Réponse à Théo
Le regard que tu portes sur la situation politique du Bénin, est dans le fond respectable : aussi bien en tant qu’opinion, – et la démocratie se nourrit de la diversité des opinions – qu’en originalité, dans la mesure où tu exprimes ta conviction avec passion, et ton raisonnement de fond a sa validité en soi. On peut le rejeter, on peut être d’accord, mais il a le mérite d’avoir
une assise éthique. Cela dit, dans la forme, il suinte d’une ardeur d’encensement du régime incompatible avec la rigueur intellectuelle ou logique ; et l’éthique de la conviction dont je te sais libre du choix semble avoir été amenée au détriment de l’éthique de responsabilité. Bien qu’il y ait un rapport intime entre la forme et le fond d’un discours, c’est sur la forme que tu sembles ici pécher le plus, et ce d’un bout à l’autre de ton regard sur les « jeux et enjeux des élections locales » ; dès lors quelle entreprise fastidieuse de se lancer dans un démontage pièce à pièce de tes inférences et considérations. Je me contenterai d’un seul exemple, mais alors d’un seul pour donner le ton et montrer les subtiles défaillances du raisonnement, qui biaisent ce regard par ailleurs si acerbe et original.
L’exemple a trait à l’affirmation de la sauvegarde de la liberté d’expression, contrairement aux accusations des opposants du régime du changement. Dans le deuxième paragraphe de ton texte, tu dis : « Dans tous les cas, ces expressions quelles qu’elles soient traduisent la vitalité d’une démocratie où les langues ne sont pas bâillonnées contrairement à ce que des opinions veulent faire passer. Nous sommes bien loin de la période révolutionnaire où la voix du parti unique était la seule audible. Nous sommes aussi bien loin de ce que l’on a appelé la période Kérékou II où le pluralisme a glissé vers ce que l’on a désigné sous le vocable de démocratie apaisée et qui s’est révélé au total comme un consensus frauduleux, une entente tacite pour un silence de gens satisfaits, une conspiration du laisser-faire dans un contexte où les acteurs majeurs de la classe politique étaient des maîtres de propriétés, soient-elles des fiefs électoraux ou des départements ministériels qu’ils géraient de façon patrimoniale sans obligation de résultat et sans obligation de rendre compte »
Donc, selon toi, le fait que ce que la Presse appelle le G4, à savoir les Soglo, Houngbédji Kolawolé, Amoussou et bien d’autres aient pu se réunir et exprimer dans un geste fort leur ras-le-bol du gouvernement est la preuve même que la liberté d’expression est garantie. Autrement dit le fait qu’un vase déborde est la preuve qu’on le remplit. Mais tu sais que l’explosion du débordement peut être la conséquence d’un manque de remplissage régulier et réglementaire ; et que c’est ce vice de régularité, qui est en cause, et qui mesure l’atteinte à la liberté d’expression, comme l’a mesurée à notre détriment l’année dernière une organisation internationale indépendante spécialisée. Le fait que les membres du G4 aient pu exprimer publiquement leur opposition au gouvernement – faute d’avoir pu le faire régulièrement dans les média tenus sous le boisseau ou contrôlés par le régime – te repose-t-il de la préoccupante alerte du palmarès de RSF dans lequel notre pays a plongé de 30 points en l’espace d’une année de pouvoir de Yayi Boni ?
Plus loin, sous le même rapport de la liberté de presse, tu compares la période actuelle à la période monolithique où le pays était dirigé d’une main de fer par Kérékou et sa bande de pseudo-marxistes. Et comme il n’y a pas photo – comment pourrait-il y en avoir entre un dictateur venu au pouvoir par la force et un homme démocratiquement élu – entre ces deux périodes, ces deux hommes et ces deux styles de gouvernement – encore qu’on ne sait pas en quoi l’autocratisme rampant de Yayi Boni tournera en l’absence de garde-fous effectifs– eh bien tu en conclues incontinent, que l’explosion des expressions jusque-là malmenées et minorées à leur portion congrue traduit « la vitalité d’une démocratie où les langues ne sont pas bâillonnées contrairement à ce que des opinions veulent faire passer » Un peu comme si la Révolution française pouvait être tenue pour la traduction de la popularité du royaume de France à la veille de 1789 ; ou pour user de l’ironie bien anglaise d’un Aldous Huxley, le fait d’avoir des poux, un compliment à la qualité du sang... Intellectuellement c’est tout de même préoccupant d’en arriver à la pédagogie du repoussoir. Car nous étions en droit d’attendre du progrès de notre démocratie depuis le Renouveau de 1990. Or pour juger de la bonne santé des libertés publiques et d’expression, tu ne trouves pas mieux que de nous renvoyer au modèle repoussoir des années noires de l’aventure Révolutionnaire. C’est dire que tant qu’un régime post Renouveau n’aura pas fait pire que sous la Révolution, eh bien, il a le blanc seing du respect des libertés d’expression et plus généralement des libertés publiques ? Puisque, jusqu’à récemment la propagande insidieuse du régime se flattait de présenter des similitudes entre le style du Président Sarkozy de la Grande France et celui de Yayi Boni du Bénin– ridicule comparaison du ver de terre avec le boa au motif qu’ils sont tous des reptiles – eh bien filons la métaphore jusqu’au bout. Non seulement dans le fait que bientôt, à l’instar de Sarkozy qui a reçu une grande raclée aux municipales en France, il serait logique, mutatis mutandis, que Yayi Boni connaisse à son tour la même déculottée, mais aussi à travers des comparaisons entre le passé et l’actualité. Ainsi à suivre ton mode de raisonnement, on pourrait dédouaner le même Sarkozy de tout excès dans sa monopolisation des médias, dans son atteinte à la laïcité, ou à la constitution, en arguant du fait que l’un dans l’autre, le nouvel agité du bocal élyséen n’est pas dans ses excès comparable au régime de Vichy ...
