Dans sa célérité à répondre aux acteurs de la société, en cette période de tension politique qui se noue autour de la question de la révision de la constitution, le chef de l'État M. Yayi, a montré qu'il était sélectif. Deux exemples prouvent cette sélectivité pour le moins affligeante. Le 15 août 2013, la conférence épiscopale du Bénin (CEB) a écrit une lettre ouverte au chef de l'État. Un exercice somme toute normal pour ce cénacle de religieux catholiques de haut niveau, par lequel les évêques soulignaient la nécessité du dialogue et évoquaient le caractère douteux de certaines affaires dans lesquelles l'image du pays n'est pas sortie grandie. De même, le 26 août 2013, le Front des organisations nationales contre la corruption (FONAC) a écrit au président de la république pour lui suggérer une méthode pour la révision de la constitution qui met le pays à l'abri du risque d'une révision opportuniste. Dans cette lettre, l'organisation de Jean-Baptiste Élias suggérait au chef de l'État de retirer le projet de révision et de le reprendre en tenant compte de l'article 42 de la constitution, et en mentionnant que la loi portant révision de la constitution n'entrera en vigueur qu'à partir du 6 avril 2016. Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, alors que la lettre de la CEB ne mentionnait aucune proposition politique concrète, contrairement à celle du FONAC qui en regorgeait, elle eut droit à une réponse rapide qui se voulait cinglante. Une réponse dont la célérité allait de pair avec l'intention polémique, et qui n'a fait qu'ajouter à la tension préexistante. Pendant ce temps, M. Yayi fait la sourde oreille et ne prend pas la peine de répondre publiquement aux acteurs de la société civile qui, à l'instar des religieux, essayent d'aider à résoudre la crise sociale et politique qui secoue le Bénin ; des acteurs qui, au-delà de la démarche morale des religieux, font des propositions concrètes qui méritent d'être écoutées, entendues et discutées, au lieu d'être ignorées. N'est-ce pas là un refus flagrant du dialogue sur un sujet aussi important de la vie politique nationale ? Et un tel refus n’est-il pas suspect ? N'est-ce pas la preuve du fait que le projet de révision de la constitution brandi par le chef de l'État à tue-tête vise un objectif caché dont il n'est que le prétexte formel ? Plus grave encore, dans une société en développement qui naguère se gargarisait de rêves d'émergence, n'est-il pas inquiétant que le chef de l'État tourne le dos à ceux qui souhaitent contribuer à faire avancer la rationalité légale, pour ne prêter oreille et considération qu'aux discours ou aux personnages religieux--malgré tout le respect qu'on leur doit ? Comment pouvons-nous progresser en tant que collectivité humaine, sortir de l'ornière du sous-développement, de la misère et de l'ignorance lorsque ceux qui nous dirigent et sont censés nous éclairer n'ont d'yeux ou oreilles que pour l'émotionnel de la foi, l'irrationnel du discours religieux qui comme chacun sait relève du domaine privé, au détriment de la rationalité scientifique et légale qui, sauf preuve du contraire, est la seule qui rende raison du progrès dans le monde séculaire où nous sommes ? Il y a, à n'en pas douter, quelque chose de douteux dans cette préférence tenace et obscure de M. Yayi qui ne fait que renforcer la méfiance de ceux qui suspectent le spectre du troisième mandat derrière le projet de révision de la constitution qu'il brandit avec acharnement et obstination.
Sinon voici une proposition encore plus synthétique que celle du FONAC à laquelle nous conjurons M. Yayi de répondre s'il n'a pas une idée derrière la tête. Pour sortir du dialogue de sourds autour de la révision de la constitution, nous proposons que le projet de révision soit soumis à référendum et voté en même temps que les prochaines élections présidentielles.
Binason Avèkes
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