La démocratie a partie liée avec l’équité dans le traitement des parties prenantes de la vie politique. Et dans les grandes démocraties ces parties sont identifiables par leur situation, selon qu’elles sont de la majorité ou de l’opposition. Le respect des droits de l’opposition constitue un critère de la santé démocratique. Ces droits relèvent d’abord du droit général des citoyens, mais aussi du droit des organisations politiques, qu’elles soient représentées ou non dans une assemblée. En Afrique, ce fonctionnement et cette culture de base sont souvent foulés au pied, niés et méprisés, dans un contexte porté à la domination exclusive d’une seule partie -- celle du pouvoir -- qui écrase l’autre, limite ses droits fondamentaux, les viole sans états d’âme ou les supprime purement et simplement. Et l’exercice de la violence d’État s’en trouve marqué, dans les rapports entre le pouvoir et les citoyens. Souvent prévaut un régime de deux poids et deux mesures selon qu’on est dans la majorité ou qu’on se trouve dans l’opposition. Et tout se passe comme si l’intérêt national et celui du pouvoir étaient confondus, là où l’opposition est abandonnée à un statut de déréliction, et considérée comme ennemie de la nation. Ce travers, qui est le signe de l’autocratie dans nos sociétés africaines où la culture démocratique a du mal à trouver place est un ferment de tension politique et d’injustice. Au Bénin, entre le régionalisme passionné et méthodique de Yayi et les deux poids deux mesures dans la jouissance des libertés publiques selon qu’on est du côté du pouvoir ou dans l’opposition, cette injustice démocratique est devenue une affligeante banalité. Mais le Bénin de Yayi n’a pas le monopole de cette conception léonine du pouvoir. Au Nigeria d’à côté, Monsieur Goodluck Jonathan, obnubilé par sa prochaine candidature à la présidentielle dont le bien fondé sinon la légitimité pour nombre de ses concitoyens fait polémique, n’hésite pas à y aller d’une main de fer ; il réprime à tout va et instaure sans état d’âme le même climat de deux poids deux mesures qui est une insulte à la démocratie. La ressemblance avec le Bénin est parfois frappante. Quelques jours seulement après que des manifestants ont été réprimés dans le sang au Bénin, une répression similaire a eu lieu au Nigeria. La police fédérale a en effet réprimé une manifestation organisée par un groupe de pression du gouverneur de l'État de Rivers, M. Chibuike Amaechi-- un gouverneur en conflit ouvert avec Goodluck Jonathan et opposé à sa candidature. Au cours de l'opération où la police a fait usage de gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc ont été tirées et plusieurs personnes ont été blessées. Parmi elles, le député Magnus ABE qui a été évacué à Londres. De même sur le plan de la répression de la liberté d’expression, Goodluck Jonathan n’y va pas de main morte, et l’égoïsme de son deux poids et deux mesures a quelque chose de bestial. Depuis quelques jours, les Forces de Sécurité d’État ( une Agence de Renseignement Intérieur et de Protection des membres du Gouvernement) se sont lancées aux trousses de l’ex-ministre El Rufai, qui se trouve être le porte-parole de l'APC, le plus grand parti de l’opposition dont l’envergure croissante menace les chances de réélection de Jonathan. Les tracasseries du pouvoir contre ce membre de l’opposition confine au harcèlement, puisque M. El Rufai a porté plainte contre la SSS pour avoir été selon lui illégalement séquestré pendant 24 heures dans un hôtel, sans aucune raison valable. Cette fois-ci le même homme est sous le coup d’un mandat d’arrêt lancé contre lui par l’Agence d’État pour délit d’opinion. Son tort en tant que porte parole de l’opposition est d’avoir déclaré qu’ « il y aura de la violence au Nigeria si les élections n'étaient pas libres et équitables. » On peut à première vue apprécier diversement la réaction du gouvernement vis-à-vis de ce propos d’un membre de l’opposition. Mais que penser d’un autre personnage, qui est non seulement du côté du pouvoir mais surtout fait partie des militants tribaux les plus passionnés de la réélection de Goodluck Jonathan, lorsqu’il profère jour et nuit des déclarations incendiaires, attentatoires à la paix nationale ; ou des menaces comme : « Il n'y aura pas de paix, non seulement dans le Delta mais partout au Nigeria, si Goodluck Jonathan n'était pas réélu président en 2015 » diffusées en boucle sur la plupart des médias sans que l’homme qui les profère, Asari Dokubo, ne soit le moins du monde inquiété? On voit bien qu’en matière de deux poids deux mesures, on touche le fond ; que la sécurité nationale fait l’objet d’une interprétation partisane, qui autorise de donner la chasse à ceux qui s’expriment dans le respect de la modération démocratique alors que ceux qui hurlent jour et nuit des menaces ouvertes contre la sécurité et la paix nationales ne sont pas inquiétés dès lors qu’ils roulent pour le pouvoir. Adenifuja Bolaji |
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