Hypothétique Ministère des « Religions » : l’Envers et l'Endroit.
Par Nouatin Théophile
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Je me limite à noter que le désarroi des populations face aux promesses décevantes de l'autre religion, celle du culte développementaliste, conjugué à l'opulence d'une frange de la société nourrie par la corruption, a provoqué le repli d'une partie de plus en plus importante de la société sur le "spirituel" en même temps qu'il a exacerbé et radicalisé la violence des profils psychologiques moins portés vers le spirituel ou le spiritualisme ou tout simplement confronté à la dureté du quotidien. Le phénomène religieux prend de l'ampleur en même temps que les violences sociales graves de toutes sortes. Vols à main armée, lynchage à mort public au vu et au su des forces d'Etat. Même les dérapages nerveux des gardes présidentiels avec leurs conséquences fatales relèvent en partie de cette exacerbation des tensions sociales qui se répercutent sur l'agir et l'être du citoyen.
Là où je crois qu'il y a quelque chose à faire c'est justement réagir, socialiser, contrôler la "déferlante" religieuse pour orienter sinon ses forces, du moins ses aspects les plus positifs vers la diminution des tensions sociales. Les richesses pour tous ne viendront pas de si tôt, peut-être jamais. Un ministère du culte n'est pas en soi dangereux s'il n'est pas perverti dans ses attributions ou sa pratique. Le premier danger, peut-être le plus grand, serait d'en faire un bastion contrôlé par des "religieux" au sein de l'appareil d'Etat. Ce serait pervertir le rôle d'une composante de la société civile. Un ministère ou un office du culte neutre, couplé avec une autre attribution comme cela se voit ailleurs - pour éviter l'effet bastion- géré par des professionnels de la psychologie sociale peut permettre de prévenir et contrôler bien des dérives. Songeons aux batailles "interconfessionnelles" fréquentes au Nigeria, aux interdictions de soins médicaux prônés par certains cultes, à l'exploitation de leurs fidèles par des gourous et prophètes. Entre la liberté de culte inscrite par le législateur et la non-assistance à personne en danger, il y a une zone que les institutions d'Etat doivent réglementer et gérer aux risques de faillir à leur mission.
La principale source d'interrogation me semble relever plutôt du profil de cette hypothétique institution, de ses attributions, de sa capacité à assumer son cahier des charges. Mais je conviens avec vous que le ver est dans le fruit car il aurait fallu que les institutions de la République aient pris les devants depuis plusieurs décennies pour occuper le terrain plutôt que d'obéir aux injonctions de la pression "des religieux qui veulent leur ministère" si je m'en réfère à l'article paru dans le Matin. Car parti de cette façon, L'Etat se fait peut-être otage à son corps défendant à moins qu'il n'ait l'intention avouée ou inavouée d'instrumentaliser la chose à son profit. Ce qui serait dans tous les cas une collusion à double tranchant comme vous l'avez souligné. Il ne faut surtout pas commettre l'erreur de lier la renaissance morale nécessaire du citoyen au religieux comme cela s'observe dans les déclarations certes bien intentionnées des responsables politiques et de la société civile à tous les niveaux. C'est là un amalgame dangereux.
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T. Nouatin
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
Les inquiétudes formulées dans votre article quant à l’avènement d’un hypothétique futur Ministère des religions quoique pertinentes me semblent ne voir qu'une seule face de la question. Le point de vue a le mérite de prévenir le glissement, la pente perverse que pourrait suivre cet hypothétique futur ministère des "religions" des "confessions religieuses" ou du "culte" - attendons de voir sa dénomination si cela advient et surtout ses attributions, son cahier des charges-. Je ne vais pas revenir sur les risques potentiels d'une telle institution que vous avez si bien plus que relevés.