I. Violation des Droits de l'Homme au Bénin : il y a 10 ans, 18 personnes perdaient la vie pour "vol de sexe" !
Des vols ou tentatives de vols de "matériel", la meute de justiciers s'est aussi lancée sur la trace de supposés sorciers, voleurs d'enfants et il y a 10 ans est survenu le phénomène de vol de sexe sur fond de xénophobie anti-Ibo (Nigérians). L'instinct tueur des prédateurs s'était réveillé et nous avons perdu tout bon sens, toute limite et tout esprit cartésien. Pendant les 5 jours qu'à durée cette folie meurtrière, 18 vies humaines dont 16 béninois, 1 nigérian et 1 congolais ont été brûlées vifs et des familles brisées, meurtries à jamais. Ceci uniquement sur la base d'allégations fallacieuses. Le samedi, 23 novembre 2001, pour avoir serré la main d'un apprenti menuisier, Pierre ACAKPO venu prendre livraison d'un meuble à été accusé d'avoir volé le sexe dudit apprenti et pris pour un IBO. En moins de 5 mn, il s'est retrouvé la tête fracassée et aspergé d'essence. Il a pu se réfugier in extrémis dans une maison voisine à l'atelier de menuiserie, dans la rue face à l'Hôtel de l'Etoile à Cotonou. C'est ainsi que débuta une horrible scène de jungle digne du Far-West dans un pays dit "Etat de droit". Pour n'avoir pas voulu livrer "l'accusé" à la vindicte populaire, la famille AGBEMAVO a été assiégée des heures durant par des milliers de délinquants, qui avaient pour ultime objectif de tuer père, mère, enfants, petits-enfants, cousins et neveux, tous pris au piège dans leur propre maison. Il faut l'avoir vécu pour se rendre compte de l'énorme fragilité de la Vie aux mains meurtrières de ces infâmes justiciers. Mais grâce à la providence, au miracle, nous avons eu la vie sauve ; les 2 policiers finalement dépêchés sur place ayant tout simplement détalé. Le gouvernement béninois a aboli en octobre 2011, la peine de mort et certains esprits simplistes et superficiels ont tôt fait de monter au créneau pour glorifier ce qui n'était qu'une simple formalité, étouffant ainsi la cruauté inconcevable des exécutions sommaires et
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publiques qui ont cours au Bénin depuis l'avènement de la démocratique en 1990. Chaque année, des dizaines de personnes trouvent la mort dans les mains de "justiciers", d'assassins qui pensent être investis de la mission de nettoyer notre société de ceux qu'ils qualifient de "vermine". Ici, le verdict et la sentence sont prononcés et exécutés en même temps par une foule en délire vivement motivée par l'assurance de l'impunité de son crime. Des images macabres de corps humains carbonisés en lambeaux autour desquels s'ébattent d'autres Hommes sont de plus en plus banalisées dans la société béninoise qui compte tout de même des institutions d'envergure nationale et internationales de protection des Droits de l'Homme qui se sont aussi murées dans un mutisme coupable.
La Vindicte populaire est une violence gratuite ! Ceux qui ont du sang sur les mains ! Ceux-là qui assaillent l'infortuné de projectiles, le rudoient de coups et qui finissent par lui arracher délibérément et avec délectation la Vie ne se font pas justice car dans 99% des cas, ils ne sont victimes de rien du tout ! Ce sont souvent des intrus, des badauds, des indélicats, des délinquants qui sortent de nulle part pour se défouler et extérioriser leurs frustrations, leur mal-être. La forme la plus expéditive et la plus abjecte de la peine de mort est tolérée par les pouvoirs publics, les politiques et vivement encouragée par la société béninoise et nous osons encore claironner que le Bénin est un pays de droit de l'homme ! Où est-il ce droit ? |
Paula AGBEMAVO
Collaboration
II. Vindicte populaire au Bénin
Le glaive du “Tribunal 125”
