Au-delà de l’euphorie, questions éthiques et politiques.
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Mon cher Pancrace, ces temps-ci, mon harcèlement épistolaire à ton endroit est établi. Je te sais gré de le subir avec alacrité et bienveillance. Cela ne fait qu’aiguiser ma confiance. Tes questions sont pertinentes et c’est leur faire violence que d’y répondre oralement. Du reste, tu sais que j’ai horreur du téléphone. Je ne suis pas des nôtres qui même sans toit, passent leur temps pendus au portable, nouvelle calamité qui passe pour une confirmation à rebours de notre culture de l’oralité. Puisque plusieurs milliers de kilomètres nous séparent que puis-je faire d’autre que de t’écrire ? Je ne doute pas de l’intérêt que tu portes à mes réponses. Et je suis heureux de la satisfaction que tu dis éprouver en me lisant. C’est peut-être cela qui me pousse à t’écrire. Excuse-moi à l’avance de chercher à m’installer dans le sillon égoïste de ce bonheur.
Tu me demandes ce que je pense de la découverte d’un remède contre la drépanocytose par un médecin béninois. Tu dis : « Je suis fier qu’un Béninois soit reconnu; je suis heureux qu’enfin les malades de la drépanocytose vont trouver un rayon de lumière, mais est-ce que tout cela n’est pas de la politique ? Est-ce que l’espoir ne va pas s’éteindre comme un feu follet ? »
Cher ami, tes questions sont pertinentes, et je vais y répondre au besoin en donnant des explications. Certaines peuvent te paraître sur le coup sans lien avec ta question. Je te demande patience : prends au moins le temps de me lire jusqu’au bout, et peut-être excuseras-tu mes longueurs. En tout cas je l’espère.
Oui, mon cher Pancrace, la nouvelle de la découverte d’un médicament contre la drépanocytose a défrayé la chronique ; elle a fait couler beaucoup d’encre et de salive en Afrique, et dans la sphère francophone. Et pour cause : le héros de l’histoire est béninois et les protagonistes sont français ; des investisseurs et surtout L’INPI, l’institut de la propriété individuelle, qui de par son brevet a donné aux travaux du chercheur béninois l’onction idoine. Tout est donc parti du geste historique de l’Institut français. Or cette historicité incite à se poser des questions. L’INPI étant un institut national, quel que soit le primat scientifique de ses décisions, celles-ci ne sauraient être hermétiques à l’ordre politique.
Aussi bien cette onction donnée à la recherche médicale africaine par les milieux d’affaire et de la science français a, il faut le reconnaître, plusieurs dimensions qu’il convient de bien clarifier si, loin des effets induits par l’information, on veut comprendre le sens de cette historicité. Au-delà de la dimension médiatique qui englobe le tout, il faut bien reconnaître que l’événement comporte au moins trois dimensions qui sont : la santé publique, la politique, et l'immigration. D’un point de vue symbolique et compte tenu du mode de transmission de la maladie, la dimension migration a un impact non négligeable dans l’imaginaire, puisque si un enfant Antillais peut souffrir aujourd’hui de la drépanocytose, c’est par la conséquence de cette forme violente de migration qui a nom esclavage et qui pour le coup n’avait rien de choisi…
Mais voyons d’abord la dimension santé publique. Il faut regretter en effet que dans la presse, l’euphorie qu’a suscité la nouvelle n’ait pas permis d’en faire une occasion de bien parler de la maladie, et surtout de la manière dont elle peut être combattue par dépistage et par précaution. L’intention médiatique investie à la base dans l’événement n’est pas étrangère à l’inertie suscitée par l’euphorie. Cette inertie est peut-être regrettable et a des aspects culturels qu’il faudra dépasser. En revanche ce qui est grave c’est le fait que l’euphorie n’ait pas permis, surtout au niveau des spécialistes, de poser les questions qui s’imposent. Ce silence épistémologique a deux volets ; il y a le fait que tout le monde s’est laissé emporter par la vague médiatique en prenant l’information dans sa forme sans même chercher à situer la nouveauté de la découverte, sans la replacer dans un cadre plus général de la recherche médicale en matière de drépanocytose. On a fait comme si le VK 500 était une génération spontanée. Perception miraculeuse qui colle bien avec l’euphorie.
