C’était la première fois qu’une manifestation cesserait d’être celle d’une catégorie sociale donnée soutenue par les autres couches de la population pour devenir celle de toutes les couches sociales populaires. C’était la première fois qu’un long flot protestataire allait envahir les principales artères des quartiers populaires de Cotonou pour fusionner avec le quotidien des populations ; c’était la première fois qu’une manifestation n’aurait plus pour cible une autorité de qui on exigerait la satisfaction de revendications mais comme objectif l’affirmation du pouvoir du peuple dans la rue sous l’autorité de ses organes de pouvoir. C’était la première fois qu’à Cotonou, la Convention du Peuple et le Comité de Salut National en particulier prenaient la tête d’une manifestation du Peuple. Le CSN n’appelait pas à manifester, le CSN manifestait avec le Peuple. * 7h – 7h 30 : les premiers responsables commencent à arriver avec les banderoles. Les militants des divers Comités d’Action et de Lutte arrivent et se regroupent devant la Maison du Peuple. Les banderoles sont là. * 7h – 7h 30 : la population continue de vaquer tranquillement à ses occupations, les artisans ouvrent leurs ateliers, les femmes courent aux marchés, les enfants vont acheter leur petit déjeuner, quelques passants interrogent sur les raisons d’un rassemblement devant la Maison du Peuple de Cotonou 5. Les responsables des Comités d’Action rongent leurs freins et s’interrogent sur la participation massive des populations mais la décision avait déjà été prise : A deux cents (200) la marche aurait lieu. Le nombre approche les deux cents vers neuf heures ; les rangs se forment, les banderoles se déploient : «A bas Kérékou ! Pascal Fantodji au pouvoir !» «Vive la Convention du Peuple ! Vive le CSN !» «Libertés au Peuple !» Puis suivent des dizaines de banderoles des CA des Unités de Production, des CA des quartiers, des Comités de Lutte des Collèges, des CA des marchés, etc. Alentour, curieuses, les populations approchent pour lire les banderoles et les pancartes. Les quelques deux centaines de manifestants avaient tous des banderoles ou des pancartes nouvelles ou provenant des journées précédentes de manifestations. Le cortège s’ébranle aux cris de « Kérékou ! HEEELUE ! ». * Premier tronçon : Maison du Peuple – Carrefour Marina Le cortège initial grossit peu ; immédiatement massées sur le pas des portes et des ateliers les populations applaudissent et brandissent le poing pour encourager les manifestants et reprennent en chœur le slogan : « Kérékou ! Hééélué ! ». Le cortège arrive ainsi au carrefour de La Marina seulement grossi des motocyclettes et des véhicules dont la progression a été bloquée. * Deuxième tronçon : Carrefour Marina – Carrefour Marché Saint Michel * Au carrefour de la Marina, alors que la tête du cortège dépassait la station d’essence, des retardataires arrivent et prennent leur place ; de jeunes spectateurs s’enhardissent et demandent l’autorisation d’entrer dans le cortège ; l’encadrement de la manifestation ordonne leur incorporation aux colonnes marchantes. De la place Marina au carrefour Bar-Tito, les rangs grossissent déjà très rapidement. L’encadrement de la manifestation se transforme en commandement. L’ensemble des premiers manifestants se transforme en encadrement et des milliers de manifestants ayant rejoint les colonnes en marche s’emparent des banderoles, pancartes et branchages et feuilles. L’incorporation de nouvelles forces se fait désormais par centaines jusqu’au carrefour du marché Saint-Michel. Et là, un évènement important se produit : des éléments lumpen infiltrés dans les rangs s’attaquent à de jeunes marchandes devant leur étal ou portant leurs marchandises sur la tête. Il s’ensuit une débandade et comme un remous dans les rangs qui attire l’attention du commandement qui, se transportant sur les lieux, reconnaît à la tête des perturbateurs un violent repris de justice. Il y a un échange verbal très musclé mais bref au terme duquel les lumpen se plient à l’autorité des commandants et acceptent de se ranger aux ordres de l’encadrement. Le commandement présenta des excuses aux marchandes et alors ce fut l’intégration massive et enthousiaste des jeunes femmes aux colonnes, étals et marchandises vite rangés. * Marché Saint Michel – Boulevard