Il était aussi bien un de mes nombreux neveux qu’un des nombreux religieux de la famille Quenum ; nous nous téléphonions et écrivions déjà quand il était à Pittsburgh ; je garde dans le secret de mon cœur nombre des appréciations de l’ecclésiastique qu’il était ; j’ai décidé d’esquisser son portrait parce qu’amie de très longue date, Agnès Avognon-Adjaho m’avait communiqué à chaud l’hommage émouvant que lui avaient rendu le peuple béninois ainsi que les personnalités du corps diplomatique accréditées dans notre pays. André s’en est allé ; j’ai senti comme l’effondrement d’un haut mur dans mon tréfonds et la tristesse perdure ; en répondant au message d’Agnès, j’ai écrit : « Quand Alphonse m’avait téléphoné pour m’informer de son état de santé, j’ai répondu: « Codjo, je sais d’instinct que tu ne voudras jamais venir te faire soigner en France. » Sa réponse: « Daakpè Codjo, comme disait le Cardinal, tu as vu juste; je prie et je tiens bon. » A son décès, j’ai eu des appels et des conversations avec André ; le sachant drépanocytaire, je lui ai dit: « André, je te répète encore de venir te faire soigner en France, tu dis toujours : na wa, na wa... Tu es fatigué, je te sens fatigué, il y a plein de gens indispensables dans les cimetières. » Sa réponse: « tonton, je te le promets, je vais venir comme tu le désires. » Il n’est pas venu ; il ne viendra jamais, à moins que ce ne soit dans mes rêves où surgissent ma grand-mère, mes parents, des inconnus aussi ; alors, nous continuerons de parler de ses projets : oui, le Père André Saturnin Quenum avait des projets solidement structurés pour les jeunes du Bénin, la presse et l’édition ; autant sa conviction était merveilleuse, autant me surprenait la force du courage qui s’exfiltrait de sa désormais lettre ouverte que les Béninois - jeunes et plus que vieux - devraient concrétiser en aidant le destinataire à quitter le pouvoir accaparé par une forfaiture. Trois prêtres Quenum ont lu les 36 pages de mon dernier roman ; Alphonse avait dit sans rire: « Au secours Seigneur qu’il en soit ainsi ! » Jean-Marie Hyacinthe (S J ) l’a traduit en anglais et en a fait la synthèse ; André a téléphoné: « tonton, je me battrai pour ce texte, je vais vite étudier le marché et il sera édité ici, au Bénin. » J’ai pouffé et il m’écrivit, ripostant avec un sang froid qui m’a donné des frissons : « Mon très cher Tonton Olympe, ne ris pas, je suis très sérieux parce qu’ il est inadmissible que tes ouvrages puissent être interdits de vente dans ce pays ; je vais me battre pour ton texte avec l’énergie que le Seigneur m’accorde toujours.» La beauté de la force d’une telle énergie et d’un tel courage crée des héros ; corps et âme au service de Dieu, Père André systématiquement sur le terrain avec le peuple qu’écrase le cynisme du régime politique était trop humble et trop digne pour se prendre pour un héros ; Roger Gbégnonvi a vu en lui une « étoile filante » ; jolie image, belle définition : qu’on observe un peu la splendeur de la force dans la trajectoire d’un sunvívânon traversant le ciel nocturne! Dieu seul peut évaluer cette force et son impact dans sa chute nul d’autre que Lui sait où ; mais l’endroit, depuis qu’il nous a quittés, c’est certainement, comme dans le psaume63, près de « Dieu, toi mon Dieu », accueille ton serviteur qui désire continuer de te servir. Olympe BHÊLY-QUENUM. | | |
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