Il était une fois, en pays Xhosa.
Vers le milieu du 19ème siècle, les Xhosa en Afrique du Sud, population Bantou de la colonie du Cap, étaient depuis près d’un siècle en lutte sanglante contre l’envahisseur colonial sur la frontière est de leur territoire. La résistance des Xhosa fut longue et tenace : entre 1779 et 1881, date de l’annexion définitive, se déroulèrent une série de guerres scandées par trois révoltes violentes exprimant la réaction de la société Xhosa à sa destruction et à sa dépossession. Elles puisaient leurs racines dans les traditions ancestrales : chez ce peuple d’éleveurs doté d’un important bétail, le sacrifice rituel des bêtes faisait partie de l’exigence de purification assurant la communication avec les ancêtres. Parallèlement, l’implantation chrétienne fut précoce, profonde et permanente ; l’influence missionnaire se fit sentir dès la fin du 17ème siècle.
C’est dans ce contexte que s’exprimait la résistance des Xhosa. A la suite d’une épidémie de tuberculose qui décima hommes et bêtes en 1854, quelques prophètes proclamant le pouvoir de ressusciter les troupeaux commencèrent à sévir. C’est alors qu’une jeune femme de 16 ans du nom de Nongqawuse, eut une vision sur les bords de la rivière Gxarha. Elle vit les ancêtres morts qui lui dirent que si le peuple consentait à tuer tout le troupeau, les morts se relèveront de leurs cendres et tous les Blancs seront balayés à la mer.
Le message avait été relayé à la Nation Xhosa par son oncle, Mhalakaza. Bien que profondément divisés sur la conduite à tenir face à une telle prophétie, les Xhosa commencèrent à tuer leur bétail en février 1856. Ils détruisirent leur nourriture et s’abstinrent de semer pour les récoltes. Les greniers furent détruits. Ils arrêtèrent toute occupation productive. Les jours et les nuits passaient. La résurrection des guerriers Xhosa morts n’eut pas lieu…
Dans son livre intitulé "The Dead Will Arise: Nongqawuse and the Great Xhosa Cattle-Killing Movement of 1856-7", l’historien JB Peires soutient qu’en mai 1857, 400,000 bestiaux avaient été égorgés tandis que 40,000 Xhosa étaient morts de faim. Et pas moins de 40,000 autre avaient quitté leurs maisons, à la recherche de quoi se nourrir. Selon le Dr John Fitzgerald, fondateur de la Native Hospital qui fut témoin des événements, on pouvait voir des milliers d "êtres étiques, qui n’avaient que la peau sur les os » passer de maison en maison, à la recherche de quoi se nourrir dans des villes comme King Williams Town. Mourant de faim, ils ne vivaient de rien d’autre que "de racines ou d’écorces de mimosa, dont l’odeur semblait émaner de toutes les parties de leur corps."
L’odeur des morts qui prenait d’assaut la terre entière sonnait du même coup l’hallali de l’indépendance et de l’autonomie des Xhosa.
© Aliou Kodjovi
Bibliographie :
1. JB Peires The Dead Will Arise: Nongqawuse and the Great Xhosa Cattle-Killing Movement of 1856-7.
2. Afrique Noire : Permanences et Ruptures Catherine Coquery-Vidrovitch, L’harmattan, Paris 1994
© Aliou Kodjovi, 2006.
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