Un Général en Diable !
......... Le chef de l'Etat béninois, Yayi Boni, a formé dimanche un nouveau gouvernement. Au sens strict, en dehors de trois réajustements techniques précédents, il s’agit du deuxième gouvernement du Président béninois depuis son élection en mars 2006. Ce remaniement est marqué par le passage du nombre de portefeuilles de 23 à 26, l'entrée en scène de 17 nouvelles personnalités et la présence de 6 femmes, contre 5 précédemment.
Selon certaines analyses ou commentaires on relève que nombre de ministres remerciés l’ont été pour des raisons d’incompétence notoire, tandis que d’autres le sont pour des raisons politiques ou ont servi de boucs émissaires à un Président très habile dans l’art de couper les têtes ministérielles.
Contrairement aux rumeurs relayées par la presse, il n’y a pas de représentant des affaires ou milieux de la religion dans le gouvernement. Les craintes légitimes concernant la confusion des genres entre l’Eglise et l’Etat sont, pour l’instant, levées. En ce domaine sacré, le Président Yayi Boni reste dans la ligne d’un attachement à la rationalité légale et aux valeurs cardinales de la démocratie. Mais une arrivée singulière, celle d’un Général dans le nouveau gouvernement ne saurait passer inaperçue. Il s’agit du Général HESSOU FELIX, Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique. Le nouveau Ministre n’est pas entièrement nouveau dans l’administration politique puisqu’il a été tour à tour Directeur du Plan au Ministère de la Défense du régime précédent et Directeur de Cabinet du Ministère de l’Intérieur de l’actuel régime. Certes, cette nomination apparaît comme l’application au secteur de la sécurité et de la défense d’une conception technocratique du rôle du Ministre chère au Président Yayi Boni, qui est celle de l’adéquation des compétences aux domaines de compétence : un économiste à l’Economie, un Professeur à l’Education, un Médecin à la Santé, etc. Mais il se pourrait que le pragmatisme escompté dans une telle approche ne soit qu’illusoire, et que les cordonniers soient en l’occurrence les plus mal chaussés. Car, s’il n’y a rien de plus blâmable qu’un Ministre qui n’a pas prise sur son domaine de compétence, un bon Ministre n’est pas tenu d’être un professionnel de son domaine. Il y a un juste équilibre à trouver entre la recherche louable de l’efficacité et le respect sinon de la constitution du moins de la jurisprudence politique et des habitudes liées à son application. Sauf nécessité historique incontournable, en règle démocratique stricte, les militaires doivent rester dans leur caserne. Comme on l’a vu lors des dernières législatives, l’implication pour raisons économiques des militaires dans la logistique des élections a laissé nombre d’observateurs, et pas seulement de l’opposition, sceptiques quant à la pureté politique et pratique d’une telle association. Dans la mesure où le Ministère de l’Intérieur est celui dont relève l’organisation des scrutins dans son double aspect logistique et métrique, il serait dommage que cette responsabilité soit placée sous l’égide d’un militaire. Comme il serait dommage aussi que soit reconduite la confusion des genres qui a marqué la logistique des dernières élections législatives.
Les citoyens apprécieront l’utilité des petites entorses aux règles démocratiques ou aux habitudes constitutionnelles. Du reste la présence de cet intrus militaire dans le deuxième gouvernement de Yayi Boni n’est pas perçue comme négative. Au Bénin, l’insécurité est devenue un problème majeur. Les Béninois confrontés à des atteintes de plus en plus graves dans leur vie quotidienne attendent du nouveau Ministre des actions efficaces pour leur sécurité. Mais la sécurisation recherchée est sans doute aussi politique. En effet, nombre d’observateurs pensent que la nomination d’un général au sein du Gouvernement peut avoir fonction de contre-feu militaire pour décourager d’éventuelles tentatives de coups d’état. Comme quand on sacrifie un coq au Tolègba… Ce qui fait du Minitre de l'Intérieur, un Général en diable !
Incontestablement, dans la formation de ce deuxième gouvernement, Yayi Boni a privilégié la compétence et l’efficacité tout en respectant des équilibres politiques ; il a aussi réalisé des arbitrages stratégiques à long terme en rapport avec ses ambitions politiques personnelles et pour le pays. A travers le vaste renouvellement du personnel ministériel auquel consiste ce remaniement, Yayi Boni prouve son habileté de chasseur mais aussi de coupeur de têtes. Il reste seulement à espérer que les têtes chassées valent au moins les têtes coupées. Cela évitera au Président Yayi Boni la terrible décision d’avoir à couper sa propre tête.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
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