors d’un séjour littéraire en mémoire du Maître Soseki. Isolé dans un kiosque d’un jardin à la japonaise pour décrire mes impressions sur la nature du pays du Soleil levant, je voyais chaque jour sur les cours de midi, un groupe discipliné d’hommes en tenue trois-pièces et cravate qui venaient nettoyer de leurs mains la parc public de la ville de Hakodate. Curieux de savoir qui étaient ces nettoyeurs insolites, j’appris que c’étaient les P.D.G. de sociétés qui se trouvaient dans la zone franche bordant le parc public d’en face. Je voyais là une illustration de la force du lien social sous-tendue par les valeurs de discipline, d’unité et du bien commun, en vigueur au Japon. Je me disais : « Confucius est toujours vivant ! » J’étais loin de penser que le même sens du bien commun pouvait se donner libre cours au sein de la jeunesse de mon pays. Comme quoi, dans les questions de mentalités, de culture et de valeurs, il ne faut jurer de rien !
Binason Avèkes.
© Copyright, Blaise Aplogan, 2006
08 août 2006
La qualité de l’air à Cotonou
Petite histoire d'un Changement
II
La caractéristique des changements spontanés est qu’ils prennent racine dans des nécessités mais peuvent générer des problèmes plus graves que ceux auxquels leur adoption est censée pallier.
En tant que changement dans le mode de transport urbain, le Zémidjan est à la charnière de maint processus : social, physique, biologique et politique. Dans le cas d’espèce, il est la résultante de trois facteurs : la proximité du Nigeria qui pourvoit en motos et carburant frelaté ; l’existence d’un réseau de vendeurs de kpayo ; et la faillite des pouvoirs publics et de toute une génération.
Au-delà de leur caractère spontané, les changements sont chose difficile à saisir. Tel phénomène cyclique peut nous paraître changeant tant que nous n’avons pas pris conscience qu’il est cyclique. Et même lorsque nous avons pris conscience de cet aspect, tant que nous n’avons pas pu déterminer sa périodicité, il reste pour nous un mystère. L’histoire de l’astronomie regorge d’expériences illustrant un tel mystère.
Dans l’histoire des trente dernières années du Bénin, les époques politiques se sont accompagnées de mots d’ordre et de slogans plus ou moins accrocheurs. C’est à n’en pas douter un héritage de la période lyrique de la Révolution. En effet, la Révolution s’est illustrée par le mot d’ordre : « Ehuzu dandan ! » Puis suite à la Conférence nationale, le Renouveau démocratique a ouvert la voie à l’ère de la Renaissance de Soglo et à la Résurrection de Kérékou. Maintenant avec les dernières élections le Changement est à l’honneur appuyé par le slogan « Ça va changer ! » Or il suffit de traduire ce slogan en fon pour voir apparaître une troublante liaison rhétorique entre « Ehuzu ! » et « Enahuzu! »
Mais à y regarder de près, qu’est-ce qui change ? Est-ce que ce n’est pas tout simplement un processus cyclique qui consacre le flux et le reflux de l’espérance du peuple ? On peut penser que le Changement qui nous est promis fraîchement, et que nous n’avons aucune raison de mettre en doute, est opposé à tout ce qui l’avait précédé. Mais même dans les termes, la Révolution se voulait un changement ; le Renouveau était un changement ; la Renaissance aussi etc. Changement ! Est-ce parce que le changement est partout que rien ne change ?
Les sceptiques peuvent faire un clin d’œil au cas du Sénégal. On se souvient en effet de la tumultueuse élection de Monsieur Abdoulaye Wade à la Présidence. Le vieil opposant au Parti socialiste avait accédé au pouvoir sous le vibrant slogan de « Sopi ! » Ce mot en wolof veut dire Changement. Au Sénégal c’était le grand soir. Les gens rêvaient des lendemains qui chantent. Aujourd’hui, il suffit de mesurer en quoi et dans quel sens le Sénégal a changé depuis Abdou Diouf pour échapper à l’hypnose collective de l’espérance de masse.
L’enfer dit-on est pavé de bonnes intentions. En ce qui concerne la volonté de changement, en Afrique plus qu’ailleurs, il faut surtout se garder de jugements hâtifs. Pour ne parler que du Bénin, il va sans dire que des forces coalisées ont tendance à freiner le changement ; forces endogènes et/ou exogènes ; soit volontaires parce que, à l’instar des croque-morts, elles vivent de cet état de chose ; soit involontaires parce qu’un immense effort mental incombe à la nation pour connaître sa pleine autonomie, une montagne à soulever. Cet effort auquel nous ne parvenons pas, il convient d’en questionner sérieusement les échecs récurrents, et non pas nous hâter de jeter la pierre aux hommes politiques et aux régimes du passé, vite catalogués comme sans foi, ineptes et inaptes. C’est en comprenant les raisons de ces échecs que notre légitime désir de changement évitera le double écueil de l’incantation et du lyrisme qui est au principe du flux et du reflux de l’espérance populaire. Au-delà de tout volontarisme éphémère, nous devons nous défaire du regard manichéen que nous portons sur le passé pour mieux voir les forces et logiques qui freinent le changement.
Par ailleurs, avec la meilleure volonté et les meilleures chances du monde, l’effort de développement d’un pays du continent – petit ou grand –finira par entrer en résonance avec l’effort des autres pays africains. C’est dire que la vision d’un pays comme îlot de changement dans un océan de régression ne tient pas la route longtemps ; tout scepticisme mis à part, cette limite dialectique incite à situer la question du changement dans un cadre suffisamment critique.
Dans le cas du Bénin, on peut dire que la Révolution a été un changement radical, le Renouveau un changement de velours, et le Changement actuel, eh bien…disons un changement tout court, avec un grand C !
Et si tous ces changements s’inscrivaient dans un processus cyclique ? Comme me le faisait remarquer Eloi Vidosessi, un compatriote humoriste fin observateur de l’histoire politique nationale, et si le Bénin était un pays qui, tous les dix ans, se laisse enfoncer dans un puits par un militaire débonnaire, et a besoin d’un fonctionnaire plus ou moins international pour le hisser sur la margelle ?
Foin de spéculation sur le sens des choses dans le temps. S’il y un changement qui n’a pas changé depuis que les changements changent au Bénin, c’est bien le changement de la qualité de l’air à Cotonou. Lorsqu’il faisait son entrée dans Cotonou le premier taxi-moto, on l’imagine, était loin de se douter qu’il serait à l’origine d’un tel changement. Et pourtant les faits sont là. Même dans des conditions de stricte réglementation, le carburant qui alimente les véhicules à moteur, constitue une importante source de gaz qui encombrent l’atmosphère. Ces mêmes combustibles fossiles produisent d'autres polluants qui, lorsqu'ils sont inhalés, ont des répercussions néfastes sur la santé. Or, en l’occurrence, cette donnée est aggravée par le fait que le kpayo est un carburant frelaté.
