Les derniers développements de l'affaire Cahuzac ont choqué la France entière et sa classe politique. Face à ce choc politique et moral, François Hollande, en sa qualité de chef de l'État, est monté au créneau pour dire sa réprobation de ce qu'il considère comme « un outrage à la république » et une « faute impardonnable ». Dans le même élan dramatique, il a annoncé un ensemble de mesures, trois en tout, destinées à assurer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale en particulier et la corruption en général. Parmi ces mesures, il y a : 1. La réforme du conseil supérieur de la magistrature pour donner aux magistrats « les moyens d'agir en toute liberté » ; 2. La publication des patrimoines des hommes politiques, dans le but de lutter contre les conflits d'intérêts ; 3. Enfin, sur le plan pénal, M. Hollande souhaite l'instauration d'une peine d'inéligibilité à vie pour « les élus condamnés pénalement pour fraude fiscale ou corruption ». Malgré la réponse politique rapide et vigoureuse de l'exécutif à la crise si la majorité a exprimé sa satisfaction, l'opposition, elle n’a pas désarmé. Elle estime au contraire que rien dans ce que François Hollande a proposé n'aurait permis d'éviter le mensonge. L'opposition dira-t-on est dans son rôle mais son scepticisme n'est pas entièrement dénué de fondement. Indépendamment de l'aspect purement politique, il y a un autre aspect de cette crise qui entretient le scepticisme. Il concerne les conditions dans lesquelles cette affaire a éclaté, et que les passes d'armes politiques éclipsent : c’est l’aspect médiatique. L'affaire Cahuzac n'a pas été mis au jour par l'intrépidité fouineuse d'un juge mais par les investigations laborieuses et solitaires d'un journal. N'eût été la sagacité et l'exigence de vérité de ce journal, peut-être que l'affaire Cahuzac n'aurait pas connu les développements auxquels nous assistons aujourd'hui. Or, à cet aspect médiatique qui n'est pas directement politique, nul n' rendu grâce : pas plus le chef de l'État que les autres acteurs de la classe politique. Et aucune des mesures que le président de la république a annoncées ne concerne la presse dans son fonctionnement actuel, qui est loin de favoriser l'exercice intransigeant de son rôle, sa transparence, son indépendance et la capacité de ses acteurs à lui faire jouer le rôle de projecteur de lueur dans les zones sombres de la vie politique. Il faut reconnaître que l'intransigeance et l'exigence de transparence investies par le journal dont les enquêtes ont conduit aux derniers développements de l'affaire Cahuzac ne constituent en rien une norme encore moins un modèle du fonctionnement ordinaire de la presse et des médias français, et ce depuis plusieurs décennies.-- Comme le montre l’affaire DSK et l'affaire Cahuzac, force est de reconnaître une certaine pusillanimité et souvent même une complaisance de la presse vis-à-vis du personnel politique par rapport auquel, en raison des collusions ou de complicités de personnes, elle se désiste de son rôle de projecteur de lueur dans les zones d’ombre de la vie politique.
Ahandessi Berlioz
|
|
Une partie de la presse française, à travers ses acteurs, les journalistes, entretient des rapports de complaisance avec la classe politique, toutes choses qui conduisent à des collusions inhibitrices de leurs fonctions essentielles : l'information objective, la curiosité critique, l'esprit d’investigation. Au lieu de tenir haut le flambeau de ces valeurs caractéristiques d'une presse dynamique et impartiale, les journalistes français sont de plus en plus occupés à jouer les complaisants, à être les amis des hommes politiques, quand ils n'en sont pas--pour les femmes surtout--les compagnes dans la vie privée. En France, surtout à gauche, le nombre d'hommes politiques qui sont devenus les compagnons de journalistes en dit long sur cette culture de la complicité ou de la complaisance qui confine à la collusion. De Kouchner à François Hollande en passant par DSK, Jean-Louis Borloo, Michel Sapin et bien d'autres, ils sont légion les hommes politiques dont la collusion avec les journalistes a pris la forme d'une union matrimoniale. Or ces unions, bien qu'elles n'aient rien d'illégal, ne sont que le petit bout de l'iceberg des conflits d’intérêts et des collusions de personnes qu'entretiennent les hommes politiques et les hommes des médias en France. Ces collusions ne permettent pas à la presse de jouer pleinement son rôle de projecteur de lueur dans les zones d'ombre de la vie politique française, dans la mesure où elles génèrent des effets d'inhibition et d'autocensure qui sont préjudiciables au bon fonctionnement de la presse. Tant que l'esprit d'objectivité et de transparence ne sera pas restaurée dans la pratique et les mœurs de la presse, dans son rapport avec les hommes politiques, les mesures proprement politiques seules ne suffiront pas à lutter contre la corruption.
|
En effet, si tous les journalistes de Médiapart étaient des compagnons ou des compagnes de Ministres, il n'y aurait pas eu de chance que l'Affaire Cahuzac aboutisse aux révélations qui font scandale aujourd'hui... Il n'y aurait même pas eu d'Affaire Cahuzac pour tout dire...
Rédigé par : Berou O | 06 avril 2013 à 21:58