Un Pastiche de Sagbohan Danialou
Tout le monde a à l’esprit la mémorable fable chantée par Sagbohan Danialou intitulée Gbêtovivi. Etymologiquement, l’expression veut dire « l’être humain, l’homme est délicieux. » Mais pragmatiquement (pour parler comme les linguistes) ce qu’il fallait comprendre dans ce jeu sémantique est : « l’homme est bon, généreux. » Or c’est sur ce jeu de sens que Sagbohan Danialou a bâti le charme de sa chanson qui, comme nombre de ses créations poétiques, a marqué les esprits en y laissant un cachet inoubliable de narrativité et de sagesse sur fond d’ironie.
Autour du mot blanc, on peut se risquer au même jeu de mot sans prétention à faire de la fable, encore moins à rivaliser avec la poétique géniale de Sagbohan Danialou, authentique créateur béninois ; l’un des rares qui, à ce haut niveau d’excellence a su faire rimer talent avec fierté de rester soi – résistance aux sirènes de la prostitution, qui est le propre de notre société depuis le politique jusqu’à l’artiste en passant par l’akowé, où chacun ne se sent digne que lorsqu’il est mandaté ou reconnu par le Blanc.
Ce qui peut faire dire à cette classe d’usurpateurs – arbre qui cache la forêt du pays réel – que le Blanc est délicieux ! Et pourquoi ? demanderait-on à un représentant naïf de cette classe. Et le naïf de répondre sans vergogne que le Blanc est bon parce qu’il a légué aux siens un héritage délicieux : l’Etat africain postcolonial. Une chose que le Blanc a bâtie à la sueur de son front dans la violence la plus inhumaine contre le Noir, et selon les méthodes et le savoir-faire d’une civilisation qui a fait du rationalisme en toute chose son fer de lance.
Le Blanc est bon parce qu’il a légué cet état – véritable état de choses – à l’homme politique noir sans condition, sans témoin, sans obligation morale ou légale envers le pays réel.
Le Blanc est bon parce qu’en tant qu’auteur de cet état de choses qu’est l’état postcolonial africain, il est bien décidé à en tirer les ficelles ; c’est pour cela qu’il a conclu une entente illicite avec son ludion fait homme politique sur le dos du pays réel.
Le Blanc est bon parce qu’il se révèle un proxénète débonnaire que l’homme politique noir prostitué peut tenir par la barbichette. En effet lorsqu’une tension survient entre les deux contractants, lorsque le Blanc sermonne pour ses excès l’homme politique africain au nom de ses valeurs supposées « Droit de l’homme », « Bonne gouvernance » ; « Libertés individuelles », etc. celui-ci, ayant été à bonne école répond avec le même aplomb hypocrite, que son pays est « indépendant » que le Blanc doit respecter la dignité des peuples Africains. Et pince sans rire, il va jusqu’à rappeler à son marionnettiste confus, le « Droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes !»
Cet échange de bons procédés hypocrites calme les deux parties qui préfèrent chacune s’en tenir à son intérêt propre. Et le Blanc continue de tirer les fils de la marionnette qu’est l’Etat postcolonial africain et qu’il est censé avoir légué au peuple africain ; mais en réalité il s'agit d'un état fantoche, entrepôt géré par un aréopage de chiens couchants astucieusement sélectionnés par le maître Blanc selon les lois de Darwin ; chiens dressés pour servir ses intérêts, perpétuer sa domination symbolique et son exploitation économique sur les peuples d’Afrique dont il peine en son for intérieur à leur concéder une once d'humanité.
Et le Noir dirigeant, du plus profond de la noirceur de sa bestiale inconscience, est si heureux de gérer l’Etat entrepôt comme son patrimoine, sans avoir de compte à rendre à son peuple dont il se soucie du destin comme d’une guigne. Et le Noir prostitué est si obnubilé par la richesse accumulée à la faveur du contrat passé avec son proxénète blanc qu’il ne voit pas que cette fortune qui le rend si heureux est une goutte dans l’océan des richesses que le Blanc extorque à son peuple.
Or donc, l’homme politique noir est si con, si falot, si écervelé si inepte et si inapte à prendre conscience de soi, si égoïste et si oligophrène qu’il ne voit pas que si le Blanc est bon pour lui, il est essentiellement mauvais pour le Noir ; et qu’ils sont tous deux une calamité pour l’Afrique, ses peuples et son destin.
Si dans la fable de Sagbohan Danialou l’homme est bon pour la souris, il ne l’est certainement pas pour son semblable car on sait depuis Hobbes que l’homme est un loup pour l’homme.
De même pourrions-nous dire que si le Blanc est bon pour le roitelet africain et son petit royaume de prostitués, il n’est certainement pas bon pour le Noir.
Amos Bamikolé
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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