1. Qu’est-ce que n’en n’en a foutre du salaire des Gabonais alors que nous ne savons rien par exemple du salaire des Ghanéens ou des Nigérians qui sont plus proches de nous ? Merde !
1. Qu’est-ce que n’en n’en a foutre du salaire des Gabonais alors que nous ne savons rien par exemple du salaire des Ghanéens ou des Nigérians qui sont plus proches de nous ? Merde !
Rédigé à 10:42 dans Critique, haro, Pamphlet, Press Links | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Incantations et Inconscient du Discours Politique
Pour ne pas avoir à le regretter, il est impératif de traquer et de mettre à nu pour ce qu’ils sont les sous-entendus, non-dits et impensés des déclarations des hommes politiques à l’approche des élections. Surtout au regard des rodomontades qui commencent à fuser, sitôt le candidat de l’UN connu. N’a-t-on pas entendu un Ministre du gouvernement, se faisant pour lors porte-parole du candidat Yayi en campagne précoce, déclarer sans avoir froid aux yeux : « Unis ou Séparés, la Situation sera la Même » ? Nous savons que les élections déclenchent un prurit de rodomontades mais ce n’est pas sérieux. Comment peut-on prononcer de telles monstruosités logiques si on veut avancer sans se cacher derrière son petit doigt ? Avancer, c’est-à-dire faire avancer notre pays dans la lumière et la justice, hors des sentiers battus des incantations ?
Rédigé à 21:19 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
La loi sur la Lépi a été abrogée à l’Assemblée, et il s’est trouvé des citoyens – c’est leur droit le plus absolu – et des députés – ceux qui ont perdu – pour faire appel à l’arbitrage des sages de la Cour Constitutionnelle. On imagine que ceux qui s’opposent – députés ou citoyens – à l’abrogation de la loi sur la Lépi ont leurs raisons et leurs arguments. Elles n’ont pas brillé dans les médias par leur pouvoir de conviction, et du reste nul n’a vu vraiment leur expression claire et objective. Mais ces raisons ne sont pas seulement affectives, partisanes ou idéologiques. Politiques ou juridiques, elles existent. Tout se passe comme si, en dépit qu’il en aie, sur le sujet en cause, on n’est pas dans une appréciation limpide a priori, où la vérité se trouverait d’un côté, notamment celui de ceux qui ont pu réunir une majorité politique à l’Assemblée, et son contraire, l’erreur, du côté des minoritaires. En démocratie, la nécessité du respect de la constitution s’inscrit en faux contre les a priori et le manichéisme. Mais au-delà de la référence à la Cour Constitutionnelle, qui est en soit déjà un acte constitutionnel, ce qui est recherché par les contestataires d’une décision qui pour les autres paraît tomber sous le sens, c’est que la Cour dans son statut, son expertise et son habileté rhétorique consacrée, parvienne à donner un habillage juridique digestible et présentable à ce qui apparaît comme une contrevérité politique. Le chef de l’Etat, presque sûr de l’issue de l’examen de la Cour Constitutionnelle n’a pas cru devoir surseoir à tous les actes qui découlent de cette loi, lesquels actes continuent de se dérouler comme si de rien n’était. Ce qui, il faut l’avouer, est plus que curieux, et laisse transparaître une connivence objective entre la Cour et le Pouvoir. L’un étant au service de l’autre et réciproquement. Ainsi refusant de prendre acte de sa minorité politique à l’Assemblée, et croyant à tout moment que celle-ci peut refluer en sa faveur au gré des intrigues et autres fluctuations du marché des achats de conscience dont il est un des plus grands acteurs, le Président de la République ne fait pas que s’en remettre à la Cour constitutionnelle ; mais parce que celle-ci a été constituée, elle aussi, dans des intrigues politiciennes et de façon rocambolesque en violation de l’esprit des lois – car en la matière il s’en faut de beaucoup de se cacher derrière les seuls textes au mépris de leur esprit – Yayi Boni dans sa lutte acharnée de suprématie, et sa volonté de puissance absolue, utilise la Cour comme une instance de court-circuitage de la réalité politique déplaisante qui lui échoit. Mais cela, dans l’esprit des Pères fondateurs du Renouveau Démocratique, n’a jamais été le sens et l’essence de la Cour Constitutionnelle.
On n’est pas dictateur à moitié. Ou bien on est démocrate ou bien on ne l’est pas. Ne pas reconnaître les pouvoirs établis par la Constitution, instrumentaliser les institutions clés de la République pour s’assurer de continuer à exercer un pouvoir dont on n’a plus les moyens politiques, cela est antidémocratique, et c’est le propre des dictateurs. Un vrai démocrate ne doit pas avoir une approche factice et frauduleuse de son rapport aux institutions de la République. Il doit donner autant de respect au texte de la loi qu’à son esprit. Car, quelque respect qu’on est censé avoir pour ses décisions, la Cour Constitutionnelle n’est pas la Constitution…
Atchou Bonaventure
Copyright, Blaise APLOGAN, 2010,© Bienvenu sur Babilown
Tout copier/collage de cet article sur un autre site doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’être en infraction.
Rédigé à 18:02 dans Billet, Critique, Editorial | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe Sur...
Pour ou Contre la Lépi
Tout de rouge vêtue comme le sont classiquement les femmes politiques occidentales lorsqu’elles assument en toute conscience leur rôle de gardiennes du Temple d’Eros, la chef de file de l’opposition de droite au conseil régional d’Île de France, la fraîchement perdante, Pécresse Valérie n’a pas attendu son reste pour donner dans la rhétorique sans nuance. C’était sur le thème hautement urbanistique et écologique du Grand Paris. Bien qu’on n’imagine pas la Gauche ( Socialiste et Verts) franchement opposée au principe du Grand Paris, Valérie Pécresse accuse sans nuance la
Lire la suite "Valérie Pécresse et la Rhétorique Pécheresse" »
Rédigé à 14:55 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Il y a des gens qui n’ont de fortune que parce qu’ils sont d’abord et avant tout de nationalité béninoise. On les entend ces jours-ci proclamer à cor et à cri, la main sur le cœur leur gratitude à la mère patrie et leur volonté de redonner en retour ce que la nation leur a donné, c’est-à-dire tout. Ces gens sont toujours les mêmes souvent issues des mêmes régions initialement considérées comme marginalisées ou désavantagées qu’un mouvement de pondération sociologique a choisi de favoriser dans un souci d’équité. Des gens pour qui la politique est devenue alors une raison d’être, une source inespérée de profit, de bénédiction, de vie, voire même de transfiguration
Rédigé à 19:33 dans Critique, Essai | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
AZANƉÉGBÉHÔ du 17 Février
L’Opéra Madame Butterfly de Giacomo Puccini fut joué en Première, ce jour à la Scala de Milan en 1904 ; et plus tard devint l’un des opéras les plus joués au monde
Résumé de l’histoire : Nagasaki, 1904. Un jeune officier américain de passage, B.F. Pinkerton épouse une geisha de quinze ans, Cio-Cio-San (ce qui signifie en japonais « Madame Papillon »). Simple divertissement exotique pour lui, le mariage est pris très au sérieux par la jeune Japonaise. Après la cérémonie et après lui avoir fait un enfant, Pinkerton repart. Espérant son retour, elle lui reste fidèle et refuse de nombreuses propositions de mariage. Trois ans plus tard, Pinkerton revient au Japon avec sa nouvelle épouse américaine. Quand Butterfly comprend la situation, elle leur abandonne son enfant et se donne la mort par jigai en se poignardant |
Copyright, Blaise APLOGAN, 2010,© Bienvenu sur Babilown
Tout copier/collage de cet article sur un autre site, blog ou forum, etc.. doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’être en infraction.
Rédigé à 18:45 dans Critique, Image, Memory, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
De la Prison comme Fourrière Politique
Depuis que le vent mauvais de Yayi a commencé à souffler sur le Bénin, la prison est entrée en scène comme lieu stratégique d’évacuation de l’obstacle politique par les tenants du pouvoir. Cette technique a présidé à l’avènement du pouvoir actuel. Sans qu'on soit parvenu jusqu’à présent à déterminer la manière dont la chose a été manigancée un peu à l’orée de 2006, c’est cette technique en effet qui permit d’éliminer Rachidi Gbadamassi du circuit politique du Nord.
Rédigé à 22:57 dans Critique, Essai | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Les lieux communs et images d’Epinal associés au président Béninois façon Renouveau Démocratique sont maintenant connus. A en croire les agitations médiatiques, le bon candidat à la fonction de Président doit :
--Être économiste
-- Ancien ou Actuel Fonctionnaire International
-- Être Directeur d’une Banque Ouest-africaine dont le siège est de préférence à quelques encablures de Cotonou.
--Être originaire du Nord
Et enfin, être adoubé par une subtile coterie de soi-disant faiseurs de rois dont le savoir-faire remonte comme leur âge, à Mathusalem ; venimeuse coterie dont les membres sous d’autres cieux plus démocratiques auraient mérité leur droit à la retraite.
Rédigé à 13:12 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
POSSY ET PISSY de YAYI
Les Tableaux ont l'avantage de montrer les données sociologiques ou politiques avec une clarté saisissante. Ils ont aussi l’avantage de la simplicité. Modeste Moussorgski compositeur russe l’a bien compris, qui a composé les fameux TABLEAUX DUNE EXPOSITION. Dans un registre plus scientifique, Emile Durkheim, le père de la Sociologie française, a donné aux tableaux leur lettre de noblesse scientifique.
Rédigé à 10:17 dans Critique, Essai | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
« INSTITUT INTERNATIONAL DE RECHERCHE ET DE FORMATION
Cotonou, le 10 décembre 2009
Le Conseil d’Administration de l’INIREF
Aux Ordres patriotiques et révolutionnaires du Bénin
Aux Gbanhounkponon et aux chanceliers des sous-ordres
Objet : Lancement de concours d’Art
Chers camarades et amis,
Le 11 décembre 1989, les peuples du Bénin ont marqué leur désir d’émancipation en disant Non à l’autocratie et au parti-Etat PRPB. Ils poursuivent leur combat aujourd’hui contre le régime tyrannique de Boni Yayi pour les libertés politiques complètes.
Rédigé à 23:07 dans Critique, Pub | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Retour sur un Discours Lénifiant
Il y a des gens soi disant intellectuels qui n’hésitent pas à mettre en équation la politique et la volonté de Dieu. C’est Dieu qui donne le pouvoir, disent-ils. Cette vision théocentrique et suborneuse de la politique, bien que dépassée, est celle dans laquelle s’inscrivent nombre de politiciens béninois à commencer par le chef de l’état.
Rédigé à 10:32 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Ce qui se joue à travers la symbolique réconciliation entre Houngbédji et Soglo ce n’est pas seulement un positionnement stratégique préélectoral à court terme. Mais c’est aussi la traduction d’une prise de conscience historique de l’unité de sang, de l’identité commune d’une race, d’un peuple celui des Adja/Tado/Fon/Goun et descendants d’Adhahouto. Identité longtemps mise à mal par la haine de soi à courte vue, les passions fratricides et autodestructrices, la logique de division et les jalousies tenaces. Faiblesse exploitée sans vergogne par les hommes politiques, notamment Kérékou, qui s’est illustré au cours de ses trente ans de règne à la tête du pays dans l’art subtil d’agréger autour du Nordique dont il concentrait la personnification politique, tous ceux qui, comme les Yorouba/Nago qu’il a fait prospérer à cet effet, auraient des raisons historiques d’en découdre avec les Fons et assimlés. Et le flambeau de cette idéologie tribaliste, inspirée par la politique de "diviser pour régner", a été repris par Yayi Boni ; un
Rédigé à 00:33 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
1. Yayi Boni, au Nom du Pouvoir FCBE
Curieusement, en dépit de la levée de bouclier de l’opposition, le discours du Président de la république est clair, bien balancé. Le Président fait l’historique de la LEPI et des étapes déjà parcourues ; il explique l’objectif poursuivi et l’associe intimement à la consolidation de la démocratie. Le formalisme technique, l’affirmation éthique de la valeur démocratique, la référence à l’image du Bénin comme pays pionnier de la démocratie en Afrique, tout cela contraste étrangement avec les impulsions autoritaires et la tendance du chef de l’Etat à violer au quotidien les règles de la démocratie.
Rédigé à 20:26 dans Critique, Lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Éléments d’Analyse de l’Histoire et des réalités politiques du Bénin
La politique, avons-nous dit, c’est du ping-pong par dessus les nuages ; en tout cas telle qu’elle se fait en Afrique soumise à la pression néocoloniale. Cela veut dire qu’elle est régie par les lois du théâtre d’ombre. Et les acteurs, qui s’étripent pour leurs intérêts personnels ou de clans ne correspondent pas
Rédigé à 19:13 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Yayi Boni aime les louanges et déteste les critiques. Cela peut paraître un truisme voire une tautologie mais il n’en est rien. En toute logique existe une variété de type de personnalités.
Lire la suite "Yayi Boni et les Syndicats : Question de Personnalité" »
Rédigé à 15:20 dans Critique, Essai | Lien permanent | Commentaires (3) | TrackBack (0)
Postes et Zones Érogènes du Corps National
Ah, que serait la politique s’il n’y avait des postes à capter, pourvoir, distribuer ou à défendre ! La politique opère en plein dans le champ de l’aliénation. En abdiquant la noblesse de ses idéaux. Elle a de nos jours peu à voir avec la vie de la Cité comme du temps des Grecs. La politique sert aux politiciens à avoir des postes et, une fois en place, de leurs postes haut perchés, à distribuer des postes à tous ceux qui sous eux ne seraient rien sans eux : clients, amis, familles, tribus, etc ... Voilà la lutte finale de la politique.
Avec des scandales comme ceux qui, au Bénin, défraient en ce moment la chronique, la chose saute aux yeux. Untel est-il mouillé ? Il perd son poste. Un autre est-il pris la main dans le sac ? Il est viré. C’est ce que demande le peuple. La moindre des choses, dirait-on.
Rédigé à 08:16 dans concept, Critique, Essai, Ethic | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Besoin d’être Défendu
La reformulation est une pratique de communication qui consiste à formuler des pensées de façon plus claire. Ce n'est pas de l'empathie. Elle ne cherche pas à faire parler d'avantage son interlocuteur, ni à le convaincre. En cela, elle est assimilable à un comportement assertif.
La reformulation est surtout utilisée par les analystes, les psychologues, et parfois par les orateurs et avocats. Dans ce dernier cas, elle porte aussi bien sur les pensées que les actes. Dès lors, plus qu’une pratique de communication, elle confine au procédé rhétorique.
Lire la suite "Adrien Houngbédji, Maître en Reformulation" »
Rédigé à 15:23 dans Critique, Press Links | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Dans son interview de l'indépendance, Yayi Boni joue les économistes. Il dramatise l'état économique de la nation, en minimisant ses propres responsabilités, la crise ayant bon dos. Puis il se répand dans une longue explication, tissu de truismes et de banalités éculées mais suffisamment techniques pour apparaître comme le discours de celui qui s’y connaît en matière de finance et d’économie... L’air de dire « la crise est économique, elle ne dépend pas de moi, elle est mondiale mais voyez-vous, en économiste, je comprends tout cela et suis le mieux placé pour y remédier » Bref, il endosse l’habit du Docteur. Oubliant au passage que sa doctrine ne lui a fait rien voir venir... Paradoxe... Le but de la manœuvre est
Lire la suite "Yayi Boni : Analyse d'un Discours Lénifiant" »
Rédigé à 11:42 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Yayi Boni est né à Tchaourou, dans le nord du pays, dans une famille musulmane mais il s'est converti au protestantisme. Il appartient à trois ethnies du Bénin: Nago (de la famille Yoruba) par son père, Peul et Bariba du côté de sa mère.
Il est docteur en économie, diplômé de l'Université Paris IX Dauphine. Il fut conseiller technique aux affaires monétaires et bancaires, sous la présidence de Soglo, de 1991 à 1996, avant d’être nommé président de la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) en décembre 1994 jusqu'en février 2006 suite à sa démission pour se présenter aux élections présidentielles.
Lire la suite "Yayi Boni, Bienvenu au Club des Dictateurs Africains" »
Rédigé à 18:12 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
Retour sur le Discours d’Accra
Dans son discours d’Accra, Barack Obama, sans renier la réalité historique des fléaux dont l’Afrique a souffert par le passé, fait remarquer par antithèse en prenant l’exemple du Zimbabwe qu’on ne pouvait pas imputer à ces fléaux la situation actuelle de ce pays, caractérisée par la mauvaise gouvernance, la corruption, le despotisme, et le chaos économique. Une critique qui, au-delà du cas Zimbabwéen recouvre d’autres semblables sur le continent et va dans le sens de la responsabilisation des Africains.
Rédigé à 10:32 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Tragédie aux CEG de Tori-Bossito et Natitingou : La “Violence Patriotique” à l’Ecole
Au Bénin, l’actualité est encore brûlante de faits de violence intervenue cette semaine dans nos établissements scolaires. Ces faits mettent en lumière le problème épineux de la violence à l’école, violence sexuelle et sévices corporelles et physiques. Dans ces violences, les enseignants sont en première ligne et désignés du doigt. Le problème existait déjà dans le cadre de l’enseignement ordinaire avec des enseignants de métier, professionnels expérimentés et formés. Mais à l’évidence, il s’aggrave avec l’intrusion dans le sanctuaire de l’éducation d’une nouvelle race d’enseignants non professionnels, non formés pour le métier, et qui dans le cadre de la mission dite “patriotique et militaire” investissent les
Lire la suite "Campagne Mondiale pour en finir avec la Violence à l’École" »
Rédigé à 13:42 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le Parti communiste du Bénin et les diverses organisations de sa mouvance sont très actifs dans l’opposition au pouvoir. Cette attitude n’est pas nouvelle, elle date depuis des décennies. Son principe repose sur le fait que la ligne de ce parti est radicale. Un radicalisme à la fois idéologique, historique et culturel. Le parti communiste du Bénin n’est pas dans une optique de ce qu’on appelle un parti de gouvernement. Pour ses tenants, le Renouveau démocratique, à l’instar du régime dictatorial en faillite auquel il s’est substitué, est une mascarade politique d’une minorité aux ordres du système colonial et néocolonial. Cette attitude radicale, comme les conséquences qui en découlent, marque de part en part la rhétorique de ce parti, et facilite l’ostracisme dont il est l’objet. Un ostracisme d’autant plus mesquin que les idées politiques ou les critiques sociales, mais aussi les actions ou les initiatives culturelles qui proviennent des milieux de ce parti ou des organisations afférentes ne manquent souvent ni de richesse, ni de pertinence et ne peuvent pas être taxées de nuisibles à la santé du débat sociopolitique dans notre pays. Certes quand on n’est pas un membre de ce parti ou un sympathisant, on peut trouver son discours un peu excessif criblé d’exagération, ou même projetant une vision manichéenne de la réalité, mais pour autant, on ne peut nier que nombre de leurs points de vue, critiques et analyses sont frappés au coin de la vérité, du bon sens et même de la pertinence.
