-Quand on observe bien, il y a une relève culturelle active de ce qui était considéré comme la majorité culturelle d’avant par une nouvelle majorité faite de tout ce qui s'en distingue, avec comme colonne vertébrale, le nago et les langues du Nord. Depuis que je suis là, en zappant au hasard sur trois chaînes de télé principales que sont ORTB, GOLF TELEVISION et CANAL 3, les langues que j'ai entendues sont le français, le nago, le ditamari, le dendi, ou le bariba. J’essaie de confirmer cette évolution en ayant une écoute un peu plus suivie de la chaîne Canal 3 sur laquelle j'étais tombé par hasard au moment où une émission en bariba venait de prendre fin. Je me disais qu'en toute logique, j'entendrai enfin quelqu'un parler en fon, mina, goun, ou yoruba. Mais, nenni, on a fui plutôt vers les images et les langues africaines de l’ère sahélienne comme si, on estimait qu'il valait encore mieux montrer de telles images exotiques, plutôt que de donner à voir un des spectacles qui reflètent la vie culturelle du sud. Après, cela a été une longue séquence d’info en français, où priorité était donnée à l'Afrique et au monde. Maintenant, sur l’ORTB, après une publicité où la première dame était au centre, suit le générique d'une émission de l’ONB, l'Office béninois du bois. La chanson du générique était en bariba, la première personne représentant l’ONB était un certain Pascal Adeyemi-- Nago pur jus, même si son patronyme yoruba peut faire illusion. Puis l'intermède musical suivant était une chanson en tchabè. Ensuite, la deuxième personne de l’ONB interviewée était une femme du nom de GBAGUIDI, ( OBA GUIDI) c'est-à-dire pour l'esprit régionaliste qui prévaut sous Yayi, une sorte d'ersatz fon de nago… Toujours des personnages ethniquement typés, ethniquement profilés, ethniquement pesés au trébuchet du régionalisme. Et une noria de soldats-- profession fétiche des Nordiques avec laquelle le gouvernement bourre l’Administration en leur assurant une rente à vie--qui intervenaient pour une raison ou une autre. Un intervenant s'appelle Gnanguénon Denis. Enfin un Fon ! L'exception ou la caution fon qui confirme la règle régionaliste ? Ensuite pour faire passer des messages à caractère écologique, un animateur s'exprime en fon et tout de suite suivi par un autre qui répète la même chose en bariba. La grande majorité des images mais aussi des chansons qui constituaient l'émission est nordique. Les Aja et les Gun n'existent pour ainsi dire pas. Il n’y a peut-être pas de forêt dans leurs contrées. Et il y a une obligation permanente de rééquilibrer toute intervention en fon par de multiples interventions en nago, ditamari, bariba etc.. Et le directeur de l’ONB est lui-même nago puisqu'il est introduit comme Dr Clément ADEYEMI : un de ces Dr qui ne soignent personne mais qui tiennent à ce titre ronflant qui justifie leur cooptation népotiste. Et l'émission se clôt par une chanson en une langue du nord, et la même publicité centrée autour de l’appendice domestique du Président, pompeusement baptisée « première dame » dans une initiative caritative bien-pensante et bien pensée.
Voilà donc une image rapide et somme toute véridique du Bénin d'aujourd'hui. On se demande si les Zinsou, Tévoéjrè, les Dossu et autres Gnonlonfun, les Soglo etc. qui ont amené et soutenu ce régime cautionnent cet univers idéologique basé sur l'élimination objective de la culture majoritaire--souvent avec la complicité stipendiée de ressortissants de celle-ci--pour la remplacer par une poussière disparate de minorités culturelles qui n'ont pour elles que d'appartenir à la zone d'identification ethnique de l'actuel président. On fait comme si, à supposer qu’il y ait 10 Béninois, l’arithmétique sociale et sociologique les répartit strictement en deux groupes de 5 sudistes et de 5 non sudistes. Et le même principe est en vigueur même lorsqu’il s’agit de 10 Béninois instruits. Et c’est à partir de ce principe de parité déjà frauduleux que Yayi Boni dans ses nominations ou la répartition de la présence médiatique des diverses cultures du pays peut se permettre d’imposer un rapport de l’ordre de 6/4 voire 7/3, en faveur de ceux qu’il considère comme les siens, de façon autoritaire ou sous le fabuleux prétexte de corriger des injustices structurelles ou du passé ! Mais au nom de quoi sur 10 Béninois, il devrait y avoir nécessairement 5 originaires du sud et 5 venus d’ailleurs que le sud ? Et qui fixe les frontières mouvantes et imaginaires, fantaisistes et arbitraires de cet ailleurs ?
