En Afrique, on oppose volontiers les intellectuels et les hommes politiques. Ces derniers, comme leurs semblables du monde, et peut-être plus qu’eux, feraient peu de cas de la pensée. Mais en Afrique l’opposition entre le politique et l’intellectuel est trompeuse. Car plus d’une similitude unit ces deux catégories d’acteurs que le sens commun oppose.
Par exemple, sur le plan éthique, nos intellectuels sont les premiers à profiter de l'impunité ambiante ; vu le peu de cas qu'ils font de la nécessité de rendre compte de ce qu’ils prétendent être. Car, bien souvent il leur suffit d'obtenir un titre, de se faire appeler « Docteur », « Maître », « Professeur ». Après ils n'ont plus rien à prouver. Tout le monde sait et eux les premiers, que les recherches sérieuses, les grandes découvertes qui transforment le monde viennent de chez les Blancs. L’Africain ne cherche même pas à adapter ses connaissances aux réalités spécifiques de sa société. Donc, peinard est le soi-disant intellectuel africain qui ne se croit pas obligé de prouver quoi que ce soit. Ce qui signifie qu'il n'entend pas rendre compte de ce qu'il prétend être. Cette attitude, traduite sur le plan juridique et éthique ressemble à l'impunité de l'homme politique qui n'a aucun compte à rendre de ses actions, de son bilan, de ses fautes sinon de ces crimes. De même aussi la posture d’aliénation et de servilité qui est la caractéristique de nos hommes politiques et que le néocolonialisme a codifiée, cette posture en fait n'est pas leur seul apanage. En vérité il s'agit d'un fait de culture hérité de l’historie que l’on retrouve chez les lettrés, les akowé et à plus forte raison chez l'intellectuel parvenu. Cette manière que la bonne volonté intellectuelle sous nos cieux a de
|
|
pactiser avec l'extraversion et l'hétéronomie ; que, fondée sur nos conditions historiques d'aliénation symbolique, nos intérêts intellectuels ainsi que nos œuvres ne prennent d'importance à nos yeux que lorsqu'elles sont reconnues par le Blanc, aussi peu objective que soit souvent cette reconnaissance. Combien de savants africains ne se considèrent comme tels que lorsqu'ils ont bénéficié d'un strapontin à Harvard, Massachusetts ou même Paris ? Combien d'écrivains ne se considèrent comme tels que parce qu'ils sont édités à Paris, Londres ou New York et qui n'hésitent pas de ce fait à mépriser leurs congénères qui n'ont pas la même opportunité ? Combien d'entre eux ne rêvent que de la reconnaissance de jurys occidentaux ?
Si en Afrique la tendance qu’ont les titres intellectuels de se suffire à eux-mêmes frise une forme d’impunité de la part de leurs détenteurs, l'hétéronomie compulsive qui caractérise l'intellectuel est l'équivalent de la servilité néocoloniale des politiques.
Prof. Cossi Bio Ossè |
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.