Le Nouveau Filon des Jeunes Citadins Béninois
Par Paula AGBEMAVO
Téléphone portable collé à l'oreille, les yeux rivés sur les écrans d'ordinateurs, prompts aux mensonges, à l'imposture et à toutes les forfaitures, vous les voyez fourmiller dans les cybercafés. Ils sont quelque fois en bandes organisées, quelque fois solitaires, habillés de gros pantalon Jean, tee-shirt, body fashion, grosses lunettes noirs, ils roulent sur "Djenanan". Tels sont les accessoires du parfait petit escroc.
Cette nouvelle génération d'escrocs, c'est notre voisin, notre frère, le gamin du quartier qui a abandonné les classes pour élire domicile dans les cybercafés à la recherche effrénée du pigeon à plumer. Ils ne s'embarrassent point de scrupules et ne cherchent à cacher leur forfait. Sur le web, ils deviennent orphelins d'un richissime dissident politique, chef d'entreprise, exportateur de produits tropicaux, bénévoles pour des œuvres sociales en quête de financement et harcèlent jour et nuit leur proie jusqu'à ce qu'ils leur crachent du dollar ou euros. C'est ainsi que des jeunes d'à peine 18 ans comptent du jour au lendemain des millions de francs CFA sur leur compte en banques et bonjour "la belle vie" avec la bénédiction de leurs parents. Qu'on se le dise, ce n'est pas du loto, ni un quelconque jeu de hasard, c'est tout simplement du vol, du grand banditisme international ! C'est un hold-up à distance, un pillage de l'épargne des autres qui plus est, peut être l'économie de toute une vie !
L'autre fois, après s'être accaparé d'un ordinateur toute une journée et guetter le moindre mouvement sur son écran, il jubila : un poisson venait d'être pris dans sa nasse. Il prit aussitôt une voix rauque, mure d'un timbre nasillant et ça y est, le jeune glandeur d'à peine 16 ans, fâché avec l'école, que j'ai vu naître, se mue subitement en gros exportateur de noix d'acajou à la recherche d'un client. Il poursuivra ses manœuvres jusqu'à ce que le pigeon lui lâche quelques centaines d'euros. Les plus expérimentés arrivent à vider les comptes de leurs victimes sur des comptes offshores au Bénin. Escroquer sur Internet est la nouvelle filière aujourd'hui et les jeunes s'y investissent à fond. Nos voisins, les nigérians, déjà mondialement connus pour s'être passés maîtres dans cet arnaque ont dû lâcher du lest face à l'arrivée massive des béninois sur le coup.
Pensez-vous qu'un jeune à peine sorti de l'adolescence, qui du jour au lendemain devient multimillionnaire en ayant déployé toute une stratégie pour arriver à réussir une escroquerie puisse se contenter, une fois que la source aura tarie, de gagner honnêtement sa vie en pointant au travail comme tout le monde pour recevoir un salaire quelconque ! Il faut s'en inquiéter car à moins d'avoir une capacité d'adaptation extraordinaire, la génération escrocs sur Internet actuelle a 99% de chance de devenir "génération braqueurs à mains armées, voleurs de véhicules, trafiquants de drogues, faussaires et j'en passe !
Par ailleurs, notre pays semble bien dépassé par la cybercriminalité car pour la combattre, il faut déjà que les dépositaires de l'ordre public se mettent à l'informatique, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui quand on sait que dans nos commissariats, les PV sont toujours tapés sur de vieilles machines à écrire rouillées. Comment peut-on vouloir traquer des cybers criminels quand on n'a pas soi-même la moindre maîtrise de l'ordinateur !
Bien d'autres situations facilitent la réalisation du délit. La vente anarchique des cartes Sim électronique dans tous les coins de rue comme de petits pains, permet aux escrocs de ne laisser aucune trace sans oublier la complicité active ou passive des agences de transferts d'argent de la place.
Sur le plan international, l'image du pays est bien dégradée. Dans des émissions, notamment sur "Envoyé spécial", sur France 2, le Bénin est maintes fois cité dans de scabreuses affaires d'escroquerie, d'abus de confiance commis par Internet.
Les requins de la politique béninoise sont corrompus ; ils font des fonds publics leurs portefeuilles privés. Propulsés en politique, les jeunes sont plus gourmands, plus vénaux que leurs ainés qu'ils critiquaient jadis. Ils veulent tout et tout de suite et sont prêts à user des pires ignominies pour y arriver. Ce faisant, la vérité souffre, la morale souffre, l'humanité souffre, le bien cède la place à l'abject. Au-delà de la déception c'est la foi en la personne humaine qui s'effrite!
Paula AGBEMAVO
Collaboration
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