In « Le Journal de Ouanilo », Blaise Aplogan, À paraître
Voici le texte de la supplique de Paul H. telle que Valentina l’a récitée sans sourciller, comme si elle lisait dans un livre ou parlait sous la dictée des muses :
« Zodjagués, Cher Hôtes, quel honneur de m’adresser à vous en ce moment où le Danhomè se trouve au croisement de son destin. Je vous remercie de me prêter attention
« Zodjagués! Si jamais le Destin vous fait maîtres de ce Danhomê, comme je le souhaite de tout cœur, que ce soit pour le plus grand bien de ce peuple. S'il n'a pas des richesses matérielles à présenter, il possède, malgré son apparence de barbarie et de dénuement intellectuel, des merveilles de l'âme et de l'esprit que ses ancêtres ont accumulées en lui à travers les âges : la compréhension, le désir de progresser, le respect de l'autorité et de la discipline, le souci du bien-être de la société, l'esprit de famille, le courage, la dignité personnelle, la loyauté en amitié, une grande honnêteté, le sens de la justice et un profond sentiment religieux.
« Gardez-vous de détruire en lui ces nobles sentiments, si vous ne voulez pas transformer en vipère ce peuple couleuvre et travailler ainsi contre votre domination. Maintenez-le dans la foi : c'est elle qui a créé la discipline et l'ordre dans ce Danhomê. Ne vous attaquez qu'aux pratiques inhumaines de ses croyances religieuses. Ne mettez jamais sous ses yeux l'exemple de scepticisme ou d'amoralité, encore moins d'irréligion, car vous perdrez ainsi sa confiance.
« Avant l'arrivée des Blancs dans ce pays, le désir de nos ancêtres était, comme leur besoin, très modeste. Votre société a imposé à nos grands-pères une nouvelle vie et placé la puissance de l'argent et la supériorité de la civilisation matérielle au-dessus de leurs préoccupations qui étaient exclusivement d'ordre moral. Cela a suffi pour leur faire accroire que l'honnêteté et la dignité personnelle dans le dénuement sont humiliantes. Leur goût de lucre ne devait plus connaître de bornes; il introduisit bientôt dans leurs cœurs ces bas instincts : le faste, la cupidité, l'envie, la jalousie et l'égoïsme qui eurent pour conséquences les incessantes guerres, l'esclavage et le sacrifice humain contre lesquels les hommes de votre race s'élèvent aujourd'hui. Luttez contre la conception matérialiste que votre venue à vous, les Blancs, a introduite dans l'esprit de ce peuple.
« Ce serait une grave erreur de déduire des marques extérieures de vénération des Danhomênous pour leurs rois et tous ceux qui sont leurs chefs, et de leur soumission à la volonté de ces souverains, qu'ils sont veules et que, successeurs de ces rois, vous avez hérité de leurs droits et pourriez, par conséquent, disposer de ce peuple comme d'une chose, le faire travailler sans récompense, le supplicier quand il réclame, fermer les oreilles à ses plaintes quand il demande justice, vous imposer à son respect par la terreur : la colère des humbles serait terrible.
« Nos rois sont imposés à notre vénération, non par le despotisme, selon les apparences, mais plutôt par le caractère sacré dont les cérémonies religieuses ont revêtu leur personne, par celles qu'ils accomplissent tous les jours et tous les ans pour se purifier, par l'idée aussi qu'ils représentent les ancêtres et par leurs hautes qualités de cœur et d'esprit.»
In « Le Journal de Ouanilo », Blaise Aplogan, À paraître
Binason Avèkes
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