Gratuité de la Césarienne + Échangeur = Réélection
Yayi Boni veut conserver le pouvoir. Et en face de lui il a un aréopage d’hommes et de femmes qui n'entendent pas laisser passer leur chance et pour qui le règne actuel est vécu comme un sacrifice et une traversée du désert.
Mais farouche est la volonté de Yayi Boni de conserver le pouvoir. Au nom même du refus de la conception sacrificielle de son règne, Yayi n'entend être le mouton blanc de personne. Il se veut être par lui-même et considère qu'il est dans son époque, une époque qui non seulement devrait s'épanouir dans sa durée constitutionnelle légale et inscrite dans les mœurs démocratiques africaines, – celles qui tiennent pour une évidence biblique la jouissance d’un second mandat – mais pourrait se prolonger par toutes sortes d'artifices confiscatoires au-delà de celle-ci. Telles sont les lignes de force de sa volonté de conserver le pouvoir. Il s'agit d'abord du conflit entre une conception formelle de la démocratie et une conception africaine empirique dont l'aventure présidentielle de Nicéphore Dieudonné Soglo constitue l'exception honorable quoique cruelle.
Pour le volet grands travaux, les projets de ceux-ci ont beau avoir été ficelés à 80 % sous le régime précédent, Yayi Boni se les est arrogés sans partage, et, de simple finisseur, il entendait passer pour le grand constructeur devant l'éternel de :
– ponts et routes
– pont supérieur
– et, nec plus ultra, échangeur de Godomey !
Mais la présentation glorieuse et dorée de ses hauts faits a perdu de sa superbe, noyée dans l'océan de scandales et d'affaires de corruption toutes plus puantes les unes que les autres et qui constituent la marque de fabrique par excellence du régime Yayi. Même de ce point de vue propagandiste, le peuple jusque-là furieusement endoctriné ne saurait donner crédit à ce bilan de façade aux dessous et arrière-plans sordides car les scandales dont, pour la première fois dans l'histoire de la corruption au Bénin, il est une victime directe sont là comme une flèche empoisonnée plantée dans la chair de ses rêves les plus légitimes. Et comment céder à la tentation du miroir aux alouettes électorales d'un homme et d'un régime directement responsables de votre ruine ? A moins d’être masochiste… Au-delà des nombreuses victimes des ICC' et autres services d’arnaque qui ont fleuri sous le régime du banquier-Président – remboursés ou pas – c'est tout le peuple qui devrait opposer une fin de non recevoir catégorique à la volonté obscure et obscurantiste de Yayi Boni de continuer à présider aux destinées du Bénin au-delà de 2011 après tous ses forfaits, ses excès, ses manigances, et ses manquements.
Mais si la série des erreurs, les scandales sous Yayi crèvent les yeux, si elle a fini par donner naissance à l'erreur-massue qu'aucune propagande ne pourra plus rendre invisible aux yeux du peuple, ni indolore à sa sensibilité d’écorché vif, il reste qu’en toute rigueur, le bilan de Yayi Boni ne devrait pas attendre une erreur aussi monstrueuse pour être dénoncé dans sa pauvreté et son indigence intrinsèques.
De la part de tout esprit ou instance d'évaluation un tantinet critique, ce serait un grand défaut de rigueur et de perspicacité que d'accepter de ramener le bilan à la perception autoritaire et frauduleuse fournie clé en main par le pouvoir. Le bilan d'un mandat ne saurait se limiter à quelques décisions de gratuité sociale aussi populaires soit-elles – souvent hâtivement conçues dans un esprit populiste et par conséquent bâclées – et une mise en branle ostentatoire des ponts et chaussées.
Le peuple avait faim en 2006 ; a-t-il été rassasié aujourd'hui ? A-t-il été invité au festin des émergeants et des émargeants au changement ? A-t-il seulement mangé à sa faim ? Le peuple était dans la misère grandissante en 2006 ; en est-il soulagé aujourd'hui ? Le CNHU de Cotonou – le plus grand hôpital du pays – était un mouroir infect en 2006 ; a-t-il cessé d'être un mouroir aujourd'hui ? La sécurité des personnes et des biens étaie une préoccupation des citoyens de toutes catégories en 2006 ; a-t-elle cessé maintenant ou bien s'est-elle aggravée de façon dramatique ? La croissance de l'économie était stagnante en 2006 ; est elle partie à la hausse maintenant ? Le taux de croissance a-t-il augmenté maintenant ? Est il passé à ces fameux deux chiffres promis tambour battant ? La corruption était l'une des raisons pour lesquelles le peuple a appelé au changement en 2006 ; cette corruption a-t-elle régressé maintenant ou au contraire a-elle décuplé de façon drastique ? L'unité nationale était l'un des héritages positifs les plus indiscutables du régime de Kérékou ; cet héritage est-il maintenu et consolidé ou au contraire est-il bradé, compromis et mis en danger ? Le régionalisme a-t-il régressé depuis 2006 ou s'est-il systématisé, renforcé sans complexe aujourd'hui ? Les institutions de la République qui étaient globalement indépendantes sous Kérékou le sont-elles encore aujourd'hui ou sont-elles cyniquement instrumentalisées par le pouvoir? La démocratie dont le respect scrupuleux des règles par le régime Kérékou faisait la fierté du Bénin en Afrique et dans le monde est-elle encore respectée aujourd'hui ou est-elle devenue l’ombre d’elle-même ? Pouvons-nous encore nous targuer d'être l'un des modèles de démocratie en Afrique aujourd'hui ? La liberté d'expression et d'opinion dont le respect nous valait naguère de figurer en bonne place au palmarès des organisa-tions des droits de l'homme est-elle encore en bon état ? Ou au contraire est-elle malmenée, piétinée ? Etc. etc. etc.
Voilà le genre de questions comparatives que l'esprit rigoureux devrait se poser. Et non pas faire le jeu d’un régime Yayi en perte de vitesse qui voulait placer en avant l'équation : Gratuité de la Césarienne + Échangeur = Réélection.
Maintenant que le vent a soufflé et que nous avons nu l’anus du poulet ; maintenant que même cette équation suborneuse censée tromper le peuple est battue en brèche par la série d'erreurs-massue du régime Yayi ; maintenant qu’à force de vouloir conserver à tout prix le pouvoir Monsieur Yayi Boni a commis la faute rédhibitoire, place aux vraies questions pour l'évaluation rigoureuse et sans concession d’un bilan magique.
Prof. Cossi Bio Ossè
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