Mais mon cher Pancrace, quand on ouvre un peu les yeux, comme j’ai essayé de le faire, on s’aperçoit que contrairement à ce qui est mis en avant, le VK 500 n’était pas le premier médicament contre la drépanocytose. Alors évidemment, il faudrait interroger les docteurs pour savoir la distinction entre médicament et produit de traitement, entre traitement et guérison; car des produits de traitement basés sur des plantes existent. En fait quand on se penche un peu sur l'histoire de la lutte en Afrique contre la maladie, on constate que maints pays de notre sous-région ont tour à tour apporté leur contribution : le Togo, le Burkina Faso et le Nigeria. On constate que même la découverte du Docteur Médégan est due à une information au préalable publiée par un professeur nigérian portant sur l'une des plantes qui entrent dans la formule du fameux VK 500 ; on découvre enfin que le Nigeria a produit un médicament ou un produit de traitement de la maladie agrée par un laboratoire américain. A cet égard, voici l’éclairage que donne le Professeur Jean-Louis Pousset :
Plusieurs produits issus de plantes africaines ont déjà été commercialisés:
1-Le Drepanostat commercialisé au Togo par Le Dr d'Almeida qui contient soit disant le principe actif du Fagara xanthoxyloides mais qui est plutôt du paracetamol.
2-Le Niprisan, mélange de quatre plantes dont l'extrait a été expérimenté sur des souris transgéniques, mais dont aucune publication clinique n'existe, qui a été commercialisé au Nigeria et dans le monde par une firme américaine Xechem.
3-Le Faca, mélange de Fagara xanthoxyloides et de Calotropis procera, préparé par l'Institut de recherche sur les plantes au Burkina, dont il n'existe pas d'expérimentations sur l'animal ni l'homme.
4- .Le Ciklavit, un extrait de Cajanus cajan dont il existe une étude clinique intéressante mais, selon certain, discutable. (Nigeria)
5-Ce produit béninois, qui est un extrait de huit plantes africaines, dont il n'existe aucune publication scientifique.
Outre le fait de relever le silence qui tend à conforter l’idée d’une découverte ex-nihilo, tombant des nues sur un univers jusque-là désert, il y a le devoir de suspicion légitime qu’on peut exercer quant à la précipitation dans la méthodologie de prise en compte de la découverte. Comme s’il y aurait une course contre la montre alors qu’il y va de la santé publique et de la vie des gens, et que cette maladie hélas sévit depuis des siècles. A cet égard, voilà ce qu'écrit un médecin français du Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble et Consultant pour Médecins sans Frontières, en réponse à un 'article publié dans un journal qui recense des informations sur les découvertes thérapeutiques :
S'il y a lieu de se réjouir que de nouvelles opportunités émergent "a priori" dans le cadre de la prise en charge thérapeutique de la drépanocytose, il faut rester très prudent.
Selon les données contenues dans l'article rapporté par E-Med, outre l'effet d'annonce il n'y a rien qui permette de juger du sérieux de cette "découverte". On nous parle d' "AMM internationale" qui jusqu'à preuve du contraire n'existe pas, rien n'est dit sur la partie "qualité" du dossier produit devant être soumis (origine du produit, élément analytique... etc.), et plus surprenant encore aucune mention d'essais cliniques chez l'homme qui permettent "classiquement" d'évaluer la tolérance et l'efficacité d'un produit candidat à la qualité de médicament, sans parler de la nécessité absolue d'avoir au préalable des études pharmaco-toxicologique.
Avant de susciter des espoirs à la hauteur de l'attente importante des patients souffrants de drépanocytose par la diffusion de ce genre d'information, un minimum de sérieux et de responsabilité, voire d'éthique, s'impose.
On voit bien que la dimension de santé publique est aux prises avec la logique médiatique dont elle a du mal à se désengager. Et pourtant bien loin de ruiner la réserve qu’on peut émettre quant à la mise en scène de l’événement c’est encore la logique des médias qui permet de confirmer le soupçon. L’un des protagonistes de l’événement sinon le premier est la France. Or qui dit France ne peut manquer de penser à son remuant Président, Monsieur Sarkozy. Tout observateur de la vie politique française de ces derniers mois a pu voir ce que Nicolas Sarkozy et sa machine de manipulation peuvent faire. Tu sais que par exemple pour son élection, comme c’est toujours le cas en politique, il n'a pas été de tout repos en matière de manipulation. Le plus gros point de cette manipulation a été ce que j'ai qualifié dans une des mes lettres précédentes de « téléchargement de son adversaire » ; le fait d’imposer au camp socialiste le candidat idéal. Il y est parvenu en mettant en branle la machine médiatique acquise à sa cause ; à coup de sondages, on a fait croire aux Français pendant une belle année que la dame en jupon était la mieux placée, etc. Dans le même temps, des électeurs UMP n’ont pas hésité à prendre pour la circonstance des cartes du PS pour participer à l'élection interne à ce parti. Bref, tout cela conforte l'hypothèse du soupçon, et fait voir l’intention médiatique investie dans l’événement.
