Pour Yayi Boni, la constitution et sa Cour, à l'instar de l'État, c'est lui. Le plus flaubertien de nos chefs d'État ne badine pas avec sa puissance créatrice. Ainsi, pour lui, l'anti-constitutionnalité du rejet du budget 2014 par les députés est une banalité et les ludions de la Cour, ces petits chichavi politiques stipendiés et conditionnés depuis 2006, ne se sont pas fait prier pour rétablir l'ordre normal des choses. Très vite au contraire, ils se sont dépêchés de pondre un argumentaire qui conclut en apothéose à l'annulation du rejet du budget 2014 par les députés. C'est fou que depuis 2006, le chef de l'État a un sacré bol avec la Cour constitutionnelle. Chaque fois qu'il y a un litige important et politiquement décisif mettant aux prises lui-même et ses opposants, c'est toujours lui qui l'emporte avec une rapidité effarante, parfois même, comme en mars 2011, au K.-O. ! Vous ne trouvez pas cela un peu intrigant ? Nana gbèdié ! La Cour constitutionnelle et la cynique complaisance avec laquelle elle fonctionne sont le point faible des démocraties africaines, car elles sont capables de transformer le plomb en or pour imposer la volonté d'une partie sur l'autre, au grand mépris de l'objectivité, de la vérité et de la loi. Tout est une question d'interprétation, et comme les juges de la Cour constitutionnelle ont le dernier mot, eh bien c’est leur interprétation qui l’emporte : simple comme bonjour !
Quelque part, le cynisme dont ces juges suprêmes font preuve est inscrite dans les termes de la constitution elle-même, et dans la manière dont elle met en jeu les mécanismes du fonctionnement des institutions. Leurs décisions sont téléologiques et elles servent seulement de caution ou de légitimation aux oukases du pouvoir. Les gens qui dirigent cette Cour au Bénin depuis 2006 et leurs comparses sont de véritables enculés, des opportunistes et des prostitués ; des gens sans honneur qui pour rien au monde n'entendent pas rater l'occasion d'amasser des milliards et d'entrer dans l'histoire fût-ce par la porte obscure de l'indignité morale. Grâce à la prouesse de singe dompté de ces juges, le président de la république est assuré de gagner à tous les coups. Dans l'affaire d’extradition des présumés coupables de tentative d'empoisonnement sur M. Yayi Boni que sont MM Talon et Boko --extradition rejetée par une cour d'appel française --si le dernier mot avait échu à la Cour constitutionnelle du Bénin, tout le monde devine aisément l'issue de la décision qu'elle aurait prise. Et, aidés par une armada de plumitifs professionnels, le président de la Cour et sa basse-cour auraient pondu une argumentation insipide et soporifique à son appui, émaillée d'attendus et de considérants tous plus concaves les uns que les autres. Et puis dans le fond, la partialité crapuleuse de la Cour constitutionnelle mise à part, même la démarche de faire appel à la Cour à tout propos laisse à désirer. Outre qu'elle traduit un échec politique dont il aurait été plus sage que le président en tirât les leçons, la mise en jeu à tout propos de la Cour constitutionnelle suppose a priori la légitimité conditionnelle de son existence. Entre autres choses, une Cour constitutionnelle n'a de légitimité que dans un État de droit. Or au Bénin, là-dessus, rien n'est moins sur. Les manifestants innocents qui se sont faits tirer dessus à balles réelles le 27 décembre 2013 sont la preuve vivante que le Bénin n'est pas un État de droit. Dans ces conditions, l'appel à tout propos du président de la république à la Cour constitutionnelle pour trancher des différents politiques n'est rien moins que de l'instrumentalisation.
Adenifuja Balogun
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