De nombreux travaux de sciences sociales ont réfléchi à la question de la « gestion différentielle des illégalismes », pour le dire dans les termes de Foucault. La sociologie de la déviance a montré pourquoi les infractions des classes populaires sont celles dont les auteurs finissent le plus souvent en prison. Elle analyse l’organisation de la justice pénale en « sous-systèmes distincts dont chacun ne s’adresse finalement qu’à certaines classes sociales au travers du cumul de classements dont l’autonomie n’est qu’apparente » [1] : du travail de la police à celui des juges, les étapes de la chaîne pénale orientent, de différentes manières selon les périodes mais avec une certaine stabilité dans les résultats, les infractions visibles commises dans l’espace public par les jeunes hommes des classes populaires vers des arrestations et des jugements rapides dans lesquels le casier judiciaire pèse lourdement. Un enjeu politique et académiqueLa Sociologie des élites délinquantes que publient Carla Nagels et Pierre Lascoumes dresse un bilan des recherches qui se penchent sur l’autre versant de la question. Quelles infractions sont commises par les élites ? Comment sont-elles traitées, ou non, par l’ensemble des institutions répressives ? La notion d’élite n’est pas aisée à définir : des délits liés à la fiscalité, ou au droit des entreprises peuvent également être commis par des membres de classes moyennes ou des petits entrepreneurs. Ce qui est plus décisif est la relation du délit avec une fonction de direction, dans les sphères économiques ou politiques. Les auteurs définissent ainsi leur objet comme « les transgressions de normes spécifiques liées à l’exercice d’une fonction de responsabilité publique ou privée et commise à titre individuel ou collectif par une instance dirigeante » (p. 15). La parution de ce manuel en forme de manifeste est particulièrement bienvenue pour, au moins, deux raisons. La première raison est politique : la multiplication des scandales et affaires liées aux pratiques financières des entreprises et des paradis fiscaux, à la corruption et au clientélisme des élus manifeste sans doute, dans un contexte de crise, l’action de militants, de journalistes et de juges pour remettre sur le devant de la scène la délinquance en col blanc. Le livre décrit d’ailleurs l’action de leurs prédécesseurs proches et lointains, comme Lincoln Steffens, journaliste muckracker qui a dénoncé la corruption aux États-Unis au début du XXe siècle ou Isidore Glard, magistrat qui se définissait comme le « corsaire malouin » de l’instruction des affaires financières dans l’entre-deux-guerres. Leurs continuateurs sont souvent associés aux scandales et aux controverses qu’ils ont provoqués. Pourtant, expliquent les auteurs, avec le recul, leur bilan est mince : les « multiples « affaires » et « scandales » ne sont jamais suivis « d’effets réels » (p. 7). Ils le sont d’autant moins que les scandales se concluent par des « lois de panique » qui, faute de se donner les moyens de comprendre les ressorts de ces pratiques, ratent leur cible. C’est l’analyse que font les auteurs de la réforme qui a suivi l’affaire Cahuzac. Mais c’est également le cas de la politique pénale de Robert Badinter, menée après l’alternance de 1981, qui, malgré « une priorité affichée pour la lutte contre la délinquance économique et financière, ne clarifia pas davantage ce pan de l’action publique » (p. 82). Au delà de l’indignation ponctuelle, les sciences sociales invitent à dépasser la « découverte » répétée des pratiques délinquantes des élites et à se pencher sur la manière habituelle dont celles-ci sont appréhendées par la justice mais aussi par les citoyens. Par exemple, pour revenir à notre premier exemple, une enquête menée aux États-Unis dans les années 1970 décrit la « réaction des électeurs à un candidat mis en cause pour corruption : « une grande partie de l’électorat maintient sa confiance au candidat qui incarne le mieux ses valeurs fondamentales, même s’il est accusé de corruption. L’affiliation partisane jour de façon forte, en particulier pour les républicains » (p. 249). Il ne suffit pas de faire émerger une affaire pour faire disparaître ces forces politiques et sociales. L’histoire des élites délinquantes décrit le contraste entre des périodes dans lesquelles ces enjeux sont saisis par des mouvements médiatiques et