Évolution du Monde : Cinq Raisons d’Espérer

B.A : Monsieur Edgard Morin, Bonjour et merci de nous recevoir

Edgard Morin : Bonjour, c'est moi...

B. A. : On ne vous présente plus. Sociologue et philosophe vous êtes né en 1921, et directeur de recherches émérite au CNRS, président de l'Agence européenne pour la culture (Unesco) et président de l'Association pour la pensée complexe. En 2009, vous avez  notamment publié "Edwige, l'inséparable" (chez Fayard). Votre bibliographie est assez dense et nous n’en épuiserons pas la liste dans cette petite interview, mais qu’il suffise de mentionner ici que dans le cadre de vos travaux récents vous avez aussi publié, "La Pensée tourbillonnaire - Introduction à la pensée d'", de Jean Tellez (éditions Germina)

E. M : Tout cela est exact, mais encore…

B.A : Dans une récente tribune au Journal le Monde, vous avez eu cette formule fort éclairante et judicieuse : “Il ne suffit plus de dénoncer. Il nous faut maintenant énoncer.” que voulez vous dire par-là ?

E. M :  Vous faites allusion à mon Point de vue intitulé “l’Eloge de la Métamorphose.” Oui, après avoir rappelé la gravité des problèmes auxquels l’humanité est confronté,  et la nécessité d’une nouvelle Voie, j’ai voulu par là dire qu’il ne suffisait pas comme beaucoup le font hélas, de rappeler l'urgence. Il faut savoir aussi commencer par définir les voies qui conduiraient à la Voie de l’espérance

B.A : Alors, Monsieur Morin, quelles sont  selon vous les raisons d'espérer ?

E. M : Nous pouvons formuler cinq principes d'espérance.

1. Le surgissement de l'improbable. Ainsi la résistance victorieuse par deux fois de la petite Athènes à la formidable puissance perse, cinq siècles avant notre ère, fut hautement improbable et permit la naissance de la démocratie et celle de la philosophie. De même fut inattendue la congélation de l'offensive allemande devant Moscou en automne 1941, puis improbable la contre-offensive victorieuse de Joukov commencée le 5 décembre, et suivie le 8 décembre par l'attaque de Pearl Harbor qui fit entrer les Etats-Unis dans la guerre mondiale.

2. Les vertus génératrices/créatrices inhérentes à l'humanité. De même qu'il existe dans tout organisme humain adulte des cellules souches dotées des aptitudes polyvalentes (totipotentes) propres aux cellules embryonnaires, mais inactivées, de même il existe en tout être humain, en toute société humaine des vertus régénératrices, génératrices, créatrices à l'état dormant ou inhibé.

3. Les vertus de la crise. En même temps que des forces régressives ou désintégratrices, les forces génératrices créatrices s'éveillent dans la crise planétaire de l'humanité.

4. Ce à quoi se combinent les vertus du péril : "Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve." La chance suprême est inséparable du risque suprême.

5. L'aspiration multimillénaire de l'humanité à l'harmonie (paradis, puis utopies, puis idéologies libertaire /socialiste/communiste, puis aspirations et révoltes juvéniles des années 1960). Cette aspiration renaît dans le grouillement des initiatives multiples et dispersées qui pourront nourrir les voies réformatrices, vouées à se rejoindre dans la voie nouvelle.

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Binason Avèkes

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