Lire la suite "FLAMME & Cie 3 : Les 7 Mensonges Capitaux de Boni Yayi et de son Gouvernement" »
Rédigé à 15:24 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Quand on considère chaque chose que Yayi Boni a faite, chaque décision qu’il a prise, chaque annonce qu’il a faite, on se rend compte que c’est plus ou moins mal engagé, que son acte sent le roussi de l’électoralisme démagogique, du populisme médiatique le plus suborneur. Chacune de ses actions trahit l’obsession d’être réélu. Et c’est peu dire ; en terme strictement psychologique on dirait même que les actions de Yayi Boni sont marquées par l’ardente volonté de ne pas échouer, la peur d’échouer. Cette peur, à ses yeux, est symbolisée par le cas du Président Soglo, qui fut à la fois son mentor et son modèle, celui sous l’ombre tutélaire duquel il a creusé le sillon de son apparition spontanée dans l’espace politique béninois.
Lire la suite "La Logique du Mandat de Yayi Boni : Absurdité et Pétition de Principe" »
Rédigé à 22:00 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Un Pastiche de Sagbohan Danialou
Tout le monde a à l’esprit la mémorable fable chantée par Sagbohan Danialou intitulée Gbêtovivi. Etymologiquement, l’expression veut dire « l’être humain, l’homme est délicieux. » Mais pragmatiquement (pour parler comme les linguistes) ce qu’il fallait comprendre dans ce jeu sémantique est : « l’homme est bon, généreux. » Or c’est sur ce jeu de sens que Sagbohan Danialou a bâti le charme de sa chanson qui, comme nombre de ses créations poétiques, a marqué les esprits en y laissant un cachet inoubliable de narrativité et de sagesse sur fond d’ironie.
Autour du mot blanc, on peut se risquer au même jeu de mot sans prétention à faire de la fable, encore moins à rivaliser avec la poétique géniale de Sagbohan Danialou, authentique créateur béninois ; l’un des rares qui, à ce haut niveau d’excellence a su faire rimer talent avec fierté de rester soi – résistance aux sirènes de la prostitution, qui est le propre de notre société depuis le politique jusqu’à l’artiste en passant par l’akowé, où chacun ne se sent digne que lorsqu’il est mandaté ou reconnu par le Blanc.
Ce qui peut faire dire à cette classe d’usurpateurs – arbre qui cache la forêt du pays réel – que le Blanc est délicieux ! Et pourquoi ? demanderait-on à un représentant naïf de cette classe. Et le naïf de répondre sans vergogne que le Blanc est bon parce qu’il a légué aux siens un héritage délicieux : l’Etat africain postcolonial. Une chose que le Blanc a bâtie à la sueur de son front dans la violence la plus inhumaine contre le Noir, et selon les méthodes et le savoir-faire d’une civilisation qui a fait du rationalisme en toute chose son fer de lance.
Le Blanc est bon parce qu’il a légué cet état – véritable état de choses – à l’homme politique noir sans condition, sans témoin, sans obligation morale ou légale envers le pays réel.
Le Blanc est bon parce qu’en tant qu’auteur de cet état de choses qu’est l’état postcolonial africain, il est bien décidé à en tirer les ficelles ; c’est pour cela qu’il a conclu une entente illicite avec son ludion fait homme politique sur le dos du pays réel.
Le Blanc est bon parce qu’il se révèle un proxénète débonnaire que l’homme politique noir prostitué peut tenir par la barbichette. En effet lorsqu’une tension survient entre les deux contractants, lorsque le Blanc sermonne pour ses excès l’homme politique africain au nom de ses valeurs supposées « Droit de l’homme », « Bonne gouvernance » ; « Libertés individuelles », etc. celui-ci, ayant été à bonne école répond avec le même aplomb hypocrite, que son pays est « indépendant » que le Blanc doit respecter la dignité des peuples Africains. Et pince sans rire, il va jusqu’à rappeler à son marionnettiste confus, le « Droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes !»
Cet échange de bons procédés hypocrites calme les deux parties qui préfèrent chacune s’en tenir à son intérêt propre. Et le Blanc continue de tirer les fils de la marionnette qu’est l’Etat postcolonial africain et qu’il est censé avoir légué au peuple africain ; mais en réalité il s'agit d'un état fantoche, entrepôt géré par un aréopage de chiens couchants astucieusement sélectionnés par le maître Blanc selon les lois de Darwin ; chiens dressés pour servir ses intérêts, perpétuer sa domination symbolique et son exploitation économique sur les peuples d’Afrique dont il peine en son for intérieur à leur concéder une once d'humanité.
Et le Noir dirigeant, du plus profond de la noirceur de sa bestiale inconscience, est si heureux de gérer l’Etat entrepôt comme son patrimoine, sans avoir de compte à rendre à son peuple dont il se soucie du destin comme d’une guigne. Et le Noir prostitué est si obnubilé par la richesse accumulée à la faveur du contrat passé avec son proxénète blanc qu’il ne voit pas que cette fortune qui le rend si heureux est une goutte dans l’océan des richesses que le Blanc extorque à son peuple.
Or donc, l’homme politique noir est si con, si falot, si écervelé si inepte et si inapte à prendre conscience de soi, si égoïste et si oligophrène qu’il ne voit pas que si le Blanc est bon pour lui, il est essentiellement mauvais pour le Noir ; et qu’ils sont tous deux une calamité pour l’Afrique, ses peuples et son destin.
Si dans la fable de Sagbohan Danialou l’homme est bon pour la souris, il ne l’est certainement pas pour son semblable car on sait depuis Hobbes que l’homme est un loup pour l’homme.
De même pourrions-nous dire que si le Blanc est bon pour le roitelet africain et son petit royaume de prostitués, il n’est certainement pas bon pour le Noir.
Amos Bamikolé
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
Rédigé à 17:28 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
La Page oubliée, une œuvre en acte
Dans son roman, La page oubliée, Francis D. Sossouhounto projette une lueur inédite sur un aspect du passé récent du Bénin jusque-là très peu éclairé. Aujourd’hui en effet, le Bénin, jouit d’un régime démocratique marqué par un niveau assez convenable du respect des Droits de l’homme, des libertés publiques et de la liberté d’expression. Mais avons-nous en mémoire ce qu’il en a coûté d’être ainsi loti aujourd’hui ? Est-ce que les jeunes ont une idée claire des sacrifices consentis par leurs aînés pour la liberté et la paix qui semblent aujourd’hui aller de soi ? Au vu des risques de retour en arrière que nous observons ces temps-ci, rien n’est moins sûr. C’est dire qu’une page de notre histoire politique a été oubliée, mise de côté sinon dans l’ombre. Et pourtant cette page n’est pas négligeable, parce que sans elle nous ne pouvons rien comprendre au présent et rien préparer pour l’avenir. Après l’échec de l’aventure révolutionnaire, il y a eu le Renouveau. Cette nouvelle période dans laquelle nous sommes actuellement est certes le fait de la résistance du peuple contre la tyrannie. Mais parce que cette résistance et les luttes auxquelles elle a donné lieu se sont inscrites dans une logique suprême de paix, le Renouveau Démocratique à tôt fait de passer la mémoire des exactions et des violences d’Etat en pertes et profits de ses urgences du moment : redresser l’économie du pays ruinée par la gabegie, la corruption, et la mauvaise gestion des apprentis sorciers de la Révolution. Ce choix est certes compréhensible mais elle se paie du risque de l’impunité et de l’oubli. Il ressemble à une manière de feu vert au mal et à l’injustice, et consacre ce faisant la raison des malfaiteurs et des barbares – autocrates sanguinaires, potentats lubriques, pilleurs de l’économie, prévaricateurs en diable, maîtres de sérail, et voleurs sans vergogne. Le Renouveau Démocratique est certes intervenu en 1990, et le concept sud-africain de Vérité et Réconciliation viendra un eu plus tard après la libération de Nelson Mandela et le démantèlement de l’Apartheid ; mais que diable n’avions-nous eu avant les autres l’idée d’une Commission Vérité et Réconciliation après toute cette sombre période de violence et d’injustice ? Assurément une telle idée nous airait sauvé de l’oubli et des ses injustices.
Lire la suite "Qui se Souvient encore des Années Noires du Règne de Kérékou ?" »
Rédigé à 11:29 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
Comprendre La Ligne du Destin, de Romuald Binazon
J’ai toujours été mal à l’aise avec la littérature africaine, ou du moins ce qui est défini ainsi. La raison de cette gêne réside dans la posture et les moyens de cette littérature. Dans ces deux aspects se trouve l’élément clé de la langue. Les gens qui ont intérêt à endormir les Africains expliquent à l’envi que la langue n’est qu’un instrument, et qu’il faut voir au-delà de ce qu’elle porte. Mais c’est vite dit car la langue est un tout. Il n’y a pas un monde extérieur à part et une langue qui en nommerait les parties à part. Parler c’est mettre au monde, c’est émettre, donner vie, et la vie c’est parler.
Lire la suite "Alougba, une Héroïne Béninoise Authentique" »
Rédigé à 15:34 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
La Cour Dossou en Flagrant Délit d’incohérence
Par décision DCC 09-002 du 8 janvier 2009 la Cour constitutionnelle vient de déclarer inconstitutionnelle l’élection par l’Assemblée nationale de ses membres devant siéger à la Haute cour. Evidemment comme après toute décision de nature politique de la cour constitutionnelle, cette dernière décision n’a pas manqué de susciter de vives réactions : aussi bien de la presse que des milieux politiques. De-ci de-là on a crié à l’impartialité de la Cour constitutionnelle, au favoritisme, à la dépendance du pouvoir ; et la critique d’une Cour constitutionnelle émanation du pouvoir a repris de plus belle.
De fait, la question de l’indépendance (politique, idéologique, régionale, etc.) de la Cour, n’est pas une vue de l’esprit et mérite d’être posée. Ne serait-ce qu’au vu du flou logique et politique qui a prévalu à sa propre constitution, et qu’en son temps une décision idoine prise par elle-même n’a pas complètement évacuée. Pas moins d’ailleurs que l’orientation générale des décisions et du choix des objets sur lesquels la Cour a eu à statuer depuis lors.
Pour autant, on ne peut pas dire que la récente décision de la Cour, la décision DCC 09-002, du 8 janvier 2009, manque de justesse et de rigueur d’appréciation. De fait, elle vient à point nommé battre en brèche ce qu’il faut bien considérer comme une opération politicienne, de la part d’un groupe qui se trouve conjoncturellement en position dominante à l’Assemblée. Conformément à l’article 135 de la Constitution, l’Assemblée nationale est censée élire en son sein au scrutin secret six députés pour être juges à la Haute Cour de Justice. En son article 136, la Constitution établit la compétence et la fonction de la Haute Cour comme suit : « La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les Présidents de la République et les membres du gouvernement à raison des faits qualifiés de haute trahison, d’infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, ainsi que pour juger leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat. » Une telle compétence et un tel rôle sont donc par essence de nature éminemment politique. La Haute Cour est composée des membres de la Cour Constitutionnelle, à l’exception de son président, de six députés élus par l’Assemblée Nationale et du Président de la Cour Suprême. Si le caractère politique des autres composantes est indirect – bien qu’évident en raison de la part qu’y prend immédiatement ou non le pouvoir – il ne fait l’ombre d’aucun doute que les représentants de l’Assemblée nationale figurent le pôle politique par excellence. Donc leur élection est un moment politique et doit être considéré comme tel. Certes, la Constitution n’a pas spécifié un mode particulier pour cette élection, mais dans un esprit démocratique il sied que celle-ci reflète la réalité politique à l’Assemblée, sinon dans le pays. Et le seul mode qui garantisse l’équité politique nécessaire est bien sûr le mode d’élection à la proportionnelle. Tout autre mode, et notamment le mode majoritaire confine de fait à la surreprésentation d’un groupe ou à la confiscation de la représentativité de l’Assemblée nationale par quelques partis, au détriment et à l’exclusion des autres. Or, le mode de représentation majoritaire qui a conduit à l’élection le 19 décembre 2008 des six députés devant siéger à la Haute Cour de Justice uniquement au sein de la majorité bat en brèche le principe de la représentation politique de l’Assemblée. Dès lors elle est inéquitable et devrait être dénoncée comme une opération politicienne peu conforme à l’esprit démocratique. Or, ce semble, un tel accaparement léonin des institutions et espaces politiques par une seule partie est au centre des dénonciations récurrentes de l’opposition ces derniers temps. Il est donc surprenant et pour tout dire troublant qu’à la première occasion, l’opposition n’ait pas hésité à reproduire le même travers qu’elle dénonce pourtant avec véhémence et emphase du côté du pouvoir.
L’un de ces accaparements léonins des institutions concerne la nomination des membres de la Cour Constitutionnelle par l’Assemblée nationale. Bien qu’elle ne soit pas d’actualité, cette nomination, eu égard aux considérants de la décision actuelle à la Cour Constitutionnelle invalidant la nomination des représentants de l’Assemblée à la Haute Cour de Justice, peut être logiquement réappréciée sinon ressuscitée. Certes, les deux juridictions ont des compétences différentes, mais dans un cas comme dans l’autre, le caractère politique des rapports de l'Assemblée Nationale avec tout ou partie de leurs membres respectifs est indéniable. C’est dans cet esprit qu’il sied de reconnaître la justesse de la décision de la Cour Constitutionnelle invalidant l’élection du 19 décembre par l’Assemblée nationale des 6 députés devant siéger à la Haute Cour.
Mutatis mutandis, ce même esprit aurait dû strictement s’appliquer à la désignation par l’Assemblée des membres de la Cour Constitutionnelle, qui relèvent de son ressort. Ce critère d’équité politique, conformément aux exigences et stipulations de la Constitution passe, en l’espèce, par le respect du principe de la configuration politique du Bureau de l’Assemblée Nationale. Or, manifestement, dans le fond comme dans la forme, ce critère n’a pas été respecté ; et il n’est pas jusqu’à la précipitation avec laquelle la désignation a été effectuée qui ne prouve cette double violation. Sans compter le fait que la frustration ressentie par une partie du bureau de l’Assemblée nationale s’est traduite par un recours en annulation. En fait, le seul fait que le recours en annulation de la procédure de désignation des membres de la Cour constitutionnelle par l’Assemblée provienne du Bureau de l’Assemblée lui-même est la meilleure preuve du vice d’équité politique qui l’entache. Mais la Cour Constitutionnelle en a décidé autrement. Et, à propos du non respect de l’équité politique soulevé par le requérant, la Cour étayait ses considérants en ces termes :
« Considérant que l'article 18 du Règlement Intérieur de l'Assemblée Nationale ne prescrit que deux conditions pour la nomination des membres de la Cour Constitutionnelle, à savoir l'avis préalable de la conférence des Présidents et la désignation desdits membres par le Bureau de l'Assemblée Nationale au scrutin secret ; que l'article 135 de la Constitution a clairement défini les critères de nomination des membres de la Cour Constitutionnelle ; que les dispositions sus-visées ne prévoient pas, au niveau de la désignation des membres de la Cour, la représentation de toutes les tendances politiques existant au sein du Bureau de l'Assemblée Nationale ; qu'au demeurant, les membres de la Cour Constitutionnelle doivent être indépendants par rapport aux Institutions qui les ont nommes et aux partis politiques pour mener à bien la mission qui leur a été confiée ; qu'en conséquence, le moyen tiré de la violation du principe de la configuration politique du Bureau de l'Assemblée Nationale est inopérant
La Cour considère donc qu’en l’absence d’une prévision par le législateur de la représentation de toutes les tendances politiques existant au sein du Bureau de la l’Assemblée nationale, et qu’au vu de la nécessaire indépendance de la Cour et de ses membres, le moyen tiré de la violation du principe de la configuration politique du Bureau de l'Assemblée Nationale par le requérant, fût-il membre de ce même Bureau, est inopérant, c’est-à-dire nul et non avenu.
