Quand on considère chaque chose que Yayi Boni a faite, chaque décision qu’il a prise, chaque annonce qu’il a faite, on se rend compte que c’est plus ou moins mal engagé, que son acte sent le roussi de l’électoralisme démagogique, du populisme médiatique le plus suborneur. Chacune de ses actions trahit l’obsession d’être réélu. Et c’est peu dire ; en terme strictement psychologique on dirait même que les actions de Yayi Boni sont marquées par l’ardente volonté de ne pas échouer, la peur d’échouer. Cette peur, à ses yeux, est symbolisée par le cas du Président Soglo, qui fut à la fois son mentor et son modèle, celui sous l’ombre tutélaire duquel il a creusé le sillon de son apparition spontanée dans l’espace politique béninois.
Mais à bien y réfléchir, on se demande quelle est la logique de cette volonté ou de cette peur ? Est-ce dans l’intérêt du pays ou pur penchant égotiste, pure gloriole ou volonté de puissance ?
Voilà un chef d’état qui depuis le premier jour de son investiture jusqu’à la dernière heure de sa mandature aura passé chaque instant de son temps à faire campagne pour assurer sa réélection. Comme si cette réélection tant désirée devait plus à ses gesticulations suborneuses, à ses subtilités propagandistes plutôt qu’aux résultats concrets de son action.
Ce rêve de réélection est érigé en idée fixe, en obsession et en objectif sacré. Mais pour qui ce rêve est-il si sacré ? Pour le Bénin, ou pour Monsieur Yayi Boni, cette petite araignée native de Tchaorou qui, dans une subtile odyssée biographique a tissé patiemment la toile de son success-story, qui le voit accéder à la magistrature suprême d’un Etat de l’Afrique de l’Ouest, après avoir été tour à tour fonctionnaire international, « Docteur » en économie, et Banquier ouest-africain ?
Par souci d’objectivité ou même d’impartialité, on peut dire que Monsieur Yayi Boni, au vu du cas de Soglo et de l’histoire des mœurs politiques du Bénin, s’est rendu à l’évidence que le changement passe nécessairement par l’éviction des anciens. Le principe de cette évidence est que tant que ces hommes qui ont gouverné le pays par le passé, et dont la médiocrité l’a enfoncé dans le gouffre, seront là rien de bon n’ira dans le pays. Certes, cette idée est sujette à caution dans la mesure où, comme on le voit, ceux qui s’opposent à Yayi Boni aujourd’hui (notamment au G 13) ne sont pas plus anciens que nombre de caciques de la mouvance, ou d'une trajectoire bien différente.
Mais, puisqu’au-delà du souci d’objectivité, se tient aussi un raisonnement par l’absurde, n’ayons pas peur d’endosser le point de vue favorable à Yayi Boni et aux siens, et supposons que le changement, selon la conviction profonde de son timonier, passe par l’élimination définitive des « anciens » et de tous ceux qui ont partie liée avec eux. Et que la lutte pour cette élimination totale des anciens, malgré son âpreté, et en raison d’elle surdétermine toute l’action de Monsieur Yayi, et sa raison d’être politique. Aussi, amener le dernier représentant des anciens à résipiscence, lui tordre le cou, l’étrangler jusqu’à ce que mort s’ensuive est ce qui occupe, ou plus exactement obsède le Président Yayi Boni. Et comme au Théâtre, cette purification politique initiale est une espèce d’ouverture absolue qui, dans l’esprit du Président, précède la pièce proprement dite. Pièce dont le titre original est et demeure : « Développer le Bénin, sortir le peuple de l’abîme de la pauvreté et l’amener vers la lumière du bien-être.»
Or, même en poussant l’empathie jusqu’à épouser le point de vue supposé de Yayi Boni, ou la logique intime de son action – supposition fort risquée, mais qui a le mérite de mettre de l’ordre dans un ensemble d’actes sans rime ni raison – on finit par se retrouver aux portes de l’absurde, ou de la pétition de principe.
En effet, voici un homme élu pour une durée de 5 ans afin d’aider à hisser un pays exangue hors de son abime de pauvreté vers la lumière du mieux-être ; mais un Président qui obstinément choisit de faire tout autre chose que ce pour quoi il est élu ; un élu qui consacre toute la durée légale de son mandat à la seule lutte qui trouve grâce à ses yeux : sa réélection, quoi qu’il en coûte, quoi qu’il en soit. C'est là que ce situe la pétition de principe.
Or donc, supposons qu’il y parvienne, sans parler de l’usurpation de droit qui consiste à détourner les moyens et l’objet d’une mandature à la seule fin de son renouvellement, que ferait Yayi Boni une fois réélu ?
Les possibilités qui se présentent semblent plus absurdes les unes que les autres. Deux d’entre elles méritent d’être considérées :
1°) Ou bien les ennemis politiques de Yayi Boni, ses empêcheurs de gouverner en rond, sont toujours là, et alors le western de la purification politique recommence. Puisqu’après tout, pendant 5 ans le Banquier aura confondu politique et purification politique
2°) Ou bien l’espace politique serait suffisamment purifié à son goût, le champ de bataille jonché de monceaux de cadavres de ses ennemis alors le banquier-guerrier qui n’aura appris à rien faire d’autre que purifier, nettoyer au karcher l’espace politique se retrouvera, comme la cigale de la Fontaine, fort dépourvu quand la bise de l’action politique sera venue.
Dans un cas comme dans l’autre nous sommes bien aux portes de l’absurde. Mais n’oublions pas l’autre éventualité, fort probable que Yayi Boni ait passé 5 ans à prendre ses vessies pour des lanternes ; autrement dit, que son obsession de réélection morde la poussière en dépit des efforts monstrueux qu’il aura déployés pour la porter aux nues. Et c’est là où l’absurdité prend tout son sens, sous l’ombre portée de la pétition de principe. En effet, au moment où le Bénin était au fond de l’abîme et avait besoin d’être hissé vers la lumière du mieux-être, un Banquier sorti lui aussi de l’ombre est arrivé ; avec ruse, il a miroité le rêve caurique de la richesse facile sous le mot d’ordre fallacieux du changement ; et comme cela arrive dans les contes, une fois élu, le Banquier a laissé le pays dans son abîme pour s’occuper à temps plein d’une lutte qui n’avait rien à voir avec sa survie : tresser ses propres lauriers, assurer sa propre vie d’homme d’État !
L’absurdité alors est double : comme le dirait Hegel, grand maitre de la logique, elle est en soi et pour soi. Absurdité en soi en effet que de détourner l’espérance, les saisons, les règles et le cadre de la vie politique de tout une nation à une fin narcissique aussi rikiki. Absurdité pour soi que de se retrouver pris à son propre piège ; et pour le Bénin, grande victime d’une telle fantaisie, absurdité d’avoir cru en ce sauveur obscur, venu d’une obscurité d’où il sied de le renvoyer dès que possible.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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