Il est professeur d'anatomie, a pratiqué la médecine et travaillé dans certains des meilleurs hôpitaux et universités du monde. En 1995, le professeur Adesegun Adebanjo, révolté de la dépossession de l’élection d’Abiola et de l’oppression des Yoruba par les Nordiques, a décidé de passer à la lutte armée. Il a acheté des armes coûtant des millions de dollars grâce à des économies de toute une vie. Il essayait de les expédier au Nigeria dans l’espoir de commencer une guerre de libération des Yoruba de la férule du dictateur Abacha. Mais manque de chance, sa cargaison a été arrêtée au port de Cotonou. C’est alors que le médecin aspirant guérilléro va devenir la poule aux œufs d’or des dirigeants Béninois ; Soglo d’abord puis, après 1996, Kérékou. Ecoutez la suite de cette curieuse histoire de libération de la nation Yoruba où il est question de Clinton, d’invasion du Bénin par le Nigeria, et le rôle obscur de notre pays, qui naturellement échappe à la mémoire collective officielle |
A Cotonou, on nous a demandé de déposer 5.000 dollars. L'autre option était de décharger et de transporter la cargaison par route. Un douanier du port ayant vu le talon d'une arme à feu dans l’un des cartons a décidé de le sortir. Il l'envoya aux gendarmes. Ceux-ci se jetèrent sur les conteneurs. Je n'y étais pas alors. J’étais au Nigeria. Mes camarades m’ont demandé de ne pas venir à Cotonou, qu'ils iraient là-bas faire face à la situation. Mais je passai outre leur avis, et partis pour Cotonou, c’était une erreur. Je suis allé à Cotonou avec mon épouse, Ngozi. ( Prénom typiquement Ibo) Ils ont fouillé les conteneurs tout au long de la nuit. Nous avions eu des armes dont les balles pouvaient pénétrer des blindés ou de l’acier. Les soldats du Bénin ont vu les armes, mais ils n’en avaient pas de pareilles dans leur arsenal. Ils ne savaient pas comment utiliser ces armes. Je fus plus tard arrêté et détenu avec ma camarade de femme. Comment vous-ont-ils traités en détention? Ce fut traumatique. On était mis au gari et à l’eau pendant plus d’un an. Le régime Sani Abacha a-t-il été au courant de vos projets, et quelle a été sa réaction ? Immédiatement après notre arrestation, Abacha a été mis au courant, les autorités Béninoises nous ont dit qu’Abacha avait peur. Sans attendre, il a envoyé le Col Frank Omenka de la Direction du renseignement militaire (DMI). La première chose qu'ils firent fut d'arrêter les membres de ma famille, y compris mon frère cadet. Nous avons été informés qu’Abacha avait perdu le sommeil. Il m’a envoyé des émissaires, en offrant 100 millions de dollars au gouvernement de la République du Bénin, pour me ramener au Nigeria. Le haut commandement militaire en République du Bénin a tenu une réunion à l’issue de laquelle ils ont pris la décision de me laisser partir. Mais alors le président de la République du Bénin, [M Nicephore Soglo] a dit : «Non, nous ne pouvons pas nous permettre de le laisser partir. » Un officier militaire supérieur est venu nous dire que Abacha leur avait donné 100 Millions de dollars pour me ramener au Nigeria et qu’il serait sage que je renonce à la lutte armée. J’étais sur le point d’être remis au Nigeria; heureusement que le président Bill Clinton est intervenu et a demandé au Bénin de ne pas me déporter au Nigeria, pour des raisons de droits de l’homme. L’officier supérieur de l'armée nous a alors dit que Abacha avait l'intention d'envahir la République du Bénin. Cette menace a incité le gouvernement américain à envoyer deux navires de guerre sur les côtes du Bénin. De plus, l’administration Clinton était inquiète et embarrassée que quelqu’un ait pu se ravitailler en armes et embarquer depuis les États-Unis à l'insu du FBI ou de la CIA. La communauté du renseignement des États-Unis a estimé que c’était-là une entreprise extraordinaire. Monsieur Clinton a appelé le président Nicéphore Soglo au téléphone, en lui disant de ne pas nous renvoyer au Nigeria, que sinon, il nous envoyait à la mort sûre. On m'a ensuite emmené dans le nord du Bénin. On m’a supplié de ne pas m’évader puisque, m’a-t-on dit, «vous rapportez gros à notre pays. » Chaque fois que le Bénin était désargenté, ses dirigeants se tournaient vers Abacha, qui casquait sans demander son reste. Comment avez-vous obtenu votre libération? Nous n’étions pas considérés comme prisonniers, car en vertu d’une loi de la CEDEAO, notre cargaison était en transit; elle ne pouvait que traverser la frontière, mais pas être ouverte ou saisie. La République du Bénin n'avait pas le droit d'inspecter nos marchandises. Ainsi, la détention était illégale. Nous avons été jugés plus tard et inculpés pour tentative de renversement du gouvernement du Bénin, mais ils n’avaient aucune preuve. Le juge, une femme Yoruba en fin de compte nous a libérés. Mais le président Béninois, Soglo a appelé la juge et lui a demandé d’ordonner notre détention. C’était Abacha qui était à la manœuvre. J’ai dit que c’était illégal. La juge a dit que c’était politique. Nous avons passé plusieurs mois supplémentaires en prison. Entretemps, Mathieu Kérékou était devenu président et le pays n’avait pas de quoi payer les salaires de ses soldats et policiers. Nous étions utilisés comme moyen de chantage et appât ; ils se sont précipités chez Abacha pour lui demander à nouveau de l’argent. Au bout du troisième ajournement, nous avons été libérés. C’est Moshood Fayemiwo, qui m'a aidé à fuir au Ghana et plus tard en Ouganda puis au Zimbabwe. En République du Bénin, il y avait beaucoup de traîtres. L'un d'eux était un fonctionnaire de l'Organisation des Nations Unies qui avait pris l'argent de Abacha sous la promesse de veiller à notre capture. […] Trad. Alan Basilegpo |
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.