Or, maintenant, voici qu’invitée par des requérants proches du pouvoir à statuer sur la constitutionnalité de l’élection des membres de l’Assemblée à la Haute Cour de justice, la même Cour, par décision DCC 09-002, du 8 janvier 2009, s’appuie en ses considérants décisifs sur le même principe de la configuration politique de l’Assemblée en ces termes :
« Considérant que ce droit se traduit au sein de l’Assemblée nationale par le respect de sa configuration politique, reflet des deux composantes que sont la majorité et la minorité parlementaires, et ce, quel que soit le nombre de groupes parlementaires composant l’une ou l’autre de ces deux catégories ; que la prise en compte de cette configuration politique implique la répartition proportionnelle dans la désignation des députés appelés à représenter l’Assemblée nationale en tant que Corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres institutions de l’Etat ; (...) que s’il est vrai que ni la Constitution, ni la loi organique sur la Haute Cour de Justice, ni le Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale n’ont expressément prévu une procédure spécifique pour cette élection, il n’en demeure pas moins que la mise en’ œuvre de ces prescriptions doit se faire conformément aux exigences de la démocratie pluraliste, sur la base de la représentation proportionnelle majorité / minorité, principe à valeur constitutionnelle ; Considérant que dans le cas d’espèce, l’Assemblée nationale a désigné le 19 décembre 2008 les six députés devant siéger à la Haute Cour de Justice uniquement au sein de la majorité parlementaire, en méconnaissance des droits de la minorité ; qu’il y a lieu de dire et juger que cette désignation viole la Constitution ; »
Or l’esprit de la requête du député Sacca Fikara se fondait sur ce principe en ces termes :
Considérant que les dispositions de l'article 15 du Règlement Intérieur de l'Assemblée Nationale constituent la mise en œuvre de celles de l'article 52 alinéa 1 de la Constitution ; qu'il en résulte qu'elles font partie du bloc de constitutionnalité « : ... la désignation des quatre (4) membres de la Cour Constitutionnelle a été faite par la seule tendance FCBE du Bureau de l'Assemblée Nationale au détriment des trois autres (AR, FE, UNDP) ; ...il y a lieu de déclarer que les personnes désignées et nominées au titre de l'Assemblée Nationale l'ont été en violation des dispositions de l'article 15 du Règlement Intérieur, texte à valeur Constitutionnelle.
Mais la décision DCC 08-065 DU 26 MAI 2008 a passé outre en l’espèce le respect de ce principe, jugeant qu’il n’était pas opérant dans ce cas. Si la Cour reconnaît la validité du principe de l’équité dans la configuration politique du Bureau de l’Assemblée, elle se défend d’exiger que ces modalités spécifiques soient extrapolées au niveau des actes de ce Bureau, aussi constitutionnels fussent-ils, comme ceux qui touchent à la désignation des membres de la Cour Constitutionnelle.
En clair, la Cour défend le principe de l’équité politique lorsqu’il s’agit des membres de la Haute Cour mais lorsqu’il s’agit des membres de la Cour Constitutionnelle elle le récuse. Bien sûr si de grandes similarités existent entre ces deux institutions juridiques, elles ont aussi des différences non-négligeables entre elles en termes constitutionnels et fonctionnels. Ainsi, les représentants de l’Assemblée nationale dans ces deux juridictions n’ont pas les mêmes statuts ; dans un cas, ils ne sont pas issus de l’Assemblée alors que dans l’autre, ils en sont de fait membres. De plus dans un cas, ils ne sont pas élus, du moins pas par la représentation nationale, et dans l’autre, ils le sont. Mais quoi qu’il en soit, et en dépit de ces différences, rejeter le principe de l’équité politique dans un cas cependant qu’on le reconnaît pour l’autre relève d’une appréciation impaire, et marquée par une attitude de deux poids deux mesures.
Cette contradiction apparente justifie le tollé médiatico-politique soulevé par la récente décision de la Cour Constitutionnelle. Bien sûr, la position de la Cour est délicate, il faut le reconnaître. En effet, elle ne pouvait pas reconnaître le bien fondé d’une requête tendant à invalider sa propre existence, puisque c’est à cette irrégularité originaire qu’elle doit sa composition. Mais elle avait dès lors un devoir de cohérence à exercer. Ce qu’elle a manqué de faire par sa dernière décision. Tout se passe donc comme si ses décisions hautement politiques n’ont pour seule cohérence que la nécessité de veiller à protéger les intérêts politiques du pouvoir. Au détriment de la cohérence sinon de la logique.
Mais doit-on pour autant l’affirmer sans ambages comme la presse et l’opinion s’en donnent à cœur joie de le faire sans prendre des gants ? Si le soupçon de collusion avec le pouvoir est fort, force est de reconnaître que l’incohérence de la Cour constitutionnelle à travers ces deux décisions trahit aussi une insécurité existentielle qu’il faut comprendre.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
Rédigé à 19:40 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le magazine Historia fête ses cents ans d’existence. Et sa parution de ce mois est consacrée à un sujet vieux comme le monde : l’esclavage. L’angle sous lequel le sujet est abordé est celui de la déconstruction. En effet le titre du dossier est ESCLAVAGE : Deux Mille ans de Mensonge. Dans un monde et un siècle où la nation la plus puissante vient d’élire à sa tête un homme considéré comme un Noir, l'intérêt au sujet de l’esclavage et notamment celui des Noirs n’est pas innocent.
Rédigé à 23:27 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (4) | TrackBack (0)
Cinéma Populiste, ou Premier Jalon de l’Émergence ?
.......Ataou Sofiano, le Monsieur Porto-Novo du système Yayi évoque les mutations à venir dans la ville et dont la pose de la première pierre de l’Assemblée nationale ne serait qu’un des signes avant coureurs. Yayi Boni veut, dit-il, engager Porto-Novo sur la voie de l’émergence. Ces effets d’annonce ne sont pas nouveaux, entre leitmotiv et rengaine, ils sont le chant de sirène de la propagande du régime. Depuis bientôt trois ans, Yayi Boni ne fait que construire des ponts, des échangeurs, des routes et de belles villas ! Et Porto-Novo profitera bientôt des effets magiques de cette libido opérandi. L’émergence rime avec cela et rien d’autre
Mais quel est le sens de cette obsession infrastructurelle du développement ? Pourquoi s’exerce-t-elle au détriment d’une approche plus structurelle ? L’infrastructurel sous-tend-il et sous-entend-il le structurel ? Les gens vont-il vivre des belles réalisations infrastructurelles et d’eau fraîche ? Pourquoi l’action du développement ne s’appuie-telle pas essentiellement sur le social et l’humain ? Pendant combien de temps, ventre affamé va-t-il passer sur des ponts, des échangeurs, rouler sur des routes ou regarder des panneaux électroniques à la gloire des projets ou réalisations chimériques du gouvernement sans succomber au vertige ?
Pourquoi ne mesure-t-on pas le bien-être à la satisfaction des besoins vitaux du peuple ? En termes d’une part : d’aide à la création d’emplois, création de PMI et de PME, valorisation du travail, exploitation des potentialités agricoles, transformation des produits agricoles, développement du tourisme, de l’artisanat et des services ; et d’autre part d’émergence des structures socio-sanitaires, de prise à bras le corps des problèmes d’éducation sans démagogie, de modernisation du système de transport public, de lutte contre la pollution, etc.
Pourquoi le gouvernement ne pense pas qu’il vaut mieux mesurer l’émergence à la capacité directe et réelle de travailler, de se nourrir, de se soigner, de s’éduquer, bref aux mieux être humain ? Et dès lors pourquoi ses annonces ne se multiplient-elles pas dans ces domaines plutôt que de se concentrer sur le seul domaine des édifices et infrastructures routières ?
La réponse à ces questions peut s’envisager sous deux angles distincts mais complémentaires. Le premier est l’usage médiatique et symbolique de la libido opérandi, mais aussi son utilité stratégique pour le développement. Cet angle nous amène à rendre raison de la politique infrastructurelle de Yayi Boni ; celle-ci peut être alors expliquée de trois manières.
Soit elle vise à démontrer que l’argent qui disparaissait avant des caisses de l’Etat sert maintenant au bien commun. Et ce raisonnement concerne aussi bien les infrastructures que certaines mesures à caractère social ; malgré le fait que celles-ci soient souvent mal ficelées et hâtivement conçues, elles ont le mérite d’exister.
La deuxième explication relève de la stratégie développementariste. Les infrastructures ouvrent le pays sur lui-même. Et elles ouvrent le pays sur le monde. Donc elles facilitent le tourisme et les investissements étrangers, etc. Le raisonnement est évident. Elle l’est moins pour l’utilité comparée des villas et autres édifices de prestige et encore moins pour les panneaux publicitaires sur les projets et réalisations du gouvernement qui, d’une façon brutale, apparaissent comme la mise en abyme idéologique de la fièvre infrastructurelle.
Enfin, il y a l’aspect symbolique qui s’inscrit dans une lutte pour imposer la vision et les cadres de vision de la nouvelle ère politique. A partir de son activité annoncée ou réalisée de bâtisseur de ponts et chaussées, cette lutte vise à construire et à persuader le peuple de l’image de bâtisseur de la nation du Président Yayi. Volonté farouche d’emporter l’adhésion autour du thème du changement, à travers un rapport à l’infrastructure qui administrerait la preuve pratique et visuelle du changement.
Le deuxième angle sous lequel on peut envisager ces questions est celle d’une déduction logique et psychologique. On sait que le Renouveau démocratique était placé sous le signe à la fois de la démocratie et du progrès économique source de bien-être du peuple. De ce point de vue, jusqu’à présent la politique de redressement puis de développement initiée par Soglo de 1990 à 1995 bat tous les records du volontarisme effectif dans ce domaine. Même si et parce que la parenthèse de dix ans de Kérékou peut-être considérée comme une régression, depuis trois ans le phénix technocratique renaît de ses cendres, porté par la bonne volonté messianique du rêve de l’émergence. Et pourtant on ne peut pas parler de déluge en matière d’avancée sociale, de création d’emplois pour les jeunes –ceux qui sortent de nos écoles de formation, des universités, comme ceux qui sont forcés d’embrasser les sempiternels apprentissages traditionnels aux filières saturées comme celles de la couture, la vulcanisation, la mécanique, la coiffure et la conduite où sévit le chômage. La déduction logique consiste à se demander si l’agitation infrastructurelle de Yayi Boni ne vise pas à masquer une difficulté chronique à aller plus loin que le bout de son nez en matière de dynamique de création d’emplois, d’investissement industriel, de développement par le travail créatif et performant ?
Comme on le voit, la première et la troisième explication du premier angle sous lequel on pouvait envisager les questions posées ici, sont d’ordre rhétorique. La première explication est implicitement brandie par le pouvoir pour porter le fer au cœur de ses ennemis, ceux-là même dont l’exclusion du partage du pouvoir participe de l’argument du renouvellement qui fait crise actuellement. L’ardeur manichéenne qui anime les zélateurs de cet argument est pourtant sujette à caution, dans la mesure où le risque est très élevé et de nombreux signes montrent qu’il ne s’agirait en fin de compte que d’un simple « Ôte-toi de là que je m’y mette. » La troisième explication du premier angle suggère et correspond à la thématique de l’émergence sans aucune précaution de relativisation, comme si, en l’occurrence l’habit ferait automatiquement le moine, c’est-à-dire comme s’il suffisait d’avoir deux ponts, un échangeur et trois tronçons de route pour émerger. Rappelons, qu’il y a toujours eu de fragiles réalisations infrastructurelles au Bénin, fragilité conforme à l’échelle d’un pays comme le nôtre : construction de ponts, de routes et quelques petits édifices. Par exemple dans la ville de Cotonou, le passage du petit pontet qui dans les années 70 reliait Akpapka à l’autre rive au deux grands ponts à deux voies qui ont suivi dans les années 80 et 2000 constitue une révolution ; et pourtant nul ne songea à mettre cette révolution au compte de je ne sais quelle émergence. Le règne de Soglo a fait sa spécialité de la politique infrastructurelle dont le point d’orgue et l’aubaine ont été l’organisation du sommet de la francophonie en 1995. Les réalisations des politiques infrastructurelles même lorsqu’elles sont structurelles et sont le fait d’aides extérieures ont toujours été brandies par le pouvoir en place, quel qu’il soit, comme la preuve de sa bonne volonté architecturale et sa volonté de progrès. Mais c’est la première fois que ces réalisations s’articulent aussi dramatiquement autour d’une rhétorique de la correspondance à une ère radicalement nouvelle et dont elles auraient mission et vocation à illustrer la spécificité. De ce fait, l’idéologie du changement bien que n’étant pas dogmatique dans le sens d’un système de pensée cohérente et totale en acte, fonctionne sur le mode de l’extatique infrastructurelle, au détriment du statique structurel.
La deuxième explication du premier angle est à première vue en faveur du gouvernement. Pour aller vers la croissance soutenue, le gouvernement se devait de faciliter les conditions de l’activité économique ; notamment à travers une politique infrastructurelle et sociale de base. Ici apparaît avec clarté la positivité de l’action du gouvernement. Mais aussi ses limites. Parce que d’une part, il ne suffit pas d’avoir de bonnes routes, des ponts, des échangeurs et de belles villas pour émerger. Il faut aussi que la mayonnaise prenne. Et pour cela il faut que tout cela débouche sur la création régulière et croissante d’emplois. Il faut donc une nouvelle mentalité, une incitation à changer notre rapport au travail, il faut exhorter le peuple au sacrifice, à une période de dur labeur dont nous ne pourrions cueillir les fruits que plus tard. Or la méthode Yayi a peur d’initier la pédagogie du sacrifice et du travail, elle se fait muette et circonspecte sur cette dimension décisive. A partir de la construction des ponts et chaussées, elle fait fonds sur l’image de bâtisseur de la nation. Mais la nation dans sa vérité et dans sa finalité est une chose plus structurelle qu’infrastructurelle. La méthode Yayi donne le sentiment de ressembler à ces camions de cinéma de plein air qui passent de contrée en contrée pour distraire les gens simples de leur réalité. Actuellement le camion est à Porto-Novo et le cinéma se met en place. L’opérateur délégué, Ataou Sofiano, déroule les bobines.
Mais en regardant l’écran sous le deuxième angle des questions soulevées ici, au-delà de l’euphorie arrangée, du donner à croire ou à rêver, on peut apercevoir en filigrane l’anguille sous la roche de notre immuable condition. Est-ce seulement un spectre que Yayi Boni veut conjurer par son cinéma infrastructurel en attendant la surprise de la mutation ? Ou bien est-ce une façon pour le régime actuel, à l’instar de ses prédécesseurs, d’en prendre son parti ?
Binason Avèkes.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
Rédigé à 11:22 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Kérékou parle ; contraire-ment à son habitude depuis son retrait constitutionnel de la scène du pouvoir, il a la langue plus déliée. Certes, depuis 2006, il a fait quelques sorties médiatiques. Mais, elles étaient placées sous le signe de la gouvernance concertée, et les propos en étaient mesurés. Une phrase ou deux jetées en pâture à la gourmandise fébrile des journalistes qui sous l’effet de leur imagination débridée, donnaient lieu à des exégèses fabuleuses. Il est vrai que le style de l’homme se prête facilement aux interprétations. Kérékou aime parler au peuple, aux gens, aux Béninois. Et les gens, le peuple, les Béninois ont toujours aimé l’écouter. Mais paradoxalement, Kérékou ne s’adresse pas aux Béninois en fon ni dans aucune langue nationale du pays. Kérékou leur parle en français. Et c’est là que se situe tout l’intérêt spécifique de sa parole. Parce que Kérékou ne parle pas non plus le français ; du moins pas ce qu’on appellerait la langue de Molière. Kérékou parle un français béninois, un français africain, un français sans prétention aucune, minimaliste et véhiculaire. A l’écouter, on dirait un personnage d’un roman d’Amos Tutuola ou d’Ahmadou Kourouma. Loin du connotatif, son parler est à ras du désignatif. Mais dans le même temps, en fonction du souffle de sa parole, des sinuosités de sa pensée, et aussi des difficultés qu’elle à se mouler dans l’ordre syntaxique et symbolique d’un habillage étranger, la parole de Kérékou procède par anacoluthes, parabole, suggestion, insinuations, humour et mélange de genre et de dimension. Souvent l’ordre de la pensée est préféré à la logique du discours, le dit chevauche la pensée, et la pensée taquine le non-dit. Tout cela rend la parole de Kérékou souvent pas très nette, obscure, et lui donne un accent énigmatique, parfois même mystérieux ; elle devient alors récupérable dans la mesure où l’aura d’indécision qui l’entoure ouvre la brèche des interprétations dans laquelle s’engouffrent les exégètes de tout poil.
Etait-ce pour cela que l’ancien président a été avare de parole depuis la fin de son mandat ? Il y a sans doute un peu de cela dans le silence de Kérékou. Les mauvaises langues disaient que le Général avait la haute main sur la réalité du pouvoir, sa face nocturne, dont Yayi Boni ne serait que la face diurne. Quoi qu’il en soi, si Kérékou ne parlait pas ce n’était pas seulement parce qu’il ne voulait pas troubler l’ordonnancement de cette division hypothétique du travail et du secret politiques entre lui et Yayi Boni, mais parce que vraisemblablement, il n’en éprouvait pas le besoin. Or Kérékou, pour la première fois depuis 2006, parle non pas en une ou deux phrases laconiques, mais en tenant un vrai discours. Alors évidemment il convient de questionner les caractéristiques de ce discours en posant les questions classiques touchant à la structure dynamique d’un discours : d’où parle-t-il ? A qui parle-t-il ? Et de quoi parle-t-il ? Eh bien Kérékou parle à l’occasion d’une visite-hommage rendue à la famille de Biokou Salomon, le Grand chancelier de l’Ordre national du Bénin, disparu. A qui parle-t-il ? Par l’intermédiaire d’interlocuteurs directs – ses hôtes mais aussi d’anciens membres de son gouvernement – il parle à des interlocuteurs indirects à savoir les Béninois, les hommes politiques, les députés, le Gouvernement et son chef. Dans son propos tenu en hommage à un sage, Kérékou endosse la posture du sage qu’il convoite. La forme et le contenu de son discours en portent témoignage. Il tance gouvernement et opposition, qui dit-il n’ont pas encore mis le pays sur la voie de la sagesse tracée par le vieux sage et que lui-même n’avait eu de cesse de suivre. Le président actuel en prend pour son grade. Kérékou relève des contradictions dans la manière de faire la politique après lui. Ainsi se demande-t-il dans son langage énigmatique et avec son souffle saccadé, pourquoi faire des élections si l’on n’a pas à cœur d’installer les conseillers élus ? Au passage, il distribue quelques bons points à ses amis, ses compagnons, députés ou anciens ministres ceux notamment qui l’ont accompagné, et en lesquels il voit de bons hommes politiques, de vrais honorables. Kérékou embouche un refrain qui lui est cher : l’imbécilité congénitale des intellectuels et des cadres béninois. Ceux qu’il qualifie de tarés. Ils ont une tête, dit-il mais la tête est vide. Il met aussi l’accent sur la frénésie du vol de l’argent public, seul souci des Béninois considérés par lui comme plus aptes à détruire leur pays qu’à le construire. Cette critique des mœurs des Béninois est inquiétante et en même temps intéressante dans la mesure où l’ancien Président est celui-là même qui a dirigé ces mêmes Béninois pendant près de 30 ans ! Est-ce à dire que Kérékou n’entend pas prendre sa responsabilité dans la culture du vol de l’argent public qui domine l’éthos des Béninois ? Lui et ses amis font-ils ou non partie des voleurs ? Il s’agit à n’en pas douter d’une tactique cousue de fil blanc et qui consiste à réécrire sinon l’histoire politique, du moins l’histoire morale des Béninois.