Pour en revenir à la confirmation du soupçon par la logique des médias, c’est une curiosité qui m’a mis la puce à l’oreille. Comme je l’ai rappelé, l’INPI est un institut français respectable ; or curieusement une information émanant de cet organisme n'a pas été reprise par des journaux aussi sérieux que Libération et Le Monde ! Il y a là deux attitudes médiatiques qu’il faut rapprocher : d’un côté l’agitation de la presse "noire" tous types confondus qui a salivé et s'est répandue en "cris de victoire et de fierté ; une presse qui n'a pas demandé son reste, et s'est laissée aller à un comportement pour le moins pavlovien ; et de l’autre ce silence retentissant de deux grands journaux français pour qui l’événement était au mieux un non-événement, à défaut d’être nul et non avenu.
Mais cet écart dans les attitudes médiatiques en dit long sur la dimension politique. Cela veut-il dire que les Africains sont en retard d’un train politique ? Le problème n’est certainement pas là. En l’occurrence, l’euphorie des médias et au-delà de l’opinion africaine est inversement indexée sur la conscience de la valeur politique d’un événement – octroi de brevet scientifique – qui a priori n’avait rien de politique. D’un point de vue machiavélien, la conscience de la valeur politique de l’événement se situe à trois pôles hiérarchisés. Il y a d’abord ceux qui subissent l’événement de plein fouet – médias et opinion africains – et ceux qui, chacun à sa manière, peuvent en revendiquer la paternité subtile. De ce point de vue, la France et le Bénin, pays d’origine des acteurs de l’évènement et au-delà, Nicolas Sarkozy et Yayi Boni ont joué un rôle de premier plan dans l’événement. Du côté de la France, la politique africaine du nouveau Président n’est plus un secret, puisqu’elle a commencé à être proclamée voire même appliquée avant que Nicolas Sarkozy ne soit élu Président. Cette politique tient en deux mots : co-développement et Immigration choisie. De ce point de vue, la dimension immigration distinguée précédemment n’est pas une dimension autonome mais apparaît comme une sous-dimension de la dimension politique. Dans la démarche politique initiée par Nicolas Sarkozy alors Ministre de l’Intérieur, le Bénin représentait le pays modèle et symbole de cette immigration choisie. On a glosé longuement sur la spécificité du cas du Bénin où paraît-il il y aurait moins de médecins béninois qu’en France. Mais ces insinuations nous installent déjà dans le côté lépénien de la démarche de Nicolas Sarkozy dans la mesure où à ce compte, un médecin né en France serait stigmatisé Béninois au fond parce qu’il est noir ; alors qu’un médecin hongrois ne serait pas tout à fait dans le même cas. La politique de l’immigration choisie consiste pour la France à choisir les immigrés en fonction de ses besoins, et selon le programme du candidat Sarkozy elle implique aussi un plafonnement annuel de l’immigration. C’est dans cet esprit que, ne reculant pas devant l’émotion créée par son annonce, Monsieur Sarkozy est allé jusqu’au bout de son idée en créant le Ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale confié à son ami personnel Monsieur Brice Hortefeux. Selon le programme de Nicolas Sarkozy, ce Ministère mettra l’accent sur les rapports entre La laïcité, l’égalité entre la femme et l’homme, la liberté de conscience, toutes valeurs que l’immigré choisi devrait faire siennes. Il y a aussi des exigences d’ordre culturel, comme d’apprendre le français. A y bien regarder de près, on se rend compte que l’idée de l’immigration surdétermine la politique africaine nouvelle proposée par Nicolas Sarkozy. Si bien que le second volet, le co-développement se résume à tout ce qui peut être fait pour éviter que les Africains ne viennent « envahir la France. » C’est en cela que le Bénin sert de cobaye. En effet les Béninois n’ « envahissent » pas la France, comme d’autres ressortissants africains mais quand ils y sont, ils appartiennent à des catégories socioprofessionnelles non problématiques. J’ai bien dit cobaye et non pas modèle parce que l’idée de co-développement version Sarkozy est tout sauf altruiste. Dans l’esprit