Pour une contribution originale à l’imaginaire universel
I. Position
Naguère, les médias, toutes formes et tendances confondues, ont disserté à longueur du temps sur les 100 jours du nouveau gouvernement. Sur la note de cette mesure, tout le monde y est allé de sa petite musique en donnant le livret de son bilan. Personne ne s’est demandé d’où venait cette mesure qui a mis tout le monde en branle. On peut supposer que l'habitude vient d’ailleurs ; et comme nous n’aimons au Bénin, rien tant que faire comme tout le monde, les autres, les Zojaguets, gens infaillibles qui ont dompté la raison, eh bien, sans demander notre reste nous assumons ce rituel, le revendiquons et pour finir l’appliquons sans aucun esprit d’originalité !
D’ailleurs, la fierté frénétique avec laquelle nous aimons à nous référer aveuglément aux valeurs ou à l’univers imaginaire exogènes, pour ne pas dire occidentaux fait partie intégrante de notre représentation de la culture lettrée. Bien sûr, ceci est le résultat d’une histoire et la continuité d’une réalité face à laquelle nous avons abdiqué tout devoir d’imagination. Les lettres de noblesse de la connaissance lettrée nous viennent d’ailleurs, avec le système de valeurs qu’elles véhiculent. Cette aliénation de l’imaginaire hante la rhétorique des intellectuels et des hommes politiques. Certains en abusent parfois à la corde.
N’a-t-on pas entendu récemment dans une lettre ouverte adressée au Chef de l’Etat, un homme politique qui bien que drapé dans les oripeaux de la tenue locale la plus colorée, tenait un discours dont chaque ligne se faisait gloire d’être criblée de références à Brutus, César, et autre Machiavel ; et ceci sans arrêt d’un bout à l’autre de son souffle d’orateur professionnel, et de sa réflexion qui au demeurant ne manquait pas parfois de pertinence ? Et le comble du fatras rhétorique consistait à abaisser la tonalité jusqu’au niveau d’allusions frivoles à des publications passablement loufoques, et socialement situées dans le Landerneau parisien. Cette dissonance rhétorique involontaire traduit bien la valorisation de la référence exogène, comme si le fait de parler une langue étrangère ne nous laisse plus la liberté d’introspection et d’autoscopie ; liberté de faire un retour imaginaire sur nous-mêmes ? Qu’ont fait Brutus ou César que n’aient fait à leur manière en bien ou en mal Béhanzin, Bio Guerra, Adandozan ou Samory ? Mais non, on ne citera pas ces grands hommes d'ici, ne serait-ce que pour faire la tare. Non, les lois de la mystification rhétorique qui régissent le discours intellectuel nous interdisent de libérer l’espace de la référence imaginaire. Non, hélas non, nos grands hommes ne font pas le poids ; ces nains ne sont pas de taille à en imposer à l’auditoire, à l’impressionner, à lui en boucher un coin...
Tout cela est bien pauvre, il faut l’avouer. Misère aussi que cette furia aveugle qui embrasa la mesure des 100 jours, aune chronologique à laquelle l’action du gouvernement est censée être évaluée. Il faut faire comme dans le vaste monde de manière à se mouler dans l’illusion d’être non pas dans le tiers monde, mais dans le même monde comme tout le monde. Faire comme tout le monde, comme si la meilleure manière d’être comme tout le monde n’était pas d’abord d’être soi-même. Car les gens dont nous adoptons les rituels, les modes, les tics et les tactiques, les gens dont nous parlons les langues avec frénésie, ceux dont nous citons à longueur de lignes les références historiques, aussi exemplaires soient-elles dans l’histoire de l’humanité, eh bien ces gens ont tout loisir de rester eux-mêmes !
L’autre aspect de cette aliénation joyeuse, c’est que la mystification souvent destinée aux autres se retourne contre son promoteur. Comme une bombe qui pète à la figure du terroriste. Ainsi, l’expérience a montré la myopie renversante du terrorisme de la référence imaginaire aliénée. Il ne s’agit pas seulement de cette déplorable auto-exclusion, due à la paresse ou la honte de ne pas creuser assez pour trouver des références propres susceptibles de convaincre, d’illustrer notre propos tout en contribuant à enrichir l’imaginaire universel : non, ce dont il est question, c’est cette forme de myopie idiote qui se traduit par l’incapacité de prendre conscience de l’universalité de l’espace des références. On cite César, Caligula, Brutus à satiété car c’est là le lieu central de la référence imaginaire. Confucius, Tagore, Lao-Tseu, Bouddha, Sitting Bull, Geronimo, et qui sais-je encore ? Nenni, tout ça c’est le chaos d’avant le Savoir, le Vide ! Signe extérieur de richesse intellectuelle, d’érudition proclamée, et de savoir thésaurisé, cette myopie est avant tout un aveu de pauvreté intérieure.
