Nouvelle
Un Cauchemar très Politique
Yayi Boni est sur un boulevard dégagé, il fait du jogging, encadré par ses gardes en armes. Bien que le boulevard fût protégé contre toute intrusion inopportune, de ses yeux perçants, Yayi Boni voit au loin un autre coureur, un homme-sandwich qui porte sur son dos un petit tableau noir. Comme l’intrus est très loin, Yayi Boni le scrute au moyen de ses jumelles. Il voit que l’intrus a l’air bien bâti et sûr de lui ; sur le tableau accroché à son dos est écrite l’équation suivante : « Y+1 = 56 + Y »
La poursuite se fit en deux temps ; il y eut un premier temps rationnel où, en quelques minutes la voiture de Yayi Boni remonta le coureur mystérieux et se trouva à quelques dizaines de mètres derrière lui ; puis un deuxième temps complètement irrationnel au cours duquel, bien qu’il fût à portée de voix, l’homme-sandwich était devenu imbattable à la course. Alors, comme si les vitesses des deux parties étaient solidaires, l’écart entre l’homme-sandwich et ses poursuivants restait constant : si le Président accélérait, le coureur accélérait d’autant, et si le Président ralentissait, le coureur ralentissait, de sorte que le Président ne pouvait le rattraper, et voir qui osait le narguer avec une équation aussi absurde sur ce boulevard dédié à son jogging.
Comme le manège durait, le Président finit par perdre son sang froid. En raison de son absurdité, l’équation le taraudait de plus en plus. À bout de nerf, Yayi Boni ordonne à son garde de gauche de tirer à blanc sur le tableau de l’homme sandwich ; peut-être s’arrêterait-il pour livrer le secret de son équation, pense-t-il. Alors, le garde de gauche s’exécute et tire à blanc dans le dos de l’homme-sandwich. Instantanément l’équation qui hantait le Président s’efface, mais une autre hantise de taille apparaît : le portrait de Me Houngbédji avec à ses côtés la Jarre de l’Unité …
Ce coup de théâtre met Yayi Boni dans tous ses états ; furieux, il ordonne à son garde de droite de tirer à balle réelle sur l’homme à l’équation absurde qui le nargue. Le garde de droite qui était déjà frustré de n’avoir pas versé de sang d’innocents depuis un certain temps, ne se gêna pas ; en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il cribla de mitraille le dos du coureur mystérieux.
L’homme sandwich, vacilla, et s’écroula à plat ventre au milieu du boulevard. Tout à coup, l'homme devint la source d’un torrent de sang. Le torrent débordait sur les bas côtés du boulevard, et montait comme une mer déchaînée à l’assaut de la voiture présidentielle. Le chauffeur du Président se mit à faire une marche arrière d’enfer ; un sauve qui peut du diable vauvert ! C’est à ce moment précis que Yayi Boni se réveilla de son sommeil. La bouteille de whisky qu’il avait vidée avant de basculer dans le sommeil était tombée au pied de son divan…Comme un fauve à l'affût de l'odeur de sang, le Président huma la vapeur éthylique qui flottait dans l'air environnant et fronça les sourcils. Puis soudain son visage s'éclaira. « Ouf, se dit-il, ce n’est qu’un cauchemar ! Absurde ! Absurde ! »
Et pourtant l’équation n’était pas aussi absurde que cela. Dans son raisonnement, le Président était même sur la bonne voie… Mais les vapeurs éthyliques ont eu raison de sa perspicacité… Qui l’aiderait à la résoudre ?
Ahandessi Berlioz
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