Trop de Rêve noie le Rêve
- Professeur ZONON : Le Ministre Kassa des mines et du Pétrole a repris du service
- Dr H2O Ah bon, il était en congé avant ?
- Non, mais je fais allusion à sa manie des effets d’annonce... Car au lieu d’être Ministre des Mines, mine de rien il est Ministre d’annonce des mines. Avec lui, le Bénin, pays qu’on croyait peu doté par la nature en ressources minières et pétrolières, chaque jour devient la terre de Crésus même
- Eldorado d’annonces farfelues ...,
- On peut le craindre ou l’espérer...
- Le Ministre a relancé sa campagne de pub et fait des annonces de découvertes aussi mirobolantes que farfelues. Après la série de découvertes de minéraux rares, maintenant, le bouffon tourne son projecteur sur l’or noir !
- Eh oui, à l’instar de la pluie qui inonde le sol et contre lequel le changement ne peut rien, le sous-sol est inondé d’or noir, du Nord au Sud, et on n’y peut rien !...
- Oui, du Nord au Sud... On connaissait le cas de la région sud, près des côtes, calqué un peu sur le modèle de notre géant voisin, le Nigéria, mais voilà qu’on nous annonce le pétrole sous la latitude nord aussi
- Dans ce Nord qui devient un véritable enjeu politique des prochaines élections...
- Et le scénario est toujours le même. Tapage médiatique, signature d’un contrat avec des sociétés qui ont tout l’air de sortir de Hollywood que de Wall Street... et qui ne demandent pas mieux que de jouer le jeu...
- Et quel est le but de ce cinéma ?
- Eh bien, allécher le peuple, qui a quand même reçu un grand coup de massue, avec la désillusion de la première mouture du changement ; un changement qui n’a rien changé à leur vie
- Mais pourquoi ce dévolu jeté sur le pétrole ?
- Bonne question, c’est l’indice d’une faillite du réel
- Mais encore !
- Dans l’esprit du peuple, le pétrole connote la richesse ; l’or noir est synonyme de prospérité. Donc, il convainc plus facilement le peuple qu’une autre richesse, surtout pas celle du travail fait à la sueur de son front.
- Entourloupe politique...
- Tout à fait ! D’autant plus que le Yayi Boni est venu au pouvoir avec l’idée force du cauris, de la richesse pour tous. Il a promis de mettre un coup d’arrêt à la corruption. Or en dehors de la finalisation de quelques ponts et routes, rien de concret n’est venu exaucer ces promesses faites sur fond du slogan « ça va changer ! » : le panier de la ménagère, comme on dit, est légère, le fléau des inondations continue de rendre la vie difficile aux populations; les hôpitaux, véritables mouroirs, et le service de santé sont dans un état lamentable ; la corruption ne s’est jamais portée aussi bien que depuis l’avènement du régime du changement Et pour finir, le gaspillage des ressources de l’état et les fantaisies budgétaires vont conduire bientôt le pays, nous dit-on, au bord de la cessation de paiement...
- Plaît-il ! Vaticinations de prophètes de mauvais augure, sans doute.. Le Docteur Boni Yayi est trop doué pour en arriver là !
- Il faut espérer qu’il ne s’agit que de propos de mauvais augures
- Mais alors que vient faire le pétrole dans tout ça ?
- Comme je l’ai dit, le pétrole fait l’objet d’une mise en scène. Dans ce tableau budgétaire et moral pour le moins sombre, le pétrole apparaît comme un deus ex machina lumineux
- Ah bon ! Comme ça un deus ex machina ?
- Eh bien grâce au pétrole, tout va redevenir financièrement, et économiquement possible ; du moins en théorie. Le pétrole figure le pôle onirique de la deuxième génération de promesses et de rêves. La première génération, portée par l’idée du banquier gestionnaire qui transformera le plomb de la réalité en or a foiré ; alors on opère un déplacement, sorte de fuite en avant vers le deuxième pôle onirique : celui du pétrole qui va couler à flots et qui propulsera notre pays au ciel de la prospérité
- Il s’agit donc d’une campagne de rêve pour faire rêver le peuple, à défaut de le faire agir; un mirage électoral dans le Sahara du changement…
- Tout à fait ! C’est ce qui arrive lorsqu’on ne dit pas à son peuple ce qu’il convient de faire pour qu’il y ait changement ; c’est ce qui arrive lorsqu’au contraire l’on préfère, une fois élu, jouer les héros solitaires qui seuls sont à même d’apporter le changement sur un plateau d’argent à un peuple spectateur ; c’est ce qui arrive lorsqu’au lieu de bousculer un peuple peu porté sur l’effort et le travail, on préfère l’endormir en le caressant dans le sens du poil de la paresse. Alors, comme sans le travail un peuple ne peut jamais avancer, on trouve la parade dans la fuite en avant, dans le rêve et à des fins électorales. Comme une puce, on saute de pôle onirique en pôle onirique...
- D’où le pétrole comme nouvelle figure du rêve des Béninois !
- Et, le but de la manip est clair comme l’eau de roche !
- Ah bon ?!
- Tout à fait... L’électeur de 2011 en rêvant de pétrole et des richesses qui vont avec saura être reconnaissant à celui qui passe publiquement pour en être le porteur du rêve
- Quoi, les autres candidats sont contre le pétrole ?
- Certes pas, mais ce n’est pas à eux que le peuple identifiera ce rêve. L’avenir électoral sourira à celui qui le premier aura fait rêver les Béninois de la richesse de l'or noir.
- Le pétrole a donc un rôle électoral de premier plan
- Oui, sans aucun rapport avec sa réalité, qui comme on le sait n'est pas riche du tout. D’un point de vue symbolique, le pétrole devient si vous voulez, un opérateur onirique dans la course électoral aussi bien nationalement que régionalement...
- Comment ça nationalement et régionalement?
- Eh bien, à toute la nation, il promet la richesse et le bonheur matériel. Et au nord où l’on annonce de façon abracadabrante la résurrection d'un projet d'exploitation à la rentabilité doute, sanctionnée dans la foulée par un accord fumeux, il opère comme un signe psychologique.
- Signe de quoi ?
- Eh bien, il s’agit d’un signe particulier dans le contexte de césure et de guerre fratricide qui s’annonce au premier tour des élections... Le sous-entendu est : « qui veut être riche dans le nord a intérêt à voter pour moi ; moi qui vous promets la richesse du pétrole, moi qui vous libère de cette frustration d’un pétrole à l’identité sudiste dont vous avez ras le bol, moi par qui le Nord peut entrer dans le club select des régions pétrolières... »
- Ah là, là ! Quelle histoire...
- Eh oui, une sacrée histoire de manip !
- Finalement, le Yayi Boni-là il veut développer vraiment le pays ou, il veut jouer avec les espérances et les rêves des gens ?
- Là est toute la question, cher ami !
- Le mensonge est l’arme du pauvre, dit-on, mais il faut espérer que le peuple n’en soit pas totalement dupe
- Eh oui, il faut l’espérer... car trop de rêve noie le rêve...et le pays avec... !
HODONOU ODJO
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