Mon cher Pancrace,
Ton silence ces derniers temps m’a un peu inquiété ; mais ta lettre d’hier que j’ai reçue avec grand plaisir a porté mon soulagement à son zénith. J’espère que ta mission au pays d’Obama a été un succès, c’est tout le mal que je te souhaite, cher ami. Que tu en sois revenu l’esprit plus que jamais alerte, c’est ce dont je peux témoigner vu le contenu de ta lettre, qui brûle de la même curiosité et de le même réactivité dont tu as toujours fait preuve. A la pointe de cette réactivité, tu me dis ton écœurement pour ce que tu appelles les “agitations pseudo-sportives de notre président-joggeur”. “Voilà quelqu’un élu, dis-tu, pour se pencher sur les problèmes des Béninois mais qui pendant 5 ans ne se sera occupé que de lui-même, et qui maintenant pince sans rire nous joue les jeunes sportifs à la noix !” Puis après avoir avoir demandé ce que je pense de “toute cette lamentable agitation” tu ajoutes, un tantinet ironique : “ Avec ces joggings itinérants, Yayi Boni veut prouver quoi ? Qu’il est plus jeune que son adversaire ? La candidature à la Présidence de la République c’est la candidature aux jeux Olympiques ou quoi ?”
Eh oui, bonne question, mon cher Pancrace ! J’abonde dans le sens de ton indignation. Non pas tant que le Président Yayi n’ait pas le droit de faire du sport ; nul doute qu’il a les artères solides, car comment saurait-il en être autrement lorsqu’en plus de ces exhibitions de jogging itinérant, l’homme possède à son actif d’autres records qui ne sont pas donnés au commun des mortels ; comme de culbuter pas moins d’une demi-douzaine de femmes au quotidien ou de vider trois bouteilles de whisky par jour ? Malheureusement, il n’aura fait que ça tout au long de son quinquennat : le sport en chambre et les piliers d’estaminet, au grand désarroi du peuple …
En fait, mon cher Pancrace, le propos dans cette agitation “jogginstique” est clair. La dizaine d’années qu’il a en moins que Maître Adrien Houngbédji, Yayi Boni va nous le faire savoir sur tous les tons ; occuper à l’envi le pôle de la jeunesse et renvoyer son adversaire dans les cordes de la vieillesse. C’est tout le sens de ces exhibitions sportives qui s’inscrivent dans le cadre illégal quoique décomplexé d’une campagne précoce. Mais, vois-tu cher ami, ce qu'oublie notre Président, c’est qu’à l’instar de l’âge bien de choses sont relatives. Comme le dit notre ami Emeka, “ A man is as young as he feels, only momen are as young as they look”. En clair l'homme est dans l'être la femme est dans l'apparaître. De ce point de vue cette fureur exhibitionniste, sur fond de jogging itinérant tout entier dans l’apparence a quelque chose de misérablement, Ô que dis-je de pathétiquement féminin ! Parole de jogger – ça fait au moins trente ans que j’en fait du jogging, tu le sais – il ne suffit pas de se montrer en train de courir, il faut que cela corresponde à quelque chose de réel. En clair, on peut faire du jogging de 9 à 99 ans, tout est dans le rythme et les performances. Mais n’allez pas dire ça à notre sportif de président, puisque tout à sa logique féminine, lui est dans les apparences. Autre point de relativité, savoir qu’aussi jeune que nous prétendons être, il y a toujours plus jeune que nous ; en l’occurrence, l’âge moyen d’un jogger selon le standard des JO est encore inférieur à celui du fils d’un homme de 57 ans ! Enfin il y a l’autre revers de la médaille. On ne peut pas occuper à la fois le pôle de la jeunesse et celui de la sagesse. En effet dire qu’on a 12 ans de moins que son adversaire et s’agiter de rue en rue pour le faire savoir, c’est aussi reconnaître qu’il a plus que vous douze ans d’expérience et de sagesse requises au métier de dirigeant d’une nation. De ce point de vue, mon cher Pancrace, tu as absolument raison : postuler à la direction d’un Etat, d’une nation, fut-ce même en Afrique noire, ce n’est pas poser sa candidature aux Jeux Olympiques ! Dans notre culture africaine pour diriger une collectivité, quelle qu’elle soit ( famille, clan, tribu, etc), il s’en faut de beaucoup de savoir courir, encore faut-il avoir de la sagesse et de l’expérience ? C’est pour cela que seuls les hommes mûrs sont crédibles pour diriger chez nous. Comme l’a dit Amadou Hampâté Bâ un tel homme, par sa maturité et sa sagesse vaut plus qu’une bibliothèque ! Se pose sérieusement la question de savoir qui dirige la com de Yayi, si c’est des Blancs ou des Africains. En tout état de cause, dans son propre intérêt, il faudrait revenir aux valeurs africaines. Ce n’est pas en mettant en avant le côté agité ou immature qu’on parviendra à convaincre les Béninois qu’on est le mieux indiqué pour les sortir de la misère qui grandit depuis 5 ans ! Au contraire, la sagesse et l’expérience, à mille lieues du jogging ostentatoire, sont des valeurs requises pour redonner espoir et confiance à nos concitoyens. Et ça, ceux qui le savent n’ont pas besoin de courir pour le faire savoir…
Bref, mon cher Pancrace, Yayi Boni court de-ci de-là. Est-ce que cela y changera quelque chose ? Si la propagande, la corruption, les détournements de deniers publics, les violations de la constitution, la misère grandissante du peuple, n’ont changé qu’en pire, est-ce que c’est le jeunisme sous forme de jogging itinérant qui changera quelque chose ? Rien n’est moins sûr, cher ami, à l’inverse de notre amitié…
À bientôt
Binason Avèkes
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