Mais à côté et au-delà de l’aspect réel de la parole de Kérékou il y a sans doute aussi l’aspect symbolique, onirique et fantasmatique. Ce triple registre réunit à la fois des symboles bibliques comme le nom Salomon, sage parmi les sages, la réalité incarnée de la mort, le rêve d’éternité biologique et politique, et le fantasme d’une fusion continue avec le peuple perçu comme mesure de cette éternité. Soit dit en passant les convictions religieuses de Kérékou dont il ne fait pas mystère l’amènent à considérer que mourir c’est entrer en amitié avec Jésus qui viendra vous chercher ; cette idée qui est aux antipodes du matérialisme dont le président fut en son temps un adepte, a l’avantage de rendre la mort douce et acceptable, mais en même temps elle laisse transparaître la prégnance de son angoisse. L’éternité politique est assumée par le rêve de la continuité politique. Celle-ci se traduit par le fait que l’ancien Président rend un hommage quasi officiel au chancelier défunt comme s’il était encore aux affaires, entouré de ses ministres. Dans ce registre de la continuité-éternité renforcée ici par la symbolique du centenaire, Kérékou retrouve le sens secret du combat d’arrière-garde que lui et ses hommes de main avaient mené pour se perpétuer au pouvoir. Il rêve d’un royaume dont il serait le roi à vie et pour une vie aussi longue que celle du sage Salomon, devenu l’ami de Jésus.
Et plus que tout, c’est ce rêve qui fait parler Kérékou ; par cette parole il vit son rêve et l'installe dans le ministère de la sagesse.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
Rédigé à 07:17 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Critique de la Médiature
L’Organe de Médiation est une initiative du Président Kérékou en application des propositions de la Conférence nationale. Dans l’exposé des motifs, le gouvernement du Président Yayi Boni s'est inspiré des dispositions de l’article 98 de la constitution du 11 décembre 1990 pour inscrire le médiateur dans son programme d’action. D’où la signature du décret 2006-417 portant création, attributions organisation et fonctionnement de l'Organe Présidentiel de Médiation (OPM).
Rédigé à 21:17 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le Petit Journaliste Béninois : Enquête de mot
Nos journalistes et gratte-papiers aiment bien résonner d’expressions éculées, ou de mots qui semblent tomber à pic dans la musique de leur parole. Ampoulés ou bien ciselés, lieux communs ou expressions recherchées, ces mots participent d’un effort de style, comme on parle en politique d’effort de guerre. Seulement on se demande ce qu’il en est de l’histoire de leur connaissance de ces expressions ou mots. Quand est-ce qu’ils les ont rencontrés pour la première fois dans leur vie de gratte-papier ? Était-ce une rencontre orale ou écrite ? Ont-ils
Rédigé à 07:53 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Critique d’un Référendum Annoncé
Dans son discours à la veille du 48ème anniversaire de l'indépendance de notre pays, le Président Yayi Boni a annoncé la tenue d'un référendum aux fins de révision de la constitution. Ce scrutin est prévu pour le 1er semestre de l’année 2009. La commission de révision nommée par le Président a remis son rapport et bien que la teneur de celui-ci n’ait pas été rendue publique, le citoyen se pose beaucoup de questions. Au-delà de l’opportunité de la révision elle-même et de son urgence qui n’ont pas encore été discutées à leur juste valeur, force est de noter que les préoccupations se concentrent plus sur la forme que sur le fond. Et elles se résument en une question simple : Pourquoi un Référendum et à quel prix ?
Lire la suite "Révision de la Constitution au Bénin : Un Référendum Pourquoi et à Quel Prix ? " »
Rédigé à 18:30 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Réponse à Théo
Le regard que tu portes sur la situation politique du Bénin, est dans le fond respectable : aussi bien en tant qu’opinion, – et la démocratie se nourrit de la diversité des opinions – qu’en originalité, dans la mesure où tu exprimes ta conviction avec passion, et ton raisonnement de fond a sa validité en soi. On peut le rejeter, on peut être d’accord, mais il a le mérite d’avoir
Lire la suite "Élections Locales au Bénin : Droit de Regard " »
Rédigé à 14:42 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (4) | TrackBack (0)
Critique de la Médiature
L’Organe de Médiation est une initiative du Président Kérékou en application des propositions de la Conférence nationale. Dans l’exposé des motifs, le gouvernement du Président Yayi Boni s'est inspiré des dispositions de l’article 98 de la constitution du 11 décembre 1990 pour inscrire le médiateur dans son programme d’action. D’où la signature du décret 2006-417 portant création, attributions organisation et fonctionnement de l'Organe Présidentiel de Médiation (OPM).
Rédigé à 00:59 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Un lion du CPA de Cotonou, sorti de sa cage à la suite à d'une erreur technique, a été abattu par les Forces de sécurité. La brutalité de cette mort a quelque chose d’archaïque. Jadis on y mettait les formes. Au moyen-âge en Europe, il n’était pas rare de déférer les bêtes devant le tribunal ecclésiastique et de les y juger comme si l’adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » pouvait leur être appliqué en toute rigueur. Dans un procès à Mamirolles près de Besançon où les vers de bois étaient jugés, leur avocat pouvait notamment déclarer : « « Puisque vous m’avez permis de parler pour le compte de ces malheureux animaux, je ferai remarquer tout d’abord que les accusés n’appartiennent pas à la juridiction de cette cour et que la validité de l’ordre de comparaître qui leur a été adressé ne peut être reconnue... » Dans l’idéal, contrairement à ce qu’on a pu lire dans la presse, un journaliste avocat des bêtes aurait écrit : « Faute de fusil hypodermique, un lion épris de liberté a été abattu » Et, il poserait la question des conditions réglémentaires dans lesquelles un zoo doit exister, surtout lorsqu’il est implanté au cœur d’une ville très peuplée. Notamment se demander si la probabilité qu’un félin s’évade n’avait jamais été considérée par les autorités de ce zoo, et si oui, quelles étaient les schémas de résolution de ce cas de figure qui avaient été préétablis ? Pendant combien de temps les bêtes vont-elles continuer à payer de leur vie la faute des hommes ? Si des termites au moyen-âge ont droit à un procès équitable, nous espérons que dans un Bénin promis à l’émergence en plein 21ème siècle, il ne continuerait pas de paraître aussi naturel qu’un lion fût abattu lorsqu’il sortit de sa cage par la faute d’un gardien de zoo ! |
.
Rédigé à 16:43 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Un Opéra africain, voici une initiative qui paraît d'entrée originale. Et elle l'est dans une certaine mesure. Les acteurs, et la troupe d'une part, mais aussi les musiciens ont montré la richesse de leur talent. Mais un opéra n'est pas que musique, danse ou jeu de scène, c'est aussi une histoire, un livret. Et c'est là que le bât blesse. Aussi bien la critique de la domination mâle dans les sociétés africaines, de la guerre et de ses atrocités est tout à fait pertinente ; sans compter la dénonciation du mirage de l'immigration qui est une fausse solution à un vrai problème, à savoir : "Quand est-ce que l'Afrique va se prendre en main?" Mais la brutalité de la charge accusatoire de Bintou Wéré a quelque chose de trop violent pour être sain. En effet, cette brutalité de la dénonciation d'un viol révèle la réalité d'une culpabilité incontournable. Bintou Wéré, Opéra du Sahel est bien une histoire de viol et d'immigration entre l'Europe et l'Afrique ; elle rend raison de la situation dramatique dans laquelle se trouve l'Afrique aujourd'hui, déchirée entre guerres, famines, coups d'Etat et génocides. Mais il semble qu'aussitôt le principe de cette culpabilité admis, qu'on en détourne la fonction vers des coupables dérisoires. Ce souci de détournement limite l'épaisseur symbolique de Bintou Wéré réduite à un simple doigt accusateur pointé sur l'Afrique. La technique de dénégation d'un viol avec la complicité du violé constitue une violence symbolique. Bien sûr, par certains côté l'histoire est poignante et montre le drame africain dans sa nudité ; mais il reste que le parti-pris idéologique qui consiste à dériver la culpabilité de fond de l'Europe dans le drame africain d'aujourd'hui est patent. En cela avant d'être un opéra, Bintou Wéré est une opération du Sahel au cachet bien français... |
Rédigé à 21:54 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Hypothétique Ministère des « Religions » : l’Envers et l'Endroit.
Par Nouatin Théophile
.
Lire la suite "L'Offensive des Négriers des âmes : Réactions #1" »
Rédigé à 15:25 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le Coup d’Etat civilisé
.
.
La tentation de saisir le pouvoir par quelques-uns – tyrans, dictateurs, autocrates ou oligarques a toujours existé. Et ce, en dépit de l’évolution des moeurs politiques dans les sociétés humaines. C’est contre l’injustice des tyrans et les séquelles des dictatures que la démocratie est apparue comme le système le moins inéquitable de gestion de la vie politique et le cadre d’accession normal au pouvoir. Le système démocratique a une histoire et des pratiques variées selon les époques et les pays. Mais son principe est aussi vieux que le monde, même s’il a mis très longtemps à triompher. Les guerres, les déchirements internes à une société, les injustices politiques ont contribué à faire admettre le bien fondé du principe démocratique, et à en reconnaître l’universalité, même si les formes peuvent varier et font l’objet de divergences plus ou moins sérieuses.
Rédigé à 17:54 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Petite histoire d'un consensus frauduleux.
.
Le parti socialiste s’indigne du caractère tendancieux du sondage réalisé par Opinionway pour le Figaro et LCI et rendu public jeudi. Ce sondage révèle que Nicolas Sarkozy a été jugé plus convaincant que Ségolène Royal : 53 % des personnes interrogées auraient jugé le candidat UMP « plus convaincant », contre 31% pour la candidate PS et 16% qui répondent ni l'un ni l'autre ou ne se prononcent pas.
Aussi légitime soit-elle, aussi nécessaire soit-elle, la protestation du Parti socialiste est tout de même tardive et sélective. Le candidat de l’UMP a jeté son dévolu sur l’utilisation des sondages comme outil d’installation d’un consensus frauduleux. Depuis des mois un fleuve de sondages coule régulièrement et qui va grossissant au fur à mesure qu’on s’approche de l’embouchure électorale, et dont le but, en avantageant systématiquement Sarkozy, est d’utiliser leur effet performatif. L’effet performatif d’un message est l’effet qu’il produit sur la vérité de son contenu. Ainsi, lorsque le maire dit
Rédigé à 21:12 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le secret d’une synthèse réussie
Dans la chanson « Sènan » qui clôt son 11ème album intitulé SEGBETO, Allèvi, le talentueux rossignol national montre bien son éclectisme. D’abord rythmique, puisque cette chanson est une délicieuse parodie des rythmes cosmopolites africains et même américains. Et puis comme chez ce genre d’artiste, le rythme et le sens des mots vont la main dans la main, les paroles de « Sènan » énoncent les raisons de cet éclectisme. Allèvi, parlant du destin, un de ses thèmes favoris, révèle ses origines. Originaire du Mono/couffo, tout le portait vers le rythme Agbadja, mais c’est dans le Toba Hanye qu’il s’illustre : volonté du destin, nous dit Allèvi. Et il n’est pas jusqu’à la référence à la langue du Blanc, le français, qui ne prouve le propos de l’espiègle rossignol : la diversité de la vie, et la force du destin.
Mais pour l’essentiel, cet onzième album d’Allèvi nous en main plein la vue, et les oreilles. D’abord, sa mise en scène visuelle est fantastique. Les thèmes développés dans cet album étant en harmonie, la succession des images et des scènes filmées qui les illustrent donne l’impression d’un tout cohérent regorgeant de créativité. On est tout de suite émerveillé par les prouesses acrobatiques des danseurs, leur ressource de théâtralité, l’immense talent et la joie de jouer des acteurs qui donnent corps et vie au propos de l’auteur.
Bien sûr, cette vie-là est d’abord celle que le Prince du Toba Hanye imprime à ses histoires. Chez Allèvi la forme est remarquable, et mérite qu’on s’y s’arrête. D’habitude nos grands chanteurs fons – et Allèvi en est – ont un système d’exposition bien connu, basé sur le mode de la dissertation : thèse, développement, conclusion. Le développement pouvant contenir l’antithèse ou se limitant à une exposition argumentée. En général ce développement est logique, même s’il s’appuie sur des exemples. Or le système d’exposition d’Allèvi est différent. L’auteur se pose en conteur et en nouvellistes. S’il annonce le sujet dans sa généralité c’est tout de suite pour en donner l’argumentation sous forme d’une histoire exemplaire ; généralement un conte, un adage, une nouvelle dont la chute est en soi un art de grand conteur. Ce refus de la généralité fait le style même d’Allèvi. Nouvelliste de talent, génie du reportage des faits, Allèvi s’appuie sur le fait vrai. Et son art sait hisser le fait singulier au niveau de la généralité. Ces faits sont aussi des faits d'amitiés, de sentiments et de liens auxquels le chanteur reste fidèle. Qu’il s’agisse de la dithyrambe ou de la diatribe, genres dans lesquels son esprit de fidélité et sa sensibilité à fleur de peau le portent. Méthode inductive ? Ethnométhodologie ? Aux savants d’en décider ; Allèvi lui est tout entier dans son art. Et sa force de conviction plaide pour lui. C’est sans doute là qu’il faut rechercher la clé d’une synthèse réussie entre éclectisme et fidélité.
Assiongbon Nicaise, correspondant, Cotonou
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
Rédigé à 12:59 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)
Boom des reprises, Misère de la créativité
La vogue des reprises domine le domaine de la chanson et de la production musicale depuis quelque temps au Bénin. Cette vogue a émergé il y a une vingtaine d’années par le succès ambigu de certains artistes qui, épaulés par des structures sophistiquées, ont exploité avec une certaine facilité le répertoire des chansons ou les airs consacrés pour se lancer. De nos jours, cette rationalité exogène a fait boule de neige ; elle est devenue le nec plus ultra, la référence obligée des producteurs et des artistes béninois. Que ce soit dans le domaine des variétés modernes comme celui des chansons relevant du répertoire traditionnel, la reprise est partout. La bonne volonté douteuse avec laquelle certains artistes de premier plan, souvent aidés par une logistique redoutable, se sont emparés des titres à succès du patrimoine de la chanson nationale, a servi de détonateur à cette nouvelle vague.
Loin d’être un simple phénomène de mode, toutefois, la tendance prend racine, se fait culture et envahit l’espace socioculturel tout entier, aidée en cela par la culture du mimétisme aveugle du Béninois. Un mimétisme ambigu dont on ne sait si la frénésie de duplication, de répétition, de réplique, de reproduction à l’identique à laquelle elle donne lieu vise à rendre hommage à un succès même lorsque celui-ci met mal à l’aise, ou si au contraire, au moins de façon inconsciente, elle ne participe pas d’une volonté délibérée de lui couper l’herbe sous le pied, de le noyer sous un déluge de médiocrités.
Ainsi, sur dix titres au box office de la chanson béninoise actuelle pas moins de cinq émargent au chapitre des reprises, anthologies ou autres formes parodiques des succès consacrés. Ce cannibalisme culturel tous azimuts, sous ses dehors bon enfant, cache bien un problème : celui tragique de la stérilité culturelle de toute une génération qui, acculée par les besoins pressants du temps en terme de qualité de production, est obligée de se tourner vers le passé pour y puiser le meilleur.
Bien sûr, l'adoration des idoles de la chanson du passé n'est pas en soi une mauvaise chose ; elle embrasse un aspect religieux, surtout dans un pays où le culte des ancêtres est une valeur centrale. Mais même basée sur les ancêtres, une religion a besoin du sang neuf, faute de quoi, elle s'étiole, s'éteint et perd son lien intime entre le passé et le présent, la vie et la mort ; elle finit à terme par confondre le passé avec l'éternité, dans la mesure où tout passé se dépasse par un présent assumé. Par ailleurs, le recours aux grands artistes et à leurs chansons célèbres concourt à raviver la mémoire du passé dans un pays où, avec astuce, on organise la mise hors jeu de la mémoire collective, et la conspiration du silence autour de la diversité potentielle des valeurs intellectuelles et politiques.
Ces aspects positifs du recours aux chansons à succès du passé sont exacts. Mais hélas, il est fort à craindre que la vague des reprises qui sévit actuellement au Bénin ne soit moins inspirée par le religieux ou l'anthologie que par la paresse et la médiocrité. Cette vague est révélatrice du fait que ceux qui se mettent au devant de la scène dans notre pays sont souvent incapables d'être réellement à la hauteur des exigences des positions autoritairement ou subrepticement occupées.
Le fonctionnement incestueux d’une mentalité sociale cernée entre le démon du népotisme et le mépris de l’adéquation entre compétence et posture éthique et politique des acteurs est à l’origine de la cruelle difficulté de renouvellement qui frappe tous les domaines de notre vie sociale. Dans le domaine culturel, ce mépris rend raison du boom des reprises, façon paresseuse et pseudo esthétique de se tourner vers les chansons du passé.