Des exécutions sommaires d’auteurs d’actes criminels ou présumés tels. C’est cela la vindicte populaire. Une pratique en vogue en République du Bénin. Il s’agit généralement de lynchage, de supplice du feu, des tortures ou toutes peines cruelles infligées par les populations locales aux personnes reconnues coupables de crimes, en particulier les voleurs pris en flagrant délit. Enquête sur un phénomène qui met à mal la présomption d‘innocence et le respect de la dignité humaine notamment le droit à la vie. Au voleur! Au voleur! La clameur s’élève. La course-poursuite est engagée contre le voleur. Sous la pression de la foule survoltée, Justin Madjro abandonne son butin, une moto de marque Dream et s’enfuit à toutes jambes. En pleine adoration de l’Epiphanie, il pensait trouver le salut dans l’église du Christianisme céleste de Kologbomè. Il s’introduit avec fracas dans le sanctuaire et s’agenouilla devant le prédicateur, le suppliant tout en sanglots de le protéger. Mais c’était sans compter avec la détermination du groupe d’individus alertés. Il fut sorti de force sous le regard impuissant des ouailles. Saisi par la hanche et violemment propulsé en avant, Justin Madjro fut conduit à 200 mètres plus loin. Subitement, un individu se fraie un chemin. Il est incontrôlable. Il veut en finir avec le voleur. Gourdin à la main, il lui assène un coup sec à la nuque. Justin Madjro s’affaisse, le crâne fracassé et giclant de sang rouge vermeil. D’autres coups pleuvent encore et davantage. Mais la sentence finale sera exécutée par un autre jeune homme. Une bouteille d’essence en main, il asperge le corps inerte du bandit puis met le feu. Cruel, le spectacle semble cependant joyeux. «C’est bien fait ! 100f d’essence et 25F d’allumette. C’est cela le “Tribunal 125”», s’exclame un justicier. Cette scène se passait le 2 janvier 2011 dans la commune de Dangbo. Elle illustre bien le tragique phénomène en vogue au Bénin: l’exécution sommaire de tout criminel ou supposé tel. Elle est communément appelée «vindicte populaire». Le réflexe de tuer, un drame national La vindicte populaire est un genre de justice privée rendue par des populations qui décident de punir cruellement les criminels pour une infraction réelle ou supposée. Il est difficile de passer une journée au Bénin sans entendre parler de ce fléau. Selon le professeur Dénis Amoussou-Yèyè, «c’est un phénomène qui répond à un état de notre mentalité primitive. Il répond à une psychologie collective où les individus n’ont plus de personnalité. Ils obéissent plutôt à la foule anonyme et sans sens critique. La cause principale est le manque de confiance en la justice et à la police». Lasses d’avoir toujours raison mais jamais justice, les populations ont donc adopté la vindicte populaire comme mode opératoire pour réprimer les criminels ou présumés. Rien qu’en 2011, de nombreux cas ont été dénombrés un partout dans le pays. Dans la nuit du 02 au 03 janvier 2011, un voleur de moto de marque Bajaj a été brûlé vif. « La manière dont il a été tué et cruelle et pitoyable» , dira un témoin de la scène au quartier Hounsa. Le 04 janvier, Gbènoukpo Savi pris en flagrant délit de vol d’un mouton a subi le même et implacable verdict à Azowlissè dans la commune de Dangbo. Le 22 aout 2011, Raimi Bouraima, fieffé voleur de bêtes dans la commune d’Athiémé a été retrouvé mort les mains ligotées dans le dos à Awamè II. A côté du corps sans vie de ce fils de l’imam d’Athiémé, les auteurs ont garé sa moto à la quelle un mouton est accroché : unique preuve de son forfait. Moins récents, d’autres actes confirment le recours systématique à la vendetta. Le 25 mai 2010 Marcos Tayéwo, un directeur d’école à Kilibo a été froidement assassiné par les populations du bled qui l’ont soupçonné d’avoir jeté le mauvais sort sur un de ses écoliers. Au quartier Zogbohouè, Jérôme la trentaine environ a échappé de justesse à la sentence implacable « du tribunal 125 ». Pris en flagrant délit pour un larcin ce mercredi 21 avril 2010, il était roué de coups de poing, de gourdin et de machettes par des riverains surexcités. Le corps ruisselant de sang, il a été arraché des mains de ses bourreaux par les éléments de la brigade anti-criminalité de Zogbo. Mais tous les lascars n’ont pas la même fortune. Le 17 mars à Abomey au quartier Soglogon, un Zémidjan a été passé au supplice du feu. Son second sévèrement battu. Leur tort a été d’avoir transporté deux cambrioleurs et leurs butins. Supplices cruels, lynchages, incinération sont les sentences des criminels ou présumés. Des scènes barbares et courantes souvent relayés par les médias. Pour Me Mesmin DODJINOU, « il faut bannir et réprimer ces comportements antihumains ». Mais comment ? Me Julien Togbadja de la Ligue des droits de l’homme du Bénin propose