Misère, misère, quand tu planes dans nos airs, épargne aux pauvres hères ta triste galère ! Bref ce serait bon que nos intellectuels, et nos hommes politiques redonnent son prestige au bon sens, et réfléchissent à l’imaginaire véhiculé dans leur discours. Pour dépasser le stade du mimétisme superficiel, nous devons en toute fierté contribuer à enrichir notre imaginaire de la référence, être conscients du devoir d’universalité imaginaire qui nous échoit ; en commençant par nous demander quelle est notre place dans cet univers, et si ce que nous en tenons pour le centre absolu et définitif en est bien un, dans un monde qui, comme nous le voyons, devient chaque jour un peu plus ce qu’il est : un village planétaire.
Pour en revenir au grand tintouin autour des 100 jours d’action du gouvernement, une mesure venue d’ailleurs et que nous adoptons sans demander notre reste, nous aimerions suggérer le choix du nombre 123, traduit par la relation arithmétique :
123 = 41 x 3.
Dans l’égalité 123 = 41 x 3, le nombre pivot est 41. Ce nombre premier était un nombre de prédilection de nos Ancêtres ; il était utilisé dans les actes politiques et sociaux, ainsi que dans les rituels religieux. L’importance symbolique de l’égalité ci-dessus est donc intimement liée à notre histoire, reflet de la science des nombres que détenaient déjà nos savants anciens.
Pour comprendre le choix de 123 comme aune possible d’un temps politique harmonieux, expliquer pourquoi il colle esthétiquement, éthiquement et historiquement à notre imaginaire bien mieux que le nombre 100, il serait intéressant d’examiner de près quelques propriétés du nombre 41.
Que ceux qui ont la chair de poule dès qu’ils entendent parler de chiffres se rassurent : ce qui suit n’est qu’un simple catalogue des propriétés du nombre 41. Une promenade dans le jardin secret des connaissances de nos Ancêtres…
II. Le nombre 41.
1. Propriétés mathématiques
41 est l'entier naturel qui suit 40 et qui précède 42.
41 est un nombre premier.
Un nombre premier est un entier naturel strictement supérieur à 1, n'admettant que deux diviseurs distincts : 1 et lui-même.
41 est le treizième nombre premier ; il fait partie de la paire de nombres premiers jumeaux {41, 43}. En mathématiques, les nombres premiers jumeaux sont une paire de nombres premiers qui diffèrent de 2.
41 fait partie de la paire de nombres premiers cousins {37, 41}.
En mathématiques, les nombres premiers cousins sont une paire de nombres premiers qui diffèrent de quatre.
41 s'exprime également comme la somme des six premiers nombres premiers :
41 = 2 + 3 + 5 + 7 + 11 + 13.
41 est aussi la somme de trois nombres premiers : 11 + 13 + 17.
41 est un nombre carré centré, comme dans l'exemple suivant:
41 s'exprime comme somme de deux carrés : 41 = 4² + 5².
Géométriquement parlant, cela veut dire que si les deux petits côtés d’un triangle rectangle mesurent respectivement 4, et 5 alors son plus grand côté est racine de 41.
41 est un nombre premier qui est somme de 3 nombres premiers de 4 façons différentes :
41
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= 5 + 13 + 23
= 5 + 17 + 19
= 7 + 11 + 23
= 11 + 13 + 17
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Un nombre premier qui est somme de 3 nombres premiers de 4 façons différentes
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Enfin, 41 est Le numéro atomique du niobium, un métal de transition…
La promenade arithmétique se termine donc par un clin d’œil chimique ! Entrons maintenant dans le jardin secret des valeurs.
2. Valeurs associées au nombre 41
a) Symbolisme occidental
· 41 représente le "Fils, le Verbe éternel", selon J. Boehme.
· 41 est un nombre symbolisant le bonheur, la félicité, selon L. Wood.
