1. Place Jean Bayol /2.Note sur Jean Bayol /3. M. Jean Bayol, le poète /4. Jean Bayol vu par Behanzin Aïjirè / 5. Mission au Dahomey |
1. Porto Novo, place Jean Bayol. - Jean Bayol (1849-1905) reste reconnu localement pour avoir veillé à la protection du royaume de Porto-Novo, alors protectorat français, contre les velléités de son puissant suzerain Béhanzin à la fin du XIXème siècle. C’est un personnage emblématique des paradoxes de l’entreprise coloniale française, oscillant entre négociation et violence. Médecin de Marine, il va successivement faire le coup de force au Gabon, s’illustrant lors d’expéditions punitives contre les Pahouins en 1875, puis entamer une carrière d’explorateur et diplomate, en prenant part à l’expédition du capitaine Gallieni, chargé d’aller négocier à Ségou le monopole de la navigation sur le haut et moyen Niger avec le sultan Ahmadou, avant de contribuer à la colonisation de la Guinée, en négociant un traité avec les almami du Fouta-Djalon, et de conclure des accords avec les chefs du Sénégal Oriental. Il participe à l’exploration géographique et économique du Soudan occidental. Puis il entame une carrière administrative, devenant en 1883 lieutenant-gouverneur du Sénégal chargé des Rivières du Sud, région de l’actuelle Guinée, où il conduit une pacification qui connaît quelques débordements (l’affaire du Nuñez). Il prend part aux négociation entourant le partage de l’Afrique occidentale entre puissances européennes autour de la conférence de Berlin, conseillant à Paris pour la délimitation de la Guinée portugaise, et négociant sur le terrain à Petit-Popo (Aného) pour la délimitation des possessions françaises du Dahomey et allemande du Togo. Il est également sollicité pour négocier et formaliser le découpage entre les possessions françaises et anglaises d’Afrique de l’Ouest, de la Ganbie au Nigeria en passant par la Sierra Leone, la Gold Coast ; nombre d’accords territoriaux portent son nom accolé à celui des négociateurs des autres parties. Au Dahomey, il tente en vain de négocier avec le roi Béhanzin la pacification et le respect d’accords douaniers passés ultérieurement, avant de prôner le recours à la force. Relevé et remplacé à Porto-Novo par un amiral de Marine, il prend sa retraite à 42 ans. Il fait ensuite une carrière politique, représentant la gauche démocratique, comme conseiller général puis sénateur des Bouches du Rhône. Il fait preuve d’une grande ouverture d’esprit dans ses engagements en faveur de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et de la limitation du service militaire. Il disparaît en cours de mandat sénatorial. |
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2. Note sur Jean Bayol 1849-1905 JEUNESSE 1849-1878 Jean Bayol fils de Jean-Baptiste Bayol marchand de tissu très aisé et deMarie Anne Rosalie, Jean naquit à Eyguières au pays Arles le 24 décembre 1849Il fait ses études au lycée de Nîmes où se révèlent ses goûts pour la géographie etles voyages. Il suit les cours de l’École de médecine navale de Toulon et devientaide-médecin à Cherbourg en 1870 puis de 1872 à 1874 à Toulon Sa santé inquièteses supérieurs. La situation d’aide-médecin est précaire mais le 11 mars 1874 àMontpellier Bayol soutient sa thèse de doctorat et le 4 novembre de la mêmeannée il est nommé médecin de la Marine de 2e classe Il a vingt-cinq ans. Embarqué sur la frégate Vénus de la division navale de l’Atlantique sud en1875, Bayol navigue sur la côte occidentale d’Afrique où de courtes explorationsle font entrer en contact avec le Sénégal, les Rivières du Sud, où il visite les comptoirs du Rio Nunez et la Guinée portugaise. Au Gabon il participe en juillet 1876 aux expéditions du Como et du Remboé -- expéditions punitives contre les Pahouinsqui avaient pillé les cotres et les embarcations des traitants et tué trois hommesd’équipage. Les journées des 15 et 17 juillet valent aux Français sept blessés que Bayol soigne et opère avec succès. À Landana le 7 août, autre répression surla demande du Père Duparquet fondateur de la mission CIU avait été attaquéepar les indigènes des environs. Bayol fait preuve d’un dévouement qui lui vautles éloges du capitaine de vaisseau Conrad, commandant de La Vénus et du capitaine de frégate Clément, commandant particulier du Gabon. L’amiral Ribourt commandant en chef de la division navale de l’Atlantique sud signale les services intelligents du jeune médecin. Et comme la santé de Bayol est raffermie, ( il atriomphé du mal de mer dont il souffrait par tous les temps) le commandant deLa Vénus ne doute plus que Bayol puisse devenir un des membres les plus distingués du corps de santé de la Marine. À bord de la frégate Flores en 1878, Bayol donne la mesure de son activité et de son amour du travail. Le 2 novembre 1878 il est nommé médecin de 1ère classe et bientôt envoyé au Sénégal où il arrive en mars 1879… |