militants, et d’autres dans lesquelles rien n’émerge publiquement de ces pratiques. Mais elle permet aussi de mesurer le caractère régulier et finalement impuissant de cette alternance de silences et de scandales et invite à chercher d’autres manières de comprendre ces pratiques délictueuses, pour cesser, selon la belle formule qui conclut l’ouvrage, de permettre « aux élites de jouer avec les règles qu’elles imposent aux autres » (p. 271). Une seconde raison est liée à la structure du champ des recherches académiques sur ces questions. Des travaux sont menés dans le monde francophone depuis plusieurs décennies, dont témoignent notamment les écrits de Pierre Lascoumes, qui interroge depuis les années 1980 la « gestion discrète du droit des affaires » [2]. Mais des travaux plus nombreux sont menés dans le monde anglo-saxon, qui demeurent moins connus en France. La Sociologie des élites délinquantes est, pour cette raison, un formidable passeur vers un ensemble de recherches dont la méconnaissance nourrit l’idée erronée que ce champ de recherche est toujours balbutiant. Le livre montre comment un ensemble de travaux s’est constitué en prenant appui sur le travail d’E. Sutherland, père fondateur de la sociologie de la délinquance en col blanc et dont l’ouvrage fut, à sa sortie en 1949, censuré par son éditeur. « Son analyse [estiment les auteurs] demeure aujourd’hui valide dans toutes ses grandes lignes » (p. 135-137). Le livre offre un outil précieux pour que des recherches initiées aujourd’hui dans le contexte français – des pistes en ce sens sont esquissées dans la conclusion – s’appuient sur cet ensemble de résultats. Criminalité économique et corruptionLe livre est structuré par deux champs de recherche qui correspondent à deux faces de la domination des élites : l’analyse de la délinquance économique des entreprises et l’analyse de la corruption. Ces parties suivent une progression comparable. Elles présentent les contributions les plus importantes en distinguant les approches qui se penchent sur la commission des infractions (qu’est-ce qui détermine le passage à l’acte ?) et celles qui analysent les conséquences sociales, pénales et politiques de ces infractions (quelle est la réaction sociale à ces actes ?). Ces deux parties sont précédées de deux chapitres transversaux. Le premier, « Lignes de controverses autour de la définition de l’objet », a le défaut de la qualité d’un manuel : il présente de façon pédagogique des options théoriques qui opposent des chercheurs du champ. Il permet ainsi un utile repérage des positions en présence sans toujours convaincre qu’elles recouvrent des antagonismes théoriques féconds. Les auteurs finissent d’ailleurs parfois par expliquer que certaines controverses sont « largement factices » (p. 32). Le second chapitre est consacré aux « ambiguïtés de la réaction sociale ». Il ne nous semble pas évident qu’il traite réellement, selon le titre de la partie dans laquelle il s’inscrit, de « débats et controverses », car son intérêt est d’exposer clairement des lignes de force qui seront ensuite développées de manière plus spécifique dans les deux grandes parties thématiques. Des délits sans délinquantsIl n’est pas possible de rendre compte de tous les aspects d’un ouvrage qui a justement pour objectif de rendre compte de travaux nombreux. Chacun y trouvera analyses, exemples et références selon son intérêt. Notre lecture suit une question intriguante [3] : comment des gens parviennent-ils à commettre des délits sans être considérés et sans se considérer comme des délinquants ? Un ressort de l’invisibilité de la délinquance des élites est lié à l’histoire de la constitution des savoirs sur le crime. À la fin du XIXe siècle, Enrico Ferri, un des fondateurs de l’école de criminologie positiviste italienne, divise la société en considérant que tout en haut se trouve une classe « qui ne commet pas de crimes, organiquement honnête » alors que tout en bas se trouvent des personnes « réfractaires à tout sentiment d’honnêteté » (p. 34). L’étude de la criminalité a longuement « rationalisé ce déni », « en ignorant totalement les transgressions commises par les élites » (p. 33). Des justifications de la différence entre les catégories de crimes se sont appuyées sur une distinction entre les mala in se et les mala prohibita, entre des vrais crimes et des crimes crées par la