C'est quand même effarant les déductions obtuses auxquelles procède la presse béninoise à partir de données simples concernant la demande de passeport de MM. Talon et Boko. Patrice Talon et Olivier Boko les deux co-accusés dans l’affaire devenue caduque de tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat ont fait une demande de passeport et se sont vus proposer la délivrance d'un sauf-conduit par les services compétents. Du coup, une certaine presse béninoise en déduit dans un charivari unanime que cela veut dire que Yayi Boni s'apprête à arrêter Talon et Boko s'ils rentraient au Bénin, et que cette réponse en demi-teinte cache un piège. Mais, réfléchissons un peu : si Yayi Boni voulait vraiment arrêter Talon et consort, qu'est-ce qui l’empêche de leur faire délivrer un passeport en bonne et due forme ? Au contraire la meilleure façon de piéger quelqu'un n'est-ce pas de le bercer d’illusions ? L’endormir de prévenances, le cajoler en lui faisant croire que tout se passera pour le mieux et qu’il sera traité comme tout le monde ? Et puisque la liberté de circuler, d'aller et venir est en cause, pourquoi la presse béninoise ne s'interroge-t-elle plus soudain sur la double nationalité de ces compères qui naguère avait fait couler beaucoup d’encre et l’objet de moult spéculations ? S'ils envisagent de venir au Bénin, qu'est-ce qui les empêche d'y venir en tant que Français ? Ne serait-il pas plus compliqué au pouvoir d'arrêter des étrangers innocents plutôt que des béninois politiquement indésirables ? La vraie question est ailleurs, et la presse ou tout au moins une partie de la presse complaisante le sait bien qui fait semblant de l'ignorer. Ou bien les Talon et consort font campagne pour montrer qu'ils ne sont pas persona grata au Bénin, malgré l'annonce du « pardon » de Yayi, que le pouvoir n'est pas disposé à les laisser tranquilles. Ou bien le pouvoir, en suggérant la délivrance de sauf-conduit, essaye de décourager les intéressés de façon à les pousser à la méfiance afin qu’ils renoncent à toute velléité de retour au bercail. Parce que M. Yayi redoute cette présence de concitoyens innocents qu’il a injustement harcelés et qui viendraient grossir physiquement le rang de ses ennemis, dans une période de fin de règne plus que jamais remplie de suspicions et de doutes sur ses propres intentions. Pourquoi la presse béninoise ne se pose-t-elle pas ces questions logiques avant de se précipiter dans une déduction obtuse, faussement indignée et en fin de compte suspecte qui diabolise les uns à tort et fait passer les autres pour des victimes--ce qu'ils sont sans doute dans une certaine mesure même si ce n’est pas pour les raisons que l'on invoque.
Aminou Balogun
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