1. Yayi Boni, au Nom du Pouvoir FCBE
Curieusement, en dépit de la levée de bouclier de l’opposition, le discours du Président de la république est clair, bien balancé. Le Président fait l’historique de la LEPI et des étapes déjà parcourues ; il explique l’objectif poursuivi et l’associe intimement à la consolidation de la démocratie. Le formalisme technique, l’affirmation éthique de la valeur démocratique, la référence à l’image du Bénin comme pays pionnier de la démocratie en Afrique, tout cela contraste étrangement avec les impulsions autoritaires et la tendance du chef de l’Etat à violer au quotidien les règles de la démocratie.
Le Soupçon est ravivé par un souci qui traverse le discours du Chef de l’Etat, à savoir la crainte de la fraude. Oui, curieusement le pouvoir et surtout Yayi Boni craint la fraude. Et il assigne en premier lieu à la LEPI le rôle de l’empêcher. Et on en vient à se demander si l’insistance envers et contre tout à faire la LEPI, n’est pas tout entière dans cette crainte. C’est-à-dire que le pouvoir voit dans la LEPI un moyen idéal de fermer les vannes anarchiques et multiples de la fraude pour les amener rationnellement à l’unité d’une source unique dont il aurait techniquement, insidieusement et exclusivement la clef. C’est là sans doute que se trouve le point de friction entre l’opposition et le pouvoir. Le pouvoir veut une LEPI qui colmate les brèches multiples et anarchiques dont profite l’opposition. Et c’est sans doute cela qu’exprime le superviseur général de la CPS, lorsqu’il promet de façon offensive de « serrer la corde au cou » des opposants.
Mais en dépit de cette conception instrumentale de la LEPI, on ne peut pas dire que le gouvernement n’ait pas fait un progrès sur le chemin de la rationalité. Car a priori une LEPI qui réduirait les sources multiples et anarchiques de la fraude est déjà un progrès en soi ; à condition bien sûr que le gouvernement abandonne ses propres arrières-pensées et ses intentions frauduleuses, et applique à lui-même ce qu’il entend si férocement appliquer à l’opposition. Malheureusement rien n’est moins sûr, car le deux poids deux mesures est une seconde nature chez Yayi Boni et sa morale n’y rechigne guère, bien au contraire. Il ne se sent si bien que dans ce genre de violence impaire. En effet, la crainte d’être grugé est forte chez lui, et le fait de s’en laisser conter en matière de fraude par des partis qui ne sont pas au pouvoir lui donne de l’ulcère. Yayi Boni a observé et sans doute bien étudié le mécanisme de la fraude des opposants. Il a vu comment Kérékou quoique n’étant pas au pouvoir a pu gagner les élections en 1996 ; et cela lui a fait comprendre la force de frappe de la fraude venant de l’opposition au pouvoir. Et même lors des élections de 2006 qu’il gagna, il est bien placé pour savoir qu’elles ne furent pas exemples de fraude. C’est dans le but d’anéantir toutes ces sources de fraude que Yayi Boni assigne à la confection de la LEPI le but qu’il défend. Et comme par certains côtés, ce but est louable, le Président n’a pas manqué de trouver les mots les plus apparemment justes pour exprimer sa volonté. Sauf que celle-ci est éminemment double et son côté diurne exposé à la face du monde dans son discours, qui s’adresse aussi aux partenaires au développement cache malheureusement le côté nocturne, chargé de violence sur lequel l’opposition essaie de faire toute la lumière.
2. Me Adrien Houngbédji, au Nom de l’UN
Au nom de l’UN, Me. Adrien Houngbédji annonce la couleur dans un discours à la fois clair, percutant et pertinent. Les inquiétudes et la méthode idoine qu’il préconise paraissent fondées, et tombent sous le sens. L’auteur de “Il n’y a de Richesse que d’Hommes” analyse dans son discours l’intervention de l’homme dans le processus de constitution de la LEPI et en conclue à son rôle déterminant. L’opposition face à la menace des intentions machiavéliques du pouvoir a fait le deuil de ce qu’elle perd dans une LEPI qui tarirait les sources de sa propre fraude éventuelle dans un contexte concurrentiel de fraude entre elle et le pouvoir. Mais c’est pour tout aussitôt exiger un prix conséquent à son sacrifice. Elle n’entend pas abandonner la proie pour l’ombre. Elle veut une LEPI objective qui se ne rationalise pas pour permettre au pouvoir d’avoir la haute main sur la fraude. Face à une telle menace, selon l’opposition, mieux vaudrait encore qu’il n’y eût pas de LEPI. Pour elle c’est une vraie LEPI ou rien. Et chacun irait de ses moyens traditionnels comme cela a toujours été le cas. C’était là l’un des enjeux de la guérilla interminable des élections communales et tous les coups de western fourrés entre le pouvoir et l’opposition; car la fraude est une chose locale, et commence par une maîtrise du territoire, de Calavi à Dangbo, de Covè à Malanville... Conscient du risque d’appropriation de la LEPI par le pouvoir, l’opposition par la voix de Me Adrien Houngbédji, met l’accent sur le rôle de l’homme à chaque étape du processus de sa confection ; et donc la nécessité absolue d’une moralisation de la mise en jeu de ce rôle. Pour ce faire, la volonté de l’UN réside dans le respect infrangible du principe de consensus entre l’opposition et le pouvoir. Monsieur Yayi Boni a dans son discours cité l’exemple du Ghana. Me Adrien Houngbédji, reprenant la balle au bond a rappelé que l’exemple du Ghana doit son succès au respect du principe du consensus.
Il va de soi que l’exigence de l’opposition tombe sous le sens. Comment peut-on envisager autrement de construire une LEPI qui recueille l’assentiment des parties prenantes sans opérer par consensus ? Toute sagesse recommande à la fois l’esprit et la lettre du consensus. Et on se demande pourquoi le gouvernement devrait y être acculé au lieu d’être le premier à l’envisager. Me Adrien Houngbédji prend à témoin la raison et la sagesse de son auditoire ainsi qu’il prend à témoin la conscience des partenaires au développement, parties prenantes dans la constitution de la LEPI. Et il les exhorte à la vigilance afin que “les ressources que les contribuables de leurs pays respectifs mettent à la disposition du Bénin [servent], non pas à manipuler notre peuple et à légitimer une LEPI partisane au service de la réélection d’un homme, mais plutôt à assurer l’avènement d’une vraie démocratie et à améliorer le climat de paix qui règne chez nous”
Comme on le voit, la clarté et la pertinence du discours d’Adrien Houngbédji montre bien que le point focal du conflit autour de la LEPI est le fait de faire admettre au pouvoir le principe du consensus pour gérer toutes les étapes où l’homme intervient dans le processus. Et le fait que l’exigence de consensus prônée par l’opposition, aussi logique et sage soit-elle demeure encore un casus belli montre si besoin en est l’enjeu sous-jacent de la LEPI ; c’est-à-dire finalement la tension entre une rationalité partielle et subtile et une rationalité radicale et ouverte. Pour que la LEPI ne se transforme pas en une LISTE pour ELIRE LE POUVOIR INDEFINIMENT, l’opposition a sans doute raison de prendre les devants : Il n’est de bonne LEPI que consensuelle !
Binason Avèkes, et Pascaline Aho
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