loi. Une telle différence recouvre bien ce qui serait du ressort éternel de la délinquance – le vol des pauvres – et ce qui serait le fruit de la création de normes variables moins importantes et dont la transgression n’aurait pas la même gravité – le contournement des règles comptables et fiscales des riches. Cela étant, la délinquance des élites n’est pas seulement moins visible parce que les chercheurs ne veulent pas la voir. La difficulté de la recherche est aussi liée aux propriétés sociales de ses auteurs. Si « la majorité des recherches en sciences sociales est menée sur des acteurs dominés » (p. 121), c’est aussi parce qu’il est moins aisé d’accéder au bureau d’un directeur qu’à un jeune pris en charge par des institutions sociales. Travailler sur des acteurs dominants est d’autant plus difficile s’il s’agit d’enquêter sur leurs pratiques les moins avouables. Et si, comme on va le voir, une caractéristique majeure de ces transgressions est de finir rarement devant un tribunal, les sources officielles, comme les statistiques judiciaires, sont aussi de peu d’aide pour prendre la mesure du phénomène. Il arrive ainsi fréquemment que des affaires conservent leur part de mystère, notamment sur la destination de l’argent détourné, malgré des scandales et des poursuites. Pour autant, les connaissances existent, construites par les chercheurs mais aussi par les lanceurs d’alerte qui rendent publics des documents secrets, sur lesquelles le livre s’appuie pour démonter le mythe de la classe « organiquement honnête ». Des études montrent par exemple que « les personnes qui approuvent le plus les moyens illégitimes de s’enrichir (frauder le fisc, cumuler des emplois, employer du personnel au noir, et utiliser des combines) sont surtout les jeunes (18-24 ans), les personne de qualification supérieure (bac et +), les chefs d’entreprise et les professions libérales » (p. 32). La question est dès lors de comprendre pourquoi ces moyens illégitimes sont si peu poursuivis. L’analyse de la réaction sociale à la délinquance économique permet de reconstituer la manière dont celle-ci fait l’objet d’un traitement spécifique à chaque étape de la procédure qui mène de la commission d’une infraction à sa condamnation. On peut les décrire en reprenant trois résultats de la recherche pionnière de Sutherland. D’abord, expliquait Sutherland, les pratiques transgressives des entreprises reposent sur des mécanismes discrets : manipulation comptable, rapports d’activité mensongers, accords clandestins, dissimulation d’expertises et dangerosité de produits. Un ressort de cette invisibilité est l’absence de contact direct entre les auteurs et ceux qui en sont, en dernière instance, les victimes. Contrairement aux atteintes physiques aux personnes et aux biens, « peu d’enquêtés se définissent comme victimes de fraude économiques ou de clientélisme » (p. 57). Or, expliquent les auteurs, « les recherches sur le système pénal nous apprennent que celui-ci est majoritairement alimenté par les victimes » (p. 56). Plus encore, la distance entre les infractions et les victimes nourrit une « situation de déni collectif » : non dénoncées, les transgressions des cols blancs sont peu poursuivies et n’apparaissent pas comme une priorité pour les citoyens. Entre l’idéologie de la classe « organiquement honnête » et la rareté des poursuites se construit « un apprentissage social, voire une inculcation idéologique qui a fait, depuis au moins deux siècles, échapper à la réprobation sociale un vaste ensemble de comportements objectivement transgressifs mais cognitivement ignorés » (p. 63). Un second résultat dégagé par Sutherland est que les agences publiques communiquent très peu sur les transgressions de ce type qu’elles ont constatées et qu’elles sont censées sanctionner. Là encore, le livre montre la fécondité d’une telle idée pour l’analyse des illégalismes des élites. Un point fondamental est que ces « agences publiques » sont la plupart du temps distinctes de l’agence publique normale de traitement des infractions qu’est la justice pénale. Des organismes spécialisés, comme feu la Commission des opérations de bourse, devenue Autorité des marchés financiers, forment un filtre puissant en amont de la police et de la justice. Ils déterminent en particulier les cas qui se règlent dans la discrétion et ceux qui doivent parvenir jusqu’à la sphère