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Le docteur Jean Bayol, sénateur des Bouches-du-Rhône, vient de mourir à Paris, succombant aux attaques répétées d'une maladie de foie qu'il avait contractée en Afrique. Il avait, en effet, après quelques années passées, au début de sa carrière, dans le cadre des médecins de la marine, été fonctionnaire colonial et avait rendu alors d'importants services. Notamment, c'est à sa diplomatie que nous dûmes le traité par lequel le sultan du Fouta-Djallon se plaçait sous la suzeraineté de la France. Enfin, en 1889, devenu lieutenant-gouverneur des Rivières du Sud, il fut envoyé vers Glé-Glé, roi du Dahomey, qui nous cherchait querelle. Il reçut à Abomey le plus mauvais accueil et, devant l'attitude provocante de Glé-Glé, qui menaçait de le retenir prisonnier, dut signer une lettre acceptant les prétentions du roi nègre. Ce fut la cause première de la guerre du Dahomey, qui se termina, en 1892, par la victoire du général Dodds et la capture de Behanzin, successeur de Glé-Glé. Quand il eut droit à sa retraite, M. Jean Bayol fit liquider sa pension et rentra en France. En 1904, les électeurs des Bouches-du-Rhône l'envoyaient au Sénat. L'homme était charmant, fin, très cultivé. Il était poète dans l'âme et a écrit, en langue d'oc, des vers délicats, dont les lettrés provençaux font grand cas. |
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4. Jean Bayol vu par Béhanzin Le Journal du Prince Ouanilo 16 janvier 1906 Mes lectures des lettres de Père retrouvées dans les affaires d’Oncle sont fort édifiantes. Hier, j’ai interrogé Père sur la tentative de reprise de Koutonou du 4 mars 1890 qui s’est soldée par un échec, malgré la bravoure des soldats. Je venais de relire plusieurs fois un courrier de l’époque envoyé au Président de la République française dans lequel Père expliquait la vérité des faits. Et, comme j’en ai déjà eu l’impression, à travers la lecture de ces courriers, il ressort que maints déboires sont du fait des représentants de la partie française ; à commencer par l’intransigeance du Docteur Jean Bayol, et ce qu’il faut bien appeler ses nombreuses provocations. La lettre de Père adressée au Président de la République Française était claire à ce sujet. Elle est datée du 17 avril 1890 précisément, au moment où les événements de Koutonou étaient encore présents dans les mémoires. Voici ce que disait Père : Au mois de novembre 1889 Jean Bayol, représentant de la république française, Gouverneur de Porto-Novo est venu dans la capitale du Danhomey pour faire un contrat, une convention touchant la question de Koutonou ; et quand pour la première fois nous avons causé ensemble, le même Jean Bayol m’a raconté que les deux contrats qui se trouvaient au pouvoir de la France avaient été reconnus comme entachés de faux et cela même par les interprètes et que le roi Glélé demandait seulement qu’on laissât faire là le débarquement des marchandises et de toutes les choses pour qu’elles suivissent leur route jusqu’à Porto-Novo en payant les droits de douane anciens. Mon Père a accepté et le même Jean Bayol m’a laissé un contrat à cet effet ; et sur ces entrefaites, mon père s’est trouvé indisposé, et le même Jean Bayol s’est alité ; et ne pouvant plus arriver à aucun contrat et voyant que les ennemis continuaient à être grands, je fus contraint de renvoyer Jean Bayol qui avait été fort bien reçu par mon père. Il fut envoyé le 28 décembre et le 30 du même mois, mon père Glèlè est décédé. Je suis monté sur le trône le 1er janvier 1890 ; et Jean Bayol eut un présent d’étoffe que mon père lui fit à lui, ainsi que pour votre excellence ; et le 17 février de la présente année, j’ai reçu avis par lettre que les négociants français d’Ajuda s’étaient établis dans la maison Cypriano Fabre, brisant un grand nombre de bouteilles contenant des boissons ; des bouteilles vides pour se fortifier, ayant des armes chargées. Ayant appris cela, j’envoyai immédiatement mes autorités qui se trouvaient avec moi dans la capitale, pour se rendre compte du fait ; et le jour même où elles arrivaient à Ajuda, savoir le 21 février, Jean Bayol fit bombarder Koutonou, sans me donner aucun avis, tuant le petit nombre de gens qui se trouvaient là, et réduisant en cendre tout ce que j’y possède en y mettant le feu ; emprisonnant mes autorités et les envoyant à Porto-Novo pour