C’est dans ces conditions que le ciel de Cotonou a été pris d’assaut par de redoutables ennemis qui ont nom GES, alias gaz à effets de serre. Sous cette appellation générique se cache toute une armée d’envahisseurs gazeux plus ou moins malins. Il y a d’abord le H2O et le CO2, qu’on ne présente plus, le CH4 ou méthane, le NO2 ou oxygène nitreux, le CFC issu des appareils de réfrigération, et enfin, O3, le fameux Ozone dont le seul nom résonne dans maintes zones de nos cerveaux de terriens avec effroi. A Cotonou, cette armée d’éléments gazeux se résume en quelques chiffres alarmants : 83 % de monoxyde de carbone et 36% d’hydrocarbures. Au quotidien, l’émission de gaz carbonique est de 83 tonnes dont 59 % pour les seuls deux-roues. Il y a là de quoi donner le tournis à l’ancêtre Portonovien du Zémidjan de Cotonou…
Certes, le problème de la qualité de l’air soulève la question du respect des normes. En ce qui concerne les véhicules, qu’ils soient à deux ou à quatre roues, il y a le problème des conditions techniques de leur introduction sur le sol national. A Cotonou, la majorité des voitures qui débarquent au port sont des "venues de France ", particulièrement polluantes et en fin de vie. J’ai parcouru naguère, une étude du MEHU sur le parc automobile immatriculé dans la ville de Cotonou. Et j’ai été proprement sidéré. L’étude indiquait que l’âge de la majorité des véhicules était supérieur à dix ans, avec une moyenne d’environ 12,5 ans ! Avec une complaisance aveugle due à l’appât du gain, nos acteurs économiques, là comme ailleurs, font assumer à notre pays le rôle d’anus du système de consommation capitaliste mondial. Et les conséquences écologiques sont désastreuses. La pollution à Cotonou fait courir à la population de graves dangers. Un vaste spectre de maladies allant des maladies respiratoires au saturnisme en passant par les maladies allergiques et les maladies de la peau fait son apparition. En effet, les émissions de gaz toxiques provoquent notamment : le cancer du poumon, des affections respiratoires, les infarctus, les céphalées, le vertige etc.… Par an, l'intoxication par le plomb ou saturnisme coûte au Bénin 20 milliards de francs CFA soit 1,2% du PIB. Face à cet état de chose, si rien n'est fait, il va de soi que la situation va s'aggraver de façon continue.
Récemment, un ami, le professeur Maurice Vignon du Cnhu de Cotonou, a cru devoir mettre en garde le Bruxellois fraîchement débarqué que j’étais. « Vous avez-vu, me disait-il, les motocyclistes circulent désormais avec des cache-nez ou des mouchoirs. Traverser la ville est un véritable calvaire. La fumée est partout, nous mourons à petit feu, pour ne pas dire à petit gaz. » Et il savait de quoi il parlait ; spécialiste des maladies respiratoires, il avait en charge la santé de mon frère aîné atteint d’un cancer foudroyant qui devait l’emporter.
Bien souvent, les changements nous touchent au plus profond de nous et parfois nous laissent dans un embarras sans nom. Pour la petite histoire, j’ai deux frères. Mon frère aîné, qui a eu le bac vers la fin des années 70 est entré dans la Police nationale en 1983. Certes, il n’y a pas de sot métier et dans le sauve-qui-peut de l’époque, il avait accepté son sort . Mon plus jeune frère est du genre fainéant. A peine sorti du cours primaire, il errait dans le vide d’une société où même les gens diplômés ne menaient pas large. Moi, j’avais eu la chance de poursuivre mes études en Belgique où je vis actuellement. Pour venir en aide à mon jeune frère, j’ai financé l’achat d’une moto pour qu’il devienne Zémidjan. C’était au milieu des années 90 où ce métier battait son plein. J’avais agi de bonne foi. Voilà donc mes deux frères en activité dans la ville de Cotonou : l’un sur son Zémidjan et l’autre aux carrefours. C’est dans ces conditions qu’au bout de cinq ans, alors qu’il était non fumeur, mon frère aîné contracta un cancer du poumon qui devait l’emporter en quelques mois. Quand je sais que j’ai encouragé mon aîné à passer le concours des policiers ; et que c’est moi-même qui ai financé le plus jeune en l’incorporant de facto à l’armée des hommes en jaune dont le gagne-pain a eu raison de la vie de notre frère, je mesure tout mon embarras !
A suivre
Binason Avèkes
© Copyright Blaise APLOGAN, Paris 2006
31 juillet 2006
La qualité de l’air à Cotonou (1)
Petite histoire d’un changement...
Un voyageur amoureux de Cotonou qui décide de sillonner les rues de notre capitale économique à pied ou en vélo se prépare à bien des surprises. S’il n’a pas foulé le sol de la ville depuis un certain temps, il découvrira des choses nouvelles. Cela va de soi. D’un tempérament nostalgique, il regrettera certaines et mettra d’autres sur le compte du progrès. Mais au fur et à mesure qu’il avance au cœur de la ville, au milieu des taxis-moto, des engins à deux roues et autres voitures de fortune qui circulent en masse, il se rendra compte que la qualité de l’air qu’il respire laisse à désirer. Le signe de ce constat arrive brutalement au premier carrefour lorsque la masse des motos de toutes cylindrées attend le feu vert pour redémarrer. Des dizaines de pots d’échappement vrombissant déversent dans l’air des volutes d’une fumée âcre. Certains passagers tentent de retenir leur respiration, d’autres se couvrent le nez avec un mouchoir mais inutile de se voiler la face : la fumée qui incommode n’est qu’un échantillon de ce qui est dans l’air ambiant. Lorsque le feu passe au vert, on lit sur les visages un réel soulagement. C’est comme si la nuisance que l’on fuit avait sa source au carrefour. Or le mal est dans l’air. La concentration de gaz qu’on ne supporte pas au carrefour n’est que le signe éphémère de ce mal de l’air urbain que l’on ressent dès qu’on est à Cotonou.
19 juillet 2006
Les 123 premiers jours
Pour une contribution originale à l’imaginaire universel
I. Position
Naguère, les médias, toutes formes et tendances confondues, ont disserté à longueur du temps sur les 100 jours du nouveau gouvernement. Sur la note de cette mesure, tout le monde y est allé de sa petite musique en donnant le livret de son bilan. Personne ne s’est demandé d’où venait cette mesure qui a mis tout le monde en branle. On peut supposer que l'habitude vient d’ailleurs ; et comme nous n’aimons au Bénin, rien tant que faire comme tout le monde, les autres, les Zojaguets, gens infaillibles qui ont dompté la raison, eh bien, sans demander notre reste nous assumons ce rituel, le revendiquons et pour finir l’appliquons sans aucun esprit d’originalité !
D’ailleurs, la fierté frénétique avec laquelle nous aimons à nous référer aveuglément aux valeurs ou à l’univers imaginaire exogènes, pour ne pas dire occidentaux fait partie intégrante de notre représentation de la culture lettrée. Bien sûr, ceci est le résultat d’une histoire et la continuité d’une réalité face à laquelle nous avons abdiqué tout devoir d’imagination. Les lettres de noblesse de la connaissance lettrée nous viennent d’ailleurs, avec le système de valeurs qu’elles véhiculent. Cette aliénation de l’imaginaire hante la rhétorique des intellectuels et des hommes politiques. Certains en abusent parfois à la corde.
