C'est dans cette nuit d'inquiétude que, insensible au sort de la nation, n'écoutant que la voix démonique de ses fantasmes d'un autre âge, Yayi Boni ourdit contre l’espérance du Bénin le complot consistant à s'imposer à sa tête sans limitation de durée et sans respect de la constitution. Il est vrai que, comme dans maints autres pays africains, M. Yayi a plus d'une circonstance atténuante. La première étant le consensus frauduleux de la démocratie. Tout le monde répète à l'envi et dans tous les secteurs de la société que « nous sommes une démocratie » même si cette « démocratie » est une démocratie à la liberté d'expression près ; tout le monde dit que le Bénin est une démocratie même si cette « démocratie » est une démocratie au respect de l'indépendance de la justice près ; tout le monde dit que le Bénin est une démocratie même si cette « démocratie » est une démocratie à la toute-puissance de la corruption et de l'impunité près. Et, pire que la noria des défauts rédhibitoires qui affectent le système politique du Bénin, tout le monde dit que le Bénin est une démocratie même si c'est une démocratie à des élections transparentes et justes près. En somme, le système politique béninois, comme celui de maints autres pays africains, est à l'image du fameux château où tout va bien à part l'incendie qui a tout décimé, tout consumé jusqu'à la jument chérie de Madame la marquise. C'est de ce cirque de dénégation collective que profite le dictateur pour passer pour démocrate. Nous sommes censés être un État de droit et notre système est censé fonctionner selon une constitution. La constitution limite le nombre de mandats présidentiels à deux. Eh bien, qu'à cela ne tienne, à la fin de son deuxième mandat le dictateur se prépare à mettre toute la pendule constitutionnelle à zéro par mutation de république, consécutive à une révision opportuniste de la constitution. Il se prépare à infliger son existence au peuple béninois pour une nouvelle décennie comme s’il était détenteur du bonheur du peuple. Si nous n'avions pas une constitution, Yayi Boni n'aurait rien révisé, et le pays ne s'en serait pas porté plus mal. On aurait épargné des milliards dépensés dans l'affaire Talon et dans la corruption programmée des parties prenantes de la révision qui se profile. Le peuple mis hors jeu de la vie politique réelle sinon réduit en figurant, et la plupart des acteurs établis plus ou moins anesthésiés par des achats de conscience assistent impassibles et hagards à la mise en œuvre de la subversion des formes qui est le mode exclusif de fonctionnement politique de M. Yayi. Ainsi par exemple dans l'affaire Talon, si tout devait dépendre du système interne de l'État béninois auquel M. Yayi s'identifie, il aurait fait passer son affaire d'empoisonnement pour une vérité universelle, il aurait réussi à faire extrader ses protagonistes en fuite. Et la terre aurait été ronde pour lui. Déjà dans les résistances intérieures auxquelles elle a donné lieu, mais encore plus dans le retentissant rejet par un tribunal français de sa demande d’extradition, l'affaire Talon a montré la relativité phénoménale de procès, de procédures ou de décisions que Yayi Boni dans sa tromperie des formes impose à l'interne au Béninois comme une vérité absolue. Ainsi en a-t-il été par exemple de la Lépi et de ce qu'on a appelé élection en mars 2011 mais qui, en fait d'élection, n'était au mieux qu'une sélection frauduleuse et autoritaire, un hold-up électoral digne de bandits politiques de grand chemin.