Restauration négative, restauration faute de mieux, créativité en trompe-l'oeil : Misère de la créativité !
Binason Avèkes
Copyright Blaise APLOGAN, 2007
Rédigé à 08:52 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)
Voyage aux pays du coton.
Erik Orsenna raconte avec humour et un brin d’esprit son voyage aux quatre coins du monde "globalisé". Son fil conducteur : le commerce du coton.
« Cette histoire commence dans la nuit des temps. Un homme qui passe remarque un arbuste dont les branches se terminent par des flocons blancs. On peut imaginer qu'il approche la main. L'espèce humaine vient de faire connaissance avec la douceur du coton. Depuis des années, quelque chose me disait qu'en suivant les chemins du coton, de l'agriculture à l'industrie textile en passant par la biochimie, de Koutiala (Mali) à Datang (Chine) via Lubbock (Texas), Cuiaba (Mato Grosso), Alexandrie, Tachkent et la vallée de la Vologne (France, département des Vosges), je comprendrais mieux ma planète. Les résultats de la longue enquête ont dépassé mes espérances. Pour comprendre les mondialisations, celles d'hier et celle d'aujourd'hui, rien ne vaut l'examen d'un morceau de tissu. Sans doute parce qu'il n'est fait que de fils et de liens, et des voyages de la navette. »
Mais en fait de voyage, il s’agit à n’en pas douter d’un réquisitoire implacable. Après un rappel historique des origines et du succès planétaire du coton, pleins feux sur les pratiques, réalités et données nationales.
Au Mali, où l’on tisse le coton comme on bâtit son discours ("parole" et "étoffe" se disent "soy"), Erik Orsenna circule d’un village à l’autre au pays de la CMDT (Compagnie Malienne pour le Développement du Textile). La mère de toutes les activités, établissement toujours public (40% Etat français, 60% Etat malien) est la cible préférée de l’ambassadeur des Etats Unis qui ne voit pas pourquoi une compagnie commerciale se préoccuperait de social ou d’alphabétisation. L’Etat malien qui n’a jamais pu répercuter intégralement les chutes des cours mondiaux dues aux productions subventionnées, continue à payer les récoltes aux cours antérieurs. Mais cela ne suffit pas, pour des raisons minutieusement décrites.
« On nous critique pour notre déficit. Mais personne ne s’enquiert des causes de ce déficit.. Sans les subventions qu’ils reçoivent de leur gouvernement, les agriculteurs américains vendraient leur coton plus cher que le nôtre. Depuis l’indépendance, nous avons multiplié notre production par vingt. Depuis quarante ans, nous luttons chaque jour pour nous améliorer. Nous sommes entrés de plain-pied dans le jeu de la concurrence. Sans aucune chance de gagner, parce que le joueur le plus puissant ne joue pas franc-jeu
Et que pouvons-nous contre la guerre monétaire entre l’Europe et les Etats-Unis ? De par notre appartenance à la zone franc, nous sommes pieds et poings liés à l’Euro. Le prix de notre coton suit ses fluctuations : dès qu’il monte, notre coton coûte moins cher , parce que les transactions se font en dollars. Pensez-vous que cette situation est normale ? L’un des pays les plus pauvres de la planète lié à la monnaie la plus forte ? Plus elle monte, plus nous chutons. Et cela n’émeut personne. Surtout pas à la Banque mondiale
»Privatisation. Soit !. Puisqu’il semble bien que nous n’ayons pas le choix. Mais je ne laisserai pas la Banque Mondiale chambouler notre industrie en y allant à un rythme effréné. Nous avons besoin de temps. Parfois, je me demande si tel n’est pas leur but – chambouler notre industrie. Ce serait pain béni pour nos concurrents – et vous devinez de qui il s’agit. Puisque vous allez à Washington, dites leur clairement, que je ne vais pas transiger sur la question du temps. »
Alors la Banque Mondiale dit "Privatisez, on vous aidera"...
Au Burkina-Faso, on a dit non. En essayant de trouver une troisième voie, qui, si elle n’était pas trop séduisante au départ, finit par donner des résultats encourageants. La production a été réorganisée pour faire des producteurs des partenaires, en dépassant les solidarités de villages. L’Etat s’est désengagé en partie mais a cédé trente pour cent des parts de la SOFITEX aux producteurs. Rien à voir avec l’orthodoxie prônée par les libéraux mais ça marche !
Mais le gros problème ici ou ailleurs en Afrique demeure le coût élevé des productions nationales qui handicape les industries de transformation locale. Seul le Ghana se fait un devoir de "consommer national". Ailleurs on se vante plutôt de l’origine étrangère des vêtements.
Aux Etats-Unis, passage par Washington, sur un banc en face du siège de la Banque Mondiale, d’où l’on a paraît-il une vue imprenable sur "un immeuble de verre, rendez-vous de tous les peuples de la Terre", présenté comme une fourmilière géante qui ne se préoccuperait que de sa propre survie. Puis direction le Sud cotonnier. Accueillant, le membre du Congrès patron des lobbyistes-cotonniers, précise, bonhomme, "vous verrez mon petit-fils. Il a neuf ans. Je lui ai offert un fusil à sa taille. Pour bien chasser, il faut commencer tôt". Le directeur général du conseil national du coton se présente :"Mark Lange, trente milliards de dollars". Sans commentaire. Retranché derrière les subventions européennes et les pratiques commerciales chinoises, il justifie le soutien à une agriculture non rentable qui disparaîtrait sans cela.
Le Brésil, lui, ronge l’Amazonie pour étendre ses surfaces cultivables, la frontière recule toujours plus sans apporter aux plus pauvres quoi que ce soit de plus en matière de bien-être. Les Sans-Terre sont souvent de pauvres hères qui se déclarent tels pour obtenir un lopin qu’ils s’empressent de revendre aux "fazendas". Et ainsi de suite en boucle. "O futuro" ? Le bricolage génétique. Et création d’hybrides mi végétaux mi animaux (coton et araignée).
Le seul type vraiment sympathique décrit dans le périple orsennien est le conservateur du musée du coton du Caire. Un homme aux connaissances encyclopédiques qui vibre, vit, pense, rêve "coton". Pas surchargé de visiteurs, il a le temps de consacrer un soin maniaque à ses collections et à l’histoire de la fibre miraculeuse. De qualité extrêmement supérieure, le coton égyptien envahit le "vert" au point de manger toujours plus l’espace des cultures vivrières. Jusqu’où ? Jusqu’à quand ? Inch’ Allah !
Après l’Ouzbékistan, la Chine, la France.... conclusion amère : "la première leçon d’un tour du monde est celle-ci : sur Terre la douceur est une denrée rare, et chèrement payée."
Cette route du coton est un condensé des heurts et sueurs de la mondialisation. Hommage aux travailleurs du coton de par le monde, à commencer par ceux du Bénin.
Binason Avèkes
Eric Orsenna, Voyage aux Pays du coton, ed. Fayard, 2006
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2006
Rédigé à 22:12 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (1)
.
La mouvance du mot mouvance[1].
.
Acharnement nomadique : Campagne de débauchage systématique, qui utilise des moyens divers comme : appels du pied, promesses de postes minitériels juteux, ou d'affectations confortables, dons en nature ou espèce, et peut finir par l’agression proprement dite.
Affairisme : Etat d'esprit, activité et pratique frauduleux et culturels des politiques.
Agression nomadique : Déstabilisation par le fait du nomadisme d’Etat.
Ambition : Justification ou motivation plus ou moins saine du touareg ou du futur touareg. (voir touareg plus loin)
Argent : Facteur déterminant des conflits politiques, instrument de résolution de tous les problèmes[2]. Fantasme sonnant des antagonismes, levain de l’engouement pour la politique, entreprise à somme nulle pour le contrôle des richesses et du pouvoir national.
Candidat indépendant : Touareg soi-disant libéral, prêt à vendre ses services le cas échéant au plus offrant.
Chameau : Un touareg qui a fait deux changements spectaculaires d’oasis (voir oasis plus bas)
Corruption : Marchandisation frauduleuse du pouvoir politique dans son rapport avec la sphère économique. voir Affairisme
Désapparenter : Pour un touareg, quitter la bannière d’élection initiale, vers une autre.
Détournement (de denier public.) Action consistant à s'approprier frauduleusement les ressources financières de la collectivité à des fins personnelles ; au Bénin on pourrait compter sur les doigts d'une main l'homme ou la femme politique qui ne s'en fait pas une vocation.
Dromadaire : Un touareg qui après un retournement est à la recherche d’une oasis
Fief : Terre d’élection. Le fief est souvent ethniquement structuré.
Le multipartisme : Contexte politique et source logique et constitutionnelle de la transhumance.
Liberté d’association : L’un des arguments d’inspiration constitutionnelle utilisée par les défenseurs de la transhumance
Liberté de mouvement : Autre argument juridique et éthique des transhumants.
Lois antinomadisme : Les lois antinomadisme tentent de rendre la vie dure au touareg, et dès lors ont tendance à stipuler que : « pendant la législature, les députés ne peuvent pas démissionner des groupes parlementaires dans lesquels ils sont inscrits soit à titre individuel, soit au titre de leurs partis politiques. Tout député qui démissionne ou qui est exclu de son parti politique au cours de la législature, est remplacé à l’Assemblée nationale par son suppléant ».
Mandat impératif : S’oppose au mandat représentatif, hantise des touaregs mais réel soulagement pour eux dans la mesure où il n’est pas spécifié dans la constitution.
Mandat représentatif : Spécifié par la constitution. Justificatif du nomadisme par le touareg
Méharée : Tentative et pourparler initié par un touareg ou un groupe de touaregs pour joindre un oasis
Mirage : Forme douce d’acharnement nomadique ; appel du pied plus ou moins clair effectué par la mouvance vers les touaregs
Mouvance : Nébuleuse nomadique d’Etat. Alors que dans d’autres démocraties de l’Afrique francophone, on connaît les mots comme transhumance, nomadisme, il semble que le mot mouvance soit typiquement béninois ; il est en effet le complément d’objet direct de la transhumance ; en Afrique politique et grandes idées sont antinomiques ; or pour avoir un grand parti présidentiel il faut avoir de grandes idées ; donc au lieu d’un grand parti on a une nébuleuse de partis qui s’autoreprésentent et qui n’ont au mieux que quelques petites idées simplistes ; donc c’est au creux de cette limitation logique et éthique qu’est née la mouvance : les gens défendent une kyrielle d’intérêts personnels ou tribaux, dans un contexte culturel porté à la gestion patrimoniale du politique ; or pour obtenir une majorité l’homme fort doit agréger tout ce monde : c’est de là que naît la mouvance. Les Béninois qui en matière des vices et vertus de la démocratie ont une petite longueur d’avance sur leurs voisins, savent déjà que le destin du transhumant est d’être mouvanciers et celui de la transhumance réside dans la mouvance.
Mouvancier : Transhumants, touareg, nomade qui va vers ou est déjà dans la mouvance.
Nébuleuse : Ensemble hétérogène de partis ou d'associations en état de condensation et d'attraction par la mouvance ; voir mouvance
Neutre : voir indépendant…
Nomadisme : Mentalité et pratiques portées à la mobilité partisane, et participant d'une vision libérale de l'économie du pouvoir d'élu (voir transhumance[3] )
Oasis : Lieu stratégique, providentiel et transitoire de restauration d’un touareg ; voir rivière
Retournements de veste : volte-face
Rivière : Lieu régulier, quoique officieux de restauration d’un touareg reconnu
Satellites : voir nébuleuse ; mouvanciers
Touareg : Elu transhumant.
Transhumance : voir nomadisme[4]
Volte-face : voir retournement de veste ou de boubou
Par Binason Avèkes
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2006
Rédigé à 13:46 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)
.
Le double décalage.
Comment comprendre la défaite de l’armée de Béhanzin face aux Français, alors qu’elle paraissait jouir d’une position matérielle et morale incomparable : plus nombreuse, faisant usage d’armes modernes, ayant la connaissance du terrain, et défendant la terre de ses aïeux ?
Certes toutes les conquêtes coloniales en Afrique du point de vue de la légitimité des conflits dont ils étaient l’aboutissement participaient de cet art subtil de vaincre sans avoir raison tout à fait étranger à l’éthique africaine dont parlait Cheikh-Hamidou Kane.
Mais au tournant des années 1890, au tout début des conflits ou des pourparlers qui allaient corroborer la prise en main des royaumes africains et leur l’administration coloniale, on était loin de toute ambiguïté morale et politique. Et, pour l’un des plus puissants royaumes de l’Afrique noire à cette époque l’espoir du succès d’une résistance à la conquête coloniale en dépit du savoir faire des Européens, était plus que permis : il était de l’ordre de l’évidence.
Au Dahomey, et sous le règne de l’intrépide Béhanzin, l’échec de cette évidence mérite qu’on s’y attarde un peu pour en élucider les causes immédiates et les raisons lointaines. Les historiens de tout bord, africains ou européens n’ont pas manqué à la tâche ; mais inspirée par un réalisme quantificateur, la plupart d’entre eux s’attarde sur les causes immédiates et factuelles de l’échec ainsi que ses aspects infrastructurelles, en sous-estimant la dimension symbolique non mesurable, et superstructurelle. L’historien béninois Luc Garcia, dans son ouvrage traitant du royaume du Dahomey face à la pénétration coloniale, aborde certes ce rivage désert des causes symboliques de la défaite mais il ne l’approfondit pas et les notions de malentendu ou de dialogue de sourds qu’il avance ne touchent pas au cœur du problème, et remontent très vite à la surface des causes immédiates et factuelles de la défaite.
Toutefois, son insistance sur l’impact des croyances permet dans un premier temps d’avancer l’idée d’un décalage. Décalage entre la réalité du monde, de la science et les représentations d’une part ; et décalage entre les systèmes de valeurs et les cadres de vision et de division du monde des parties en présence.
Le premier type de décalage renvoie à une approche charismatique et enchantée de la réalité où la science est substituée à un ensemble de pratiques sommaires placées sous l’éclairage religieux de la croyance aux forces magiques et à l’intervention agissante des ancêtres. Au Dahomey, le religieux et le politique n’étaient pas seulement imbriquées mais celui-ci était subordonné à celui-là. Cette subordination plaçait la décision de faire la guerre ou la paix dans la volonté primordiale des Ancêtres dont la bénédiction et l’aval étaient requis avant toute campagne ou décision politique d’envergure ; le roi et des dignitaires spécialisés s’honorant d’être les fidèles exécuteurs de cette volonté.
Concrètement, – puisqu’il est question de défaite militaire – sur le front cette suprématie politique des Ancêtres se faisait sentir dans les décisions de stratégie ou de tactique du commandement des troupes. Les décisions stratégiques – et au premier chef, la décision de faire la guerre – étaient prises par le souverain après consultation du Fa, et compte tenu du rapport de nombreux espions-éclaireurs sur l’expédition à entreprendre.
« Le commandement stratégique et tactique s’exerçait dans un contexte religieux particulier, car, au Dahomey, l’issue d’une expédition ne dépendait pas principalement du rapport des forces « matérielles » en présence. La victoire n’était possible que lorsque la cause défendue par les armes paraissait légitime : quand il s’agissait de venger un affront ou une humiliation ou de secourir un Etat allié. Pour cela, il fallait aussi obtenir l’accord, la bénédiction et l’appui des divinités et des ancêtres disparus. Il fallait encore que l’état-major fût en mesure de mobiliser de son côté des forces magiques bien supérieures à celles dont pouvait disposer l’adversaire. Cela explique l’importance capitale des préparatifs lors d’une expédition : eux seuls créaient les conditions nécessaires au succès final, lequel dépendait alors de la supériorité numérique, de la puissance de feu, de l’habileté des officiers et évidemment de la bravoure des guerriers des deux sexes. Les prêtres et les bokonon consultaient le fa, qui autorisait ou déconseillait la guerre. ( et dans le cas du conflit avec la France, l’oracle avait désapprouvé l’expédition de Béhanzin) C’était Guédégbé qui officiait. L’importance attachée au soutien des divinités explique également l’ampleur des cérémonies propitiatoires qui précédaient le déclenchement des opérations contre la France et le prix que chacun attachait au concours spirituel et magique. Les démarches et gestes accomplis dans le cadre de la préparation religieuse de cet affrontement devaient conjurer les phénomènes naturels. Des sacrifices d’animaux furent pratiqués pendant toute la durée du conflit pour gagner le soutien des mânes des souverains défunts. »[1]
Outre les bokonon, les mivèdè, agasunon, akplogan, tasinon, et autres responsables de cultes ou des prières étaient mis à contribution. Enfin, il faut souligner le recours aux sortilèges et à de nombreuses amulettes, destinées les unes à protéger les autres à semer des ravages de toutes sortes dans les rangs français.
Pourtant, la théorie de la volonté des Ancêtres n’était pas une théorie falsifiable au sens de K. Popper. En effet, les réticences ou même l’hostilité des forces spirituelles ne suffisaient pas à dissuader le Roi de commencer ou d’interrompre une entreprise guerrière : il fallait compter avec la double pression des militaires et de certains prêtres et bokonon. Aussi, par toute sortes de moyens, interprétation favorable ou consultation à des sources variées , essayait-on de rendre la volonté des Ancêtres compatible avec celle des vivants.
Ces tractations n’ont pas seulement un caractère formel ou logique, mais elles en disent long sur la prépondérance du religieux et du magique dans le commandement stratégique et tactique des troupes au Dahomey. Dans le camp d’en face, on n’a pas idée que le Roi ou le Président de France, le Ministère de la guerre prennent leurs décisions de guerre en fonction de la volonté du clergé catholique ou requièrent l’avis des évêques de Paris ou de Versailles sur leur plan stratégique ou tactique. Donc, comparée à la politique et surtout à la science de la guerre des Européens, cette prépondérance du religieux sur le politique, ce poids immense de la représentation magique du réel dans le fonctionnement des institutions traduit une nette différence hiérarchique des représentations.
