« Hommes debout ». L’œuvre a été détruite par un bulldozer, le mardi 15 janvier 2013, à 11h30, sur instruction du Ministre de la Culture de la République du Bénin. Cette œuvre monumentale a été conçue par l’artiste d’origine sud africaine, Bruce Clarke, et érigée sur la route des esclaves à Ouidah, à proximité de la Porte du Non Retour, mi décembre. Elle a été financée et produite par la Fondation Zinsou. Réalisée avec la participation de jeunes plasticiens béninois, à la suite du workshop avec l’artiste, les « Hommes Debout » était la première œuvre d’une série dont la prochaine est en cours de réalisation à Kigali au Rwanda. Le 16 octobre 2012, la Mairie de Ouidah et son conseil communal, qui avaient été sollicités pour aider la Fondation Zinsou à trouver un emplacement pour l’œuvre, ont choisi la Porte du Non Retour, afin de « bénéficier de la mise en valeur culturelle et touristique » que représentait ce projet. Le 16 novembre 2012, le projet des « Hommes debout » avait obtenu le label « Projet soutenu par la Route de l’esclave » de l’UNESCO car « il était dans le droit fil du projet La Route de l’esclave : résistance, liberté, héritage qui a pour objectif de promouvoir le devoir de mémoire et de faire mieux connaître la résistance contre la barbarie et la déshumanisation menée sur les millions d’africains arrachés par la violence à leur terre et réduits en esclavage »[1] * Selon Freud, la paranoïa est non seulement le délire de persécution, elle est aussi l’érotomanie, délire de jalousie et délire des grandeurs ; au Bénin, la situation au sommet de l’État ressemble à la paranoïa généralisée ; n’en ayant trouvé la dénomination pertinente dans aucun dictionnaire de la psychanalyse, je forge la néologie pannoïa dont la pathologie révèlerait l’extrême développement des délires caractéristiques de la paranoïa. « Tentative d’empoisonnement », kyrielle d’accusations d’ « offense au chef de l’État », chasse aux présumés auteurs des supercheries d’État, hallali de la justice des chiens couchants d’un régime montré du doigt par un magistrat de la qualité d’Ismaël Tidjani Serpos dans un pays où la Démocratie admirée pendant des décennies a régressé au point d’être la risée du monde. Qui nierait la pannoïa en activité dans les allégations ci-dessus et dans bien d’autres? Maintes fois relu, le souvenir de la Gradiva de Jensen[2] découvert en 1951 fut au cœur de mes interventions lors de la projection de Les statues meurent aussi, extraordinaire court-métrage d’Alain Resnais et de Chris Marker censuré pendant près de 20 ans avant sa première projection, en 1968. Si le système colonialiste français avait reproché à des Français bon teint d’avoir souligné en les stigmatisant les atteintes du colonialisme généralisé à l’Art africain, créations de Nègres qui n’avaient point besoin des leçons d’Européens pour emboîter le pas à leurs ancêtres, que devons-nous dire du vandalisme perpétré au Bénin par le régime politique de Monsieur Thomas Boni Yayi ? La destruction des HOMMES debout, l’œuvre de Bruce Clarke, artiste sud africain « érigée sur la route des esclaves à Ouidah, à proximité de la Porte du Non Retour », est un assassinat culturel politique bien que, ne se prenant ni pour Jomo Kenyatta, ni pour Nelson Mandela, la sculpture ne lève pas un bras en montrant le poing ; son titre est néanmoins au pluriel ; le palais de la Marina y aurait-il subodoré un appel tranquille à l’indignation et à la révolte contre la recrudescence des corruptions, la pauvreté, voire la misère, l’oppression et les crimes impunis ? Pour avoir aussi déjà dénoncé ces faits, j’exhorte les artistes, les artisans, les écrivains, les intellectuels ainsi que les femmes et les hommes de culture du Bénin dont certains n’en auront pas le courage, à une insurrection contre Monsieur Thomas Boni Yayi : fût-il taré et lourdement inculte, aucun ministre de la Culture, de son seul chef, ne saurait vandaliser un objet d’art ; qui d’autre que le « président » de la République du Bénin aurait pu décider d’un tel assassinat ? J’en appelle donc à l’UA aussi pour qu’elle condamne cet homme. Au Mali, sous prétexte d’un « effort dans le chemin d’Allah », les djihadistes ont saccagé les œuvres d’art rares et brûlé la quasi totalité des manuscrits vieux de quatre siècles que je me souviens parfaitement d’avoir admirés en compagnie d’Amadou Hampâté Bâ, Alioune Diop, Joseph Ki-Zerbo qui m’expliquaient ce qu’ils savaient ; évangéliste, aux injonctions de quel dieu obtempéra celui qu’une forfaiture soutenue par la compromission des gens à sa solde réinstalla, hélas ! au sommet de la Nation béninoise? Qui voulait-il atteindre par l’assassinat qui dénote une pannoïa ? Artiste sud africain, Bruce Clarke aussi l’aurait-il offensé ? La Fondation Lionel Zinsou internationalement connue honore la terre de plusieurs dignitaires de notre pays : feu Zinsou-Bodé, grand-père, du célèbre banquier d’affaires,Emile Derlin Zinsou, son oncle, ex-président de la République du Bénin, René Zinsou, son père, professeur agrégé de Médecine. Lionel Zinsou aurait-il commis un délit ou offensé , lui aussi, celui dont il est un des conseillers? La démolition-assassinat des HOMMES debout sur la route des esclaves à Ouidah souligne l’indifférence ou la haine tenace de Monsieur Thomas Boni Yayi pour la mémoire de ceux que la force des choses avait déracinés et envoyés à la mort. C’est inadmissible. Pour des motifs obscurs, une plaque prestigieuse consacre la présence de Monsieur Hervé Besancenot, ambassadeur de France au Bénin ; cet honneur incongru serait-il plus significatif que l’œuvre de l’artiste Bruce Clarke ? Profondément indigné, je dis sans ambages : le Dahomey proclamé « Quartier Latin de l’AO F » par le philosophe Emmanuel Mounier est devenu le Bénin où les Arts et la littérature ne manquaient pas d’envergure ; inestimable, celle de la Fête du Vodún initiée par la présidence de Nicéphore Dieudonné Soglo ne cesse de faire affluer des anthropologues, des chercheurs, des sociologues et des touristes vers le Bénin. Qui nierait l’apport de l’Art et de la Culture à l’Economie ? Avec Monsieur Thomas Boni Yayi, la « régression préjudiciable » vise le point de non retour. Il faut y obvier. Je demande formellement qu’une autre statue semblable sous tous ses aspects à celle des HOMMES debout soit réalisée par Bruce Clarke et réinstallée sur la route des esclaves à Ouidah, aux frais de Monsieur Thomas Boni Yayi. Olympe BHÊLY-QUENUM [1] Information lue en consultant Google. [2] Freud (acheté à Paris,chez un bouquiniste des quais de la Seine).
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