Sékou Touré Désormais immenses et énergiques, les colonnes couvrirent les deux artères de la voie. Confiantes et assurées de leur bon droit, elles imposaient à tout passant de se munir de feuilles et de scander les slogans. Mais en avaient-elles vraiment besoin ? Comme si la nouvelle s’était répandue partout, de tous les horizons arrivaient de nouvelles recrues déjà armées de leurs branchages, de leurs gonds, de leurs sifflets ou même de leurs petites bassines ou assiettes métalliques pour participer. L’encadrement commençait à coopter de nouveaux manifestants femmes et hommes. Les colonnes prirent la direction du boulevard Sékou Touré et franchirent sans résistance l’avenue Saint Michel. A ce stade plus rien ne pouvait oser résister à la foule déferlante et chantante. Certaines boutiques fermaient leurs portes mais la plupart restaient ouvertes avec les propriétaires armés de feuilles sur les portes, constatant qu’à aucun moment aucun manifestant ne s’était attaqué à eux. L’épisode du marché Saint Michel avait administré une leçon, l’encadrement était ferme et les manifestants disciplinés. Soudain de nouveaux remous apparurent au sein même de la foule en marche. Les journalistes de la télévision venaient de faire leur apparition, armés de caméras. Les manifestants furieux s’étaient jetés sur eux pour les empêcher de filmer. D’aucuns les taxaient de propagandistes de l’autocratie, d’autres craignaient pour la sécurité des manifestants ; le commandement prit les choses en main, autorisa le reportage et organisa la protection des journalistes et de leur matériel. Les manifestants se soumirent aussitôt aux ordres et, toujours plus compacts atteignirent l’Eglise Notre-Dame et tournèrent en direction d’Akpakpa. * De l’ancien Pont – A la Béninoise Des éléments de l’encadrement commis à cette tâche s’élancèrent en avant et, tandis que d’autres orientaient correctement les colonnes dans la bonne direction, ils allèrent se poster de part et d’autre, à l’entrée et à la sortie du pont ; ils occupèrent les garde-fous et la marche s’engagea sur le pont, massive, imposante et disciplinée. Ce nouveau point sensible du parcours fut franchi sans aucun incident. De l’autre côté du pont, une jeune femme épuisée s’écroula évanouie. Les brigadiers se portèrent à son secours, lui donnèrent de l’air, l’aspergèrent d’eau et la transportèrent vers la Clinique Boni (aujourd’hui clinique d’Akpakpa). Les agents de la clinique apeurés refusèrent d’ouvrir leur portail et les brigadiers les sommèrent de le faire et de soigner la manifestante sous peine de voir la foule défoncer les barrières. Le portail s’ouvrit et on admit la manifestante pendant que les colonnes déjà au carrefour de La Béninoise tournaient en direction du quartier Sodjatinmè. * Le Nouveau Pont et le Marché Dantokpa La longueur des colonnes dépassait déjà un kilomètre ; la tête atteignit le Nouveau Pont alors même que la queue n’avait pas encore quitté La Béninoise. On eût dit un long fleuve humain que venaient constamment grossir des affluents en provenance des quartiers où se répandait la bonne nouvelle. De nouveau, un point doublement sensible qui requérait toute l’attention des brigades d’encadrement : un pont et le marché international de Dantokpa. Il fallait franchir sans encombre et sans accident le pont et passer le marché sans aucun dommage aux usagers des lieux. Les brigades de nouveau prirent position pour canaliser la foule des manifestants mais déjà les femmes du marché étaient massivement sorties pour faire, branchages de feuilles à la main, chants à la bouche, une haie d’honneur aux manifestants qui furent cette fois-ci orientés sur l’avenue Saint-Michel. Mais avant que les derniers manifestants ne quittèrent complètement la descente du pont, un rendez-vous fut honoré. Quelques jours plus tôt, alors que les usagers du marché Dantokpa manifestaient sous la conduite du Comité Général d’Action du Marché International de Dantokpa (CGAMID) ils avaient été dispersés et leurs banderoles confisquées. Les brigadiers avaient alors dit aux policiers «Nous reviendrons les chercher». Le 11 décembre, attaqués de toutes parts, les policiers eux-mêmes supplièrent les manifestants de venir récupérer leurs banderoles qui furent déployées immédiatement dans la marche. * De Maro-Militaire à l’Etoile