Cette différence en complète une autre que souligne Luc Garcia lorsqu’il dit en conclusion de son travail que les deux adversaires évoluaient dans deux systèmes de relations internationales bien distinctes. Ces deux systèmes n’étaient pas seulement distincts mais s’opposaient dans leur esprit et dans leur lettre ; une opposition qui saute aux yeux dans la correspondance du souverain dahoméen adressée aux autorités françaises :
« Je vous adresse ces deux lignes pour avoir des nouvelles de votre santé et en même temps vous dire que je suis bien étonné du récade (message) que Bernardin a apporté au cabécère Zodohouncon pour être communiqué au sujet des six villages que j'avais détruits il y a trois ou quatre jours. Je vous garantis que vous vous êtes bien trompé. Est-ce que j'ai été quelques fois en France faire la guerre contre vous ? Moi je reste dans mon pays, et toutes les fois qu'une nation africaine me fait mal, je suis bien en droit de la punir. Cela ne vous regarde pas du tout. Vous avez eu bien tort de m'envoyer ce récade, c'est une moquerie ; mais je ne veux pas qu'on se moque de moi, je vous répète que cela ne me fait pas plaisir du tout. Le récade que vous m'avez envoyé est une plaisanterie et je le trouve extraordinaire. Je vous défends encore et ne veux pas avoir de ces histoires. Si vous n'êtes pas content de ce que je vous dis, vous n'avez qu'à faire tout ce que vous voudrez, quant à moi, je suis prêt. Vous pouvez venir avec vos troupes ou bien descendre à terre pour me faire une guerre acharnée. Rien d'autre.
Agréez, Monsieur le gouverneur, mes salutations sincères.
Béhanzin, roi du Dahomey »
Ou encore :
« Je viens d'être informé que le gouvernement français a déclaré la guerre au Dahomey et que la chose a été décidée par la chambre de France. Je vous préviens que vous pouvez commencer sur tous les points que vous voulez et que moi-même je ferai de même, mais je vous avise que si un de nos villages est touché par le feu de vos canons, tels que Cotonou, Godomey, Calavi, Avrékété, Ouidah et Agony, je marcherai directement pour briser Porto Novo et tous les villages appartenant au Porto Novo...
La première fois je ne savais pas faire la guerre, mais maintenant je sais. J'ai tant d'hommes qu'on dirait des vers qui sortent des trous. Je suis le roi des noirs et les blancs n'ont rien à voir à ce que je fais. Les villages dont vous parlez sont bien à moi, ils m'appartiennent et voulaient être indépendants, alors que j'ai envoyé les détruire et vous venez toujours vous plaindre. Je désirerais savoir combien de villages français indépendants ont été brisés par moi ? roi du Dahomey. Veuillez rester tranquille, faire votre commerce à Porto Novo, comme cela nous resterons toujours en paix comme auparavant. Si vous voulez la guerre je suis prêt. Je ne la finirai pas quand même elle durerait cent ans et me tuerait 20 000 hommes. »
Agréez, Monsieur le gouverneur, mes salutations sincères.
Béhanzin, roi du Dahomey
Ces lettres font allusion à un système de relation internationale africain que le Dahomey connaissait bien, système qui s’oppose en tout point à celui des Européens sur le plan éthique et géopolitique. Cette différence est la traduction d’une dissymétrie des représentations en face. On peut même parler sans excès d’incommensurabilité des représentations, qui nourrit le malentendu.
Le deuxième type du décalage est d’ordre axiologique. Il concerne aussi bien le respect de l’autre, la parité sinon l’égalité avec l'adversaire, la légitimité et les limites de ses intentions et prétentions politiques, que le respect de la parole donnée, de l’héritage ancestral, de l’inviolabilité du lien avec la terre des Ancêtres. Sur tous ces points la différence est totale et fait le lit du malentendu. Or ces valeurs sont celles qui fondent la pensée, la position et l’espérance de Béhanzin ; elles animent d’un bout à l’autre son action. Et c’est aussi en leur nom que Béhanzin décide de se rendre sans avoir été vaincu, uniquement dans le but de rencontrer le Président de la République française et de négocier avec lui une sorte de paix des braves. «Geste naïf et funeste ! il plaçait trop haut le sens de l'honneur et la rectitude pour soupçonner de la bassesse même chez ses ennemis.»[2]
Cette dissymétrie se répercutait aussi dans le traitement médiatique du côté français, où on s'en donnait à coeur joie de traiter le Dahomey et son roi de tous les noms : « Il n’est guère dans nos gazettes que de ce moricaud écrivait Jean Frontière dans la Dépêche du Midi du 22 avril 1890, à propos de Béhanzin.» Le journaliste proposait simplement de l’ « expédier au jardin d’acclimatation, où on n’avait encore rien vu de pareil à ce sauvage-là ». On insistait sur la cruauté de Béhanzin et on accusait ses sujets d’anthropophagie : « Tout récemment on a vu ces sauvages griller les cadavres et mâcher leur viandes encore fumantes ( le Journal illustré, 9 mars 1890)
Le roi du Dahomey (Glélé) vient de mourir, c’était le tyran sanguinaire, monstrueuse brute, tuant pour le plaisir de tuer, comme un boucher qui aime à dépecer sa viande (…) Son successeur sera son fils, un sauvage de 40 ans nommé Kondo (l’Intransigeant, 9 janvier 1890).
L’interprétation juridique des traités n'était pas non plus épargnée par la dissymétrie des représentations. Tel était le cas de celui qui consacrait la cession de Cotonou à la France. Ce traité accordait la concession de Cotonou, « en toute propriété » selon l’interprétation française, en « simple jouissance » selon la version dahoméenne articulée autour du caractère sacré, inaliénable de la terre des ancêtres. Ce fut la pierre d’achoppement. « Le territoire de Cotonou qui nous a été cédé par le roi du Dahomey le 9 avril 1878, est notre propriété absolue, rappelait le ministre de la Marine, Jauréguiberry, le 8 mars 1881. »
Enfin, dans cette dissymétrie le rôle des interprètes et écrivains n’est pas négligeable. Dans la Colonie, on prit la chose au sérieux, et on organisa le corps. Le Dr Tautain, puis le Général Dodds le réglementèrent. Mais du côté du Palais d’Abomey, comme dans maints autre domaines cruciaux, on ne parut pas considérer l’importance stratégique de ces intermédiaires et il ne semble pas qu’il y eut une initiative d’organisation de ce corps pourtant décisif à la transmission de l’information, la compréhension des notions et la maîtrise de la communication avec les Européens. Il s’agit là d’un biais important entre les représentations des systèmes de valeurs et les cadres de vision du monde des deux parties en présence.
Conclusion :
Le premier type de décalage renvoie à une approche charismatique et enchantée de la réalité où la science est substituée à un ensemble de pratiques sommaires placées sous l’éclairage religieux de la croyance aux forces magiques et à l’intervention agissante des ancêtres. A l’instar des sociétés africaines dans leur grande majorité, la médiation de la réalité par la technologie et les pratiques scientifique au Dahomey n’était pas très avancée. Outre l’importance donnée à l’oralité dans une culture où l’écriture faisait cruellement défaut, les structures de recherche et de transmission du savoir étaient fermées et valorisaient le secret et la concurrence au lieu du partage, de la saine émulation, et de l’ouverture sur les autres et le monde. Le deuxième type de décalage est d’ordre axiologique. Il concerne aussi bien le respect de l’autre, la parité avec l’adversaire, la légitimité et les limites de ses intentions politiques, que le respect de la parole donnée, de l’héritage ancestral, de l’inviolabilité du lien avec la terre des Ancêtres.
Ce double décalage – en rapport étroit avec l'histoire et la philosophie politiques des deux parties en face – est sans doute à l’origine du malentendu dont parle Luc Garcia ; mais s'il y a malentendu, il est double : malentendu avec l’autre mais aussi avec soi-même. Le malentendu avec l’autre est d’ordre anthropologique et consacre une différence éthique. En revanche, le malentendu avec soi-même est d’ordre épistémologique. Il touche à l’écart entre la représentation du réel et la volonté du sujet – politique ou social – à l’efficacité des techniques et systèmes sociaux qui en sont l’expression.
De ce point de vue la différence hiérarchique des représentations rend inévitable le conflit, irréductibles les positions et inéluctable la défaite. Elle ne donne que plus d’éclat à la résistance du Roi Béhanzin. Le dernier roi du Dahomey a su trouver une réponse à une question dont la difficulté rendait malade son père qui en pressentait l’issue fatale. Devant l’histoire et devant ses Ancêtres, la réponse de Béhanzin consacre l’autonomie de deux visions du monde l’incommensurables : tout son génie est de l’avoir assumée jusqu’au bout.
Binason Avèkes.
©Copyright Blaise APLOGAN, 2006
Rédigé à 17:58 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (2)
.
Epistémologie de la Résistance anticoloniale
.
.
Les royaumes qui ont bâti leur puissance sur la seule source de revenu constituée par le commerce des esclaves étaient marqués dans leur culture et dans leur histoire par la géopolitique de l’esclavage. Cette géopolitique déterminée à leur insu par les donneurs d’ordre que sont les puissances occidentales européennes induisait au fil des ans et des siècles une logique territoriale inspirée par la loi de la jungle. Comme tout espace structuré sur le modèle de la jungle, il fallait des lions, des fauves, des chacals, des hyènes et des charognards. L’ordre territorial de la géopolitique de l’esclavage était donc sous-tendu par la double nécessité de l’existence de nations lionnes régnant sur un territoire de chasse donné, et la coexistence de territoires constitués d’une ribambelle de nations moins fortes et dont l’articulation subtile les unes aux autres instaurait la chaîne de l’esclavage sur le modèle de la chaîne alimentaire.
Chaque nation avait naturellement à cœur de persévérer dans son être. Mais pour que le ballet tragique des entités se perpétue, il fallait que les nations lionnes qui avaient la possibilité d’étendre leur territoire ne le fissent pas aux dépens de l’extinction des entités dont elles dépendaient. L’esclavage et son temps avaient beau être cruels, sa pratique était régie par des codes et une morale : dans ce qui était considéré comme son royaume, une nation lionne ne prélevait pas d’esclaves. D’une manière générale, la récolte des esclaves se faisait après le labeur de la guerre et la guerre elle-même, qu’elle soit surprise ou déclarée, ne manquait pas de justifications, réelles ou imaginaires, occultes ou politiques.
Ce schéma sylvestre instauré par la géopolitique de l’esclavage allait constituer un piège pour les nations lionnes lorsque, le moment venu, les véritables donneurs d’ordre du système sonneront son hallali et passeront au schéma moderne, c’est-à-dire à une forme d’économie sous-tendue par un personnel et une organisation politiques différents : la colonisation. Pris au dépourvu par ce changement inattendu, les rois des nations lionnes prenaient douloureusement conscience qu’il leur manquait un élément vital de puissance : l’unité intégrée de ce qui n’aurait pas dû être une jungle. Car l’idée de la jungle qui a prédominé subtilement jusque-là était aux antipodes de celle d’intégration nationale. Comment saurait-il en être autrement lorsque le nerf et le but des guerres fratricides à répétition étaient l’esclave ? Au moment où les Européens mettaient en pratique leur volonté de coloniser qui se traduisait sournoisement par des traités, des alliances, des menaces, des conflits et des guerres, la psychologie nationale héritée des structures instaurées par la loi de la jungle ne permettait plus aux nations lionnes de faire la paix des braves. Et pourtant une telle paix aurait été guidée par le bon sens du moindre danger. Les Européens auraient eu alors du mal à jouer sur le velours de la division. Au contraire, minées par des siècles d’exaction, de saignées et d’inimitiés tenaces, la plupart des entités mineures et maintes nations fortes naguère rivales préféraient la douceur lénifiante des traités à l’improvisation d’une entente politique nationale de fortune.
Dans la nouvelle donne, compte tenu de la psychologie politique induite par leur rôle et leur histoire, il allait de soi que les nations chacals n’allaient pas trouver exorbitant le coût de sortie de la jungle. Au contraire, et eu égard aux promesses fallacieuses des traités qu’ils s’empressaient de signer avec les puissances occidentales, les nations de moindre importance espéraient que ceux-ci à quelques aménagements près, assureraient leur sécurité à défaut de leur conférer le nouveau rôle de lions qu’ils convoitaient.
En revanche, les nations lionnes et les fils de lions ne pouvaient entendre la chose de cette oreille. Pour les mêmes raisons psychologiques, ils ne pouvaient pas entendre raison sur cette mutation forcée imposée de l’extérieur. Et dans cette affaire, au-delà du fait que lions, ils étaient naturellement fort peu disposés à se voir dicter des ordres de l’extérieur – et c’était là l’un des arguments fort du Roi Béhanzin – ils ne voyaient pas comment un lion pouvait du jour au lendemain accepter de se transformer en antilope. Les dispositions et entendement en jeu ici sont d’ordre philosophique et psychologique. Pendant des siècles en effet, le royaume du Dahomey a bâti sa puissance sur le commerce des esclaves par l’intermédiaire d’un engagement guerrier qui constitua le socle de son identité nationale. Cet engagement et la culture qu’il secréta ont structuré au fil des siècles une éthique, des pratiques, une économie et une vision du monde qui sous-tendaient la mentalité collective. D’un point de vue individuel, l’idée de toute-puissance de l’entité nationale – terre, sang et ancêtres – était tenue pour sacrée et intériorisée par la caste militaire, les dignitaires, Généraux, Princes Rois au premier chef ; au niveau des individus, elle se traduisait par un habitus générateur de dispositions et de conditionnement de l’entendement. Pour le Roi qui en était le premier garant devant le peuple et les Ancêtres, l’entité nationale était inviolable dans son ordre et son espace vital.
Or le projet colonial visait à l’exigence du renoncement au pouvoir et au renversement de l’ordre sacré qui fondait celui-ci. Pour les nations sans pouvoir ou en butte au harassement des plus forts, le renoncement n’était pas perçu comme problématique ; il pouvait même avoir ses avantages. Mais pour les nations fortes, monstrueuse, cette visée était une atteinte de lèse-entendement, une chose impensable et qui ne pouvait se dénouer que dans la tragédie.
Vue sous cet angle, le véritable déterminant de la résistance à l’envahisseur coloniale était psychologique. Il ressortit de la psychologie politique d’une nation forte de sa dignité, de l’idée sacrée de sa gloire et de sa prédominance qui ne saurait faire l’objet d’un marchandage.
Avant et après son accession au trône, pendant et jusqu’à la fin de ses guerres de résistance, Béhanzin assuma cette posture jusqu’au bout.
Certes la pensée historique ne sous-estime plus le rapport causal entre la biographie des grands hommes et leurs actions. Mais dans le cas de la résistance au projet colonial, il s’agit moins d’une psychologie individuelle que collective. Autrement dit, au Dahomey, au-delà de sa personnalité qui donne à sa geste sa force et son style, tout autre roi à la place du Prince Kondo aurait opposé une fin de non recevoir catégorique au projet colonial. D’ailleurs, le roi Guézo avait lui-même montré la voie de l’indépendance et de l’intégrité nationale. Et en dépit de la traîtrise supposée de l’entourage de Béhanzin qui aurait concouru à sa perte, le roi Agboli-Agbo qui en assumait de fait la responsabilité politique et morale en tant que successeur désigné par le vainqueur sur le trône des Guédévi n’allait pas rester longtemps dans les bonnes grâces de ses protecteurs ; et son exil prouve si besoin en est l’irréductibilité de la position du Dahomey face aux ambitions coloniales. En tant que royaume ayant bâti sa fortune sur le commerce des esclaves, dans le contexte de la géopolitique de l’esclavage qui lui conféra le rôle du lion, le Dahomey ne pouvait pas accepter de renoncer à sa position ; celle-ci était sacrée et sa représentation faisait partie intégrante de l’entendement, de l’habitus de la culture et de l’éthique de ses dirigeants : le lion ne peut accepter de devenir chacal. Ce n’était là que principe de psychologie. Il s’agit en l’occurrence de la représentation collective de soi en tant qu’entité nationale dominante dans un espace de rivalités politiques et territoriales fonctionnellement stabilisé et historiquement structuré.
Or le sens de la tragédie du Roi Béhanzin et au-delà de sa personne du royaume du Dahomey tout entier se trouve dans cette structure historique de l’espace géopolitique. L’esclavage plonge d’abord ses racines dans des pratiques sociales autochtones. Au niveau africain, il était pratiqué par les Arabes depuis la nuit des temps de façon caravanière et artisanale, à travers des razzias ou des trocs organisés. Puis les Européens entrèrent en scène au début du 15ème siècle et , suite à la « découverte » de l’Amérique, donnèrent au commerce des Noirs son caractère triangulaire et industriel. Pendant quatre siècles et plus l’Afrique allait être soulagée de ses hommes et femmes les plus valides, jeunes et en bonne santé dans une saignée bestiale, violente, implacable, réglementée et codifiée. Au fil des siècles, pendant que durait l’hémorragie dans le temps, aidés par des techniques qui faisaient leur supériorité : navigation, cartographie, communication, psychologie, géographie, armement, etc. les Européens allaient mettre au point un espace géopolitique de l’esclavage, une sorte de vaste zoo politique à l’échelle mondiale dont ils déterminaient la vie, l’économie et l’écologie de l’extérieur. De cet espace de convoitise exotique qui annonce une anthropologie des rapports politiques implacable, les Européens élaborèrent patiemment une représentation affinée au fil des siècles ; celle-ci, en interagissant avec son objet, allait se révéler un redoutable outil de vision, de prospective et de stratégie au service de leurs fantasmes d’expansion démographique et économique.
