Le Parti Communiste du Bénin et le Débat Démocratique
On connaît le discours radical du Parti Communiste du Bénin dont le scepticisme à l’égard de la politique conventionnelle n’a d’égale que son espérance utopique en une révolution populaire, radicale qui promet des lendemains qui chantent. On peut en penser ce
qu’on veut, notamment, le fait que la propension à la radicalité idéologique, le refus de toute concession avec la réalité dans un monde concret, où le progrès rime plus avec l’intelligence pragmatique qu’avec la rigidité intraitable de théories surannées. Mais on ne peut pas en raison de ces excès ne pas entendre les cris et les écrits émanant des milieux de ce parti ainsi que de sa mouvance intellectuelle. La contribution irréfutable du Parti communiste du Bénin et de ses organisations associées à l’histoire politique de notre pays, plaide contre cette tentation de marginalisation. La violence et le caractère utopique des positions et des propositions de ces milieux ont souvent servi de prétexte aux pouvoirs pour persévérer dans leurs vices et leurs basses œuvres qui de décennies en décennies enracinent le pays dans la misère en naturalisant les conditions de sa pauvreté. Mais à l’heure de la démocratie, l’ouverture d’esprit doit se faire vers tous les horizons de la pensée et de la pratique, jusques et y compris vers ceux qui revendiquent une vue hétérodoxe de la démocratie, sans parler de ceux dont les conceptions de la politique les portent à la défier ou à la mépriser. Elle doit consis-ter en une intégration de toutes les pensées au service de l’évolu-tion de notre pays, seule chose qui importe en fin de compte.
Or débarrassée de leur fiel, et de l’aveuglement idéologique, les pensées de ces groupes qui gravitent dans la mouvance du parti communistes nous interpellent par leur vérité, et leur pertinence. Bien plus on s’aperçoit à la réflexion que leur radicalité n’est pas toujours aussi délirante qu’il y paraît, mais s’impose comme la réponse à une nécessité méthodologique d’indépendance et de liberté. Nous sommes tellement embarqués dans le système de la réalité que nous ne nous rendons pas compte que bien souvent la compromission est devenue pour nous un masque commode. Dès lors, des gens et des idées comme celles qui émanent des milieux du parti communiste, et dont le patriotisme ne peut être mis en doute pas moins que l’amour du peuple, loin d’être méprisés comme cela paraît aller de soi dans la représentation officielle de la réalité, méritent d’être regardés droit dans les yeux c’est-à-dire d’abord et avant tout écoutés et entendus.
Par exemple, au sujet des élections municipales qui se déroulent en ce moment au Bénin, que penser de la position du parti communiste et des organisations affiliées, à la lecture d’une déclaration comme celle-ci :
COMITE DE COMBAT DE LA CSTB ET ALLIES (CCCA) AVEC LA CENA DE TODJINOU, LA FRAUDE A CULMINE : BOYCOTTONS LE SCRUTIN DU 20 AVRIL EN LA COMBATTANT Les CENA successives depuis l’avènement du régime du Renouveau ont fait leur preuve comme des organes de fraude. Qu’en est-il de l’actuelle CENA dirigée par le sieur TODJINOU Pascal bien connu pour ses bas stratagèmes dans le monde des travailleurs depuis 1990 ? a) De la participation de Pascal TODJINOU à la CENA : il y a été proposé par Alexandre HOUNTONDJI, ministre porte parole de Boni YAYI, pour le compte de la Société civile. Syndicaliste de bien triste renommé, Pascal TODJINOU a échoué à faire emballer les organisations syndicales dans la société civile tel que le plan YAYI-HOUNTONDJI-TODJINOU l’a voulu lors de l’avant dernier séminaire organisé par le pouvoir sur la société civile. Ce séminaire a révélé ses accointances et ses amitiés avec Boni YAYI, et il ne s’en cache pas. b) Du feuilleton du Bureau de la CENA : dès son admission à la CENA, TODJINOU s’affuble de son attribut de syndicaliste pour faire accroire qu’il est l’homme à présider cette institution. En véritable bonze syndical, il a servi tous les pouvoirs successifs du Renouveau depuis 1990 et est en accointances avec tous les hauts bourgeois : sabotage des luttes des travailleurs de 1990 à 1996 ; sabotage de grèves des travailleurs par des contre ordres au petit matin à 8 heures; participation au présidium de la Conférence économique de Tévoédjrè-Kérékou en 1996… Le feuilleton Bureau-CENA 2008 aura donc été savamment concocté avec le pouvoir pour crédibiliser TODJINOU. On n’a pas hésité jusqu’à simuler son enlèvement, et le feuilleton de se poursuivre avec des annonces de vol de cartes, de procès encore en cours contre des membres de la CENA, mais vite blanchis ; toute cette mascarade cousue de fil blanc pour d’autres annonces spectaculaires. Maintenant, ayant donné des gages et des parts aux différents clans de hauts bourgeois en lice, il peut mettre en œuvre la fraude. c) Des 4 millions d’inscrits : TODJINOU ainsi canonisé, pour parachever les basses manœuvres, annonce de façon spectaculaire près de 4 millions d’inscrits pour une population de moins de 8 