A l’évidence, il y a dans ce parti-pris d’atomisation régionaliste, une haine du fait majoritaire. Ce qui est très grave c'est que ce phénomène d'élimination et de substitution d'un agrégat de micro-cultures périphériques à la culture majoritaire réduite à la portion congrue passe complètement inaperçu à la plupart de ceux qui vivent régulièrement dans le pays, dont certains sont même amenés, pour leur intérêt à courte vue, à y collaborer activement. De même qu'il naturalise la fausse équivalence entre le Nord et le Sud qui fait qu'il faut toujours équilibrer un propos en fon--érigé en seule langue résiduelle du sud--par une kyrielle de langues d'un Nord imaginaire et arbitraire ; d'un Nord fabriqué de bric et de broc, où la coexistence des populations historiquement sudistes de la lisière septentrionale du zou avec leurs voisins du Nord est constituée en une unité politique à usage régionaliste. Cette philosophie politique est ce qui ruine l'Afrique et la fera disparaître le cas échéant. Parce que l'unité africaine doit commencer par l'unité des parties de l'Afrique mais non par l'encouragement de leur opposition pour des raisons politiciennes et électoralistes. Le fait qu'il y ait des régions ou des départements démographiquement, historiquement, et/ou sociologiquement de plus faible importance que d'autres n'enlève rien à l'égalité citoyenne de leurs ressortissants mais ce n'est pas pour cela que le dirigeant politique, parce qu'il s'identifie à cette région, mettra en œuvre une politique de réduction des cultures, langues et représentativité socioculturelle des régions majoritaires au profit d'une poussière de cultures dont l'unité douteuse au plus n’est que négative. Le jour où nous serions forcés de trouver une seule langue nationale pour le pays--à supposer que nous y soyons obligés--c'est sur la culture de la région majoritaire et de la langue qui dans celle-ci est majoritaire qu'il faudra s'appuyer. L'idéologie de la haine et du mépris de la majorité qui est servie activement par le pouvoir politique actuel du Bénin est une idéologie ruineuse et inepte. C'est elle qui nous conduit à préférer la situation actuelle du rapport des langues où nous nous satisfaisons du fait que la langue du colon, c'est-à-dire finalement de l’étranger et de l’ennemi historique, de celui qui nous saigne depuis des siècles, est encore la langue qui nous unit, dans le sens où elle nous départage et prime sur toutes les autres ; parce qu'il suffit de faire le choix de bon sens africain consistant à préférer la langue nationale de plus grand nombre de locuteurs, comme langue nationale officielle pour susciter un tollé de défiance, de protestation et d'insubordination, réveiller des susceptibilités et des rancœurs enfouies. Au lieu d'accepter l'influence bénéfique de notre propre grand frère, la volonté de défiance et notre susceptibilité nous font préférer l'arbitrage de l'étranger dont les intentions à notre égard sont tout sauf désintéressées et ce à nos risques et périls ! On organise patiemment et obstinément l'illusion de la supériorité numérique des non Fon-Aja. Sur le plan médiatique et culturel c'est comme si à l'ONU parce que le secrétaire général actuel est Coréen, le coréen et ses parlers régionaux seraient érigés en langue principale des échanges internationaux, tandis que les langues habituellement utilisées comme l'anglais ou le français verront leur occurrence d'usage réduite. Et pour justifier cette substitution idiote, on fait valoir que le coréen et ses dialectes sont liés aux chinois et que les Chinois constituent le quart de l'humanité !
Raisonnement spécieux. Ainsi, au lieu de travailler à unir les nations du monde pour la paix et le bien-être de l'humanité, le but du secrétaire général des Nations unies en accédant à ce poste serait de rétablir une certaine injustice à l'égard de certaines catégories de nations et de peuples et de réveiller les cultures et l'image dormantes de ces nations au détriment des nations jusque-là culturellement et politiquement dominantes. La métaphore employée ici, si elle fait voir un peu les aberrations et les déviances régionalistes qui ont cours au Bénin, reste en deçà de leur condamnation morale, dans la mesure où quelque part, l’égalité des nations et la prise en compte de leur culture n’est pas ce qui étouffe l’ONU…
Le combat d’arrière garde régionaliste de Yayi Boni est condamné d’avance, malgré les dégâts qu’il cause à la société béninoise. Il est condamné par l’histoire parce que le progrès en Afrique est dans la dynamique des courants et des systèmes symboliques majoritaires, qui sont les mieux placés pour se substituer à l‘aliénation symbolique qui nous arrière depuis des décennies. La parité frauduleuse entre un Nord et un Sud parfaitement imaginaires( qui est la belle excuse pour se passer des compétences réelles du pays et faire selon son bon vouloir) , dès lors qu’elle s’applique en dépit du bon sens et au mépris du principe de compétence universelle mène droit le pays vers la ruine. On prophétise souvent les dégâts de cette préférence de la médiocrité régionalisée dans un lointain avenir hypothétique. Mais ces dégâts sont déjà là dans le présent qui nous empêchent de progresser, nous arrièrent à notre corps défendant. Le rang de lanterne rouge que le Bénin occupe dans notre sous-région, depuis bientôt dix ans en dépit de nos atouts ( la mer, le port, la proximité du Nigeria, etc.) prouve bien que les dégâts du régionalisme ne sont pas une fiction à venir mais une réalité nocive qui nous frappe déjà sans pitié. Il est tant d’y mettre fin, et de ne plus utiliser la région comme masque commode de notre médiocrité.
Binason Avèkes
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En somme le fongbé n'existe pas...n'existe plus; l'ethnophobie, l'ethnocide et le racisme empruntent des sentiers tortueux en opérant par de petites touches qu'on connaît en anthropologie culturelle et sociale ; mais avant J C, le roi Assuérus, finement intelligent (cf. Esther) jouait cartes sur table afin de piéger certains de ses conseillers; en l'occurrence, on lit : " il envoya des lettres à toutes les provinces de l'empire, à chaque province selon son écriture et à chaque peuple selon sa langue afin que..."
Ou encore : " le rescrit fut signé du nom d'Assuérus, scellé de son anneau et des coursiers transmirent à toutes les provinces du royaume des lettres..."
Ce que voulais Assuérus - eu égard à la multiplicités de ethnies et des langues - était que chaque peuple comprît sa décision dans sa langue et que nul ne s'estimât exclu.
Au peuple béninois de juger l'acte de Monsieur Thomas Boni Yayi ; à ceux qui n'entendent aucune autre langue du pays que le fongbe ou le mina de réagir.
Olympe BHÊLY-QUENUM
O.B-Q
Rédigé par : OBQ | 13 août 2013 à 13:19