Dans le même temps, desservis par leur retard technologique et la faiblesse de leurs systèmes symboliques, les royaumes d’Afrique, surtout ceux à qui l’espace géopolitique de l’esclavage avait conféré le beau rôle de lion, se sont peu à peu laissés enfermer dans le piège d’une représentation immédiate et partielle de la réalité. Cette différence hiérarchique des représentations était à l’image de la dissymétrie des rapports entre les deux parties. Au fil des siècles, il apparaissait de plus en plus évident que sur la scène du cirque violent de la domination, les dompteurs étaient d’un côté et les bêtes de l’autre. Lorsqu’au début du 19ème siècle la pression des ambitions coloniales de l’Europe allait se faire précise et intraitable, il était déjà trop tard pour corriger cette dissymétrie des représentations. Du reste, c’était moins la dissymétrie elle-même que le retard mis à en prendre une claire conscience et la corriger qui sera fatal pour les lions de l’espace géopolitique de l’esclavage.
En embarquant avec sa suite pour l’exil, le Roi Béhanzin croyait qu’il allait à la rencontre du « Roi de France » or la France n’avait plus de roi, et à mille lieues du Palais de Versailles, sa destination réelle sera la Martinique. Ce malentendu frauduleux résume à lui seul la différence hiérarchique des représentations. Là réside toute la tragédie du Roi Béhanzin…
En guise de conclusion.
Une condition sine qua non pour assurer son indépendance en tant que nation est d’éviter la différence hiérarchique des représentations dans les relations, qu’elles soient économiques, commerciales, politiques, ou diplomatiques. Cela suppose d’en prendre conscience et de mettre en œuvre et en valeur tout ce qui concourt au développement des connaissances, d’une vision de soi et du monde, et d’une prévision de soi dans le monde. Deux exemples illustrent cette exigence. L’une actuelle, l’autre potentiellement lourde de fâcheuses incertitudes : la situation politique actuelle en Côte d’Ivoire, et la culture de mendicité qui gouverne les pratiques politiques et imprègne la mentalité en Afrique. En Côte d’Ivoire, comme partout ailleurs en Afrique, les citoyens du pays pensent que leur pays leur appartient selon une vision autochtone de l’appartenance sanctionnée par l’acte de l’indépendance. Mais pour l’ancien colonisateur dont les systèmes symboliques y sont toujours en vigueur en même temps que ses intérêts économiques vitaux il en va tout autrement : la Côte d’Ivoire est le pré carré, œuvre et volonté de la France et doit le rester, en vertu de la capacité de la France à s’imposer politiquement aux Africains, dans la mesure où ses structures symboliques, sa supériorité technique et économique sont garantes d’une différence hiérarchique des représentations qui joue mécaniquement en sa faveur. Dans le même ordre d’idées, une partie de la population qui a intériorisé l’idée implicite d’une identité exclusive d’Ivoiriens qui a prévalu longtemps avec la bénédiction néo-coloniale des partis-prenants est aussi victime de cette différence de la hiérarchie des représentations sachant que ce sentiment d’identité exclusive qu’elle nourrit avec passion relève d’un consensus frauduleux. A ces deux niveaux une prise de conscience des positions intériorisées des uns et des autres est nécessaire pour réduire la dissymétrie des représentations qui fait obstacle au dialogue.
Le deuxième point, la mendicité d’Etat, ressemble à s’y méprendre à l’esclavage, compte tenu du fait que la figure synthétique de rapports ou de contraintes sous le signe de laquelle sa logique est placée reste totalement insoupçonnée aujourd’hui, et, à l’instar de l’esclavage, échappe à un questionnement sérieux. De nos jours, le nec plus ultra de la conformité politique et diplomatique des gouvernements africains est l’aide étrangère. Elle est une des viatiques de la longue marche chaotique vers l’équilibre des budgets nationaux. Sékou Touré, qui n’était pas que le sombre dictateur sanguinaire que l’orthodoxie néo-coloniale en a fait dans nos mémoires disait que l’aide devait nous aider à nous passer de l’aide. Ce n’était qu’une version laïcisée du proverbe chinois qui dit : «Il vaut mieux apprendre à pêcher à un homme que de lui donner du poisson. » Or, depuis que l’aide internationale s’est naturalisée dans les colonnes de nos budgets nationaux, non pas comme variable d’ajustement mais comme un véritable pilier de leur équilibre, loin de nous apprendre à nous passer d’elle, elle a surtout contribué à nous conditionner doublement : d’une part, par rapport à l’attente permanente dans laquelle nous sommes, à tout propos – catastrophes naturelles, guerres, famine, politique de santé, politique alimentaire, dépenses spéciales, financement d’élections, promotion de la démocratie, et la liste est infinie – d’espérer son attribution par tel ou tel pays donateur, par telle ou telle organisation à but non lucratif, ou plus ou moins non gouvernementale, telle ou telle instance internationale, bref toute cette noria obscure de donateurs zélés que par euphémisme nous appelons « partenaires au développement » ; d’autre part, ce n’est un secret pour personne que l’aide est toujours assortie d’une kyrielle de conditions dont celles qui sont énoncées clairement soit disant pour la bonne cause ne sont que la partie émergée d’une iceberg d’intérêts vitaux, d’autant plus vitaux qu’ils sont cachés à mille lieues nautiques des côtes de l’altruisme le plus débridé.
Et la question qui se pose est de savoir ce qu’il adviendra de nos pays, de nos peuples sous le rapport de la liberté, eu égard à cette dépendance vis à vis de l’aide internationale dans laquelle nos gouvernements se vautrent avec une déconcertante alacrité. Quelle figure de contrainte, d’ordre nouveau nous réserve cette habitude ? Nul ne le sait. Et le refus de soumettre la culture de la mendicité à un questionnement sérieux fait le lit de la différence hiérarchique des représentations. Or celle-ci ne pardonne pas : le moment venu selon le signe qu’en toute conscience ( ou inconscience) nous lui aurons conféré, elle fera de nous des sujets ou des objets dans l’histoire. Alors sans doute les yeux de nos élites consentiront-ils à voir le nez au milieu de la figure du temps. Et s’ils sont de la graine des héros, ils monteront au créneau pour défendre notre race dans le sang et le sacrifice. Mais qui d’autre mieux que le roi Béhanzin peut incarner cette bravoure posthume d’un combat perdu d’avance ?
Là réside toute la tragédie de l’Afrique…
Par Binason Avèkes
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2006
Rédigé à 21:24 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (2)
Ou le changement selon Tanizaki (谷崎 潤一郎) .
Maintenant chez nous au Bénin le thème du changement est à l’honneur. Le régime actuel le revendique, et pour cause : le pacte inaugural qui le lie au peuple, et qui s’est traduit en un raz-de-marée électoral, est basé sur la promesse du changement. Les Béninois veulent le changement et dans leur écrasante majorité ont élu l’homme du changement. Mais, paradoxe apparent, ce même changement est aussi revendiqué par le vaincu. Même s’il est vrai que d’une part, en terme de disposition éthique et pratique à réaliser ce vœu politique, le peuple a su sans hésiter séparer le bon grain de l’ivraie, et d’autre part il est bien connu que le succès attire après coup des revendications. Beat them or join them, dit la sagesse...
Mais dans l’esprit du peuple, et dans la manière dont le Gouvernement sur sa lancée électorale entend donner du sens, du contenu à ce qui n’était qu’un son, un slogan, il faut dire que le mot ne recouvre pas tout à fait la chose. Non seulement parce que définissant la chose le mot reste au-delà de celle-ci, mais aussi parce que, aussi spectaculaire qu’ait été l’alternance démocratique qui porte le changement, et peut-être en raison de ce caractère, nul n’a cru devoir en donner une définition précise. Par rapport à ce que voulait le peuple, il n’y avait pas photo. Dans l’esprit du gouvernement actuel, dans sa volonté, il s’agit de changer les pratiques de gestion et du rapport à la gestion de la chose publique, de concevoir un cadre efficace de production de la richesse et de jeter les bases éthiques de sa redistribution, avec une répercussion immédiate sur les conditions de vie des plus nécessiteux. Tout le monde connaît le climat délétère de concussion, de prévarication et de corruption qui était l’âme politique du régime précédent. Dans la misère chronique de masse qui ne cessait de s’étendre, la kleptomanie insolente et l’enrichissement illicite d’une minorité aux dépens de la collectivité étaient un motif de profonde frustration et de révolte. Dans ces conditions, apporter le changement c’est mettre fin à ce climat et lui substituer une politique de bonne gestion et de respect du bien public. Mais la croyance populaire d’un lien mécanique entre prospérité et éradication de la corruption est une idée simple, un malentendu entretenu dans l’esprit du Peuple. Le changement se donnant comme chose sous les dehors actifs d’un Président soucieux de tenir sa promesse et d’un gouvernement entreprenant, et quelque espoir qu’on puisse en attendre, rien n’oblige à abdiquer le droit intellectuel de s’interroger sur le mot lui-même. Au-delà de l’évidence de son illustration, le changement est un thème passionnant de réflexion. Il intéresse maints domaines de la pensée : social, politique, économique, physique, littéraire et philosophique pour ne citer que ceux-là. Dans le domaine de la littérature, on le sait, les œuvres donnent lieu souvent à des interprétations contrastées. Ainsi en est-il de l’œuvre célèbre, Eloge de l’Ombre, du non moins célèbre écrivain japonais, Junichirô Tanizaki. Cette œuvre, qu’il faut avoir lue absolument, est un petit essai d’une cinquantaine de pages, écrite au fil de l’eau à la manière japonaise, c’est-à-dire empirique et tissée d’anecdotes et d’exemples sans aucune prétention de généralité. Pour les Occidentaux, Eloge de l’Ombre, ou In Praise of Shadows[1] pour les Américains, est un traité d’esthétique qui peut fasciner ou choquer par ce qu’elle énonce et illustre un paradigme opposé au fondement de l’art en Occident. Evidemment, on ne passe pas en pertes et profits ni le contexte ni l’intention politique sous-jacente de l’auteur, et le dispositif sémantique là-dessus est assez clair pour ne pas les passer sous silence. La thématique du face à face de deux civilisations, la question de l’entrée dans la modernité et ses déchirements ontologiques et identitaires sont bien sûr reconnues dans cette œuvre. Mais à aucun moment l’interrogation légitime sur les mutations, le mode d’emploi pour un changement sain que proposait Junichirô Tanizaki dans Eloge de l’Ombre, en somme l’art de changer tout en restant soi-même qui fait la force actuelle du Japon n’a été reconnu à sa juste valeur. Rien d’étonnant à cela, le propre des œuvres n’est-ce pas de leur faire dire ce qui en elles nous tient à cœur et nous touche directement ? Si les Occidentaux ont compris le propos de l’écrivain japonais comme essentiellement esthétique et accessoirement politique, moi-même qui vous parle en tant que Béninois, je n’étais pas en reste. Je n’en veux pour preuve que le seul extrait qui me vienne à l’esprit après ma première lecture de la traduction anglaise, In Praise of Shadows, que m’avait offerte une amie américaine qui, quoique blanche, était très à cheval sur la question noire.
Il faut dire que, fraîchement débarqué en Europe, et recevant en pleine figure le rejet du Noir sous ses formes multiples, -- rejet contre les effets duquel le temps nous immunise au point de les faire disparaître à nos yeux !-- à la recherche d’un réconfort à travers une voix neutre, ces propos n’ont pas laissé indifférent le jeune homme de 25 ans, passionné de littérature et épris de justice que j’étais. Il y a 20 ans, dans le feu et la suite de ma première lecture d’Eloge de l’Ombre, sans être aveugle à l’esthétique mais prenant l’exact contre-pied de la critique occidentale qui n’y voyait que le livre de chevet des artistes et architectes, moi j’y voyais la politique et surtout l’Eloge du Noir… A l’instar de nombre de congénères de bonne foi, je croyais en cette idée simple de l’existence d’une unité de destin des peuples non-européens, sous le rapport de la colonisation ou de l’influence politique. C’est bien plus tard que l’idée d’une lecture d’Eloge de l’Ombre comme une réflexion philosophique sur le changement fera son chemin dans mon esprit. Mais alors me dira-t-on à juste raison qui donc est cet écrivain japonais que je tente de faire accommoder à la sauce béninoise du changement ? Jun'ichirō Tanizaki (谷崎 潤一郎, 24 juillet 1886, Tōkyō, Japon - 30 juillet 1965, Tōkyō, Japon) est un écrivain japonais, auteur de très nombreux romans. Son premier roman le Tatouage le lance dans une intense activité littéraire. ses principales oeuvres sont: La clef, (adapté cinq fois au cinéma), Les Sœurs Makioka, Le Goût des Orties et Eloge de l'Ombre. Il a vécu sous le règne de trois empereurs différents en s'impliquant peu dans la vie politique de son pays. Son grand roman Les Sœurs Makioka sera censuré par les autorités gouvernementales, parce que la guerre y est passée sous silence. Le roman recevra le Prix Impérial en 1949. Son activité d'écrivain l'a amené à élaborer une œuvre très personnelle tout en restant attaché à la grande tradition littéraire japonaise. Sa vie personnelle a été à tout le moins aussi scandaleuse que certains de ses romans, notamment avec "L'incident d'Odawara": marié très jeune à une jeune geisha provinciale, et voulant divorcer, il convainc son meilleur ami, l'écrivain Haruo Sato, de se marier avec elle. Divorce et mariage seront mentionnés sur une même annonce et publiés dans les journaux dans la localité d'Odawara. Pressenti pour le Prix Nobel, il meurt six mois avant son attribution en 1965. Le prix littéraire qui porte son nom est l'un des plus prestigieux au Japon.
Dans Eloge de l’ombre, le parti-pris de l’esthétique est affirmé par l’auteur lui-même. Mais à mon sens, et mes lectures suivantes m’en apporteront la certitude, le propos fondamental n’est pas l’esthétique mais la réflexion sur l’assimilation de l’autre, la volonté de préserver l’identité dans un contexte de mutation technologique et culturelle. Il y a chez Tanizaki un romantisme ontologique affirmé, qui dans le contexte du monde de l’époque n’avait rien de scandaleux. Certes, l’exaspération du romantisme ontologique va connaître une fortune politique douteuse et dégénérer dans les surenchères nationalistes dont les conséquences catastrophiques marqueront le 20ème siècle. Mais pour autant, toute collectivité, quelle qu’elle soit et quel que soit le nom qu’on lui donne – société, nation, civilisation – pour s’affirmer doit se saisir en son histoire, son vécu, ses aspirations, ses rites, son espace et son temps, sa volonté d’être. Ce faisant, elle se distingue. En anthropologie, l’hypothèse de l’origine multiple du peuplement humain possède des arguments crédibles, mais l’évolution de l’homme et du monde ne laisse aucun doute quant à l’unité de destination et d’identité du genre humain. Dans la mesure où la technologie détermine les rapports humains, l’image du monde comme village global est de moins en moins une métaphore moderne et de plus en plus une réalité. Du coup, nombre de considérations et de données qui jadis étoffaient la foi charismatique du romantisme ontologique s’estompent sous nos yeux. Pour autant, le nationalisme, la notion d’identité des peuples et des groupes humains gardent toute leur pertinence. Et à certains égards, l’identité est la condition de la volonté et la volonté la condition de l’action. Nous ne pouvons pas faire l’économie de la prise en compte de ce que nous sommes si nous voulons réaliser notre volonté. Il y a donc quelque chose d’insidieux sinon de suborneur dans les discours de dilution de l'identité, notamment au nom d’idéologies prétendument universalistes. Car souvent, l’expérience a montré que les donneurs de leçons en cette matière impalpable et abstraite qu’est l’universalité sont ceux-là mêmes qui en toute conscience impériale tissent la toile de leur propre identité. Les Japonais sont réalistes. Et c’est un regard réaliste que Tanizaki pose sur la question de la mutation technologique et au-delà de l’influence culturelle de l’Occident telle qu’elle se posait au détour de la révolution de Meiji. Conformément à un tropisme historique qui a marqué la vie des Japonais pendant des siècles, c’est presque en terme isolationniste que Tanizaki aborde le problème de l’acculturation. « Et pourtant, dit-il avec conviction, si l’Orient et l’Occident avaient chacun de son côté et indépendamment, élaboré des civilisations scientifiques distinctes, que seraient les formes de notre société et à quel point seraient-elles différentes de ce qu’elles sont ? » A cette question basée sur une hypothèse, l’auteur apporte lui-même une réponse partielle : « Pour les découvertes d’ordre pratique toutefois si nous avions suivi des directions originales, les répercussions en eussent été sans aucun doute considérables sur la façon de nous vêtir, de nous nourrir et de nous loger, ce qui va de soi mais aussi sur les structures politiques, religieuses, artistiques et économiques ; et l’on peut imaginer, l’Orient étant ce qu’il est, que nous eussions trouvé des solutions radicalement autres » Sur sa lancée, Tanizaki n’hésite pas à faire incursion dans le domaine scientifique : « Supposons par exemple que nous ayons développé une physique et une chimie qui nous fussent propres ; les techniques, les industries fondées sur ces sciences auraient évidemment suivi des voies différentes plus conformes à notre génie national » ! « Génie national », voilà le concept clef du romantisme ontologique qui inspire Eloge de l’ombre. En clair, voici ce que dit Tanizaki : nous les Japonais nous sommes en train d’imiter l’Occident ; la sensibilité de notre peuple valorise l’ombre qui est au cœur de notre esthétique et de notre histoire, or nos modèles réprouvent et méprisent l’ombre et tout ce qui y ressemble de loin ou de près ; dans ces conditions, allons-nous les imiter aveuglément sans l’ombre d’aucune réflexion ?