Rouge Il était déjà midi, le soleil haut dans le ciel brûlait les corps qui semblaient ne pas s’en rendre compte ; les manifestants trempés de sueur tenaient toujours debout, puisant l’énergie dans leur haine de l’autocratie. Ceux qui avaient soif l’étanchaient en se rendant dans n’importe quelle maison où on offrait l’eau sans compter. Sur le pas de certaines portes, le seau d’eau était porté spontanément à la rencontre des manifestants et on se congratulait chaleureusement l’un l’autre ; tout le monde était ami puisque manifestant tous, puisque conspuant tous l’autocratie. Au carrefour Maro-Militaire, les brigades de tête tournèrent vers Sikèkodji. Une partie de la foule voulut continuer tout droit sur la Bourse du Travail et l’ancienne maison de la radio. Seule la fermeté des brigadiers permit de ne pas dévier de l’axe initial et ce fut le retour triomphal des manifestants vers la place de l’Etoile Rouge en passant par le carrefour Marina. Les masses renouvelaient constamment le répertoire des chansons conspuant Kérékou et son régime. Comme si les longues heures de marche, loin de les épuiser, avaient décuplé l’énergie des marcheurs, ils en voulaient encore plus, toujours plus, comme si cela devait durer toujours, des jours, des nuits. Alors que la manifestation devait prendre fin à la Place de l’Etoile par les discours et de nouveaux rendez-vous, on vit soudain la tête de la marche contourner la Place et s’élancer vers l’Eglise Saint-Jean, le Commissariat Central de Cotonou et la Prison Civile. Cette artère n’avait pas encore été visitée par la colonne principale même si de nombreux affluents en étaient venus. Et puis les masses voulaient en découdre avec de nouvelles cibles qu’elles se donnaient, enivrées par leur propre puissance. Ces cibles n’avaient pas été prévues. Ce fut alors un autre héroïsme pour les brigades : convaincre des masses qui en voulaient plus, qui ne voyaient à cet instant précis aucune possibilité d’obstacle à leur désir d’en découdre, d’en finir avec l’autocratie et son appareil, convaincre ces masses qu’une telle bataille se préparait autrement plus sérieusement, plus consciemment. Ce fut un autre héroïsme que de faire replier le long et immense serpent humain dont la tête était au commissariat central et la queue quelque part vers Sikèkodji en passant par la Place de l’Etoile Rouge. De midi à quatorze heures, ce fut aussi le moment où le commandement de la manifestation dut décider s’il était opportun de lancer ces milliers de manifestants à mains nues à l’assaut des citadelles militaires de l’autocratie ; si les forces étaient suffisantes, préparées et aguerries pour donner l’assaut, si la direction du mouvement et le peuple avaient mis de leur côté toutes les chances de réussite. De midi à quatorze heures, au cœur même du mouvement bouillonnant, le commandement dut réfléchir, la tête froide, et répondre que : - si l’essentiel des couches populaires s’était joint dans ce formidable mouvement à la conquête de la liberté, une fraction non négligeable du peuple restait encore et, dans l’impossibilité de jonction entre les deux, le moment ne pouvait pas être le meilleur ; - l’assaut final se décide après observation que le peuple a effectivement mis à l’ordre du jour dans la pratique l’insurrection donnant à la direction du mouvement et à l’encadrement le temps de donner l’assaut ; on ne décide pas de l’assaut final parce que brusquement on s’est retrouvé pour la première fois devant une manifestation populaire, aussi immense soit-elle. Les colonnes furent ramenées vers la Place de l’Etoile Rouge où devant un océan humain bouillonnant, le message du Comité de Salut National (CSN) et de son Président, Pascal Fantodji fut lu et ovationné. Le Président du CSN donna rendez-vous aux manifestants pour d’autres manifestations les jours suivants et leur recommanda une très bonne préparation du Congrès des Comités d’Action prévu pour le 16 décembre. Les manifestants partirent comme à regret mais confiants et disciplinés et par groupes plus ou moins importants vers les quartiers où des manifestations se poursuivirent jusqu’à la nuit tombée. Malgré l’ampleur des manifestations de cette mémorable journée ou fut enterrée l’autocratie par un peuple libéré par lui-même, ampleur encore jamais égalée, on ne déplora aucune