les faire livrer à mon ennemi le roi Toffa. Dans l’acte du bombardement, il a été échangé des coups de feu de part et d’autre. Le troisième jour, il a été fait une guerre de nuit, et de part et d’autre on a perdu du monde sans que j’eusse été informé. Je m’étonne fort que la France qui est une nation très ancienne amie des rois de Danhomey et cela depuis nombre d’années jusqu’à ce jour, quand il n’y a pas d’autres commerces dans mes ports que le commerce français, ait fait une telle chose sans m’avertir. Sur ces entrefaites, j’ai capturé huit Européens, et j’attendrais que Jean Bayol ait élargi mes autorités pour mettre également en liberté les prisonniers ; et même pour ce qui est de les maltraiter bien que comme négociants, ils n’eussent pas dû se mêler de politique et d’affaires de guerre, attendu qu’ils ne sont pas soldats, j’attendrai que votre excellence, justifie cette façon d’agir de Jean Bayol vis-à-vis de moi. J’ai reçu de ce dernier les présents que votre excellence m’a envoyés au nom du gouvernement français ; seulement, je regrette qu’étant antique ami de la France, on ne m’ait pas transmis de sentiments de condoléance en ce qui regarde la perte de mon père, vu que les autres nations européennes l’ont fait. Comme les négociants d’Ajuda ont mal agi, je les ai faits prisonniers. J’ai ordonné de fermer les factoreries et j’ai fait mettre au check leurs employés qui se trouvent actuellement dans les mêmes maisons ; même si quelques-uns se sont enfuis à Koutonou avant la dite affaire. J’ai donné des ordres et j’ai placé des gardes pour qu’il ne soit rien dérobé dans les factoreries. Les différends avec les officiers français sont très nombreux et se sont produits à maintes reprises et votre excellence n’a encore pris aucune mesure à cet égard. Que Dieu garde les jours de votre Excellence durant nombre d’années Sa Majesté le Roi du Danhomey.
« M. Bayol est venu réclamer l’élargissement de 300 Noirs faits prisonniers à l’ombre du pavillon français et dont plusieurs sont nos sujets directs. Pour toute réponse, on attache notre représentant à un arbre. Il va assister à l’égorgement de ces malheureux. Parmi les dignitaires qui entourent le Roi, il en est un, le Migan, Ministre de la justice qui assume en même temps les augustes fonctions de bourreau. Ce Migan est facilement reconnaissable, près de lui se trouve toujours le grand bassin de cuivre, destiné à recueillir le sang. Le bourreau s’appuie sur un immense sabre dont la poignée est surmontée d’un coq. Avec ce sabre, il abat les têtes d’un coup. Le roi vient de lui faire un signe. Le massacre commence. Plusieurs centaines de pauvres Noirs sont là enchaînés, stoïques, ils s’agenouillent et attendent leur tour. Le bourreau est un colosse vigoureux. Un coup n’attend pas l’autre. Les malheureux, l’œil fixe tendent le cou avec une indifférence hébétée, acquise sans doute par une longue accoutumance des scènes d’horreur et de courage (…) Cependant les corps s’amoncellent d’un côté, les têtes forment des piles à part, de l’autre. Une odeur de sang âcre, fétide empuantit l’air et se mêle à celle du rhum qui tout autour parmi les guerriers coule à flot. Mais il faut varier les plaisirs. Sur une estrade élevée sont rangées de grandes corbeilles. Chacune contient un homme vivant dont la tête seule dépasse. Tout à coup, ces corbeilles sont balancées en l’air et jetées sur la place où la foule danse, hurle et dispute. Comme chez nous les enfants des rues se précipitent et se bousculent pour ramasser les dragées que leur jette le parrain d’un baptême, ainsi hommes, femmes, enfants se renversent et luttent autour des corbeilles. C’est à qui s’en emparera. Les têtes sont arrachées, déchiquetées avec de mauvais couteaux. Les gagnants de cette loterie sanglante vont échanger leurs hideux trophées contre une filière de cauris, cordelette sur laquelle sont enfilées de petits coquillages de ce nom, et qui a une valeur marchande de deux francs cinquante. Il reste encore un dernier groupe de Noirs à massacrer. Mais auparavant, le Roi a besoin de se recueillir. Il adore les fétiches nationaux, offre un verre de rhum à ses victimes. Il boit avec eux, pendant que retentit la clameur protocolaire : « Houssou Pony ! Houssou Pony ! » -- « Le roi boit ! Le Roi boit ! » Alors, on scie le cou des pauvres diables avec des couteaux ébréchés. On massacre en même temps deux chevaux et un alligator dont on mêle le sang à celui de l’humaine hécatombe…. M. L’Abbé Ducrocq »
in Gbêkon, le Journal du Prince Ouanilo, par Blaise Aplogan, 2012 5. MISSION AU DAHOMEY |
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