que l’Etat mette en place une politique de répression systématique tout en faisant la promotion de la justice. « Il faut résoudre les problèmes de communication entre la justice et les populations, faire connaître les décisions de justice et engager une action promotionnelle pour la défense du droit à la vie, à la sécurité, à une justice équitable et au respect de la présomption d’innocence». La soif de justice, que dis-je, de la vengeance reste fortement ancrée dans les mœurs au Bénin. Le 20 octobre 2009, à Sainte-Rita en plein cœur de Cotonou, le sieur Houékèssi Toffa, charlatan de renom à Bopa, a été sollicité par une commerçante dont la boutique a été cambriolée pour envoûter les auteurs qui ont échappé à la vigilance des habitants du quartier. Dans leur paranoïa, les béninois constituent quelque fois des groupes d’auto-défense. Le 08 novembre 2010, deux voleurs ont été brûlés vifs au petit matin |
suite à l’opération « Agontinkon sans voleur » Le colonel civil Dévi, un justicier réhabilité La vindicte populaire a atteint ses heures de gloire en 1999 dans les départements du Mono et du Couffo. A la tête d’une milice, « Camp né Adja », un « Zorro » du pseudonyme de Colonel civil Dévi, a cruellement tué avec la complicité active des populations de Djakotomey, Klouékanmè, Azovi, Dogbo et environs plus de 600 criminels ou supposés selon les estimations de la ligue des droits de l’homme au Bénin. Au plan local, la nostalgie de cette page tragique du renouveau démocratique du Bénin est encore vive. « Dévi a mis fin au vol, au viol, au trafic d’organes humains et aux embuscades », nous a confié le sexagénaire ADAN, conseiller de village de Loko-Atoui. Après des démêlés avec la justice, le célèbre justicier a été réhabilité. Il est depuis 2007 le roi de Loko-Atoui son village natal. Le 13 juillet 2011, il nous reçoit dans sa cour royale. Dans son séjour, sont crânement gravées au mur des photos prises avec l’ancien président Mathieu Kérékou, le révérend pasteur Agbaossi et le général Azongniho. Des motifs de fierté. Paré de ses plus beaux attributs, le colonel civil Dévi, pardon, le roi Lokonon Sowadan sort de sa cour à pas majestueux. Au pas de la porte, ses sujets lui prêtent allégeance et ensemble, nous arpentons les ruelles, à la découverte de son royaume. Une visite guidée de sa Fazenda où ses vingt femmes s’affairent à la préparation du gari. Puis la stèle, un grand monument à son image, érigé le 20 juillet 1999 en reconnaissance de ses « exploits ». Dans un français approximatif, l’homme se laisse aller à des confidences. « Je démens les allégations des mauvaises langues. Je n’ai jamais été appréhendé. Je me suis rendu de mon propre gré à la gendarmerie de Dogbo. Et au procès, j’ai été déclaré non coupable. Je ne regrette rien de tout ce qui s’était passé mais je ne recommencerai plus. Les populations en redemandent chaque fois qu’il y a l’insécurité dans notre zone. Mais moi, Je demande simplement l’aide de l’Etat pour assurer la sécurité civile de mes compatriotes ». L’icône de la vindicte populaire s’est peut-être reconverti. Mais le phénomène a toujours le vent en poupe. Les dérapages aussi. Les dérives de la justice populaire« Je suis traumatisé », nous a confié Jacques Oho, célèbre artiste musicien, sur les lieux de son drame vécu un an plus tôt à Cadjèhoun. Dans la nuit du 16 juin 2010, il a été pris à partie par les habitants d’une concession dans la rue en face des feux tricolores. « Je suis venu chercher ma moto que j’ai déposé ici dans la journée pour me rendre à Porto-Novo en voiture avec mon ami qui loge ici depuis son retour au pays », leur a-t-il expliqué. Mais ils n’ont voulu rien comprendre. Pour eux, c’est un voleur de moto qui doit passer au supplice. Roué de coups sévères, ils étaient à deux doigts de le brûler quand son ami est arrivé tout stupéfait. « Je me suis soigné puis j’ai porté plainte. Les auteurs ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis et au versement de trois cents mille francs CFA de dommages. Mais la décision n’a pas été exécutée. Je remets tout à Dieu ». Comme Jacques, d’autres citoyens ont été aussi des victimes innocentes de la vindicte populaire. Le … Lire la suite |
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