pénale. Or, ce pouvoir de classement est dévolu à des organismes dans lesquels « les régulés font partie des instances de régulation » (p. 70). Pour cette raison, ils conçoivent leur action bien davantage dans une optique disciplinaire (avertir, expliquer, négocier) que de sanction. Le recours au pénal est lourd d’incertitudes mais aussi de coûts : par exemple, les instances de contrôle peuvent mettre en balance la répression d’une irrégularité et la préservation des emplois dans l’entreprise concernée. Un enjeu central dans le traitement de la délinquance des élites repose sur la levée des verrous constitués par les organismes intermédiaires. L’absence d’une telle levée est ce qui explique que les auteurs jugent sévèrement la loi qui a suivi l’affaire Cahuzac : malgré des demandes pressantes en ce sens, la réforme n’a pas mis fin au monopole du ministère des Finances en matière de saisie de la justice pénale concernant des infractions fiscales. L’étude de la réaction sociale en matière fiscale illustre les conséquences d’un tel fonctionnement. D’abord, la « voie pénale est l’exception et la règle est l’arrangement par transaction » (p. 75). Ensuite, l’action répressive reproduit des inégalités : « les contribuables aux revenus les plus élevés ou à la situation fiscale complexe sont moins contrôlés que les autres » (p. 76). Les petits entrepreneurs du bâtiment sont des cibles fréquentes. À l’inverse, « plus les mis en cause exercent des responsabilités importantes dans l’entreprise, plus ils échappent aux poursuites pénales » (p. 202). Les acteurs économiques mis en cause par la justice sont « les moins puissants » (p. 185). In fine, « les contentieux financiers et fiscaux ne constituent qu’une partie minime du travail de la justice » (p. 101). Pour ces raisons, les élites font rarement l’objet de condamnations pénales, ce qui manifeste « autant une difficulté des agences de contrôle à leur apposer des stigmates qu’une capacité des acteurs à y échapper » (p. 186). Lorsque les élites font tout de même l’objet de poursuites, elles ne se laissent pas démonter : « les recherches menées auprès de personnes condamnées pour des faits de délinquance en col blanc sont unanimes : la condamnation pénale n’entraîne pas sur eux d’effet dévalorisant, ces personnes rejettent même l’étiquette de « délinquant » » (p. 182). Elles résistent à la stigmatisation par un ensemble de « rituels de restauration » qui mobilisent leur capital social, culturel et économique » (p. 65). En particulier, l’usage de toutes les possibilités de la procédure judiciaire pour contester les actions des juges permet de donner aux débats un tour technique et une durée qui affaiblit l’attention publique et favorise la minimisation de la gravité des faits. De telles stratégies nécessitent « l’existence et l’appui de puissants réseaux, une maîtrise optimale du droit, de ses passes et de ses méandres, ainsi qu’une capacité imposer une lecture alternative crédible de la situation discutée » (p. 189). Un autre résultat des travaux de Sutherland que des études ultérieures permettent d’approfondir est le fait que « les entreprises frauduleuses mènent souvent des stratégies préventives vis-à-vis des contrôles ». En particulier elles interviennent pour éviter l’adoption de réglementations trop rigoureuses. Une étude empirique a ainsi montré, aux États-Unis que, « plus une entreprise exerce du lobbying, plus elle a de chances d’échapper au législateur » (p. 45). En d’autres termes, « le prestige social des élites, la crainte révérencielle qu’elles suscitent, les réseaux d’influence et de protection dont elles disposent sont autant d’obstacles à la catégorisation de leurs transgressions dans un registre punitif » (p. 65). Les élites ne sont pas seulement en capacité d’influer sur le traitement des infractions mais aussi sur leur définition même. La nécessité d’être au-dessus des règlesL’ouvrage discute les tentatives pour intégrer les enjeux de la délinquance des élites dans des ensembles théoriques plus généraux. Il présente ainsi les analyses d’auteurs qui se réclament de grands courants de l’analyse de la criminalité, comme les adeptes de la « théorie du choix rationnel » (p. 158-168). Sur ces points, il montre bien que « l’idée d’une théorie générale susceptible d’expliquer de manière cohérente l’ensemble des faits transgressifs n’a jamais été