L'aéroport de Cadjehoun s'appelle depuis quatre ans Aéroport Cardinal Bernardin Gantin. Il s'agissait d'un choix visant à honorer la mémoire du digne prélat. Les Béninois, héritiers zélés de la mentalité néocoloniale du quartier latin, sont fiers d'avoir un Cardinal, un prélat reconnu par les Blancs. Un homme qui a passé le plus clair de sa vie dans les allées du Vatican. À ce titre, il a plus servi l'église romaine que son pays. Mais d'aucuns diront qu'à partir du moment où, Béninois, il s'est trouvé à ce haut niveau de la hiérarchie de l'église catholique, il honorait déjà le Bénin et lui rendait service. Mais le véritable problème du Bénin et l'expression de sa situation de pays pauvre, incapable de décoller de sa pauvreté ne réside-t-il pas dans le fait d'être réduit à se glorifier d'avoir donné naissance à un Cardinal, ou des revendications dérisoires du même tonneau? Car, sans même insinuer que la rigueur du caractère laïc de la République eût dû nous contraindre à plus de réserve, il aurait été hautement souhaitable qu'une telle richesse restât confinée dans son ordre symbolique. Mais les richesses matérielles-celles dont la nature ne nous a pas dotées comme celles que par leur paresse des générations successives n'ont pas produites de leurs mains--sont si peu significatives que nous nous rabattons avec alacrité sur l'exploitation matérielle de richesses symboliques au demeurant contingentes. Mais voilà qui nous éloigne du propos. Ivresse religieuse ou pas, pauvreté matérielle ou pas, paresse collective ou pas, l'aéroport de Cadjehoun a été autoritairement nommé d'après le Cardinal Bernardin Gantin. Or voilà qu'il n'y a pas de jour où ce nom dans la presse nationale et internationale ne manque pas d'être associé à toutes les malversations, crimes et autres violences dont l’aéroport est hélas le théâtre. Qu’un accident s'y produise et on entend évoquer le nom du Cardinal Bernardin Gantin ; qu’une bombe y explose et on entendra évoquer le nom du Cardinal Bernardin Gantin ; qu’un vol s’y commette, qu'un malfrat prenne le large en empruntant cet aéroport et on entendra évoquer le nom du cardinal Bernardin Gantin. |
Nos frères du Nigéria qui sont très portés sur les fraudes, malversations et trafics illicites en tout genre ne s'y sont pas trompés. Ce nom de Cardinal donné à l'aéroport, a constitué une aubaine pour leur malice. Sans crier gare, ils ont transféré leurs activités délictueuses chez nous en faisant transiter leurs trafics illicites par l'aéroport de Cotonou dans l'espoir d'obtenir la bénédiction du saint nom qu'il porte. Qui a idée de suspecter un voyageur transitant par un aéroport portant le doux nom d’un Cardinal ? Rien que dans la semaine qui s'achève deux arrestations pour trafic de drogue impliquant des Nigérians ont été opérées par les services de sécurité de l’aéroport. Quand on sait que le climat de corruption qui règne dans ces lieux où certains de nos hommes en uniforme--policiers, douaniers, gendarmes etc. sont très obnubilés par le souci de gagner de l'argent facile à l'instar des hommes politiques et autres cadres du pays qui ne se gênent pas de remplir leurs poches, on se dit que ces deux arrestations en une semaine qui sont déjà beaucoup ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan souterrain des trafics et malversations en tout genre dont l'aéroport Cardinal Bernardin est le théâtre. Et à chaque fois, le nom du digne prélat y est et y sera associé dans les médias. Les gens qui ont voulu honorer la mémoire du Cardinal, quelles qu'aient été les raisons de leur intention, et indépendamment du caractère stupide et autoritaire de la mise en oeuvre de celle-ci, ne semblent pas avoir rendu un fier service au digne prélat. Que le nom d'un général, d'un explorateur ou d'un homme politique soit associé à un aéroport peut se comprendre. Mais que le nom d’un paisible prélat comme le Cardinal Bernardin Gantin fasse la une des journaux, associé à des crimes, des violences, des accidents, des interventions militaires, des malversations dont l'aéroport qui porte son nom à son corps défendant est et peut être le théâtre à tout moment, voilà qui prouve l'imbécillité politique et sociale d'une telle initiative. L'enfer dit-on est pavé de bonnes intentions, et à son corps défendant le Cardinal Bernardin Gantin devra payer de sa mémoire pour nous le rappeler. Aminou Balogun
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La solution à ce dilemme médiatique serait d'instituer une désignation dichotomique de l'aéroport, comme déjà c'est le cas de façon implicite dans la presse : de dire Aeroport de Cotonou pour faire référence aux événements catastrophiques, honteux ou peu glorieux ( crimes, malversations, violence, etc...) Et de réserver Aéroport Cardinal Bernardin Gantin aux événements prestigieux et nobles ( arrivée du pape, manifestations œcuméniques, Rencontres fraternelles, etc...) Le Bénin n'aura pas innové dans un tel usage dichotomique de désignation. Car, naguère du temps de la gloire sportif de Yannick Noah, il n'était pas rare d'entendre la presse française le qualifier de Camerounais lorsqu'il perdait, et de Français lorsqu'il gagnait...! Avec cette astuce, on pourra séparer le bon grain de la réputation du Cardinal de l'ivraie des activités séculaires de l'Aéroport mais aussi de la bêtise vertigineuse de ceux qui se sont crus obligés de le désigner du nom d'un prélat pacifiste...
Rédigé par : Toglossou Antoine | 25 août 2012 à 08:52