N’a-t-on pas entendu récemment dans une lettre ouverte adressée au Chef de l’Etat, un homme politique qui bien que drapé dans les oripeaux de la tenue locale la plus colorée, tenait un discours dont chaque ligne se faisait gloire d’être criblée de références à Brutus, César, et autre Machiavel ; et ceci sans arrêt d’un bout à l’autre de son souffle d’orateur professionnel, et de sa réflexion qui au demeurant ne manquait pas parfois de pertinence ? Et le comble du fatras rhétorique consistait à abaisser la tonalité jusqu’au niveau d’allusions frivoles à des publications passablement loufoques, et socialement situées dans le Landerneau parisien. Cette dissonance rhétorique involontaire traduit bien la valorisation de la référence exogène, comme si le fait de parler une langue étrangère ne nous laisse plus la liberté d’introspection et d’autoscopie ; liberté de faire un retour imaginaire sur nous-mêmes ? Qu’ont fait Brutus ou César que n’aient fait à leur manière en bien ou en mal Béhanzin, Bio Guerra, Adandozan ou Samory ? Mais non, on ne citera pas ces grands hommes d'ici, ne serait-ce que pour faire la tare. Non, les lois de la mystification rhétorique qui régissent le discours intellectuel nous interdisent de libérer l’espace de la référence imaginaire. Non, hélas non, nos grands hommes ne font pas le poids ; ces nains ne sont pas de taille à en imposer à l’auditoire, à l’impressionner, à lui en boucher un coin...
Tout cela est bien pauvre, il faut l’avouer. Misère aussi que cette furia aveugle qui embrasa la mesure des 100 jours, aune chronologique à laquelle l’action du gouvernement est censée être évaluée. Il faut faire comme dans le vaste monde de manière à se mouler dans l’illusion d’être non pas dans le tiers monde, mais dans le même monde comme tout le monde. Faire comme tout le monde, comme si la meilleure manière d’être comme tout le monde n’était pas d’abord d’être soi-même. Car les gens dont nous adoptons les rituels, les modes, les tics et les tactiques, les gens dont nous parlons les langues avec frénésie, ceux dont nous citons à longueur de lignes les références historiques, aussi exemplaires soient-elles dans l’histoire de l’humanité, eh bien ces gens ont tout loisir de rester eux-mêmes !
L’autre aspect de cette aliénation joyeuse, c’est que la mystification souvent destinée aux autres se retourne contre son promoteur. Comme une bombe qui pète à la figure du terroriste. Ainsi, l’expérience a montré la myopie renversante du terrorisme de la référence imaginaire aliénée. Il ne s’agit pas seulement de cette déplorable auto-exclusion, due à la paresse ou la honte de ne pas creuser assez pour trouver des références propres susceptibles de convaincre, d’illustrer notre propos tout en contribuant à enrichir l’imaginaire universel : non, ce dont il est question, c’est cette forme de myopie idiote qui se traduit par l’incapacité de prendre conscience de l’universalité de l’espace des références. On cite César, Caligula, Brutus à satiété car c’est là le lieu central de la référence imaginaire. Confucius, Tagore, Lao-Tseu, Bouddha, Sitting Bull, Geronimo, et qui sais-je encore ? Nenni, tout ça c’est le chaos d’avant le Savoir, le Vide ! Signe extérieur de richesse intellectuelle, d’érudition proclamée, et de savoir thésaurisé, cette myopie est avant tout un aveu de pauvreté intérieure.
Misère, misère, quand tu planes dans nos airs, épargne aux pauvres hères ta triste galère ! Bref ce serait bon que nos intellectuels, et nos hommes politiques redonnent son prestige au bon sens, et réfléchissent à l’imaginaire véhiculé dans leur discours. Pour dépasser le stade du mimétisme superficiel, nous devons en toute fierté contribuer à enrichir notre imaginaire de la référence, être conscients du devoir d’universalité imaginaire qui nous échoit ; en commençant par nous demander quelle est notre place dans cet univers, et si ce que nous en tenons pour le centre absolu et définitif en est bien un, dans un monde qui, comme nous le voyons, devient chaque jour un peu plus ce qu’il est : un village planétaire.
Pour en revenir au grand tintouin autour des 100 jours d’action du gouvernement, une mesure venue d’ailleurs et que nous adoptons sans demander notre reste, nous aimerions suggérer le choix du nombre 123, traduit par la relation arithmétique :
123 = 41 x 3.
Dans l’égalité 123 = 41 x 3, le nombre pivot est 41. Ce nombre premier était un nombre de prédilection de nos Ancêtres ; il était utilisé dans les actes politiques et sociaux, ainsi que dans les rituels religieux. L’importance symbolique de l’égalité ci-dessus est donc intimement liée à notre histoire, reflet de la science des nombres que détenaient déjà nos savants anciens.
Pour comprendre le choix de 123 comme aune possible d’un temps politique harmonieux, expliquer pourquoi il colle esthétiquement, éthiquement et historiquement à notre imaginaire bien mieux que le nombre 100, il serait intéressant d’examiner de près quelques propriétés du nombre 41.
Que ceux qui ont la chair de poule dès qu’ils entendent parler de chiffres se rassurent : ce qui suit n’est qu’un simple catalogue des propriétés du nombre 41. Une promenade dans le jardin secret des connaissances de nos Ancêtres…
II. Le nombre 41.
1. Propriétés mathématiques
41 est l'entier naturel qui suit 40 et qui précède 42.
41 est un nombre premier.
Un nombre premier est un entier naturel strictement supérieur à 1, n'admettant que deux diviseurs distincts : 1 et lui-même.
41 est le treizième nombre premier ; il fait partie de la paire de nombres premiers jumeaux {41, 43}. En mathématiques, les nombres premiers jumeaux sont une paire de nombres premiers qui diffèrent de 2.
41 fait partie de la paire de nombres premiers cousins {37, 41}.
En mathématiques, les nombres premiers cousins sont une paire de nombres premiers qui diffèrent de quatre.
41 s'exprime également comme la somme des six premiers nombres premiers :
41 = 2 + 3 + 5 + 7 + 11 + 13.
41 est aussi la somme de trois nombres premiers : 11 + 13 + 17.
41 est un nombre carré centré, comme dans l'exemple suivant:
41 s'exprime comme somme de deux carrés : 41 = 4² + 5².
Géométriquement parlant, cela veut dire que si les deux petits côtés d’un triangle rectangle mesurent respectivement 4, et 5 alors son plus grand côté est racine de 41.
41 est un nombre premier qui est somme de 3 nombres premiers de 4 façons différentes :
41 |
= 5 + 13 + 23
= 5 + 17 + 19
= 7 + 11 + 23
= 11 + 13 + 17
|
Un nombre premier qui est somme de 3 nombres premiers de 4 façons différentes |
Enfin, 41 est Le numéro atomique du niobium, un métal de transition…
La promenade arithmétique se termine donc par un clin d’œil chimique ! Entrons maintenant dans le jardin secret des valeurs.