· 41 ans correspondent aux noces de fer.
b) Bible et référence chrétienne
·Roboam fils de Salomon devint roi sur Juda alors qu'il avait 41 ans. (1 R 14,21; 2 Ch. 12,13)
· Asa devint roi de Juda et régna 41 ans à Jérusalem. (1 R 15,10)
·En la 15e année d'Amasias fils de Joas, roi de Juda, Jéroboam de
Joas devint roi d'Israël à Samarie et régna 41 ans. (2 R 14,23)
·Asa mourut dans la 41e année de son règne.
·Selon les visions de Marie d'Agreda, lorsque Joseph, le saint
époux de la Vierge Marie, mourut, celle-ci était âgée de 41 ans et 6 mois environ.
·Dans les messages du Christ à Dozulé reçus par Mme Madeleine Aumont, celui-ci demande que les hommes construisent une immense Croix Glorieuse dont il donne les dimensions, ainsi qu'un Sanctuaire de la Réconciliation.
· Le nombre 41 est employé 5 fois dans la Bible.
· Le mot mortel est employé 41 fois dans la Bible.
c) Dans le bouddhisme
Dans le bouddhisme, l'Anguttara-Nikâya, qui est un recueil du Sûtra-Pitaka (composé de textes classés numériquement en onze catégories) énumère 41 «grands moines».
d) Dans nos us et coutumes
· La cérémonie des 41ème jour après un décès. Chez les musulmans du Bénin et du Sénégal, on fait le sara ou l'aumône Chez les Adjas certains codes et conduites sont à respecter pendant 41 jours après le décès…
3. Nos Ancêtres et le nombre 41.
Dans une nouvelle de l’écrivain Binason, le personnage principal qui s’était retrouvé au Pays des Ancêtres, assista à un rituel où on chantait :
La défaite de Kétou, qui peut l’oublier ?
La guerre a pris fin, nous dit-on, est-ce vrai ?
Mais les Guédévi en paient toujours le prix.
Quarante et un jour, quarante et un an !
Combien de temps durera cet affront ?
Quarante et un était en effet le nombre de jeunes filles que le roi Agadja, après sa défaite à Kétou, devait fournir chaque année au roi d’Oyo. Les Fons devaient aussi fournir quarante et un jeunes gens, quarante et un barils de poudre, quarante et un ballots de pagne, etc.
Dans le royaume d’Abomey, quarante et un était un nombre noble ; on le désignait par «Kandé lissa» Il va sans dire que les savants, numérologues, géomanciens, et astrologues dahoméens de l’époque connaissaient les secrets mathématiques et les valeurs du nombre 41 que nous venons d’évoquer brièvement.
III. Proposition
Ainsi, dans le royaume du Danhomè, le nombre 41 avait un usage politique tout à fait symbolique. Dans notre imaginaire, ce nombre a donc une place de choix. Il en est de même du nombre 123 qui en découle si on ose dire naturellement. En effet la symbolique sociale du nombre 3 y joue un rôle de premier plan. Ainsi par rapport au temps écoulé, lorsque l’on rencontre quelqu’un qu’on n’a pas vu depuis un certain temps, on dit en fon : « Cela fait trois jours ! » Par rapport à une projection dans le temps de l’ordre d’une durée suffisante, le chiffre 3 est un chiffre approprié. D’où la légitimité symbolique de la relation arithmétique : 123 = 3 x 41.
Comme on le voit, 123 est un chronomètre idoine. Parce que intimement lié au nombre 41 qui est un nombre a valeur historique et culturelle, il permet de multiples interprétations symboliques. Il donne du sens et une durée suffisante pour mesurer les signes d’une action politique et sociale. Enfin puisqu’il s’agit de s’assurer qu’un départ a été pris et bien pris, le nombre 123 contient les trois premiers chiffres qui servent à donner un top départ : 1, 2, 3…. go !
Voilà donc un nombre qui n’aurait pas déplu à nos Ancêtres ; qu’il plaise ou non à César ou à Brutus, nous autres descendants des Danhoménous ou assimilés, il colle à la peau de notre histoire, de notre imaginaire. 123 est un nombre bien de chez nous ; et peut-être mieux que tout autre porterait-il bonheur à un gouvernement dont l'action est mesurée à son aune : nous pouvons l’adopter !
© Copyright, Aliou Kodjovi, 2006
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