Mon Cher Pancrace, En réponse à ta dernière lettre, je commence d’abord par te dire à mon tour mes vœux de bonne et heureuse année 2014, à toi et à ton entourage, santé, et sérénité ; succès dans notre lutte commune pour le triomphe de la démocratie au Bénin, et ce rêve que nous portons tous d’une véritable conférence nationale à caractère éthique. Cette assise à laquelle tu as fait un clin d’œil dans ta lettre précédente où seront mises à la lumière toutes les zones d’ombre de notre vie politique -- ces crimes, ces assassinats, ces scandales, ces corruptions, mais aussi ces dénégations et ces complaisances vicieuses -- qui sont à l’origine de la culture de l’impunité qui nous plombe depuis bientôt une trentaine d’années en hypothéquant gravement toutes nos espérances de développement. A travers toi et au-delà, tous mes vœux vont à nos amis du Canada, des États-Unis, d’Australie, de Suisse, de France, de Belgique, du Nigeria, d’Afrique du Sud, du Kenya, du Ghana, du Sénégal, et d’une manière générale de tous les continents. Cette formalité étant accomplie dans l’espoir que je n’ai oublié personne, permets-moi cher ami d’en venir précisément au contenu principal de ta lettre, à savoir la question que tu me poses sur le dernier discours de fin d’année du chef de l’Etat, Monsieur Yayi Boni. Tu me dis : « toi qui t’y connais en science de la com., etc., dis-moi que ce discours n’est pas vide et qu’il contient un message profond à côté duquel je suis passé.» Et tu fondes ton scepticisme sur la lecture de semblables discours de chefs d’Etat d’autres pays de la sous-région, qui t’ont paru, comme tu dis « plus sensés, plus denses, plus sérieux et plus sincères. » Mon cher Pancrace, depuis que j’ai pris conscience du caractère fourbe de notre président, je ne m’attarde plus à lire ses discours, dont je pense qu’il sont plus des mots faciles que des choses sincères. Plus que la moyenne des gens, Yayi Boni est le genre de personne dont il vaut mieux lire le discours de ses actes, qui dit ce qu’il est et ce qu’il pense au fond de lui, plutôt que le discours de sa parole, qui au contraire les cache. La preuve la plus flagrante est que cet homme qui n’hésitera pas à faire donner les forces de l’ordre à des manifestants pacifiques réprimés dans le sang, a pu faire deux semaines plus tôt un hommage vibrant à Nelson Mandela dans lequel les mots de paix, de fraternité et de pardon dont il n’était pas avare pouvaient laisser penser à une certaine fibre humaniste ou humaine. Mais ce n’était que du vent et du mépris de ces valeurs qu’il cite dans des discours rédigés par des nègres au petit pied. Mais curieusement mon cher Pancrace, malgré cette méfiance, je me suis hasardé à faire une exception à ma méfiance, et j’ai lu le discours du chef de l’État ; cette chance me permet de t’en rendre compte, ou plus précisément de te dire ce que j’en pense. D’entrée, et pour faire écho à ton scepticisme de lecteur, je te rassure tout de suite : ton impression ne relève pas tout à fait du délire. En effet, mon cher Pancrace, la première impression qu'on éprouve en lisant le discours de fin d’année de Monsieur Yayi Boni c'est la peur d’être à la place des mots, et de subir cette tentation outrageante du premier assassin venu à se draper en eux pour apparaître comme tout le monde sinon comme un saint. Y affleure l'abus du syllogisme qui sous-entend que celui qui dit bien les choses dit vrai, et qu'une bonne grammaire reflète une bonne cause. Tout le monde sait qu'à ce jeu-là même Hitler peut être gagnant. Au total, mon cher Pancrace, la lecture de ce discours me permet de te rassurer : ton impression de vide est bien fondée, et tu n’es pas passé à côté de grand-chose. Mais je te souhaite de faire de grandes choses cette année ! Avec l’expression renouvelée de mon indéfectible amitié que les années ne démentent pas. A bientôt Binason Avèkes |
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