casse, aucun mort, simplement parce que déjà à ce moment, le peuple avait décidé de prendre les rênes du pays pour le reconstruire. Il n’était pas dans les rues pour casser. On se rappellera que ce 11 décembre, l’autocrate Kérékou qui, tout le long des manifestations, s’était terré avec sa garde, sur le soir, sortit se promener dans la ville de Cotonou, sur le champ de bataille encore fumant de la colère populaire. Mal lui en prit. Furieux, le peuple se rua sur lui et ses gardes de corps à coups de pierre et il ne dut son salut qu’à l’Eglise Saint-Michel où il se réfugia et où la population, par décence, renonça à le poursuivre. L’autocratie et l’autocrate étaient définitivement rejetés. Ce 11 décembre, ce n’est pas seulement à Cotonou que le peuple manifesta. Ailleurs dans le pays, le peuple cria son rejet de l’autocratie, son droit à la liberté, aux libertés politiques complètes. Telle fut cette mémorable journée du 11 décembre. Ce qui se passa les autres jours, ce fut une autre histoire. Cette autre histoire, c’est la hargne décuplée des apatrides de nier les conquêtes populaires et d’empêcher le peuple de jouir de ses droits. C’est cela l’histoire du régime du Renouveau Démocratique, institué par la Conférence Nationale réunie par l’impérialisme français sous la direction des Kérékou et des apatrides et corrompus. Ces corrompus pousseront l’usurpation et la négation de la victoire du peuple du 11 décembre 1989 en faisant proclamer leur Constitution apatride le 11 décembre 1990 afin d’effacer de l’histoire émancipatrice des peuples du Bénin le 11 décembre 1989. La déconfiture du Renouveau indique que seuls les espoirs du 11 décembre 1989 sont immortels et que le 11 décembre reste et restera la journée des libertés, une journée de fête des libertés pour le peuple. |
POINT DE PRESSE DU 08 DECEMBRE 2014 A LA BOURSE DU TRAVAIL DE COTONOU Par Laurent METONGNON «Face à la confusion que tentent de créer certaines organisations et partis à propos de la signification et des objectifs du 11 décembre, quelle responsabilité pour les travailleurs, la jeunesse et le peuple du Bénin aujourd’hui.» (Faire observer une minute de silence en mémoire de feu Pascal FANTODJI 1er secrétaire du PCB et Président du Comité du Salut National de la Convention du Peuple et de tous les manifestants du 11 décembre 1989 tombés au champ d’honneur le 11 décembre 1989.) Mesdames et Messieurs les journalistes ; Camarades travailleurs de tous les secteurs ; Ouvriers, artisans, élèves et étudiants, mesdames et messieurs ; Honorables personnalités invitées qui étaient dans les rues le 11décembre 1989. Je vous souhaite la bienvenue dans cette salle de la Bourse du travail pour assister à ce point de presse et je profite de la même occasion pour féliciter les travailleurs, les jeunes qui se battent contre l’arbitraire, l’injustice, la précarité de l’emploi, l’impunité, des violateurs des libertés, et qui dans leur éveil s’intéressent à comment le pays est géré et s’essayent à une prise en charge du contrôle de la gestion des biens publics. Quant aux journalistes engagés, je salue votre courage et votre professionnalisme dans la période tumultueuse actuelle malgré toutes les pressions que vous subissez tous les jours. Vous avez choisi de rester aux côtés de votre peuple, de coller à ses préoccupations et réalités de l’heure à travers une information objective suivant votre déontologie « les faits sont sacrés mais le commentaire est libre ». Je n’oublie pas tous ces jeunes sur les réseaux sociaux qui s’indignent du gouffre dans lequel le pouvoir actuel et ses thuriféraires veulent engloutir le pays, et la catastrophe qui nous guette si nous nous taisons. Indignez vous ; indignons nous. J’ai décidé d’animer ce point de presse en ma qualité en 1989, de Président de la Coordination des Comités d’Action (CCA) ayant appelé les travailleurs et la jeunesse à la marche du 11 décembre 1989 initiée par le PCD, actuel PCB et la Convention du Peuple. Notons que la CSTB, créée en 1982 et dont les principaux responsables composés d’enseignants, d’ouvriers, d’artisans et de travailleurs étaient pour la plupart en clandestinité mais, ont été également des acteurs qui ont œuvré au succès de cette gigantesque et imposante marche, et c’est ce qui justifie la présence des responsables de cette Confédération