Ce type de raisonnement, à mon sens n’est pas valable. Il revient à mesurer le poids du bois brûlé en faisant la somme du poids de la cendre et de la fumée ! Car en l’espace de deux ans, les atteintes aux libertés, et à la constitution au Bénin sous l’égide de Yayi Boni, ne relèvent pas d’une vue de l’esprit ; et ce n’est pas sain de les sous-estimer par une comparaison aussi grossière. On peut bien admettre cela et défendre des convictions en lesquelles on croit. Et de ce point de vue, les présupposés éthiques de ton analyse sont pertinents et méritent le débat.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
L’alerte de Wilfried Houngbédji
Livre: «Liberté et devoir de vérité»
07-05-2008
«[…] Etre journaliste, être l’œil et l’oreille de la société, est fonction si noble qu’on ne devrait pas se permettre de jouer avec les consciences; surtout pas dans un pays sous-développé et majoritairement analphabète comme le nôtre, où la presse peut formater très facilement l’opinion […]»
Ainsi s’exprime Wilfried Léandre Houngbédji à travers le prologue de son ouvrage «Liberté et devoir de vérité». Un essai autobiographique de 284 pages imprimé sur les presses de Anace Presse au Bénin. L’œuvre est fragmentée en quatorze chapitres sous-titrés du premier au dernier. A la première page de couverture, son portrait sculptant l’avenir dans un fond blanc encadré d’un bleu de l’espérance.
Wilfried Léandre Houngbédji retrace dans le livre son parcours dès son entrée dans la presse à ce jour. A mot sans voile, il décrit l’état de la presse béninoise dans son ensemble avec un témoignage sur la situation qu’il vit dans l’organe de service public où il exerce depuis quelques années comme fonctionnaire de l’Etat. Journaliste membre de la rédaction, il affirme être affecté au service de communication qui pour lui est un garage à cause de ses écrits qui donnent de la migraine au pouvoir en place. Pour lui, la presse n’est pas libre au Bénin et ceux qui osent ou tentent d’oser sont stigmatisés. Mais comme tout le monde n’a pas le devoir de se taire, il a choisi de prendre radicalement la parole, d’être la voix des sans voix, le porte parole des brimés, des opprimés.
Toutes choses que le journaliste émérite et aîné Jérôme Carlos a souligné hier lors de la présentation de l’ouvrage au Codiam à Cotonou. Pour le doyen, c’est un essai à succès. Un coup de maître malgré le jeune âge de l’auteur. Toutefois, il lui reproche d’être tout de même un peu trop excessif voire prétentieux. Le préfacier également, Me Joseph Djogbénou n’a pas manqué de complimenter Wilfried Léandre Houngbédji pour son audace. Il écrit dans sa préface:
«Le journaliste, ai-je souvent pensé, est, en ces occurrences, le révélateur de la putréfaction. Dans sa mission, il affronte, non seulement la nauséabonde odeur, mais, et c’est le plus redoutable, son producteur, ou, plus précisément, la chaîne des producteurs de la «salitude». Et le faire avec adresse, délicatesse, rigueur et professionnalisme, n’inspire pas que respect et encouragement, cela conduit aussi à l’exclusion et à l’asphyxie.»
Fortuné Sossa
Article ajouté le 2008-05-07 , consulté 17 fois
Rédigé par : AB | 08 mai 2008 à 01:14
Redéploiement du personnel à l’Ortb
07-05-2008
Qui en veut à Charlemagne Kêkou ?