2. Valeurs associées au nombre 41
a) Symbolisme occidental
· 41 représente le "Fils, le Verbe éternel", selon J. Boehme.
· 41 est un nombre symbolisant le bonheur, la félicité, selon L. Wood.
· 41 ans correspondent aux noces de fer.
b) Bible et référence chrétienne
·Roboam fils de Salomon devint roi sur Juda alors qu'il avait 41 ans. (1 R 14,21; 2 Ch. 12,13)
· Asa devint roi de Juda et régna 41 ans à Jérusalem. (1 R 15,10)
·En la 15e année d'Amasias fils de Joas, roi de Juda, Jéroboam de
Joas devint roi d'Israël à Samarie et régna 41 ans. (2 R 14,23)
·Asa mourut dans la 41e année de son règne.
·Selon les visions de Marie d'Agreda, lorsque Joseph, le saint
époux de la Vierge Marie, mourut, celle-ci était âgée de 41 ans et 6 mois environ.
·Dans les messages du Christ à Dozulé reçus par Mme Madeleine Aumont, celui-ci demande que les hommes construisent une immense Croix Glorieuse dont il donne les dimensions, ainsi qu'un Sanctuaire de la Réconciliation.
· Le nombre 41 est employé 5 fois dans la Bible.
· Le mot mortel est employé 41 fois dans la Bible.
c) Dans le bouddhisme
Dans le bouddhisme, l'Anguttara-Nikâya, qui est un recueil du Sûtra-Pitaka (composé de textes classés numériquement en onze catégories) énumère 41 «grands moines».
d) Dans nos us et coutumes
· La cérémonie des 41ème jour après un décès. Chez les musulmans du Bénin et du Sénégal, on fait le sara ou l'aumône Chez les Adjas certains codes et conduites sont à respecter pendant 41 jours après le décès…
3. Nos Ancêtres et le nombre 41.
Dans une nouvelle de l’écrivain Binason, le personnage principal qui s’était retrouvé au Pays des Ancêtres, assista à un rituel où on chantait :
La défaite de Kétou, qui peut l’oublier ?
La guerre a pris fin, nous dit-on, est-ce vrai ?
Mais les Guédévi en paient toujours le prix.
Quarante et un jour, quarante et un an !
Combien de temps durera cet affront ?
Quarante et un était en effet le nombre de jeunes filles que le roi Agadja, après sa défaite à Kétou, devait fournir chaque année au roi d’Oyo. Les Fons devaient aussi fournir quarante et un jeunes gens, quarante et un barils de poudre, quarante et un ballots de pagne, etc.
Dans le royaume d’Abomey, quarante et un était un nombre noble ; on le désignait par «Kandé lissa» Il va sans dire que les savants, numérologues, géomanciens, et astrologues dahoméens de l’époque connaissaient les secrets mathématiques et les valeurs du nombre 41 que nous venons d’évoquer brièvement.
III. Proposition
Ainsi, dans le royaume du Danhomè, le nombre 41 avait un usage politique tout à fait symbolique. Dans notre imaginaire, ce nombre a donc une place de choix. Il en est de même du nombre 123 qui en découle si on ose dire naturellement. En effet la symbolique sociale du nombre 3 y joue un rôle de premier plan. Ainsi par rapport au temps écoulé, lorsque l’on rencontre quelqu’un qu’on n’a pas vu depuis un certain temps, on dit en fon : « Cela fait trois jours ! » Par rapport à une projection dans le temps de l’ordre d’une durée suffisante, le chiffre 3 est un chiffre approprié. D’où la légitimité symbolique de la relation arithmétique : 123 = 3 x 41.
Comme on le voit, 123 est un chronomètre idoine. Parce que intimement lié au nombre 41 qui est un nombre a valeur historique et culturelle, il permet de multiples interprétations symboliques. Il donne du sens et une durée suffisante pour mesurer les signes d’une action politique et sociale. Enfin puisqu’il s’agit de s’assurer qu’un départ a été pris et bien pris, le nombre 123 contient les trois premiers chiffres qui servent à donner un top départ : 1, 2, 3…. go !
Voilà donc un nombre qui n’aurait pas déplu à nos Ancêtres ; qu’il plaise ou non à César ou à Brutus, nous autres descendants des Danhoménous ou assimilés, il colle à la peau de notre histoire, de notre imaginaire. 123 est un nombre bien de chez nous ; et peut-être mieux que tout autre porterait-il bonheur à un gouvernement dont l'action est mesurée à son aune : nous pouvons l’adopter !
© Copyright, Aliou Kodjovi, 2006
25 juin 2006
Vision d’une révision
Le Parti des députés
Dans un autisme aussi révoltant que troublant, les députés – nos honorables autoproclamés – viennent de bidouiller à la sauvette la constitution. Les observateurs de la vie politique nationale se posent des questions. Au vu des éléments sur lesquels porte la révision, beaucoup pensent avoir la réponse. Mais hors de toute perception fantasmagorique de la vie politique, la question de fond demeure : quel est l’enjeu ultime de la révision de la constitution par les députés ?
A l’évidence, ce viol collectif inaugure l'ouverture de la boîte de Pandore des bidouillages opportunistes ; il porte en lui les germes d’une tension aux risques antidémocratiques imprévisibles. Lorsque sans aucune nuance une idée aussi spécieuse que la durée de vie politique des députés fait l'unanimité au sein des élus, on peut se demander pour qui elle est vitale : le peuple ? ou ceux qui la votent dans l'urgence contre la volonté de celui-ci ? Pour les députés, il semble qu'il y ait péril en la demeure ; le Palais des Gouverneurs devient une citadelle politique assiégée. Tout se passe comme si, au mépris de la culture démocratique, il n'y aurait plus de partis distincts concourant dans la diversité au bien du peuple, mais un seul parti : la LDS, la Ligue des Député en Sursis ! Cette régression confine au banditisme parlementaire.
Une première hypothèse manichéenne laisse penser que les députés cherchent à cacher des réalités d'ordre concret par des tractations d'ordre formel. Le parlement devient une sorte de camp retranché où, paradoxalement, ceux qui sont censés représenter le bien du Peuple, organisent une lutte d'arrière-garde pour son mal. Du coup, bien que cela ne soit pas forcément une vérité révélée, la volonté de Yayi Boni apparaît comme liée au bien-être du Peuple, là où le succès des réviseurs consacre et rappelle le cycle infernal de sa misère.
Mais on peut considérer une autre hypothèse ; celle qui accrédite la thèse d'une lutte non pas entre le Bien et le Mal mais entre anciens et nouveaux gestionnaires du pouvoir politique. Il s'agit d'une résistance non pas au changement en tant que tel, mais au changement de personnel, à la relève. Réflexe de survie. Ces gens souhaitent avoir le temps de s'organiser pour retrouver leurs esprits, et leurs postes après le séisme politique que constitue l'élection de mars 2006. Quand on voit aussi la manière dont Yayi Boni opère dans un relatif silence avec la légitimité putative du Juste, -- Juste parce qu'élu confortablement, Juste parce que donné comme Sauveur du Peuple... -- il va sans dire que le nouveau Président essaie de consolider ses assises. Qu'il veut ouvrir un boulevard allant de la Marina au Palais des Gouverneurs, passer du pouvoir Présidentiel au pouvoir Législatif sans solution de continuité.