à mes côtés pour éclairer l’opinion publique sur la signification et les objectifs du 11 décembre face à la confusion que tentent de créer certaines organisations à propos de la commémoration de cette journée qui prend cette année, une ampleur particulière avec des motivations diverses. J’affirme d’emblée et d’entrée de jeu qu’on ne parlerait jamais d’un 11 décembre 1990 date de naissance de la Constitution actuelle de notre pays si il n’y a pas eu un 11 décembre 1989. Nier cette réalité est l’une des causes de la continuité de la duperie de notre peuple et surtout de sa jeunesse par la classe politique dirigeante actuelle. Si on sait que les hommes luttent toujours pour une cause, il n’est pas insensé de nier que tout le monde lutte. La question fondamentale est de savoir pour quelle cause lutte t- on et au profit de qui ? Est-ce pour l’amour de sa patrie, de son pays que la lutte se mène ? Est- ce pour servir son pays ? Ou se servir de son pays ? Car ce qui divise les hommes c’est lorsque les causes arrivent à s’opposer. Nous aborderons les réponses à tous ces questionnements à travers la caractérisation de la situation sociopolitique et économique des deux périodes (décembre 1989 ; décembre 2014), les objectifs et les enjeux de l’heure pour mieux situer les responsabilités des travailleurs, de la jeunesse et du peuple afin de mieux comprendre pourquoi nous devons être dans les rues le 11 décembre 2014. 1- Brève caractérisation de la situation sociopolitique et économique en 1989 et 2014. Dans la nuit noire de l’autocratie, il nous fallait lutter pour le pain et les libertés. Le peuple a obtenu – à l’issue de la demi-révolution de 1989-90 -quelques parcelles de libertés sans le pain. 25 ans après cette lutte, on note que pour nous empêcher de continuer à réclamer ce pain, il faut nous arracher les libertés. 1-1 Situation sociopolitique et économique en 1989 et l’objectif de la marche du 11 décembre 1989. Le Parti-Etat ‘’PRPB’’ régnait sans partage à travers ses organisations de masse qu’étaient l’OJRB, l’OFRB, l’UNSTB, les CDR, les COJ, COF, Coopératives. Une critique du pouvoir autocratique, la simple lecture d’un tract, une protestation contre un maire valait à son auteur la prison, les tortures voire la mort ; pour le citoyen pas de liberté de conscience, d’expression, de presse, d’association, de manifestation, de droit de grève. Le paysan à la campagne était racketté, traqué par les commandos percepteurs de taxes diverses dont notamment la fameuse taxe civique- et les gendarmes. Les prisons étaient remplies de détenus politiques ; des compatriotes étaient contraints à l’exil, d’autres à la clandestinité, d’autres sont morts comme Togbadja Luc , Akpokpo-Glèlè Rémi, Atchaka Parfait, Moussa Mama Yari, Serge Gnimadi, Orou Gbéa Sianin, etc. etc. L’arbitraire le plus abject régnait avec des nominations dans l’administration que des cadres du Parti-Etat ou de certaines régions données. Dans les marchés, sévissaient la mévente, la corruption, la chasse aux vendeurs et vendeuses par la SOGEMA pour le droit de place. Les femmes des marchés outre les multiples taxes à payer étaient soumises à l’obligation d’aller faire les haies d’honneur à chaque sortie de l’autocrate ou d’aller défiler lors des manifestations officielles. L’écolier, l’élève ou l’étudiant, devait participer à la coopérative obligatoire, et accomplir des travaux forcés pour la caisse de cette coopérative scolaire et le fonctionnement de l’établissement. Partout, on criait la misère. La vie était devenue insupportable pour les ouvriers, les artisans, les paysans pauvres et les petits employés. Les APE, comptaient plusieurs mois d’arriérés de salaire. Pendant ce temps, au sommet de l’Etat, c’était la pourriture : corruption, népotisme, pillage de l’économie nationale. Les caisses de l’Etat se sont vidées suivie de la banqueroute des banques (BCB, CNCA, BBD). C’était la faillite totale et la ruine et la famine s’installèrent dans une absence totale de libertés. Pour faire face à cette calamité, et pour payer les dettes, le Parti-Etat se mit à tout brader aux opérateurs économiques étrangers et après plusieurs tergiversations, finit par atterrir au FMI qui pour sa thérapie barbare et identique à tous les pays imposa ses mesures draconiennes que leurs valets locaux de la