Parfois, je me prends à penser que Nelson Mandela n’aurait peut-être jamais existé si les Blancs n’étaient pas cupides, cruels et inhumains envers les Noirs. Et je crains souvent que l’idéalisation et les tapages occidentaux autour de Nelson Mandela dans une culture où le Noir est volontiers envoyé au diable, ne visent essentiellement qu’à occulter, voire scotomiser le sombre palmarès d’inhumanité en quoi a consisté les rapports entre les Noirs et les Blancs : que ce soit en Afrique du Sud dans le contexte de la lutte de libération de l’apartheid portée par Nelson Mandela ou avant lui, à travers la traite négrière, l’esclavage industrielle et pluriséculaire des Noirs, la colonisation, le néocolonialisme où la haine raciste du Noir en général.
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Cette fonction de Nelson Mandela dans l’imaginaire occidental, il n’est d’ailleurs pas le seul à l’assumer, même si le parti pris prédateur des Blancs à l’égard des Noirs, qui les pousse à ravaler ceux-ci au rang d’animaux n’est a priori pas compatible avec l’héroïsation du Noir. Si le Blanc fabrique un héros noir à destination des Noirs ou partage avec eux le culte universalisé d’un héros noir, c’est que ce culte à une fonction expresse : celle de masquage de leur inhumanité impénitente à l’égard du Noir et de dénégation de leur culpabilité
Amida Bashô
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Je ne sais ce que l'esclavage, qui a duré tranquillement 400 ans dans les Amériques, où on importait les Noirs par tonnes, les vendait et les traitait comme des bêtes, je ne sais ce que ces mœurs ont de féroce ; mais d'inhumain, de négateur de l'homme, de réifiant, comme le dirait Aimé Césaire, oui... L'autonomie de la geste mandelienne que vous soulignez à juste titre, l'en soi de son être héroïque montre bien l’accident de sa récupération, qui est d'autant plus insidieux que, paré des atours de l'universalité, il a tendance à se nier comme tel.
Rédigé par : B.A. | 07 décembre 2013 à 17:26
Indéniablement! Cet héros occidental tout comme Gandhi et d'autres mais ...
- d'une part je ne parlerais pas d'inhumanité, car "la férocité" est sinon une essence du moins une composante du genre humain, la loi atavique de la jungle. Les occidentaux l'ont si bien compris qu'ils ont inventé la justice, le droit, la démocratie etc... pour ne pas s'entredévorer sans limites, pour survivre, exister. Mais comme il faut assouvir tout de même cette part "d'inhumanité" il a fallu bien l'exporter quelque part, on sait vers quels lieux, au préjudice de quels peuples...
- d'autre part, il convient de préciser que l'héroïsme de Mandela est récupéré à postériori, seulement à postériori car indéniablement l'homme est sinon un héros mais du moins un responsable en soi d'histoire, de l'histoire de son peuple, un marqueur d'histoire qui s'est inscrit dans le courant des luttes pour l'égalité de son temps, en particulier celles qui se déroulaient à la même époque en Amérique (Pasteur Martin Luther King).
La concomitance du combat de Mandela et des ses camarades avec les luttes aux USA est probablement une des réponses à la question qu'on se pose inévitablement, notamment celle de savoir Pourquoi le régime sud africain n'a-t-il jamais éliminé Mandela et les autres (Sisulu...)en presque 30 ans de détention alors qu'ils avaient mille moyens de les faire mourir de "mort naturelle". Mandela est une figure héroïque en soi, d'abord pour avoir fait volte face, face au régime de l'apartheid et ensuite pour avoir rejeté avec intransigeance toutes les propositions infantilisantes (Exil doré etc...)qui lui ont été faites en vue de renoncer à la lutte pour l'égalité...Ayant cerné, touché du doigt la fibre de l'homme, ses compatriotes blancs qui défilaient dans sa cellule ont compris que s'il y avait une figure noire cohérente et consistante qui pouvait présider un jour à la destinée d'une nation Sud-africaine libérée de l'apartheid (avènement qu'ils savaient inéluctable, cf lutte aux USA) c'était bien celle de Mandela...une récupération à postériori donc...pour en faire une construction en vue effectivement de masquer leur "inhumanité" comme vous dites....indéniablement!
Rédigé par : Thomas Coffi | 07 décembre 2013 à 12:02