Pour les anciens, cette entreprise est inquiétante. Motif d'inquiétude, l'arrestation dans l'affaire Sonacop du Chef d'un parti bien représenté à l'Assemblée a été vécue comme un électrochoc. Pour les députés tous partis confondus, il s'agit-là d'une pierre jetée dans le jardin de leur statut d'intouchable. Tout à coup, le mot d'ordre d'impunité zéro prôné par le Changement se concrétise en leur sein de manière menaçante. De ce point de vue, l'acte qu'ils viennent de poser est une réaction de défense.
Mais l'inquiétude n’est pas seulement psychologique, elle est aussi de nature politique. Pour la vie politique nationale, le succès de la démarche du Président peut avoir ses revers. En effet, il n’est pas exempt de risques de dérive. Trop de pouvoir concentré en une seule main fait le lit d’une autocratie insidieuse. D’autant plus insidieuse qu’elle se veut bien pensante et s’appuie sur une bonne cause : le Changement, L'éradication de l’Impunité, la promotion de la Bonne Gouvernance, la Prospérité économique, la Délivrance du Peuple de la misère, etc. Thématique et positionnement populistes idéaux. Pour les anciens, ce projet a un goût amer. Il est normal de vouloir persévérer dans son être, a dit Descartes. Quitte à ternir le peu d'honneur qui leur reste, nos honorables ont fait le choix d'honorer ce principe.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’aspect éthique de la chose. La constitution béninoise valorise le pouvoir présidentiel. La présidentialisation du pouvoir induit du même coup sa personnalisation. Or le Béninois, on le sait, n’est pas seulement chamailleur, il est aussi d’instinct jaloux. Les gens sont moins disposés à voir dans la réussite de la nouvelle politique la délivrance du Peuple et la mise sur orbite du pays que la réussite d’un homme : Yayi Boni. Un inconnu qui réussit là où tout le monde a échoué ? Même si c’est au détriment du peuple, tant qu’il en aura les moyens, le Béninois n’est pas enclin à l’accepter de gaîté de cœur… Gbêto da !...
© Aliou Kodjovi, 2006
21 juin 2006
Par-delà nos frontières artificielles
Une contribution de Edgard Gnansounou
La visite de travail que vient d'effectuer le Président du Bénin à son homologue Togolais est passée quasiment inaperçue dans l'opinion de ces pays. Quoi de plus naturel en effet que les chefs d'états de ces pays jumeaux se rencontrent! Cependant, rien n'est simple. Alors que l'héritier de feu Eyadéma cherche à apaiser la situation politique chez lui, le Président Béninois, grassement élu, peut se targuer de diriger un pays aux moeurs démocratiques plus solides. Mais ce serait superficiel de se limiter à ces aspects aussi visibles et réels soient - ils!
Au-delà des processus qui ont porté ces personnalités à la magistrature suprême, il y a lieu de s'interroger sur leur capacité à transformer radicalement la nature des relations institutionnelles entre le Togo et le Bénin. Les circonstances semblent favorables. On dit de Yayi Boni ex Président de la BOAD qu'il a de très bonnes relations avec les chefs d'états de la sous-région et en particulier avec le clan Eyadéma. A cela ne tienne et malgré tout ce que nous pouvons penser de la politique de Eyadéma et des conditions dans lesquelles le fils a hérité du pouvoir de son père, il n'est pas interdit d'espérer que cette proximité puisse favoriser un changement historique. On dit que ces deux chefs d'états sont aussi proches du Président Ghanéen!
Alors je me prends à rêver. Il y a quelques mois, j'avais appelé de mes voeux la création d'une confédération du Golfe de Guinée qui s'étendrait du Bénin à la Guinée et dont un premier noyeau serait formé par l'axe Bénin-Togo-Ghana. Le moment est venu de lancer un vaste mouvement en faveur de ce projet dont j'aimerais présenter ici les principales justifications. Au-delà des raisons évidentes que sont l'identité culturelle des peuples de ces trois pays, des motifs pratiques justifient l'idée d'une fédéralisation (de) dans notre sous-région.
D'une part, l'idéal de l'intégration économique de l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest tarde à se concrétiser en raison de la réticence des nombreux micro-états à se passer d'une partie prépondérante de leurs ressources financières constituées par les recettes douanières issues des activités commerciales d'import-export. Sans une volonté en faveur d'une intégration politique, l'intégration économique risque pendant longtemps encore de suivre sa marche de tortue.
D'autre part, avec la mondialisation, ces nombreux petits pays n'ont aucune chance de prospérer de manière durable. En tous cas, même si certains parmi eux peuvent légitimement envisager de tirer parti de leur situation géographique favorable, leur prospérité éventuelle souffrirait d'une paupérisation des autres pays de la sous-région. Le syndrome Ivoirien est un bon exemple pour illustrer la vulnérabilité du "modèle du champignon" où la croissance économique de quelques Etats constitue un appel d'air pour les pays voisins plus pauvres et finit par provoquer des crispations nationalistes et xénophobes.
La fédération nigériane constitue, malgré ses faiblesses actuelles, un facteur de croissance important en Afrique de l'Ouest. Etant donné les perspectives d'épuisement vers la fin du siècle des réserves de pétrole et de gaz naturel, le Nigéria (et au-delà, le golfe de Guinée) est en position d'attirer des investissements importants aussi bien pour la prospection de nouveaux gisements que pour l'installation de nombreuses industries pétro-chimiques qui pourraient ainsi profiter d'un avantage comparatif d'une sous-région dotées de ressources naturelles prisées. Il faudra, pour cela que nos frères du Nigéria règlent leurs problèmes de gouvernance et instaurent dans tous leurs Etats des règles de laïcité sans lesquelles, ils risquent de rester pendant longtemps encore un épouvantail! Mais il faudra aussi que nous réussisions à maîtriser collectivement notre espace géographique et politique, faute de quoi, nous risquerons d'être balayés par les guerres liées à la captation des ressources.
Dans cette perspective d'une structuration pro-active, on pourrait imaginer que l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest s'organisent en trois fédérations: Le Golfe de Guinée, le Sahel et le Nigéria.
Les trois fédérations pourraient ensuite réaliser l'idéal d'une fédération Ouest-africaine au travers d'une CEDEAO rénovée.
Vision idéaliste pensez-vous peut-être! Mais comment comprendre que les Européens qui ont souffert du nazisme allemand soient capables de construire, avec l'Allemagne, l'Union européenne alors que nous autres qui partageons un héritage commun de colonisés serions incapables de mutualiser nos atouts pour mieux maîtriser notre destin?
Non, ce qui manque pour le moment chez nous c'est une masse critique d'Afro-ambitieux capables de conjuguer idéalisme, vision et pragmatisme pour faire bouger les lignes par delà les frontières artificielles héritées de la colonisation, frontières que les temps futurs rendront de toutes les façons caduques.
