La loi sur la Lépi a été abrogée à l’Assemblée, et il s’est trouvé des citoyens – c’est leur droit le plus absolu – et des députés – ceux qui ont perdu – pour faire appel à l’arbitrage des sages de la Cour Constitutionnelle. On imagine que ceux qui s’opposent – députés ou citoyens – à l’abrogation de la loi sur la Lépi ont leurs raisons et leurs arguments. Elles n’ont pas brillé dans les médias par leur pouvoir de conviction, et du reste nul n’a vu vraiment leur expression claire et objective. Mais ces raisons ne sont pas seulement affectives, partisanes ou idéologiques. Politiques ou juridiques, elles existent. Tout se passe comme si, en dépit qu’il en aie, sur le sujet en cause, on n’est pas dans une appréciation limpide a priori, où la vérité se trouverait d’un côté, notamment celui de ceux qui ont pu réunir une majorité politique à l’Assemblée, et son contraire, l’erreur, du côté des minoritaires. En démocratie, la nécessité du respect de la constitution s’inscrit en faux contre les a priori et le manichéisme. Mais au-delà de la référence à la Cour Constitutionnelle, qui est en soit déjà un acte constitutionnel, ce qui est recherché par les contestataires d’une décision qui pour les autres paraît tomber sous le sens, c’est que la Cour dans son statut, son expertise et son habileté rhétorique consacrée, parvienne à donner un habillage juridique digestible et présentable à ce qui apparaît comme une contrevérité politique. Le chef de l’Etat, presque sûr de l’issue de l’examen de la Cour Constitutionnelle n’a pas cru devoir surseoir à tous les actes qui découlent de cette loi, lesquels actes continuent de se dérouler comme si de rien n’était. Ce qui, il faut l’avouer, est plus que curieux, et laisse transparaître une connivence objective entre la Cour et le Pouvoir. L’un étant au service de l’autre et réciproquement. Ainsi refusant de prendre acte de sa minorité politique à l’Assemblée, et croyant à tout moment que celle-ci peut refluer en sa faveur au gré des intrigues et autres fluctuations du marché des achats de conscience dont il est un des plus grands acteurs, le Président de la République ne fait pas que s’en remettre à la Cour constitutionnelle ; mais parce que celle-ci a été constituée, elle aussi, dans des intrigues politiciennes et de façon rocambolesque en violation de l’esprit des lois – car en la matière il s’en faut de beaucoup de se cacher derrière les seuls textes au mépris de leur esprit – Yayi Boni dans sa lutte acharnée de suprématie, et sa volonté de puissance absolue, utilise la Cour comme une instance de court-circuitage de la réalité politique déplaisante qui lui échoit. Mais cela, dans l’esprit des Pères fondateurs du Renouveau Démocratique, n’a jamais été le sens et l’essence de la Cour Constitutionnelle.
On n’est pas dictateur à moitié. Ou bien on est démocrate ou bien on ne l’est pas. Ne pas reconnaître les pouvoirs établis par la Constitution, instrumentaliser les institutions clés de la République pour s’assurer de continuer à exercer un pouvoir dont on n’a plus les moyens politiques, cela est antidémocratique, et c’est le propre des dictateurs. Un vrai démocrate ne doit pas avoir une approche factice et frauduleuse de son rapport aux institutions de la République. Il doit donner autant de respect au texte de la loi qu’à son esprit. Car, quelque respect qu’on est censé avoir pour ses décisions, la Cour Constitutionnelle n’est pas la Constitution…
Atchou Bonaventure
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