3/5 Immigration des Africains en Occident
.Paula AGBEMAVO
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Parvenir à déposer son dossier de demande de visa dans une ambassade, un consulat est déjà un chemin de croix. Les longues files d'attente sous le soleil, les traitements humiliants, l'infantilisation des demandeurs de visa est édifiante. Raison pour laquelle des centaines de bras valides africains choisissent la solution la plus facile et la plus périlleuse aussi. Pour ce qui est du Bénin, le consulat de France s'est illustré dans le mauvais traitement des demandeurs de visa et ceci est d'autant plus révoltant quand on sait qu'en cas de rejet, les frais d'obtention de visa pour la France ne sont jamais retournés aux intéressés. Cela ne gène évidemment pas ces français de garder par-devers eux l'argent des pauvres africains. Si ce n'est pas de l'arnaque ça, ça lui ressemble fort bien !
Dans le cadre d’un séminaire en planification familiale tenue au Canada en octobre 2006, une spécialiste béninoise de la santé de la reproduction s'était rendue à Accra pour obtenir son visa
d’entrée au Canada. Toutes les conditions étaient réunies et l’organisme qui l’employait avait fourni des garanties requises. Après l’avoir soumise à un interrogatoire en posant encore et encore les mêmes questions, les responsables de l'Ambassade du Canada ont décidé que son salaire était "insuffisant" : traduction, elle pourrait ne pas vouloir revenir chez elle à la fin du séminaire. Dans le même temps, un jeune docteur en mathématique et en science politique demande un visa d'un mois pour participer à un séminaire de deux semaines à Paris, son dossier fut traité en urgence. En moins de 48 heures, le consulat de France à Cotonou lui accordait un visa de deux ans renouvelable, histoire de le ravir au Bénin qui l’a pourtant formé avec ses maigres ressources.
Une fois parvenus au «paradis», des cadres africains se retrouvent à se battre pour obtenir des boulots de balayeurs de rue, de dockers, d'agents entretien, de chauffeur, d’emballeur, afin de ne pas mourir de faim. Même dans les fictions, les Noirs, exception faite des monstres sacrés du cinéma américain, sont cantonnés aux rôles mineurs qu'ils soient talentueux ou pas. Ils ont la couleur de l'emploi quoi! Une fois dans l’émission « Reines d’Afrique » de Kidy BEBEY, sur RFI en 2006, une Sénatrice française d’origine Djiboutienne a raconté qu’un de ses collègues sénateur l’avait apostrophé un jour dans le réfectoire du sénat français «Vous ne voyez pas que la cafetière est sale pour la laver ?». Elle est Noire, donc forcément, la femme de ménage de service !
Devenus des sans papiers dans des pays qui leur sont hostiles, ils vivent comme des maquisards. De ceux-là SARKOZY n’en veut pas. A l’époque de la traite négrière, nos valeureux ancêtres, ceux qui survivaient aux travaux forcés, aux fouets, à toutes sortes de maladies se voyaient parqués dans des cages, juste comme des animaux et pour parfaire le tableau, on leur jetait de la banane et de l’eau par-dessus. Mis en vente, ils étaient adjugés selon leur robustesse, la perfection de leur dentition et la fermeté de leurs seins. Aujourd’hui, c’est sur la qualité de leur cerveau qu’ils sont choisis, sans oublier de souligner qu’aux pays de la civilisation, de l’égalité, des droits de l’Homme, les cerveaux africains «choisis» sont payés quatre à cinq fois moins que leurs homologues français ou de l’Union Européenne. Du moment qu’ils peuvent se permettre de payer un salaire d’aide soignant à un médecin spécialiste africain, ils sont doublement preneurs. Le plus horrible, c’est les conditions d’hébergement. Les images que France 2 et les autres télévisions occidentales nous envoient sont à la fois choquantes et indignes d'un pays dit développé. Des immeubles effroyablement insalubres, souvent croulants, lézardés de moisissures verdâtres répugnants où pullulent toutes sortes d’insectes, de souris, de rats, de termites. Même les bidonvilles de Cotonou sont plus salubres que ça. Tout le monde est logé à la même enseigne, il suffit juste de ne pas avoir la couleur locale. Ceux qui détiennent leurs fameux "papiers" et s'acquittent par conséquent des impôts et les clandestins partagent les mêmes souffrances. Ils s'entassent 8, 10 voire plus dans deux petites pièces dans des conditions sanitaires effroyables avec des risques d'incendies réelles. En 2005, 48 immigrés d'Afrique Sub-sahariens dont plus de 16 enfants ont été régularisés sous les flammes, calcinés, démembrés, du fait de l'exclusion dont ils sont victimes et ceci en moins de quatre mois seulement: 15 avril, 25 août et 29 août. La vie quotidienne n'en est pas plus drôle, l’autre fois, dans le journal de France 2, était diffusé un reportage qui traitait du prix du poisson en France. Le kilogramme de sole qui se vendrait à 40 euros, environ 26.000 F CFA. Au Bénin, vous l’avez votre kilogramme de sole à 2000 F CFA au plus. Les images, - le plus souvent tournées en caméra cachée de situations vécues par deux familles, l’une blanche, et l’autre noire qui se mettent dans la peau l’un de l’autre par des maquillages - relatées dans le documentaire intitulé «dans la peau d’un noir » réalisé en 2006 et diffusé sur CANAL HORIZON en février 2007 sont révoltantes mais ne pourraient surprendre que ceux qui pensent encore que le racisme n’existe pas en France ; ceux qui n’ont pas encore conscience que les Français dans leur grande majorité rejettent plus de 4% de la population française, juste parce qu’elle est Noire. Le chef de la famille blanche raconte : «Je me suis présenté deux fois chez le même employeur avec le même CV. Blanc, on m’a proposé aussitôt du travail ; Noir, on m’a à peine regardé. Pour un logement, c’est pareil, les regards fuyants, le tutoiement systématique».
Paula AGBEMAVO.
Copyright Blaise APLOGAN, 2007
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