Mais les fédérations ne pourront se construire contre les Etats-nations actuelles aussi artificielles soient ces dernières. Ceux de nos Présidents qui sont si jaloux de leurs pouvoirs n'ont donc pas à s'inquiéter. Il s'agira davantage d'une redistribution de pouvoirs entre les nouveaux pouvoirs fédéraux et les Etats locaux. Le principal défi de ces derniers sera alors d'inventer une démocratie rapprochée (du peuple) sans laquelle la fédéralisation sera une couche technocratique supplémentaire. Mais sans perspective réelle et durable de croissance économique (possible avec la fédéralisation), nos démocraties formelles et "procédurales" resteront vulnérables.
Ainsi, la fédéralisation et la décentralisation politique sont nos nouvelles frontières, celles que nous devrons substituer aux frontières héritées de la période coloniale. Nous pouvons et devons relever le défi d'une réconciliation entre nos espaces géo-économiques, culturelles et politiques.
Nous avons ces prochains jours une bonne opportunité pour exercer notre fibre fédéraliste, en supportant de tout coeur les Black stars dans leurs exploits à la coupe du monde de football. Il faudra ensuite tenter de construire un vaste mouvement de Cotonou à Accra en faveur de la constitution de la Confédération du Golfe de Guinée; Bénin, Togo, Ghana dans un premier temps et "plus" si affinité!
Edgard Gnansounou
Imaginer et construire l'Afrique de demain (ICAD)
© ICAD, 2006
16 juin 2006
La terrible prophétie de Nongqawuse
Il était une fois, en pays Xhosa.
Vers le milieu du 19ème siècle, les Xhosa en Afrique du Sud, population Bantou de la colonie du Cap, étaient depuis près d’un siècle en lutte sanglante contre l’envahisseur colonial sur la frontière est de leur territoire. La résistance des Xhosa fut longue et tenace : entre 1779 et 1881, date de l’annexion définitive, se déroulèrent une série de guerres scandées par trois révoltes violentes exprimant la réaction de la société Xhosa à sa destruction et à sa dépossession. Elles puisaient leurs racines dans les traditions ancestrales : chez ce peuple d’éleveurs doté d’un important bétail, le sacrifice rituel des bêtes faisait partie de l’exigence de purification assurant la communication avec les ancêtres. Parallèlement, l’implantation chrétienne fut précoce, profonde et permanente ; l’influence missionnaire se fit sentir dès la fin du 17ème siècle.
C’est dans ce contexte que s’exprimait la résistance des Xhosa. A la suite d’une épidémie de tuberculose qui décima hommes et bêtes en 1854, quelques prophètes proclamant le pouvoir de ressusciter les troupeaux commencèrent à sévir. C’est alors qu’une jeune femme de 16 ans du nom de Nongqawuse, eut une vision sur les bords de la rivière Gxarha. Elle vit les ancêtres morts qui lui dirent que si le peuple consentait à tuer tout le troupeau, les morts se relèveront de leurs cendres et tous les Blancs seront balayés à la mer.
Le message avait été relayé à la Nation Xhosa par son oncle, Mhalakaza. Bien que profondément divisés sur la conduite à tenir face à une telle prophétie, les Xhosa commencèrent à tuer leur bétail en février 1856. Ils détruisirent leur nourriture et s’abstinrent de semer pour les récoltes. Les greniers furent détruits. Ils arrêtèrent toute occupation productive. Les jours et les nuits passaient. La résurrection des guerriers Xhosa morts n’eut pas lieu…
Dans son livre intitulé "The Dead Will Arise: Nongqawuse and the Great Xhosa Cattle-Killing Movement of 1856-7", l’historien JB Peires soutient qu’en mai 1857, 400,000 bestiaux avaient été égorgés tandis que 40,000 Xhosa étaient morts de faim. Et pas moins de 40,000 autre avaient quitté leurs maisons, à la recherche de quoi se nourrir. Selon le Dr John Fitzgerald, fondateur de la Native Hospital qui fut témoin des événements, on pouvait voir des milliers d "êtres étiques, qui n’avaient que la peau sur les os » passer de maison en maison, à la recherche de quoi se nourrir dans des villes comme King Williams Town. Mourant de faim, ils ne vivaient de rien d’autre que "de racines ou d’écorces de mimosa, dont l’odeur semblait émaner de toutes les parties de leur corps."
L’odeur des morts qui prenait d’assaut la terre entière sonnait du même coup l’hallali de l’indépendance et de l’autonomie des Xhosa.
© Aliou Kodjovi
Bibliographie :
1. JB Peires The Dead Will Arise: Nongqawuse and the Great Xhosa Cattle-Killing Movement of 1856-7.
2. Afrique Noire : Permanences et Ruptures Catherine Coquery-Vidrovitch, L’harmattan, Paris 1994
© Aliou Kodjovi, 2006.
11 juin 2006
Vol de sexe à Parakou
Dessous féminins et politiques.
Les faits de vindicte populaire ne sont pas rares dans notre société. Lorsque la carence chronique de l’Etat à assurer le droit de tous à la sécurité au quotidien se conjugue avec l’ignorance populaire, on assiste à des phénomènes de procès fulgurants et spontanés souvent dramatiques. Dans la foulée d’une rumeur ou de faits avérés, une justice punitive fondée sur l’émotion et le sentiment du bon droit se met en branle. Foulant aux pieds les règles élémentaires de justice, dans une folie justicière naïve, la foule passe au-dessus de la victime telle une rafale affolée, et se fait justice dans une violence expiatoire et cathartique.
Que le crime supposé soit avéré ou au contraire relève de la rumeur, que la victime soit innocente ou réellement « coupable », il reste que les actes de justice spontanée violent le principe de base du code pénal d’un Etat de droit : à savoir que nul n’a le droit de se faire justice soi-même ! Du reste, comme les drames causés par les actes de justice spontanée le montrent, il n’y a jamais de bonnes raisons de se faire justice soi-même.
A l’évidence, dans ce phénomène transperce une double carence de l’Etat. D’abord la carence en matière de sécurité des personnes et des biens souvent désemparés et livrés à eux-mêmes ; et carence sur le plan de l’information sur les conditions et modalités d’administration de la justice. Cette façon que la foule a de s’en remettre à elle-même et à son verdict passionné en matière de justice et de sécurité, trahit en même temps qu’elle révèle une ignorance de fond et une incivilité involontaire.
Lorsque l’ignorance se combine à des manières de penser obscurantistes, à des croyances superstitieuses sur fond d’une vision animiste du réel, on assiste à un choc des rationalités. Ce choc peut générer des drames.
Ainsi en est-il de l’affaire du « Vol de sexe à Parakou » dont la presse s’est fait abondamment l’écho cette semaine. Hormis l’aspect de justice spontanée qui du reste finit bien, ce type de récit n’a rien de nouveau. Il est emblématique des récits du genre qui nourrissent le besoin populaire de croyance en la manifestation des forces occultes qui, dans une vision magique du réel, font irruption en permanence dans la réalité ordonnée du monde. Le sexe, la référence à l’imminence de l’examen du bac, la précipitation collective, tout cela campe le décor d’une allégorie de l’angoisse de la perte de jouissance avec en ombre portée l’exorcisme prémonitoire d’une révolte collective.