de cette politique, l’immigration choisie est d’abord une immigration non subie ; une immigration où l’immigré devient totalement objet. Ce n’est pas tant que la France prendrait les meilleurs immigrés : médecins, chercheurs, professeurs, cadres, ingénieurs des pays du sud, et notamment de l’Afrique, mais le fait qu’elle puisse choisir qui elle veut comme elle veut et quand elle veut. Derrière l’idée d’immigration choisie se cache l’idée de quotas. La raison pour laquelle le Bénin sert d’exemple dans la démarche impulsée par Nicolas Sarkozy et reprise par son Ministre de l’Immigration est qu’il y a trop de médecins « Béninois » en France, et tout ce qui peut être fait pour infléchir cette présence insolite fait partie aussi de l’immigration choisie. De ce point de vue, l’axe d’attaque de la politique de co-développement consiste à valoriser la recherche médicale dans un pays qui en a visiblement la vocation et les moyens humains. Ce sujet a certainement été au centre des discussions entre le chef de l’Etat du Bénin et Monsieur Nicolas Sarkozy lors de sa visite en mai 2006 en qualité de Ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Donc, mon cher Pancrace, avec tous ces éclairages, il est difficile de croire que l’octroi d’un brevet à un médecin béninois par un institut national français spécialisé, quelques semaines seulement après l’accession de Nicolas Sarkozy au pouvoir relève du pur hasard. Au contraire, il s’agit de l’application d’une démarche politique concertée qui engage à la fois une pédagogie, un message fort, et des actions concrètes. Dans cet ordre d’idées, Monsieur Brice Hortefeux a effectué un aller-retour à Cotonou, le jeudi 21 juin. C'était la première fois que le Ministre français de l'Immigration se rendait en Afrique. Il a défendu sa politique de gestion des fonds migratoires et de co-développement. Sa première visite a été consacrée au service des visas du consulat de France, où le Ministre a envoyé un message clair : la maîtrise des flux migratoires est bien une priorité du gouvernement français. Pour le volet co-développement et en rapport avec l’évènement ici considéré, il s'est rendu à l'hôpital de Cotonou, où il a rappelé que beaucoup de médecins béninois travaillent en France, faute de moyens dans leur pays, et qu'il faut donc les aider à rester chez eux. Avec astuce, il a résumé sa pensée en une formule sibylline en disant : «Oui à la circulation des cerveaux mais non au pillage». Cette formule est à la fois ambiguë et cynique : tout à l’image de la politique africaine nouvelle que promet Nicolas Sarkozy.
Du côté béninois, on tient bien l’autre bout du pôle politique. Yayi Boni s’entend à tenir le crachoir à son homologue français. Ce qui est fantastique chez les dirigeants africains, c’est l’alacrité avec laquelle, ils se coulent dans le rôle exigée d’eux par les politiques dictées par les maîtres de toujours ; maîtres qui changent de nom et d’apparence selon les époques mais conservent la même logique d’étouffement dans l’œuf de toute volonté africaine d’épanouissement et d’autodétermination. Si dans le cas de Nicolas Sarkozy, la dimension politique de l’événement rejoint jusqu’à l’étouffer la dimension immigration, chez son homologue béninois, la dimension politique va plutôt de pair avec la dimension médiatique. Il s’agit pour Yayi Boni de démontrer le mouvement en marchant. L’optique de son mot d’ordre politique, le Changement étant de faire du Bénin un pays émergent, tout ce qui peut contribuer à illustrer ce rêve est bon à prendre. Il y a chez Yayi Boni une disposition Coué bien assumée, et qui veut que la meilleure façon d’obtenir un résultat soit non seulement d’y croire – ce qui est une évidence – mais aussi de le laisser croire ce qui est moins évident, et tient de la théâtralisation idiote. Car si croire est sain, faire croire à toute force est malsain. Ainsi alors qu’il n’y est pour rien dans une recherche médicale de longue date, Yayi Boni a su tout l’intérêt qu’il pouvait tirer de la reconnaissance du chercheur béninois par un institut français : médiatique. Ce qui montrerait que le Bénin est bien dans la voie de l’émergence