C'est en droite ligne de cette éthique de la fraude entée sur l'exhibition ou la surenchère des formes que Yayi Boni prépare son complot : le troisième mandat. La révision de la constitution en est le chemin formel. Ce que Yayi Boni veut faire ne découle pas d'une génération spontanée. D'autres avant lui en Afrique l'ont fait et ont réussi à entourlouper leur peuple le plus souvent avec la bénédiction de leurs parrains occidentaux, commensaux dans l'exploitation des peuples africains. C'est pour cela que Yayi Boni fonce tête baissée comme une mule et n'entend pas se gêner. D'autres aussi en Afrique le soutiennent dans son complot parce que sa réussite va paver leur propre chemin et naturaliser un peu plus la contagion de l'épidémie de la révision opportuniste en Afrique. De même, certains autres de ses pairs francophones sont aux aguets et soutiennent sans réserve ses machinations car sa réussite confortera leurs espoirs de rejoindre le camp des tripatouilleurs de la constitution pour s'éterniser au pouvoir. Le cas le plus flagrant est celui de Denis Sassou Nguesso du Congo qui, après avoir fomenté la guerre pour défendre les intérêts d'Elf-Aquitaine(Total) ne meure que d'une chose : mourir sur le trône que ses maîtres français l'ont aidé à conquérir en 1997 par une guerre fratricide injuste. Donc voilà en gros ce que veut faire Yayi Boni. Profiter du fait que les Béninois se disent en démocratie pour leur faire le coup du super démocrate qui affiche les formes pour mieux les subvertir. Mais le peuple béninois, fidèle à son attitude passive, semble ne pas mesurer la gravité de ce qui se prépare. À moins qu'il n’en ait pris son parti. Il est vrai qu'en soi, la technique de pérennisation au pouvoir en tant que marque déposée par ses devanciers africains et qui consiste à réviser la constitution pour s’y tout permettre, n'est pas une fin en soi. Comme partout en Afrique, cette technique a fait ses preuves. La révision opportuniste de la constitution n'est qu'un volet, au demeurant secondaire de la culture de manipulation des formes qui a la faveur des politiques africains aliénés souvent au capitalisme et au néocolonialisme occidentaux. Le vrai pilier de cette crapulerie politique réside dans ce qui se passe autour de ce qu'on appelle « élection » en Afrique mais qui en réalité ne l'est que de nom. D'abord il y a l'approche régionaliste de l'action politique qui consiste au président en exercice à se référer à un territoire d'identification politique à l'exclusion de tous les autres ; territoire censé consister en ceux que son règne favorise et donc pour qui, de façon imaginaire ou réelle, sa fin éventuelle est vécue comme anxiogène et érigée en casus belli au sens propre du terme. Ceux que, dans une interview de sinistre mémoire, Yayi Boni a appelé « les miens du pays profond ». Tous ces villages et communes, ces localités, ces populations ethniquement typés qui viennent faire la fête à Cotonou lorsque l'un des leurs est fait ministre ou directeur de société.
Après la base clanique et régionaliste, le deuxième élément de cette dramaturgie électorale toute construite sur la manipulation des formes est la corruption, l'impunité et l'achat de conscience, toutes choses qui permettent d'assurer le fonctionnement tronqué de la machinerie électorale : CENA, Cour constitutionnelle, Cour suprême, etc. Enfin, pour couronner le tout, l’élection manque de transparence et est grevée de fraudes massives. La liste électorale est truquée, et comme au Bénin en mars 2011, inexistante et fantôme. Avec cette frauduleuse machinerie en trois volets, on ne peut pas parler d'élection. Et pourtant, quitte à en contester la justesse et la régularité, tout le monde donne à cette sinistre parodie le nom d'élection ! Et ce, à la grande satisfaction de cette horde de voleurs qui, au moment même où ses agissements contribuent à ruiner l'Afrique, se voit confirmée dans une normalité pour le moins douteuse.
Au total, Yayi Boni se prépare à accéder à un troisième mandat. Pour ce faire, il a en vue des modèles et des compères africains francophones pour la plupart qui ont déjà réussi à s'éterniser au pouvoir à coups de trucage, de corruption, de fraude et de révision opportuniste de la constitution. Yayi Boni sait que le stade le plus difficile a déjà été franchi. Il s'agit de la capacité à se maintenir au pouvoir après une parodie d'élection, ce qu'il a réussi avec brio en mars 2011 dans une passivité inénarrable du peuple béninois. Yayi Boni sait que, du point de vue de la perception du Bénin comme pionnier de la nouvelle démocratie en Afrique, ce qu'il prépare est un coup terrible qui va durablement ternir l'image du pays. C'est pour cela que d'une manière méthodique, il a pris les devants et est en train de saper l'image du pays par petites touches anticipées de telle sorte que le moment venu, le sinistre forfait ne dépareillerait pas l'image déjà écornée du Bénin. Dans ces conditions, la seule solution, l'impératif catégorique et patriotique pour que le peuple béninois puisse regarder dans le miroir de l'histoire sans rougir devant les générations à venir c'est de prendre toute la mesure de la gravité du complot qu'est en train d'ourdir M. Yayi contre notre peuple et de le chasser du pouvoir avant qu'il ne soit trop tard.
publié le 16 décembre 2013
Adenifuja Bolaji
|
|
|
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.