millions d’habitants dont plus de la moitié ont moins de 18 ans. Il annonce ainsi plus de 100 % d’inscrits sur les listes électorales, bien que les populations dépitées aient boycotté cette phase du processus électoral. TODJINOU aura donc annoncé plus de 2 millions de cartes frauduleuses. Lui qui a tout le temps servi au Ministère du plan et de la statistique, pour le compte de qui ces cartes frauduleuses ont-elles été distribuées ? Quel objectif visent ces états de siège actuellement en cours dans diverses communes et dont TODJINOU ne parle point pour l’arrêt du processus électoral ? Voilà autant de faits qui montrent que la CENA de TODJINOU a poussé la fraude en des limites jamais égalées. Elle a atteint les sommets de la fraude et des basses manœuvres contre le peuple. Le seul choix pour les travailleurs et le peuple, c’est le refus de cautionner cette mascarade. - Peuples du Bénin n’allez donc point voter pour cautionner la fraude ! - Boycottez activement ce scrutin en dénonçant les divers manèges de fraude ! Cotonou, le 18 avril 2008 Pour le Comité de Combat de la C S T B et Alliés, Le Président Paul Essè IKO |
A la lecture de cette prose du Comité de Combat de la CSTB et de ses alliés, on peut penser que le Parti Communiste, qui en est l’inspirateur, défend sa position et ses intérêts politiques. En effet, ce parti n’étant pas un parti de gouvernement, souffre on le sait, d’un décalage entre sa forte capacité de mobilisation sociale d’antan et sa faible audience politique actuelle. Cette situation ne lui permet pas d’escompter une implantation locale en termes de représentativité politique. La preuve en avait été faite lors des dernières élections législatives, où ce parti n’a pu envoyer un seul représentant au Palais des Gouverneurs. Elle a de fortes chances de se rééditer. Dès lors la meilleure façon de se défendre étant encore d’attaquer, dénoncer l’organisation des élections, leur irrégularité peut être une façon de se dédouaner d’une piètre figure prévisible et inéluctable. Par ailleurs, ceux qui connaissent le parcours de Monsieur Pascal Dandjinou, l’actuel Président de la Cena et ses rapports conflictuels avec le PCB peuvent lire à l’arrière-plan de ces diatribes ou attaques ad hominem une survivance des querelles à propos de la CGTB. Mais quoi qu’il en soit, on ne peut nier dans le fond la pertinence de la question de la fraude, que soulèvent ce parti et ses organisations associées ; encore moins peut-on rejeter d’un revers de mains les éléments quantitatifs et sociologiques de l’argumentaire qui étaye cette suspicion. A partir de là, on voit en quoi la position d’un parti aussi marginalisé sinon diabolisé que le PCB peut être d’un apport de salubrité dans le débat démocratique dans la mesure où elle permet de reconsidérer sous un jour nouveau la question de la fraude électorale, qui d’une certaine manière est passée sous silence, et pour laquelle peut-être le feuilleton rocambolesque politico-judiciaire du vol de cartes d’électeur ne constitue que l’arbre qui cache la forêt. Par exemple de la tension politique entre ceux que la presse appelle le G4 et le G13 d’une part et le Pouvoir d’autre part qui a culminé en la déclaration conjointe de ces hommes, partis et groupes politiques le 12 mars 2008, on a tout dit sauf qu’elle avait in fine directement parti lié à la thématique de la fraude électorale. En fait le principe de la crainte de perdre leurs fiefs municipaux des anciens ténors de la politique n’était pas lié à une percée décisive de Yayi Boni et des hommes de la FCBE dans le cœur des électeurs ; elle n’était pas davantage le résultat d’une offensive politique sur le terrain du Président et de ses hommes. Cette offensive est réelle, mais en vérité elle n’avait que pour fonction d’accréditer la victoire frauduleuse de la FCBE, de préparer les esprits au-raz-de marrée du camp présidentiel. Jusqu’à nouvel ordre, telle est la contrainte formelle des élections au Bénin ; elle est théâtrale et impose deux actes avec le seul pouvoir comme metteur en scène, les partis d'opposition comme acteurs secondaires et le peuple comme figurant. Un premier acte consistera à accréditer l’intention politique du pouvoir, à y préparer les esprits ; et un deuxième acte consistera à dépecer le gibier électoral – en l’occurrence ici municipal – à la convenance du pouvoir et de son chef bien aimé : Victoire léonine. C’est à cette théâtralité que sur le mode du « touche pas à mon fief » le G4 a opposé une autre théâtralité qui est apparue aux uns comme un acte d’arrière-garde et aux autres comme un acte d’avant-garde démocratique. Or, en renvoyant dos à dos Gouvernement et partis d’opposition dans la même critique de fraude électorale, on voit que le PCB quoi qu’on dise de la virulence de son discours, semble plus proche de la vérité qu’il n'y paraît.
Cette vérité est un gage en même temps qu’une preuve de la nécessité de l’ouverture sans exclusive du débat démocratique.
Binason Avèkes.
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