et peut être la fierté de l’Afrique. Mais ce serait trop vite dit que de penser que Yayi Boni n’y est pour rien dans l’octroi du brevet à son compatriote chercheur. En fait, toutes les dimensions, politique, immigration et médiatique sont intimement imbriquées. Le bon sens politique incline plutôt à penser que lors de sa visite au Bénin en mai 2006, en tant que Ministre français en exercice, et surtout candidat très favori aux élections, Sarkozy avait sans doute reçu un cahier de doléances de la part du tout nouveau Président béninois ; cahier dans lequel il a retenu ce petit coup de pouce médiatique et politique qui cadre bien avec son discours sur l’immigration choisie et la politique de co-développement. Donc lorsque avec la précipitation qui le caractérise, le Président Yayi Boni a décoré le glorieux découvreur national, on peut penser qu’il s’agit d’opportunisme. Mais en vérité la précipitation avec laquelle le Président béninois a récupéré l’événement n’est pas seulement à la mesure de la fierté des Béninois et au-delà des Africains, mais elle traduit une concertation politique au plus haut niveau. Une façon pour Yayi Boni de dire à son homologue français : « Je vous reçois 5/5 »
La drépanocytose est une maladie du sang, qui touche quasi exclusivement les Noirs ; sa transmission est génétique. L’espoir soulevé par la mise au point d’un remède par un chercheur béninois est à la mesure de la représentation identitaire que concentre la maladie. L’importance de l’information vient de l’agrément de l’INPI qui, en octroyant pour la première fois un brevet à un chercheur Africain sur ce terrain de la recherche médicale très fermé, a donné à la découverte toute son importance et sa crédibilité scientifique. Mais la science et la technologie ne sont pas neutres. L’événement que constitue l’octroi d’un brevet par l’INPI à un chercheur béninois pour la mise au point d’un médicament contre la drépanocytose est à plusieurs dimensions : scientifique et santé publique, mais aussi politique et médiatique. Ces dimensions sont imbriquées mais leurs interactions ne sont pas toujours positives. En effet les impératifs de l’exploitation médiatique de l’événement ont conduit à privilégier des effets d’annonce dans un domaine qui, parce qu’il engageait la santé des gens, requérait a priori prudence, sérieux et une certaine éthique de responsabilité. Sur le plan purement médical, on est en droit de s’étonner des distances prises vis-à-vis des règles méthodologiques en matière de mise en scène publique de ce genre de découverte qui suscite beaucoup d’espoir parmi les patients en Afrique et de par le monde. Le VK 500 est un extrait de huit plantes, dont il n'existe aucune publication scientifique. Des spécialistes de la drépanocytose sont critiques vis à vis de ce produit. Sans expérimentation sur des souris transgéniques ou sur l'homme, estiment-ils, il n'est pas possible d'établir une quelconque activité d'un mélange de plantes.
A quelles urgences répond donc la violation de ces règles méthodologiques et déontologique ? Eh bien selon moi, à un double impératif médiatique et politique. Dans le cadre de la nouvelle politique africaine que veut mettre en œuvre le nouveau locataire de l’Elysée, il s’agit de faire passer un message fort aux Africains sur certains aspects de l’immigration. Il y a 400 Millions de jeunes en Afrique, l’Europe et plus précisément la France n’ont ni la vocation ni les moyens d’accueillir tout ce monde, disait Nicolas Sarkozy lors du débat télévisé entre les deux tours. Il faut donc dire aux Africains de rester chez eux pour y vivre, travailler et aider à faire prospérer leur continent. Dans la mesure où en Afrique, au Nord comme au Sud du Sahara, en Algérie comme en Guinée, le fameux slogan des années d’indépendance : « L’Afrique aux Africains » n’a pas empêché le tropisme de l’immigration, le nouveau slogan de l’ère Sarkozy, décidé à prendre le taureau migratoire par les cornes est : « Les Africains en Afrique. » Le cas le plus flagrant de ce tropisme migratoire est celui où le choix des Africains de ne pas retourner en Afrique après leurs études est perçu plus comme