Il y a 38 Ans le Directoire militaire cède la place au Conseil présidentiel
AZANƉÉGBÉHO...(ou L'histoire d'un Jour) DU : 30 AVRIL |
30/04/1970 | 1. Le Directoire Militaire cède la Place au Conseil Présidentiel |
30/04/1991 | 2. Loi d’Amnistie pour Kérékou est votée |
D'après un Témoignage de :
Lt-Colonel Phillipe AKPO¹.
1. Le Directoire militaire
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A. Création
Créé par décret n° 69-319D./SGG du 12 décembre 1969 aux lendemains du 10 décembre 1969, le Directoire militaire² fut l'expression concrète de l'opposition formelle des Forces Armées au coup d'Etat contre le Président Emile Derlin Zinsou.
Ce coup de force fut condamné par la majorité des officiers présents qui y ont relevé une violation du serment collectivement pris en faveur de la victime du putsch. Néanmoins, deux décisions importantes avaient été prises au cours de cette réunion : premièrement, le Président Zinsou devait être immédiatement ramené vivant et libre à Cotonou. Deuxièmement un directoire militaire serait mis sur pied pour diriger le pays jusqu’aux élections et la mise en place de nouvelles institutions. Ce directoire avait eu comme président le Commandant Paul-Émile De Souza et comme membre les Commandants Cofi Benoît Sinzogan et Maurice Iropa Kouandété. Comme on pouvait le constater, l’auteur du coup de force avait été bloqué dans son dessein de prendre le pouvoir. Le Président Zinsou était revenu à Cotonou et avait été conduit à son domicile. Les anciens Président Maga, Ahomadégbé et Apithy étaient rentrés au pays sans que l’on puisse dire qu’ils avaient été assagis ou non de leur exil.
Le Directoire militaire, soucieux de voir le pays retourner à une vie constitutionnelle et démocratique normale, promet des élections présidentielles pour la fin du moins de mars 1970 au plus tard.
B. L’organisation des élections
Une commission électorale avait été en conséquence mise ne place. Son président fut le chef de bataillon Marcellin Vodounon Oké. C’est à cette commission qu’il était revenu :
1- de déterminer les critères de candidature et les modalités des élections ;
2- d’élaborer un projet de budget conséquent ;
3- de superviser les élections.
Les critères de candidature étaient :
a) être de nationalité dahoméenne
b) verser une caution de 1 million de Francs CFA
c) déposer sa candidature 15 jours avant la date d’ouverture de la campagne électorale.
Ont pu répondre à ces critères : Hubert Maga, Sourou Migan Apithy, Justin Ahomadégbé, Tomètin, et Emile Derlin Zinsou. Comme on le constate, une fois encore, les trois leaders traditionnels n’ont pas tiré leçon du passé pour s’entendre sur un nom. Ils sont allés chacun mobiliser leurs troupes pour les batailles électorales.
Afin de permettre un contrôle plus efficace par l’ensemble des Forces armées et les éléments de sécurité publique, la Commission électorale décide que les élections ne se dérouleraient pas simultanément, mais tour à tour par département, dans l’ordre ci-après.
1. Sud-Est = Ouémé ; 2. Sud = Atlantique ; 3. Sud-Ouest = Mono ; 4. Centre = Zou ; 5. Nord-Est = Borgou ; 6. Nord-Ouest = Atacora
L’encre indélébile devait permettre d’éviter à un même électeur plusieurs votes dans différents bureaux. Mais c’était compter sans la ruse de nos compatriotes. Cette encre devait se révéler la source fondamentale des fraudes que les autorités voulaient éviter. En ce qui concerne la décision de faire voter département par département pour un bon déroulement du scrutin, elle aura au contraire favorisé le régionalisme, le tribalisme et la division, le tout sur fond de haine. Dans le département du sud-est, les partisans de Sourou Migan Apithy avaient utilisé tous les moyens de pression sur les électeurs des autres candidats. Ainsi, Apithy sort vainqueur dans son fief. Dans le département du Sud, Cotonou, fief de Ahomadégbé, les élections s’étaient déroulés sous le signe de la violence contre les partisans de Maga et de Apithy. Bien que la tension fût montée ici d’un cran, les forces de l’ordre s’étaient abstenues d’intervenir.
C’est ainsi que Ahomadégbé était arrivé largement en tête mais avec des véhicules brûlés par ses partisans, et des violences physiques exercées sur leurs adversaires. Dans le département du sud-ouest où les voix avaient été partagées entre les trois leaders, on avait noté également des troubles entre partisans d’Ahomadégbé et d’Apithy. Dans le centre du pays, le sang avait coulé à Abomey, Bohicon, et Sahoué. Des voitures et plusieurs maisons avaient été brûlées ou gravement endommagées. Dans certains bureaux de vote, seuls les bulletins d’Ahomadégbé se trouvaient sur les tables.
Au total, de graves irrégularités avaient été enregistrées. Le plus grave était que le mal avait atteint certains militaires et agents de sécurité. Avec leur complicité en effet, les irrégularités avaient profité aux « Houégbadjavi ». Apithy et Ahomadégbé avaient fait le plein des voix dans leurs fiefs respectifs. Les partisans de Maga attendaient leur tour pour imposer la suprématie de leur leader dans le septentrion. La situation, après le département du centre, était devenue si tendue que chacun se demandait ce qui allait se passer à Natintingou et Parakou, fiefs incontestables de Hubert Maga.
