À suivre le cours de l'histoire de l'humanité, on serait fondé à penser que l'esclavage, l'exploitation de l'homme par l'homme, surtout sur la base raciste, relève du passé révolu. Et pourtant un pays comme la France, de par les actes géopolitiques qu'elle pose depuis 50 ans, défend l'idée selon laquelle la colonisation a du bon et l'avenir est dans la domination et le racisme qui en est l’inspiration psychologique et idéologique. Les actes géopolitiques qui permettent de penser que la France investit dans la recolonisation et se veut le gardien de ce temple lugubre pour l'Occident capitaliste sont nombreux ; ils tendent tous à faire de l'Afrique le butin ancestral de l'Occident qu'il ne doit sous aucun prétexte abandonner. Des circonstances historiques ont-elles conduit à un recul temporaire ? Eh bien il faut revenir à la charge et réoccuper ce qu'on avait découvert, et organisé à sa guise. Ces signes sont nombreux disons-nous et ils défraient chaque jour la chronique. Par exemple l'assassinat de la figure emblématique et vivante, insolente même de l'affirmation de l'Afrique qu'est le colonel Kadhafi en est une illustration éclatante. La manipulation politique en Côte d'Ivoire, qui a consisté d'un côté à armer les rebelles ou soi-disant tels contre le pouvoir de Gbagbo considéré comme trop intelligent ou irrécupérable, puis parce que celui-ci se défendait à sa manière contre cette adversité cynique, à le diaboliser pour ensuite l’attaquer militairement, l’éliminer, et l’enfermer dans un processus judiciaire dit international--élimination qui correspond à la honteuse intronisation de Ouattara, ludion formaté à leur solde. L'élimination brutale au Congo de Pascal Lissouba pour le remplacer par un autre ludion, Denis Sassou Nguesso. La tendance à la longévité dynastique des dirigeants africains à la solde de la Françafrique, qui contraste avec la brièveté souvent tragique de la durée de vie politique ou biologique des rebelles à leur volonté de manipulation/domination : les Eyadéma, Bongo, Kabila etc. qui se voient remplacés au pied levé par leur fils sans que les grands donneurs de leçons démocratiques dont la France et l'Occident regorgent ne trouvent à y redire ; et de l'autre côté, les Lumumba, les Marien Ngouabi, les Armical Cabral, les Thomas Sankara, les Laurent Gbagbo, les Lissouba--et la liste est longue de ces vrais héros africains qui sont éliminés politiquement sinon physiquement parce qu'ils croyaient à la liberté pour tous. Même un personnage comme Nelson Mandela en Afrique du Sud n'a eu grâce à leurs yeux que parce que les orientations politiques, idéologiques et économiques qu'il a faites en son temps n'ont pas attenté à leurs intérêts fondamentaux. Auquel cas, de l'adulation dont ils le couvrent aujourd'hui, il aurait été renvoyé à l'anonymat de l'élimination politique comme ils contribuèrent à le faire d'un Thabo Mbeki trop arrogant à leurs yeux, si ce n'est lui imposer la guerre et en profiter pour l'éliminer physiquement. Car comme le prouve la position farouche des Français, le combat pour maintenir l'Afrique dans les ténèbres et continuer à la posséder, la réifier, la piller est un combat vital que par on ne sait quel raccourci autoritaire ils considèrent comme légitime. Un peu comme un pédophile qui capturerait un enfant dans ses filets et parce qu'il a les moyens de ses fantasmes n'entendrait plus lâcher prise, en considérant comme Lamartine que la raison du plus fort est la meilleure.
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Nous avons affaire à une vision circulaire de l'histoire, au terme de laquelle ceux qui ont fondé leur civilisation et leur bonheur sur le progrès et la liberté--au point d'en être aujourd'hui à parler de « mariage pour tous », n'hésitent pas à priver l'Afrique Noire de la liberté, et considèrent qu'elle n'a pas d'histoire ou que son histoire au lieu d'aller de l'avant doit tourner en rond dans l'arène fermée de leur appétits léonins. La France agit pour elle-même, taraudée par l'angoisse de perdre son rang, elle croit pouvoir s'appuyer non pas sur elle-même mais la chair fraîche et les matières premières de l'Afrique, qu'elle considère sincèrement comme un don du ciel qui ne saurait être rétrocédé, qui ne saurait plus lui échapper après la trêve formelle des indépendances. Et pour crédibiliser sa position, elle se dévoue à jouer les gardiens du temple obscur de la privation de liberté et d'avenir aux Noirs d'Afrique enfermés dans la détestation et le mépris racistes, et considérés comme indignes à ce titre de jouir par eux-mêmes des richesses de leur sol et de leur sous-sol. Le plus cruel pour l'Afrique c'est que, chasseurs impénitents sur nos terres, la France parvienne à utiliser les propres fils de l'Afrique noire comme des robots téléguidés, le sang de son sang comme des chiens couchants, des chiens de chasse qui nous traquent et nous enferment dans les fers de la domination. Quel malheur ! Car le vrai malheur de l'Afrique se trouve là dans ce que l'écrivain nigérian Chinua Achebe à qualifié de « couteau posé sur les choses qui nous tenaient ensemble, [et nous sommes tombés en morceaux] ». Comment ne serions-nous pas dominés et exploités lorsque la France, ayant choisi d’aller à contre-courant de l’histoire de l’humanité et s’investissant passionnément dans cette voix inhumaine, compte sur nous-mêmes pour nous faire tomber en morceaux ?
Adenifuja Bolaji
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