une solution de facilité que comme une exigence de vie. Un discours classique dans le milieu immigré africain se concentre sur les effets de la discrimination raciale, cette arithmétique mélanique qui intervient subtilement dans les destins sociologiques des gens. Le discours se veut juridique. Un Noir ayant la nationalité française est révulsé des chicanes que lui fait encourir son faciès, et plus encore de l’influence réductrice de celui-ci sur le travail qu’il peut obtenir. Le fait qu’il doit plus souvent que la moyenne des gens, sacrifier les espérances légitimes attachées à son niveau de formation, à ses compétences sur l'autel d'un emploi dévalorisant est ressenti comme une cruelle injustice. Alors le raisonnement que le Noir tient est de dire que bien qu’il soit Français, il n’est pas traité comme les autres. Ce juridisme est aussi mesquin que l’attitude du raciste qui voit dans tout Noir un étranger que l’on invite sans ménagement à rentrer chez lui. En effet, supposons que je m’appelle Sagbo et que je sois né en France ; et supposons de plus que la France devienne 100 fois plus pauvre qu’elle ne l’est actuellement et le Bénin 100 fois plus riche que la France : combien de temps resterais-je en France à écouter le petit raciste illustré qui me conteste ma nationalité française et me demande de rentrer chez moi ? Aurais-je même à me plaindre de n’avoir eu qu’un poste d’aide soignant vacataire alors que je suis médecin ? Non, bien sûr que non, je serais déjà sur les bords du lac Nokoué ou du fleuve Ouémé en train de faire valoir le droit de considérer comme Béninois authentique tout homme qui s’appelle Sagbo, ce que bien entendu personne ne me contesterait. Donc le problème n’est pas juridique. Le raisonnement juridique n’est qu’un cercle vicieux ouvert par le racisme. Et dans lequel il ne faut pas entrer. En revanche, la vraie question qui se pose est de savoir pendant combien de temps durerait la logique qui draine les Africains, et les meilleurs d’entre nous de nos pays et de notre continent. Cette situation ouvre le cercle vicieux du paupérisme. Car l’Afrique a besoin des meilleurs de ses enfants. Si ses cadres : médecins, ingénieurs, professeurs et chercheurs s’exilent pour des raisons économiques, l’Afrique ne pourra pas prendre pied dans le développement et ses fils et filles les moins formés eux aussi prendront le large parce qu’ils chercheront à fuir un univers de pauvreté, hanté par la famine et les guerres, et à aller partout ailleurs où il fait mieux vivre : c’est le cercle vicieux de l’exode dont l’immigration est la forme la plus poignante.
Il est nécessaire et urgent de rompre le cercle vicieux de l’immigration et de lui substituer un cercle vertueux, celui de l’Afrique qui gagne, qui se restaure, qui inspire et s’inspire confiance, de l’Afrique qui est fière d’elle-même, de l’Afrique qui se prend enfin en main, de l’Afrique en marche, une Afrique qui est à la fois aux Africains et vers laquelle reviennent les meilleurs Africains !
Or donc, c’est sur ce créneau que se place à sa manière Nicolas Sarkozy. Pour devenir Président, ce digne fils spirituel de Jean Marie Le Pen a compris qu’on ne pouvait pas se passer de l’immense gisement des voix plus ou moins non avouées des millions de Français qui sont séduits pas le Front national et ses idées contre l’immigration, la présence des Noirs ou Arabes en France. Avec astuce et patience, Monsieur Sarkozy a donc peaufiné son image de chevalier de la lutte anti-immigration, et de protecteur des Français contre l’insécurité qui rime avec celle-ci. Au discours à l’emporte-pièce de Jean Marie Le Pen proféré l’écume à la bouche, Monsieur Sarkozy a substitué avec finesse et fitness le discours moderne de la fermeté, de l’autorité bienveillante, du nationalisme bon teint tout en concessions démocratiques mais qui ne lâche rien sur le fond quant aux exigences de son inspirateur. Le défi ambitieux de Nicolas Sarkozy est de faire une synthèse improbable des diverses tendances qui traversent ou fondent la société. Ceci uniquement dans le but de plaire au plus grand nombre, ce à quoi se résume sa conception de la politique.
