En Égypte, à la veille des élections présidentielles, le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA), en la personne de son chef, le maréchal Hussein Tantaoui, a prononcé la dissolution formelle du parlement. Cette dissolution procède d'une décision de la cour constitutionnelle qui a invalidé un tiers des sièges de la chambre basse en raison d'un « vice juridique » entraînant dès lors la dissolution de fait du parlement. Ce fait, d'une portée politique considérable, traduit la manière dont la dictature en Afrique, dans son combat d'arrière-garde, résiste et se joue de la démocratie. Il n'est pas un cas isolé dans une Afrique où les dictateurs et tyrans multiplient les méthodes procédurales et excipent des formes apparentes de la démocratie pour mieux la contrecarrer, l'étouffer, l'abattre. Dans le cas d'espèce, il est intéressant de remarquer, comme c'est toujours le cas, du Bénin au Cameroun en passant par les Congo et autres Togo, comment le combat d'arrière-garde des dictatures met en scène ses œuvres sordides et s'appuie sinon sur la division du travail d'élimination de la démocratie, du moins sur l'instrumentalisation réglée de ses institutions. Ainsi, dans un premier temps, la cour constitutionnelle dans son autonomie supposée et sa clairvoyance objective a pris la décision d'invalider un certain nombre de sièges. Ce nombre de sièges dont seule la providence justifie l'importance décisive a ceci de particulier qu'il est suffisant pour conduire à une seconde décision, prise par une seconde instance apparemment indépendante : la dissolution du parlement. Dans la guerre politique sans merci qui a toujours opposé l’establishment militaire aux Frères musulmans en Égypte, on n'a pas besoin d'être un génie ni un prophète pour se faire une idée du sens de cette dissolution comme étant un au coup de force visant à renverser le rapport de force existant entre les deux camps depuis le verdict des urnes qui a consacré la victoire au parlement du camp des islamistes. En revanche, ce qui est montré du doigt ici est moins le coup de force lui-même que sa méthode d'intervention : l'instrumentalisation de la cour constitutionnelle et d'une manière générale des institutions démocratiques qui se met en scène, avec la prise d'une décision téléologique renvoyant à une autre décision qui s'appuie sur la première et parachève son œuvre dans une succession coordonnée d'actes et de décisions qui a toutes les apparences d'une formalité dé-
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mocratique. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une récupération cynique de la démocratie, d'un consensus frauduleux, d'une subversion formelle et trompeuse dont le but est de mettre le peuple et les consciences devant l'évidence formelle du fait accompli.
Cette dictature-caméléon qui, pour persévérer dans son être, est obligée de se draper dans les oripeaux formels de la démocratie, est devenue la marque de fabrique des forces rétrogrades antidémocratiques en Afrique. Un exemple éclairant et éclatant de cette triste dérive est donné par le président actuel de l'union africaine, M. Yayi Boni, qui s'est fait réélire en 2011 au Bénin et continue de gouverner avec le même type d'instrumentalisation des institutions, de trucage de liste électorale, de fraude massive et de corruption mettant en jeu des dizaines de milliards de francs CFA dans un pays dont tout le monde constate aujourd'hui l'étiage des finances publiques et la dépression économique généralisée. Si celui qui, afin de cacher ses crimes électoraux, s’est dépêché d'endosser le manteau trompeur de président de l'Union Africaine pour se donner des airs supérieurs de passionné du progrès africain, n’est en réalité qu'un faussaire et un trafiquant notoire de la démocratie, un faiseur de holdup électoral, comment saurait-il en être autrement de vulgaires militaires égyptiens blanchis sous le harnais de la dictature ?
Aminou Balogun
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