A y regarder de près, et à lire entre les lignes, cette histoire recèle une signification allégorique qui va au-delà de la superstition. En fait, ce récit « du vol de sexe » dans le Nord, est une production imaginaire collective qui en même temps qu’elle est indexée sur la réalité, en tant que relevant du fait divers, peut donner lieu à une interprétation symbolique sur le plan politique. Et ce, pas seulement à travers l’esprit inventif d’un romancier à l’imagination débridée, mais selon des principes et des éléments objectifs que le psychanalyste ou le sociologue le plus sérieux pourrait ne pas renier. En effet venons-en au récit lui-même. De quoi s’agit-il ?
L’histoire nous dit-on, se déroule entre une fille candidate au baccalauréat session de juin 2006 et deux femmes de nationalité nigériane. Cette jeune femme déclare la disparition de son sexe alors qu’elle s’apprêtait à prendre un bain. Aussitôt ses proches parents accourent pour faire le constat. A la question de savoir quels ont été ses derniers actes de la journée, celle-ci dit avoir salué deux femmes Yoruba au marché Azèkè peu avant son retour à la maison. Pour ses proches, c’est à n’en pas douter ces femmes qui sont à l’origine du forfait. C’est alors qu’une ’’brigade de recherche’’ spontanée constituée des habitants du quartier et autres badauds se met aux trousses des ’’voleuses de sexe’’. Les deux pauvres dames seront rattrapées plus tard au marché où elles étaient en train d’acheter des bidons et bouteilles vides. Ramenées de force au quartier Yarakinnin, les deux femmes Yoruba étaient sur le point de subir la hargne de ces badauds quand les éléments du commissariat central de la ville, informés, ont débarqué sur les lieux. Ils ont pu sauver les deux dames.
Selon un responsable de la Police on ne saurait parler de vol de sexe car aussitôt que la fille a déclaré la disparition de son organe, elle a été conduite à l’hôpital pour vérification. Mais les médecins ont constaté que le sexe était bien là. « C’est donc une histoire à dormir debout montée de toute pièce », conclut-il. Les deux femmes ont été libérées après quelques heures de rétention pour raison de sécurité.
A en croire le journaliste qui relate les faits, la semaine précédente, la ville de Djougou dans le département de la Donga a connu une histoire similaire de « vol de sexe »
Comme on le voit, les éléments signifiants du récit s’articulent en un tout allégorique bien ordonné. Comme dans tout récit symbolique, il y a d’abord le sens explicite qui constitue le fait divers en tant qu’objet d’information : une histoire pour le moins farfelue de « vol de sexe » qui donne lieu à une interpellation collective spontanée des suspectes. Cette interpellation qui vise à réparer le préjudice se saisit sans ménagement des coupables désignés selon un mode aussi arbitraire et irrationnel que le fait invoqué. N’eût été l’intervention salutaire des forces de l’ordre, à l’arbitraire aurait fait suite le drame irréversible. Des innocentes auraient été livrées à la vindicte de la foule, lynchées, soumises à la question sur la base d’un ensemble d’éléments factuels actuellement vides.
Mais le sens implicite de ce récit n’est pas vide, loin s’en faut. Le sociologue et le psychanalyste, peuvent y trouver matière à moudre leur grain. En adepte rénové de Lévy-Bruhl, le premier nous parlera de sociologie des mentalités, et le second, en disciple synthétique de Freud ou de Jung nous mènera au cœur de l’étiologie des psychoses et du sens politique des archétypes sociaux. A ces deux visions scientifiques classiques, on peut ajouter bien d’autres, comme celles du mythologue, du sémiologue, ou de l’anthropologue.
Mais le pouvoir heuristique de l’imagination et une bonne connaissance des réalités de notre pays suffit à réconcilier tous ces regards. A faire parler les symboles dans leur tension conjoncturelle et structurelle. A écrire le roman d’un fait divers passablement farfelu.
Du reste les éléments mis en jeu par le récit parlent d’eux-mêmes et pour eux-mêmes. Procédons par énumération.
1. La protagoniste est une candidate au baccalauréat de cette année.
2. La jeune femme allait prendre un bain…
3. Les deux femmes suspectées sont Yoruba et nigérianes.
4. Sur le marché les deux femmes achetaient des bidons vides…
5. Aussitôt, les parents de la victime arrivent pour faire le constat…
6. « Une histoire montée de toute pièce, » dit la Police.
7. La ville de Djougou a connu une histoire similaire de « vol de sexe »
Dans le premier élément cette jeune femme figure le pôle de l’incertitude et de l’angoisse. La période des examens est chargée d’incertitudes. C’est aussi l’occasion de faire recours à toutes sortes de pratiques et d’opérations propitiatoires susceptibles de favoriser le succès sinon de le garantir. L’ennemi, comme il sied que tout Béninois normalement constitué en ait au sein de sa famille ou de ses proches, est toujours aux aguets, prêt à nous jeter un sort, à nous priver de nos chances de succès, à nous faire des crocs-en-jambe foireux. Tout cela génère l’angoisse. Mais la situation sociale et économique du pays n'est pas moins anxiogène.
Dans le deuxième élément, la fille allait prendre son bain lorsqu’elle constata la « disparition de son sexe. » Le bain est un moment de purification dans et par l’élément de l’eau qui rappelle le séjour primitif dans le ventre maternel. Des deux sexes, celui de la femme est le moins protubérant, le moins apparent. N’en déplaise à cette discrétion naturelle, on insinue ici la disparition de ce qui par nature n’apparaît pas, a fait vœu de non-apparition. On peut supposer que d’une manière tactile, la protagoniste a échoué aux portes de ce havre d’intimité. Elle a sans doute fait l’expérience déroutante d’une herméticité inhabituelle de ses voies génitales. Comme quand on vient chez soi pour découvrir que l’huissier en a fait condamner ou muré les entrées. Sans demander son reste, la femme crie à la perte de son organe sexuel. L’organe sexuel figure ici le pôle et la voie de la jouissance. La jeune femme se sent soudain privée de ce pôle, de cette voie par une sorte de voie de fait qu’elle subodore mystérieuse. Elle hurle au secours !
Le troisième élément prend un caractère de désignation typique et topique : on nous parle à la fois de Yoruba et de Nigérian. Les Yoruba sont une ethnie très versée dans le commerce ; d’où la référence au marché où ont été retrouvées les femmes dans ce qu’on peut considérer comme leur lieu naturel. En plus, vient la référence au Nigeria, pays frère et frontalier producteur de pétrole et sanctuaire du commerce régional dans lequel les Yoruba ont un rôle actif. Dans cette image, le pétrole lui-même fait figure de topique centrale, puisqu’il est au cœur de l’angoisse et du discours latent du récit. En effet tous les Béninois, et plus particulièrement ceux du Nord ont encore en mémoire les images terribles du drame de Porga qui symbolisent le manque brûlant de pétrole qui hante la pays. Manque brûlant qui de l’Affaire de la Sonacop dont le héros éponyme est un richissime homme d’affaire d’origine Yoruba à l’interdiction de la vente du kpayo, défraie la chronique, avec son lot de questions et d’incertitude : que ferons-nous sans le kpayo ?
