La politique, avons-nous dit, c’est du ping-pong par dessus les nuages ; en tout cas telle qu’elle se fait en Afrique soumise à la pression néocoloniale. Cela veut dire qu’elle est régie par les lois du théâtre d’ombre. Et les acteurs, qui s’étripent pour leurs intérêts personnels ou de clans, ne correspondent pas
souvent aux rapports d’opposition qu’ils affichent. De ce point de vue, il est difficile de savoir qui est qui en politique. En effet, d’une part le système des intérêts est en perpétuel mouvement, et d’autre part il est dans l’intérêt des acteurs de ne révéler ni leur vraie nature ni leurs intentions réelles. Il ne s’agit pas seulement du caractère de la démagogie, ou même de la tromperie inhérent à la culture politique même dans les plus grandes démocraties, caractère qui a contribué à déprécier le mot politique, au point qu’il soit souvent confondu avec "politicien". Au Bénin et plus généralement en Afrique francophone la situation est tout autre. Le basculement du destin politique de la condition d’entité dépendante à celle de nation dite indépendante relève d’une fabuleuse supercherie, tout entier régie par les lois du théâtre d’ombre. En fait, nous n’avons jamais été indépendants. Ni économiquement, ni symboliquement, ni culturellement encore moins politiquement. Et la France – pour citer cette nation européenne très acharnée dans sa volonté à nous tenir en laisse – n’a de cesse de tenir toutes les ficelles de la marionnette que nous sommes. Dès lors, la démagogie, la tromperie et le donné à croire ne sont pas des caractères de la politique en Afrique : ils en constituent la nature même. Le loup néocolonial ne cesse de hanter la bergerie des peuples Africains. Le vautour de la domination symbolique, culturelle, économique et politique française, plane dans le ciel sombre de la politique béninoise. Pour comprendre cette politique, il faut donc avoir présent à l’esprit la donnée du harcèlement néocolonial. Ce qui implique que nous autres Noirs nous n’avons pas le droit de vaquer à nos affaires sans que les Blancs aient à les régler dans leurs intérêts. La politique est fondée sur le principe implicite que tout ce qui se passe en Afrique doit être assujetti à la sauvegarde des intérêts des Blancs ( c’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre le terme de “sale Blanc” utilisé par Robert Mugabe, le Président du Zimbabwe, que les Occidentaux, selon leur stigmatisation manichéenne, qualifient de dictateur – par opposition aux Gnassingbé, Houphouët Boigny et autres Bongo dont les Français, notamment s’honorent d’être les répondants en Afrique noire. Or au Bénin, si le néocolonialisme français est en toile de fond de la politique, l’autre personnage incontournable par la durée et l’influence est Mathieu Kérékou, un homme qu’on ne présente plus. Pour ne prendre que la situation politique actuelle qui s’articule autour de l’idée du changement, on peut dire que le changement en 2006, a été nécessité pour mettre fin au long règne criminel de ce dictateur, kleptocrate qui a su se mouler dans le jeu démocratique pour mieux ruiner le pays, sa morale et son économie. L'histoire retiendra les crimes ( de sang et économiques) de cet homme obscur dont l'innocence mythique est inversement proportionnelle au désordre moral, au culte insidieux de la personnalité et à l’étendue des réseaux mafieux.
Or, pour se faire une idée de ce qui se passe sur le théâtre d’ombre de la politique béninoise, certes il faut comprendre le rôle capital de l’emprise néocoloniale, qui est le milieu ambiant initial, mais il faut aussi retenir et prendre conscience de la centralité diabolique du personnage de Mathieu Kérékou. Et ce à travers l’histoire politique de notre pays depuis ce qu’on a appelé son indépendance. C’est cette mise en lumière nécessaire du personnage de Kérékou qu’ a essayé de faire Monsieur Pascal Fantondji, 1er Secrétaire du PCB. Dans son “ ADRESSE AUX RESPONSABLES D’ORGANISATIONS PATRIOTIQUES ET AUX PATRIOTES”, le dirigeant politique qui n’a pas sa langue dans sa poche a brossé à grands traits l’œuvre au noir de Monsieur Kérékou. Il a mis en lumière les faits et les agissements que les hagiographes et autres thuriféraires mettent cyniquement dans l’ombre pour propager le mythe contre-nature d’un Kérékou bâtisseur de nation, et homme d’équité ou de probité.
Bien sûr, par certains côtés ce portrait sent le vitriol, et nous ne parions pas sur l’objectivité idéologique ou politique de son auteur. Mieux encore nous pensons que pour mieux rendre raison de ce discours, il faut tenir compte de l’histoire des rapports conflictuels du sujet et de son objet. Pour autant, ce discours qui participe d’une saine déconstruction du mythe de Kérékou à un moment où se joue sur la scène politique un retournement paradoxal qui met le changement en porte à faux, ce discours sans concession mérite d’être porté, entendu et compris à sa juste valeur. C’est pour cela que Babilown, en a extrait 20 éléments qui méritent le détour.
Binason Avèkes
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