démontrée » (p. 168). Les auteurs montrent que parfois « les chercheurs en matière de déviance et de délinquance des élites économiques et politiques ont tendance à schématiser leur sujet, à le simplifier pour le faire entrer à toute force dans un cadre théorique préétabli, de préférence l’un des modèles théoriques criminologiques classiques » (p. 54). L’intérêt d’une approche sociologique spécifique est précisément de toujours analyser la singularité de la délinquance des élites comme un ensemble de transgressions commises par des groupes sociaux qui, par ailleurs, ont des moyens importants pour lutter contre la qualification pénale de leurs actes. Une dimension qui traverse le livre sans être thématisée comme telle - ce qui correspond logiquement à une structure de présentation des théories sociologiques - est celle des liens entre la délinquance des élites et la conjoncture historique actuelle. Les auteurs montrent que l’attention portée à la délinquance en col blanc est liée à des fluctuations du contexte et de l’intérêt de l’État : elle est par exemple forte après la crise de 1929 et dans les années de contestation qui suivent mai 68. La séquence qui s’ouvre à partir des années 1980, notamment avec Thatcher et Reagan, est marquée par une orientation inverse : « la droite néolibérale (…) a prôné et fait progresser le mouvement de dépénalisation des activités économiques et mis en œuvre une dérégulation concrète par la diminution drastique des budgets des agences de contrôle et une diminution de leurs pouvoirs » (p. 205). De même, estiment les auteurs, en France un mouvement général de « dépénalisation de la vie des affaires » est initié « depuis au moins une décennie » (p. 83). Ces transformations ne sont pas sans effets sur les pratiques transgressives des élites elles-mêmes. Ainsi, « plusieurs recherches montrent que la dérégulation opérée, entre autres, durant les périodes « Reagan » aux États-Unis ou « Thatcher » en Angleterre, a offert un ensemble d’opportunités transgressives nouvelles au monde des affaires » (p. 142). Ces opportunités sont saisies de manières différentes par les acteurs économiques : « plus les salaires sont répartis inégalement dans une entreprise, plus cette entreprise semble mettre en œuvre des stratégies transgressives » (p. 143). Il existe parfois de « véritables sous-cultures délinquantes où des activités perçues comme illégales par le monde extérieur sont, à l’intérieur de la sous-culture, totalement banalisées (l’organisation de l’évasion fiscale dans certains cabinets d’avocats, l’entente entre concurrents dans les travaux publics et la grande distribution » (p. 152). En ce sens, la sociologie actuelle des élites délinquantes est moins l’analyse de déviants au sein des élites que celle des normes d’action affirmées dans des segments spécifiques du capitalisme, qui gère des flux financiers dérégulés, place le capital des puissants à l’abri des administrations fiscales et fournit des salaires exorbitants aux nouveaux working rich. Entre ces élites hors d’atteinte et les salariés se trouvent des managers, pris entre les régulations imposées par la puissance publique et les objectifs économiques dictés par leurs patrons (p. 198). Les auteurs citent en exergue un entretien de Luc Boltanski dans Libération, invitant les sociologues à étudier ceux « qui occupent les positions de pouvoir, et [les] dispositifs qui leur permettent à la fois de mettre en œuvre ce pouvoir et de le dissimuler ». Dans De la critique, le même Boltanski explique que vouloir la « reprise d’une sociologie des classes sociales », c’est retrouver la question des illégalismes des classes dominantes : « Ce que partagent implicitement les membres d’une classe dominante, sous la forme d’un savoir commun qu’ils ne peuvent pas avouer aux autres – qu’ils peuvent à peine s’avouer à eux-mêmes – est que, d’un côté, il est indispensable qu’il y ait des règles, c’est-à-dire du droit, des procédures, des normes, des standards, des règlements, etc., et, de l’autre, que l’on ne peut rien faire de vraiment profitable [...], que l’on ne peut pas simplement agir, dans un monde incertain, si on suit ces règles » [4]. Les défis politiques posés par la Sociologie des élites délinquantes ne sont rien moins que ceux qui émergent du renouveau d’une sociologie critique |
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