Honte à Ceux qui Nous Plongent dans le Noir !
In Courrier International
Alors que de nombreux Pakistanais souffrent déjà des coupures d'électricité - jusqu'à huit heures par jour, y compris dans la première ville du pays, Karachi, la situation pourrait encore considérablement s'aggraver dans les semaines qui viennent, quand arrivera la saison chaude. Les coupures d'électricité se feront encore plus durement ressentir dans la population.
Selon certaines informations, Pepco, la société pakistanaise d'électricité, prévoit un déficit de production record de 3 050 mégawatts, ce qui pourrait se traduire par neuf à onze heures d'interruption de service par jour. Le Pakistan va littéralement retourner au Moyen Age. Pourtant, contrairement aux séismes ou aux cyclones, qui sont des catastrophes naturelles largement inévitables, cette crise est entièrement de la faute des hommes. Et elle était parfaitement évitable.
Alors que la forte croissance démographique du Pakistan et son urbanisation massive créaient une demande accrue en électricité et autres infrastructures, les capacités de production du pays n'ont pas évolué depuis 1999. C'est cet impardonnable manque d'anticipation qui est à l'origine des coupures d'électricité actuelles et qui pèse si lourd sur le budget des ménages.
Pour le secteur industriel, ces coupures sont une véritable catastrophe. Les petites et moyennes entreprises ne sont pas mieux loties : les propriétaires de petits ateliers, de boutiques de photocopies et autres commerces enregistrent des pertes records. Du côté des grandes entreprises, les coupures de courant provo-quent de graves baisses de productivité et font grimper les coûts, même pour les sociétés utilisant des générateurs diesel ou à gaz.
Depuis 1999, soit presque dix ans, les débats s'éternisent sur la construction du barrage de Kallbagh, que le président Musharraf était déterminé à réaliser. Aujourd'hui, il paraît évident qu'au lieu d'affronter l'opposition tête baissée, le général aurait mieux fait de proposer des stations hydroélectriques plus petites, plus réalistes et moins controversées. D'autres solutions, comme les centrales thermiques et les éoliennes, auraient également dû être étudiées et mises en place. C'est dans l'indifférence générale que l'on écoute aujourd'hui la PML-Q (Ligue musulmane du Pakistan) - battue aux élections - se targuer d'avoir envisagé de tels projets sur la côte du Sindh ou ailleurs. Il est trop tard maintenant. Il n'est pas nécessaire d'être Einstein pour comprendre que ces structures auraient dû voir le jour il y a des années. Les anciens responsables vont devoir s'expliquer sur ces manquements lorsque la question sera examinée au Parlement, dans les semaines qui viennent.
La situation ne se réglera pas d'un coup de baguette magique. Mais le gouvernement peut tout de même prendre des mesures pour éviter l'effondrement complet des petites entreprises qui souffrent le plus des coupures de courant. Les autorités doivent envisager des exemptions d'impôts et des subventions pour éviter une catastrophe économique et le chaos social qui s'ensuivrait. Un engagement réel du gouvernement, et non de vagues projets dans des dossiers, permettrait au moins au peuple de tenir bon pendant cet été qui s'annonce particulièrement long et pénible. C'est le moins que le gouvernement puisse faire s'il ne veut pas voir éclater de nouvelles émeutes comme celles de Karachi, Gujranwala et d'autres villes ces dernières années quand les habitants s'en sont pris aux locaux des sociétés d'électricité et à l'administration pour protester contre le prix d'un service qui grève lourdement leur budget et auquel ils n'ont pas accès pendant plusieurs heures par jour. •
Article de "The News, Karachi"
Dessin de Vlahovic, Serbie
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