Dans le domaine de la politique africaine de la France, le défi est d’appliquer les idées de Jean-Marie Le Pen sans complexe mais en plein jour démocratique. Pour faire passer la pilule dans le plus pur style sarkozien une action néfaste est enrobée dans un écrin de discours et de gestes lénifiants et enjôleurs. C’est dire que le cynisme est l’arme redoutable du nouveau maître de l’Elysée. Ainsi, comme pour la formation de son gouvernement, par la nomination de trois femmes d’ « origine » immigrée, il estime avoir fait d’une pierre deux coups, puisqu’il améliore la parité de son équipe en même temps qu’il pense avoir contenté les Français d’ « origine » immigrée. Or, personne ne sait ce qu’il pense des Français d’ « origine » immigrée de sexe masculin comme lui ; si bien que la question morale et politique de l’acceptation de l’autre tel qu’il est est contournée, déniée et renvoyée cyniquement aux calendes grecques.
Or, aussi troublant et paradoxal que cela puisse paraître, certes pour des raisons qui ne sont pas expressément dédiées à l’intérêt de l’Afrique, Nicolas Sarkozy veut que les Africains rentrent ou restent chez eux. Et il est sincèrement prêt à les y aider. Un peu comme un boutiquer qui, voulant fermer boutique, demande à un prince squatter envahissant de rentrer dans son palais, où il y a mieux à faire. Certes, il est de bon ton de mépriser ou même de haïr en politique, mais comme l’a dit Sacha Guitry, il faut être économe de son mépris – et j’ajouterai de sa haine – vu le grand nombre de nécessiteux. En amont ou en aval de cette histoire de VK 500, se nouent les dimensions politique et médiatique d’un événement qui ne relève pas seulement du fait médical ou de la santé publique.
Si Sarkozy avait donné le coup de pouce à un docteur malien ayant découvert l’antigène de la polygamie, ou à une chercheuse marocaine ayant trouvé le gène de la danse du ventre, la presse noire y aurait regardé par deux fois avant de se laisser aller à l’euphorie de la victoire ; au contraire, elle aurait crié à la manipulation. Mais les manipulations les plus structurées ne sont pas les plus voyantes. Le dévolu qui est jeté sur une maladie à spécificité ethnique et touchant quasi uniquement les Noirs est déjà signe que le discours raciste est à l’œuvre. Mais le mal est dans le bien et inversement. En l’occurrence, le propos immédiat, c’est que les Noirs, tous autant qu’ils sont, ont bien des domaines spécifiques où ils peuvent montrer leur talent que nul ne songerait à leur contester. Pour cela, à l’instar du docteur Médégan que le Président Yayi Boni a honoré en réponse au geste politique initial de la France, il faudrait qu’ils apprennent à rester ou à retourner chez eux.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
J'aimerais avoir plein d'info sur la drepa j'ai une gamine de 8ans environ qui en souffre au Cameroun à Yaoundé et j'utilise déjà drepanostat et aussi je rencontre quelque fois fois le prof ANOMENGOU qui crois avoir son idée là dessus
Rédigé par : Mr GUY du Cameroun yaoundé | 09 septembre 2009 à 17:04
Je ne vais pas m'étaler longtemps.. J'ai survolé votre lettre et un élement m'a choqué. Vous parlez d'octroi de brevet quelques semaines après l'accession de Sarkozy qui ne serait pas un hasard. On voit la tout le sérieux de votre étude du sujet, car le fait est que l'octroi de ce brevet a eu lieu bien avant cette période. Je pense que vous devriez retourner etudier le sujet plus en detail avant d'emettre des theories aussi fumeuses.
Aussi je ne comprend pas pourquoi dans votre besoin aveugle d'emettre ces theories vous ne prenez pas en compte que l'on parle de l'INPI et pas de n'importe quel institut ! Savez vous au moins le processus auquel est sujet une decouverte avant d'etre brevetée. Pensez vous que l'INPI puisse brevetée une invention sans réel interet et sans efficacité. De plus l'homme en question que vous qualifiez de "charlatan" a pourtant été nommé membre de l'académie allemande des sciences et est détenteur de deux doctorats.
On dirait que vous ecrivez dans le simple but de nuire, de freiner toute tentative d'essor de l'afrique ?! A quand un afrique unie, tous les un derriere les autres.. A quand seront nous fiers de voir des freres a nous , tirer l'afrique vers le haut et rajouter notre main a la facon du vase de l'illustre behanzin pour apporter notre contribution a l'évolution de l'afrique au lieu de ne manifester que jalousie et mauvaise foi..
A Bon entendeur..
Rédigé par : Africain | 25 septembre 2007 à 17:36