Spécialiste en télévision et journaliste à la Télévision nationale de l'Office de radio diffusion et télévision du Bénin (Ortb), Charlemagne Kêkou est désormais appelé à servir à la rédaction de la radio nationale " pour nécessité de service " a-t-on appris de sources officielles. Mais à mesure que l'on s'éloigne de la date de signature de la note de service relative à cette mutation et celle de plusieurs autres agents de l'Ortb, des langues se délient et l'on appréhendent un peu plus aisément les motivations réelles d'un acte administratif supposé régulier.
Les dernières mutations à l'Ortb suscitent de plus de plus de commentaires. Loin d'être un redéploiement normal, elles sont plutôt perçues, tant dans la maison qu'on sein de l'opinion, comme des affectations pour se débarrasser de certains éléments dont les prestations ne servent pas comme on les souhaite, les causes du pouvoir en place. Ainsi, si Loukiath Zato, précédemment rédacteur en chef à la station régionale de la radio nationale à Parakou a été muté au centre de production télévisuel de la même ville pour avoir reçu en direct au cours de la nuit électorale du 20 avril dernier le député Rachidi Gbadamassi du G13, que Engelo Amoussou, son adjoint est devenu simple journaliste à la radio nationale pour avoir accordé un droit de réponse au député Issa Salifou toujours du G13 et refusé au départ d'accorder la même faveur à M. Bako, coordonnateur Fcbe à Malanville et que Laurent Kinkpé fait l'objet d'une prétendue promotion à cause du caractère jugé critique que revêtent ses éditions de revue matinale de la presse sur la radio nationale, le cas de Charlemagne Kêko paraît un peu particulier. Les raisons de sa mutation iraient, à en croire nos investigations, de la publication d'une de ses chroniques par votre journal "La Nouvelle Tribune" et intitulée "La machine à perdre du roi" au lendemain de la débâcle de Fcbe dans les principales villes du Bénin au soir du 20 avril aux polémiques qui entourent la reprise de son émission vedette " presse hebdo " présumée d'autosuffisance, dont il fait l'objet auprès de certains de ses responsables hiérarchiques. Sur ce dernier point, il y aurait eu, selon plusieurs témoignages, une rencontre interne à l'Ortb au cours de laquelle l'intéressé aurait fait certaines révélations pourtant objectives sur ce qu'est devenue le service public de l'information sous l'ère du changement. Le fait que ce journaliste dérange par son allure critique serait si certain qu'un jeune conseiller du président de la République aurait déclaré, en privé, qu'il avait déjà plusieurs fois par le passé tourner en dérision les actions du gouvernement.
Quoique les responsables de l'Ortb ont le plein pouvoir de muter les agents de l'office, il est néanmoins regrettable que dans l'exercice de ce pouvoir, il ne soit guère tenu compte des talents et spécialités de chacun. Sinon, quelle valeur ajoutée apporterait un spécialiste en télévision dans un contexte de radiodiffusion ? C'est un gâchis, ont conclu plusieurs observateurs qui déjà passaient dans la douleur la nostalgie de l'émission dominicale "Presse Hebdo" qu'animait si bien ce journaliste qui permettait la contradiction. C'est peut-être là la principale gêne du régime du changement et de ses valets de l'Ortb.
Ludovic D. Guédénon
Article ajouté le 2008-05-07 , consulté 18 fois
Rédigé par : AB | 08 mai 2008 à 01:13
Merci pour votre réaction, et plus généralement de l'intérêt que vous portez au débat démocratique en Afrique. En ce qui concerne votre interrogation sur mes conclusions, pouvez-vous être un peu plus précis. En fait ces conclusions sont pour partie sous-entendues, dans la mesure où le propos s'adressait à un ami, suite à un échange off the record. Mais cela dit, je suis prêt le cas échéant à apporter toutes précisions utiles. Sur votre site, LA CONSTITUTION EN AFRIQUE, j'irai lire avec intérêt votre billet dont le titre : "Constitution, mensonges et science du droit" déjà fait fort... A bientôt
Rédigé par : Binason Avèkes | 20 avril 2008 à 08:23
Je salue votre remarquable réplique qui m'interpelle en tant que constitutionnaliste. J'entends, moi aussi, exercer l'art juridique avec une grande rigueur et je m'interroge sur vos conclusions. Sur la réalité du système Yayi Boni, au regard de la déclaration du 12 mars 2008, j'ai écrit ceci sur le site LA CONSTITUTION EN AFRIQUE
* Constitution, mensonges et science du droit
http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-18705582.html
Qu'en pensez-vous?
Au plaisir d'échanger
SB
Rédigé par : Constitution Afrique | 17 avril 2008 à 10:11