Discours Inachevé.
Dans la nuit d'été qui hantait ma solitude, rêvé hier que j’étais devenu AKM, aka Ahmed Kérékou Mathieu, ancien Président languissant devant le spectacle de désolation politique d'un pays démocratique que j'avais dirigé dans la paix dix années durant avant de passer la main, constitutionnellement...
Voici le discours d'un coup d'État que je préparais dans mon rêve, en vue de redresser la situation :
« Béninoise, Béninoise
C’est à grand regret que je vous annonce l’arrêt du processus démocratique en cours dans notre pays.
En mars 2006, nous avons organisé les conditions d’une alternance démocratique. Malgré toutes les imperfections qui ont entaché les élections, nous avons dans l’ensemble assuré les conditions d’une cession pacifique du pouvoir.
Les questions qui étaient en jeu alors, étaient de deux ordres : premièrement, le respect de la constitution et des principes issus du Renouveau Démocratique, deuxièmement, la nécessité d’assurer la cohésion sociale et l'unité nationale.
Or depuis deux ans si la première question a été résolue par l’alternance au sommet, la seconde peine à trouver une réponse adéquate. En effet, à l'heure où nous vous parlons, la situation politique du Bénin est critique. Depuis plusieurs mois les institutions de la République sont bloquées ; l’inexistence de dialogue politique met à mal la paix nationale ; l’Assemblée nationale ne siège plus. Or, de son travail dépend en grande partie la signature d’accords dont la mise en œuvre est vitale pour notre pays. Pour couvrir sa difficulté à dégager une majorité claire au parlement, le gouvernement a préféré la politique de l’autruche ; dans le même temps, les députés au lieu de penser à l’intérêt supérieur de la nation ont choisi la surenchère pour toute réponse. Partout, depuis le sommet de l'État jusqu'à sa base, le non respect de la loi est devenu monnaie courante. Avec la complicité du Président de la République et du gouvernement, un ramassis de hors-la loi empêche l’installation des conseils communaux dans 24 communes au motif de plaintes formulées devant la haute juridiction, alors que celles-ci ne sont pas suspensives. Sur le plan social, syndicats et gouvernement sont figés dans un face à face stérile. Le gouvernement, enfermé dans sa tour d'ivoire, préfère le fait accompli des décisions unilatérales et des consensus frauduleux. Les syndicats échaudés répondent par la méfiance ou la défiance. Ce climat n’est pas favorable au dialogue social. Il l'est d’autant moins que la crise du pétrole qui frappe le monde se répercute sur notre fragile économie et porte à la hausse de façon vertigineuse les prix des denrées alimentaires et de consommation courante. Cette crise rend la vie difficile à nos populations les plus vulnérables. Malgré la dimension mondiale de la crise, le gouvernement, aurait pu apporter très tôt les remèdes utiles. Mais, tout à ses préoccupations électoralistes et ses soucis politiciens, il n’a pas su réagir à temps comme cela se doit. Cette inconscience est d’autant plus coupable que notre pays par une politique courageuse, aurait pu se protéger des effets néfastes de la crise qui le frappe de plein fouet...
Béninoise, Béninois,
La situation ainsi créée par l’immaturité politique du gouvernement actuel et de son chef est grave. Elle accroît la misère de nos populations, met à mal la cohésion sociale, hypothèque l’avenir de notre jeunesse, divise le pays et crée le désarroi dans les cœurs. Les laborieuses masses de nos villes et de nos campagnes ont besoin d’espoir ; elles ont besoin de paix et d’une politique orientée vers la satisfaction de leurs besoins fondamentaux et non vers les rêves de carrière de ceux qui les gouvernent. Avec le Renouveau démocratique, et jusqu’en 2006, au Bénin, nous avons eu à cœur de respecter le pluralisme dans les media, les libertés publiques, la tolérance et le dialogue ; or depuis quelque temps, ces valeurs qui font l’honneur de notre pays et de notre démocratie sont dangereusement bafouées, au nom d’un changement qui se croit tout permis. Au fil des mois, les discours de l'actuel régime ainsi que sa pratique des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont devenus un objet de préoccupation pour l'ensemble de nos compatriotes. Jamais dans l'histoire récente du Bénin, la liberté de presse et la liberté syndicale n'ont été aussi menacées. Dans ce domaine comme dans d'autres, le changement a révélé sa supercherie, son incompétence et son arrogance politiques.
C’est pourquoi, Béninois et Béninois, dans le souci de sauver la cohésion sociale et l'unité nationale ; afin de redonner confiance à notre cher pays, le Bénin, restaurer le dialogue entre ses fils et ses filles sans discrimination aucune du nord au sud, de l'est à l'ouest... Nous, AKM, agissant au nom des Forces Armées Béninoises, conscient de notre responsabilité devant l’histoire et devant la Nation ... »
Zut...! Le discours est inachevéce, ce n’était qu’un rêve... Des gens, sont venus frapper à ma porte et me criaient pour de vrai à tue-tête : « AKM ! Votre AKM ! » Comme si c'est seulement avec des AKM qu’on fait un coup d'État. Foutaise !
Eloi Goutchili
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