Le mot kpayo lui-même résume dans sa phonétique sinon dans sa sémantique et son étymologie ce récit allégorie riche de sens. En effet le mot, qui a d’abord été utilisé pour l’alcool, avant de s’appliquer nominativement à l’essence frelatée aujourd’hui, sans entrer dans les détails, signifie en goun, « vagin coupé. » Or voici que la protagoniste, dans la crise d’angoisse soudaine qui s’abat sur elle, donne au mot kpayo son sens littéral. « Mon sexe est coupé ! » hurle-t-elle en sortant de son bain, affolée.
Le quatrième élément relevé dans le récit prolonge cette interprétation. En effet, les « voleuses de vagin » étaient en train d’acheter des bidons vides… Des Nigérianes suspectées d’un crime de lèse-kpayo qui achètent des bidons vides. Vides de quoi ? De kpayo, évidemment…
Et dans le cinquième élément, les parents qui figurent le pôle collectif apportent une caution sociale à ce qui n’aurait été au mieux qu’une psychose individuelle. Mais la psychose devient collective dès lors que le groupe familial, l’œil fou, n’écoutant que son cœur indexé sur ses angoisses économiques et sociales s’empare de la plainte hystérique de la protagoniste, en fait sienne et corps avec elle. Cette incorporation de l’hystérie a proprement valeur politique.
Le dénouement de la crise, par l’intervention salutaire de la police, la référence au constat rationnel fait dans un hôpital tout cela fait partie d’un discours politique que l’on peut mettre au compte de l’idéologie ambiante du changement qui privilégie, on le voit depuis quelque temps, le compte rendu objectif, le bilan, et le constat des experts.
Sous ce rapport, le sixième élément de l’allégorie prend tout son sens. La Police, par la voix d’un de ses responsables locaux, pense en effet que cette histoire aurait été montée de toute pièce. Cette hypothèse ne manque pas de pertinence. Mais dans la mesure où la ville de Djougou dans le Nord aurait connu déjà un cas similaire de « vol de sexe », il y a lieu de se demander quel sens donner à cette compulsion de psychose collective qui fait boule de neige dans le Nord ?
Voilà une histoire qui met en scène la disparition du sexe. Dans une logique de régression, la disparition du sexe réfère chez Freud l’angoisse de castration consécutive à la découverte de la différence des sexes. Cette angoisse se traduit chez le petit garçon par la peur de l’ablation, et chez la fille, par la peur du manque. Dans le récit du « Vol de sexe » tel qu’il est rapporté, on nous parle de sexe volé donc qui a disparu. Il semblerait que nous ayons affaire à une angoisse d’origine masculine donc sociale, transférée, par déplacement sur une femme. Ce déplacement symbolique peut s’expliquer diversement. Si la symbolique du sexe masculin est celle de la virilité, la force, la capacité à pénétrer, et à posséder, celle du sexe féminin est plus chargée de représentations liées à la vie et à la mort, donc autrement plus existentielles. Le transfert peut avant tout pointer cette forme d’angoisse. Il peut avoir aussi une fonction narratologique et rhétorique. En effet, à moins de s'exposer au risque du ridicule de l'impuissance, un homme aurait du mal à convaincre de la disparition de son sexe, alors qu’une femme dont l’organe génital est par nature en creux peut donner à cette affirmation un sens qui défie l’imagination. Dans la mesure où, touchant au sexe et à l’intimité l’administration de la preuve d’une disparition en cette matière délicate évite toute recherche poussée, on peut comprendre que le transfert de cette angoisse à l’origine masculine sur la femme est plus commode. Mais quelle qu’en soit l’origine générique, cette histoire est avant tout l’allégorie d’une angoisse de manque, générée par la prise de conscience d'une nouvelle époque.
En fait, et pour conclure disons que quel que soit le regard qu’on emprunte pour analyser le phénomène : sociologue, psychanalyste, mythologue, anthropologue, romancier etc.… on ne peut pas ne pas admettre que tout tourne autour du kpayo. Sur fond d’un élément d’angoisse présent et futur. Le drame de Porga demande à être exorcisé. Le génie collectif, plus intelligent et généreux que la bonne volonté des Pouvoirs publics y pourvoie. Mais semble-t-il, l’angoisse de privation, et le signe avant-coureur d’une confrontation se laissent aussi décrypter dans ces scénarii d’exorcisme où, à travers la désignation d’un coupable idéal et la vindicte populaire, la population cherche avant tout à se protéger d’un traumatisme, et d’une peur du manque.
© Aliou Kodjovi
25 mai 2006
Danhomey
The precolonial history of the south is closely tied to the rise of the Fon kingdom of Danhomey (actually Danhomë), with its center in Abomey. The dynasty expanded to the south and west, eventually (1724) conquering Allada (known to European traders as Ardra) which according to legends was the "parent-state" of both the Danhomey and later the Porto Novo kingdoms. In 1727 the key port of Ouidah (Whydah) was conquered giving Danhomey direct access to the gun market through European slave traders who were established all along the coast. The destruction of Allada power ushered in a long era of invasions from the Oyo Empire (to which Allada had been a tributary state) and the subjugation of Danhomey to nominal Oyo suzerainty. In 1818 Oyo domination was thrown off in the wake of a major resurgence of Danhomean power and expansion under two of the kingdom's most illustrious kings, Ghézo and Glele.
At the height of its power, Danhomey became widely known in European capitals, gaining further fame for its elite women's military units (the Amazons).[1] Unfortunately, it was under the aegis of King Glele that slavery was increased, and was the chief major export to European and American slavers, as well as the major source of wealth and economic prosperity of the region. It was from the profits from the sale of African war captives as slaves that enabled Danhomey to regain its military dominance in the region, and finally shed the shackles of the Oyo State.
Today, the population of Danhomey estimates around 8-10 million. The major groups being the Adja (who later changed their name to Ewe), the Fon (a major subgroup of the Ewe, both groups concentrated in the southern regions. The Yoruba, who maintained major trade and slave ports in the east, and the Bariba (today known as the Tchamba, Somba, Batammaliba, Tata Brema among other names) of the north.
Of the above groups, it is the Tchamba who are the actual aboriginals of the region, the Adja and Fon both being some of the original descendants of the Oyo State in Nigeria, immigrated to these regions as early as the 11th century. During the mid-1800s the invasion by the Fulanis in the north resulted in the final destruction of the Oyo State, and many of the Tchamba being converted to Islam, and sold to American and European merchants as slaves. It is also from these groups that the majority of the slaves were taken and brought to America and the surrounding coastal islands.
Map & quote:[1]: Samuel Decalo: Historical Dictionary of Danhomey (People's Republic of Benin) African Historical Dictionaries, No. 7, The Scarecrow Press, Inc. Metuchen, N.J. 1976.
Les commentaires récents