|
La question est d’autant plus cruciale que pour Tanizaki, tout changement social a un caractère systémique parce que l’édifice national forme un tout. L’abandon du bol en laque noir contenant traditionnel de la soupe de miso, pour la porcelaine blanche est la conséquence logique de l’adoption de l’éclairage électrique. Des aspects différents du changement sont liés. Et c’est sur cette subtile articulation que l’auteur d'Eloge de l’ombre veut attirer l’attention de ses concitoyens et, au-delà, celle du lecteur. « Eh bien supposons que l’inventeur du stylo ait été un Japonais ou un Chinois d’autrefois, il est bien évident qu’il l’aurait muni, non point d’une plume métallique, mais d’un pinceau. Et ce serait non pas une encre bleue, mais quelque liquide analogue à l’encre de Chine qu’il se serait ingénié à faire descendre du réservoir jusqu’aux poils du pinceau. Par voie de conséquence, les papiers de style occidental ne convenant pas à l’usage du pinceau, il eût fallu pour répondre à la demande accrue, produire en quantité industrielle un papier analogue au papier japonais. Et si le papier, l’encre de Chine et le pinceau s’étaient développés dans cette voie, (…) notre pensée et notre littérature elles-mêmes n’auraient pas imité aussi servilement l’Occident et qui sait ? peut-être nous serions acheminés vers un monde nouveau tout à fait original… Par ces réflexions, j’ai voulu montrer que la forme même d’un outil d’apparence insignifiante pouvait avoir des répercussions presque à l’infini… » Fidèle au réalisme positiviste cher à l’esprit japonais, Tanizaki est conscient de la situation ontologique des Japonais. Cette conscience est le fondement même du regard qu’il jette sur la Révolution Meiji, le face à face vertigineux de deux civilisations irréductibles l’une à l’autre, et la déchirante mutation qu’elle entraîne. Pour Tanizaki, l’irréductibilité des identités culturelles ne fait aucun doute. Saisie dans le lieu privilégié de son intimité, l’esthétique, cette irréductibilité des identités confine à leur incommensurabilité. A travers maints exemples, Tanizaki semble tracer une ligne de démarcation entre l’Occident et l’Orient : « Ce sont les Chinois encore qui apprécient cette pierre qu’on appelle le jade : ne fallait-il pas, en effet, être Extrême-Orientaux comme nous-mêmes pour trouver un attrait à ces blocs de pierre, étrangement troubles, qui emprisonnent dans les tréfonds de leur masse des lueurs fuyantes et paresseuses, comme si en eux s’était coagulé un air plusieurs fois centenaire ? » « Non point que nous ayons une prévention a priori contre tout ce qui brille, mais, à un éclat superficiel et glacé, nous avons toujours préféré les reflets profonds, un peu voilés ; soit, dans les pierres naturelles aussi bien que dans les matières artificielles, ce brillant légèrement altéré qui évoque irrésistiblement les effets du temps » « Contrairement aux Occidentaux qui s’efforcent d’éliminer radicalement ce qui ressemble à une souillure, les Extrême-Orientaux la conservent précieusement, et telle quelle, pour en faire un ingrédient du beau » Et comme pour emporter la conviction, en véritable magicien de l’ombre Tanizaki passe des faits aux effets : « Un coffret, un plateau de table basse, une étagère de laque brillante à dessein de poudre d’or, peuvent paraître tapageurs, criards, voire vulgaires ; mais faites une expérience : plongez l’espace qui les entoure dans une noire obscurité, puis substituez à la lumière solaire ou électrique, la lumière d’une unique lampe à huile ou d’une chandelle, et vous verrez aussitôt ces objets tapageurs prendre de la profondeur, de la sobriété et de la densité » « Le bol de laque au contraire, lorsque vous le découvrez vous donne, jusqu’à ce que vous le portiez à la bouche, le plaisir de contempler, dans ses profondeurs obscures, un liquide dont la couleur se distingue à peine de celle du contenant et qui stagne, silencieux, dans le fond. Impossible de discerner la nature de ce qui se trouve dans les ténèbres du bol, mais votre main perçoit une lente oscillation fluide, une légère exsudation qui recouvre les bords du bol, vous apprend qu’une vapeur s’en dégage, , et le parfum que véhicule cette vapeur vous offre un subtile avant-goût de la saveur du liquide, avant que vous en remplissiez votre bouche » Au-delà de la magie saisissante des ombres, au-delà du romantisme ontologique d'Eloge de l’ombre, et sa résonance essentialiste, Tanizaki avance l’idée pertinente selon laquelle l’assimilation des technologies « d’emprunt », en elle-même, n’est pas seulement un acte inconscient d’acculturation mais impose une logique intégrale de conformité exogène, dans leur adoption et usage. Assimilation sans conscience n’est que ruine de l’âme semble nous dire Tanizaki. Et si la modernisation du Japon se présente aujourd’hui sous l’aspect d’un équilibre original entre préservation de l’identité et ouverture au monde, entre tradition et modernité c’est sans doute que le propos de Tanizaki n’a pas été vain. Alors donc, après une leçon aussi subtile sur l’art de rester soi-même en toute circonstance, la question qui vient à l’esprit du Béninois épris de changement est celle-ci : que retenir de l’Eloge de l’ombre pour notre bonne gouverne ? D’abord il faut faire remarquer que si le changement de la Révolution Meiji était confronté à un simple défi, celui de la modernisation, notre changement à nous autres, Africains, Béninois semble confronté à un défi double et complexe : construire le socle de notre identité, et prendre en main notre destin sur le chemin de la prospérité. Ces deux défis doivent être relevés de front. Ce qui suppose qu’au-delà de l’urgence du relèvement économique de notre pays, il faut penser et préparer la dimension éthique du changement. Plus qu’un slogan électoral, plus qu’un leitmotiv de l’action gouvernementale, le changement doit être une pensée structurante de la vie politique, sociale et institutionnelle du pays. Le changement est quelque chose de subtil ; soit il est violent et il s’achève plus ou moins vite par retournement à l’ordre ancien ; soit il est déterminé mais en douceur, gradué, organisé, pensé dans le temps et l’espace, hiérarchisé dans ses priorités et alors il porte ses fruits. La conception systémique du changement selon Tanizaki s’applique aussi à notre changement. En effet il faut savoir ce que l’on veut changer et ce qu’il en coûte de le changer. Par exemple, pendant la Révolution marxiste-léniniste, au nom d’une conception matérialiste de l’homme on avait décidé de supprimer des pratiques religieuses autochtones. Or celles-ci étaient partie intégrante du socle de notre identité. Cette violence symbolique exercée sur la société n’a pas été sans conséquence sur la régression morale et économique du pays. Tout récemment, au nom d’un dogme économique à courte vue, à coup de rodomontades, on a voulu décréter la suppression du jour au lendemain des produits pétroliers de contrebande. L’oukase a tourné à la pantalonnade politique. Dans l’un ou l’autre des cas, on a sous-estimé le caractère systémique du changement. Donc à mon avis, tout changement viable doit être compris de manière systémique sur la base d’une perception holiste des structures sociales. Tanizaki attire notre attention sur ce fait. De même, le changement, à terme, pour ne pas être un coup d’épée dans l’eau, ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion approfondie sur le sens, le but et la hiérarchie de ses actions. Au-delà des slogans, au-delà d’une politique de l’urgence, il faut prendre en compte le rapport entre les pratiques et les valeurs pour mieux opérer un changement. C’est sans doute là la lueur la plus étincelante qui nous vient de l’ombre magique de l'oeuvre de Tanizaki. Par Abe Basho
© Copyright Blaise Aplogan,2006 |
[2] Eloge de l'ombre, Tanizaki, trad. René. Sieffert, Pof, Paris, 1993.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2010,© Bienvenu sur Babilown
Toute republication de cet article doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’infraction
Rédigé à 21:27 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (1)
Il faut distinguer la culture subie, de la culture choisie ; la culture tsunami qui vous écrase de tout son poids, vous noie et vous ensevelit de la culture éolienne qui est une énergie que vous domptez-vous-même.
Il faut éviter d'obscurcir la thématique de la culture y compris par des amphibologies passablement historisantes.
La croisade économique du coton que mène le nouveau gouvernement avec au premier rang le chef de l'Etat lui-même a été comparée par certains journalistes à la décision historique du roi Guézo de développer la culture du palmier à huile. On peut toujours continuer cette comparaison intellectuellement par régression, jusqu'à pénétrer dans le plus obscur de notre histoire. Mais de grâce, il ne faut point abuser des régressions à l'infini, et des explications à forte valorisation idéologique.
Nous sommes mûrs et voulons en toute conscience assumer notre maturité, cela suppose aussi de regarder en notre culture et d'y choisir ce qui y est bon pour nous, et pour notre développement. Comme je l'ai sous-entendu, il faut commencer par définir ce que nous entendons par culture, avant d’en critiquer l'orientation. Il ne s'agit nullement de faire l'apologie des sacrifices humains ...
La dynamique de la culture
Dans mon esprit, le dynamisme de la culture se voulait plus concret. Par exemple on voit que le nouveau chef de l'Etat, en raison de sa formation d'économiste initie une démarche de relance de l'agriculture et met en place les méthodes et les outils à cet effet ; il a compris que c'est indispensable au développement. Ce que je souhaite c'est de se mettre dans le même état d'esprit par rapport à la culture. On a souvent mis l'accent dans les discours préélectoraux sur la valeur des hommes ; mais Ô Dieu tout cela est terriblement théorique, terriblement abstrait, terriblement rhétorique ! La seule formation des hommes en tant qu'ils sont instituteurs, professeurs, médecins, ouvriers, techniciens, cadres, ne suffit pas au développement, il faut que tout cela soit empreint d'un esprit de culture. Par exemple, un médecin ce n'est pas seulement quelqu'un qui soigne, ou quelqu'un qui est assuré d'avoir un métier valorisé avec la garantie d'un bon revenu et d'un certain prestige social : c'est un peu plus que cela. Il faut donc se payer le luxe d'aller au-delà de l'approche téléologique et fonctionnelle de la définition des hommes en tant qu'acteurs du développement.
Et puis, il ne s'agit pas d'éveiller les vieux démons de la manipulation politique à l'africaine, cette façon que nous avons de nous ébaudir tout seuls par une utilisation frauduleuse du thème de nos cultures nationales ou de je ne sais quelle culture noire par opposions aux autres. La thématique de la culture invoquée ici n'a rien à voir avec les idées bateau d'authenticité ou des choses de ce genre. Il ne s'agit pas d'être authentique dans la monstruosité ou les institutions absconses héritées du passé et qui n'ont aucune prise sur le présent.
L'Asie et l'exemple japonais
Si vous regardez les grandes civilisations du monde, elles ont une face nocturne et une face diurne. Pour autant, il n'est jamais arrivé aux hérauts de ces entités de faire des raisonnements qui tendent à confondre la culture de leur groupe avec des aspects relevant de la face nocturne de ces cultures.
Au Japon, puisque la comparaison a été faite sur ce type de pays, si vous prenez l'institution du geisha ; cette institution est considérée dans ce pays comme ayant une valeur culturelle indéniable, "authentique". Pour autant, si vous allez à l'origine du geisha, vous y trouverez des histoires de malheur, de violence, de cruauté inénarrable : une fille de 6 ans donnée à une matrone, travail domestique dur, dépucelage à 13 ans par une vieillard de 60 ans...etc. …
D'un point de vue occidental, cette institution de par son ambiguïté est à mi-chemin entre la prostitution, l'art, l'esthétique, la poésie, etc. ... Or il n'est jamais arrivé à un Japonais sérieux de considérer uniquement la face nocturne de cette institution au détriment de sa face diurne.
Par ailleurs, notre culture de vidomègon n’est rien à côté des pratiques similaires au Japon du siècle passé, pour autant ces pratiques sont dépassées de nos jours.
On sait qu’un élément de la force des Asiatiques, et notamment des Japonais, réside dans leur clôture symbolique : répression du christianisme, écriture spécifique, religion ancestrale ou adaptée à la mentalité, etc. ... et aussi politique : autarcie, fermeture du pays, jusqu'à l'orée du 19ème siècle.
Mais supposons par pure hypothèse que conformément à leur ethos porté sur l'exploitation industrielle à haute dose des pratiques humaines ( qui a fait par exemple que l'esclavage interne à l'Afrique, et transsaharienne avec eux ont pris une terrible tournure industrielle) les Occidentaux, après une domination politique se fussent un tant soit peu immiscés dans le système des geishas. Pour eux ça n'aura jamais été qu'un système idéal que l'ordre Providentiel des choses a inventé pour leur bon plaisir. On entrevoit des caravanes de geishas embarquées vers l'Occident pour les prostituer dans le cadre d'un tourisme sexuel en vogue sous la bannière romantique de l'érotisme oriental cher à certains écrivains de l'époque.
Si une telle catastrophe se produisait, en viendrait-on à jeter la pierre à l'institution du geisha pour autant ?
Donc il faut se méfier des raisonnements qui ont tendance à imputer des causalités dans l'histoire sans faire de nuance ni prendre les gants. De plus quand on veut être sérieux une seconde, on peut se rendre compte que les gens qui faisaient de l'esclavage ici ou ailleurs ne raisonnaient pas. Ils étaient obnubilés par l'appât du gain, un point c'est tout. C’est après que par dénégation, d’autres qui ont honte d’assumer leur forfait raisonnent à leur place. Utiliser la culture pour raisonner à posteriori dans une logique de dénégation n'est que de la rhétorique, c'est la preuve de ce que l'on peut faire de pire avec de l'idéologie.
Nécéssaire clarification
Donc il faut clarifier le débat et non pas l'obscurcir.
Dans mon esprit, l'idée de dynamisme culturel est à deux niveaux. Pour aller vite, il consiste à défier la sagesse qui veut que "ventre affamé n'ait point d'oreille" ; et mener de front le combat culturel et le combat économique, car l'un est un ferment et un levier de l'autre et réciproquement.
En terme positif, après avoir défini enfin une orientation intelligente à notre système éducatif, investir massivement dans l'éducation, revaloriser l'enseignement à tous les niveaux. Développer l'idée de gratuité, c'est à dire de l'amour de la connaissance, mais pas seulement une connaissance finaliste ; car jusqu'ici les Béninois sont champions dans la connaissance finaliste;
En terme symbolique, dans le domaine des langues nationales, choisir trois ou quatre langues régionales pour une politique d'alphabétisation intelligente et rapide qui permette aux gens de communiquer dans leur langue, d’enfin se parler vraiment, et de libérer les zones les plus fertiles de leur cerveau en sommeil. Revoir le but et le rapport des langues autochtones avec les langues d'emprunt, et réorganiser les hiérarchies. Développer les formes d'expression nouvelles et anciennes : la danse, le théâtre, la littérature, la poésie; mettre tout ça à l'honneur dans les écoles, les lycées, les universités ; insuffler un esprit nouveau dans les recherches des universités, qui tienne compte de nos réalités. Développer l'édition, la presse, la culture dans les médias ; donner la parole aux historiens, aux sociologues, aux philosophes, aux penseurs, écrivains, et artistes : les laisser apparaître à la surface de la réalité sociale, des médias, et parler aux jeunes, aux citoyens ; donner vie et envie aux gens de lire, de découvrir non pas seulement pour les diplômes mais pour l'amour de la découverte et le plaisir ; susciter une ambiance de curiosité permanente, etc. ...
Mais quand je dis tout ça, je suis loin de l’idée de catalogue qu’affectionnent les programmes ou discours politiques, je dis de comprendre que c’est en prenant vraiment et pour une fois au sérieux cette dimension que nous pouvons soulever l’obstacle du développement.
Par ailleurs, tout ce que je viens de dire est terriblement spontané, et au mieux ne peut donner qu’une vague idée de direction, ou de cadre à remplir à tête reposée.
Et par tous.
Enfin voici une histoire tout à fait culturelle :
Dans le cadre de fouilles dans le sous-sol russe jusqu'à 1000m de profondeur, les scientifiques russes ont trouvé des vestiges de fil de cuivre qui dataient d'environ 1000 ans. Les Russes en ont conclu que leurs ancêtres disposaient depuis près de 1000 ans d'un réseau de fil de cuivre.
J’espère que les Béninois poursuivront à leur tour les fouilles et nous donneront bientôt leurs résultats, D’ici là, je vous souhaite une bonne journée. Cordialement
Les Américains, pour faire bonne mesure, ont également procédé à des fouilles dans leur sous-sol jusqu’à une profondeur de 2000m. Ils y ont
trouvé des restes de fibre de verre. Il s'est avéré qu'ils avaient environ 2000 ans. Les Américains en ont conclu que leurs ancêtres disposaient voilà 2000 ans d'un réseau de fibre de verre numérique. Et cela, 1000 ans avant les Russes!
Une semaine plus tard, en Belgique on a publié le communiqué suivant : "Suite à des fouilles dans le sous-sol belge jusqu'à une profondeur de 5000m, les scientifiques belges n'ont rien trouvé du tout. Ils en concluent que les Anciens Belges disposaient voilà déjà 5000 ans d'un réseau Wifi !
Rédigé à 23:44 dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)
Jours se sont écoulés depuis le holdup odieux perpétré par la bande des pilleurs diri gée par Yayi, valet-zombie de la Françafrique en terre du Bénin |
France Tv-Radio
► Europe 1
► Radio France
► France Info
► RFI
► Arte
► BFM-TV
► BFM-Radio
► CNN
► Euronews
► France 2
► France 3
► France 24
► RFO
► Plein d'autres...
► Zapping du PAF
Blog de Aplogan Blaise Intransigeant Libre Original Woofer National |
Pourquoi ceci ? Pourquoi cela ? Tout ce que vous avez envie de savoir sur et autour du Bénin ... Osez le demander à ÉTÈWUTU.com
Les inquiétudes formulées dans votre article quant à l’avènement d’un hypothétique futur Ministère des religions quoique pertinentes me semblent ne voir qu'une seule face de la question. Le point de vue a le mérite de prévenir le glissement, la pente perverse que pourrait suivre cet hypothétique futur ministère des "religions" des "confessions religieuses" ou du "culte" - attendons de voir sa dénomination si cela advient et surtout ses attributions, son cahier des charges-. Je ne vais pas revenir sur les risques potentiels d'une telle institution que vous avez si bien plus que relevés.