Des troupes étaient arrivées en renforts de Cotonou dès les 23 et 24 mars 1970. A chaque étape, les violences gagnaient en intensité et aucun des autres candidats n’avait la latitude de se déplacer comme il l’entendait, encore moins d’aller faire campagne à Parakou où ils ne pouvaient arriver. C’est ainsi que le 25 mars 1970 fit date dans l’histoire des élections de notre pays.
Pour répliquer aux événements qui s’étaient déroulés dans le sud, seuls les bulletins du candidat Maga étaient en place dans la plupart des bureaux de vote. Des militaires et agents des forces de sécurité publiques originaire du Borgou et de l’Atakora, s’étaient rendus manifestement complices des graves incidents enregistrés. Les sympathisants des autres leaders avaient été molestés. Comme à Abomey, le sang avait coulé à Parakou où le 13 mars 1964 déjà, l’Armée avait fait usage de ses armes contre les manifestants, sur instructions du Président Ahomadégbé. Dans l’Atakora, on attendait de pieds fermes le jour « J » pour se venger et régler les comptes à tous ceux qui allaient voter autre chose que « Maga. »
Face à une telle situation d’insécurité généralisée, la Commission Electorale et le Directoire militaire décident de ne pas continuer sur Natitingou. Les opérations de vote furent annulées sur toute l’étendue du territoire parce que le pays était à la limite d’une sécession avec un projet de création d’un Etat qui prendrait le nom de ATABOR( entendre Atakora-Borgou)en cas d’échec du candidat Hubert Maga à l’élection présidentielle.
2. LE CONSEIL PRÉSIDENTIEL
A. La Réunion de Savè et ses conséquences immédiates
D'abord suspendues, les élections présidentielles et législatives avaient été officiellement annulées. Le Lieutenant-Colonel Paul Emile de Souza, Président du Directoire promet la mise en place d'un gouvernement d'union nationale dans un délai d'un mois, à l'occasion de son discours à la Nation le 3 avril 1970. Afin de trouver une solution satisfaisante et durable à la grave crise que connaissait le pays, le Directoire militaire invite les quatre candidats (Zinsou, Apithy, Maga et Ahomadégbé) à se retrouver pour proposer une solution au dénouement de la crise. Le Président Maga estime alors que sa sécurité était désormais menacée dans la région sud du pays et propose en conséquence à ses paires de se retrouver à Savè.
Le 16 avril 1970, Hubert Maga et Ahomadégbé Justin se retrouvent à Savè. Apithy et Zinsou se déclarent surpris par la prise de position de Maga et trouvent inopportun d'aller à Savè alors que Cotonou pouvait abriter la réunion.
A Savè, les Présidents Ahomadégbé et Maga trouvent néanmoins la solution d'une « commission présidentielle ». Il s'agit d'une présidence tournante qui devait durer six années. Chacun d'entre eux aurait eu le temps, du moins l'espéraient-ils, de faire ses preuves de manière à convaincre, plus tard, les électeurs.
Le 29 avril 1970 prit officiellement fin la crise politique que vivait le pays. Hubert Maga fut alors désigné par ses deux autres collègues Apithy et Ahomadégbé pour exercer les fonctions de Chef de l'Etat, Chef du Gouvernement et Président du Conseil Présidentiel. Le Président Zinsou, lui, refuse d'adhérer au Conseil Présidentiel, car ne voyant pas le bien fondé de cette approche, qui annonçait plutôt d'autres orages institutionnels et non des solutions consensuelles.
B. L'Avènement du Consil Conseil Présidentiel
Dans leur volonté de relancer le jeu politique et pour s'en tenir au mois fixé pour passer le pouvoir, le Directoire Militaire alors aux affaires, se rallie à la solution du Conseil Présidentiel après l'échec des élections qu'il avait initiées. En fait, le Directoire Militaire avait pris un risque sérieux en organisant les élections de mars 1970 département par département. Comme il fallait s'y attendre, les inquiétudes exprimées par beaucoup de personnes quant aux violences, aux atteintes au secret du vote, aux brimades exercées sur certains électeurs pour les empêcher d'exprimer librement leur suffrage, parce que n'étant pas dans leur circonscription d'origine, se trouvèrent amplement justifiées
Le Président du Directoire déclara : « Fidèle à notre engagement de ne pas conserver le pouvoir, nous avons décidé de mettre en place, un système de gouvernement qui tienne compte des réalités de notre pays ». Le 30 avril 1970, le Directoire Militaire cède sa place au Conseil Présidentiel de trois membres, Instance Suprême de l'Etat, au sein de laquelle la responsabilité reste collégiale.
Après une décennie d'indépendance, le Dahomey en était encore à chercher ses marques, avec toujours les mêmes acteurs qui, par cette formule de Conseil, montraient leur limite en tant que dirigeants chargés de conduire la destinée d'un pays. Par ordonnance n° 70-33D/SGG en date du 7 mai 1970, le Directoire Militaire fut dissout.
Notes
¹. Extrait de : Rôle et implication des Forces Armées Béninoise dans la vie politique nationale ; Lt-colonel Philippe Akpo ; Editions du Flamboyant, 2005.
². Rappelons que le Préambule de l'Ordonnance n° 69-53D du 26 décembre 1969, portant Charte du Directoire dispose :
« Après la proclamation du 10 décembre 1969, l'Assemblée Générale des Officiers de l'Armée Dahoméenne, réunie à l'Etat-major des Forces Armées Dahoméennes à Cotonou le jeudi 11 décembre 1969, a décidé de confier la responsabilité de l'Etat à un Directoire composé de trois Lieutenants-Colonels et présidé par l'un d'eux, le plus ancien dans le grade le plus élevé.
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