2. Tonton Boni et la Merco
La voiture était une Mercedes Benz Classe S, des années 70 confortable et spacieuse. Acquise en deuxième met auprès d’un concessionnaire Français qui, ayant fait faillite, a dû plier bagage et rentrer en France ; elle était en bon état, et n’avait servi avant son achat que deux ans. De son vivant Grand-père ne l’utilisa qu’une année ; puis, après sa mort, durant une année Nestor, son chauffeur attitré la conduisit au compte de la famille pour des sorties spéciales ou de prestige. Mais Nestor, âme sensible, n’ayant pu se débarrasser du remords de la perte de son patron, et pour oublier son chagrin tenace, finit par s’en aller. Quelque temps après le départ de Nestor, une réunion familiale eut lieu où il fut fait appel à un bokonon pour savoir en quelles mains il convenait de laisser le volant de la voiture. Dans sa sagesse infinie, le fa conseilla de laisser la voiture au repos durant sept années consécutives. Aussi la voiture fut mise au garage et on l’oublia pendant sept années en dehors d’un contrôle annuel effectué par un mécanicien pour des raisons de maintenance. Pendant ces contrôles, le mécanicien faisait un tour en ville avec la voiture pour vérifier la bonne marche du moteur. C’était une occasion que je ne ratais pour rien au monde, histoire d’avoir le privilège d’être dans cette voiture symbole du souvenir de mon grand-père que j’aimais beaucoup… Après la vérification technique et dans la mesure où elle était satisfaisante, – ce qui était souvent le cas à quelques rares exceptions près – la voiture était remise au garage, comme une relique mortuaire qu’on retournait à son emplacement sacré après un houétanou.
Une année après la fin de la quarantaine de sept ans décrétée par le fa, Tonton Boni revint au pays pour la première fois depuis son départ. Et ce retour tombait à pic car Tonton Boni ne faisait pas mystère de son intérêt pour la Mercedes, maintenant libre de toute interdiction occulte. D’ailleurs, comme le montre le motif de ce récit, on pourrait dire sans exagérer que le retour au pays de Tonton Boni, volontairement ou non, avait été placé sous le signe de l’appropriation de la Mercedes. Et cette appropriation n’était pas uniquement dictée par des raisons affectueuses. Il y avait surtout le caractère autoritaire et possessif de l’Oncle Boniface. Tante Clarisse, qui le connaissait bien pour avoir été sa tutrice, savait mieux que quiconque faire la part des traits qui, dans le caractère de son jeune frère relevaient de leur Père et ceux qu’il devait à sa défunte mère. A l’en croire, le côté autoritaire et rigide de Tonton Boni provenait de sa mère tandis que son côté possessif résultait du fait qu’il était le chouchou de Grand-Père, qui ne lui refusait rien. Quant à son naturel impulsif, tout le monde s’accordait pour penser que Tonton Boni l’avait reçu en partage de Dieu et cela faisait partie de son propre caractère. Malgré son caractère, souvent pénible à vivre, dans la famille, personne ne tenait rigueur à l’oncle Boniface, qui était toujours excusé en raison de son jeune âge, et du fait que Grand-Père lui-même l’avait toujours choyé. Tout le monde l’aimait et lui pardonnait, sauf peut-être l’Oncle Adrien qui ne supportait pas ses caprices et sa folie des grandeurs…
De tout ce qui vient d’être dit, le lecteur pourrait à bon droit se demander « Où est le rapport entre téléphone et danger de mort ? » Eh bien, entre les deux il y eut la folie des grandeurs et l’aveuglement de Tonton Boni. Et sans abuser davantage de la patience du lecteur, je vais aller droit au but pour expliquer comment ces excès ont failli nous coûter la vie.
C’était il y a à peu près cinq ans. Quand Tonton Boni arriva en vacance cette année-là, la Mercedes n’était plus en quarantaine. Au bout de quelques jours, sur sa demande expresse, la voiture fut sortie de garage pour un contrôle mécanique…
Par Ahandessi Berlioz
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