Banque mondiale continuent jusqu’à ce jour de soutenir pour leur propre ascension. Pendant cette période, l’autocrate n’avait plus confiance à personne et décidait dans le désordre. Son régime était boudé par ses propres maîtres impérialistes, français en particulier mais pas le système de gestion. Ils faisaient pression sur le régime pour les privatisations des sociétés d’Etat. Mesdames et messieurs les journalistes, mesdames et messieurs, au regard de ce tableau, déjà en juillet 1988, il était apparu avec les premières luttes des étudiants réunis au sein de leur comité d’action, des élèves avec leur comité générale de lutte des élèves du Bénin (COGELEB), du mécontentement à la campagne, des artisans dans les ateliers, des femmes des marchés avec leur Comité Général d’Action du Marché International de Dantokpa (CGAMID), des Comités d’Action (CA) des travailleurs dans tous les secteurs, salariés et paysans sans oublier les grognes des soldats dans les casernes il était apparu que le régime et le système autocratiques de Kérékou connaissaient une crise profonde et étaient condamnés à disparaître pour une nouvelle légalité, un nouveau système de la gestion du pays. Pour la CCA, un changement radical, à la racine c'est-à-dire du système était appelé et passait par une lutte pour la satisfaction des revendications axées en ce moment sur : les libertés politiques, la liberté de produire et le contrôle populaire de la gestion des biens publics, l’élection et la révocabilité des directeurs, la fin du règne de l’impunité. Précisons à ce niveau que la haute bourgeoisie et la couche supérieure de la petite bourgeoisie, ne voyaient pas la lutte sous cet angle, car pour eux il fallait se débarrasser de la calamité, en changeant seulement de chauffeur. Nous sommes dans ce même schéma aujourd’hui. Mais en 89, c’était sans compter avec la détermination des combattants en lutte qui eux avaient une autre conscience, celle de la rupture totale avec le système. C’est donc avec cette conscience aigüe que la marche du lundi 11 décembre 1989 avec au départ moins de 200 manifestants a débuté aux environs de 09h de la maison du peuple de Cotonou 5 aux cris de « A bas Kérékou, Pascal Fantodji au pouvoir, vive la Convention du Peuple ! vive le CSN, libertés au peuple, Kérékou ! hééélué. » Déjà au carrefour Marina-Carrefour marché Saint Michel, la troupe a grossi pour atteindre plus de 100 000 de l’ancien Pont à la Béninoise. L’encadrement assuré par la brigade composée de jeunes, était ferme pour éviter les débordements, les actes de vandalisme et il faut dire que cette jeunesse qui assurait cette tâche était débordante d’amour, déterminée, et avait un savoir-faire. Le film de cette marche de libération et des libertés arrachées dans les rues qui sonna la chute de l’autocratie se trouve dans le N° 3 spécial de FORUMS POPULAIRES dont j’étais le Rédacteur en chef et que vous pouvez vous procurer au siège de la CSTB. Pour bloquer cet objectif affiché fait de patriotisme, de probité, de véritable indépendance de notre pays pour une république démocratique indépendante et moderne, la France imposa à notre pays avec la complicité des cadres béninois qui ne luttaient pas, ce qu’on a appelé la Conférence des forces dites vives de la nation au mépris total des combattants et du peuple et des objectifs des préoccupations du moment. 1-2 Situation sociopolitique et économique en 2014 et les objectifs de la marche du 11 décembre 2014. Comme le Président actuel YAYI Boni qui sentant la chute prochaine de son pouvoir étouffant du peuple après le succès franc de la marche du 29 octobre 2014, invite les forces démocratiques au dialogue, c’est de la même manière que le Président Kérékou en 1989, a invité toutes le forces vives à une conférence nationale. Les libertés étaient déjà arrachées et le peuple jouissait de quelques parcelles de ces libertés qui seront consignées dans la Constitution du 11 décembre 1990, sans fondamentalement avoir réglé le problème du pain. Donc les pouvoirs qui se sont succédé sous le Renouveau jusqu’au changement, ne pouvaient remettre en cause les quelques acquis en matière de libertés sans une riposte des masses. Mais en ce qui concerne la question du pain, la question du droit de regard sur les fruits du travail de production et ses répartitions, la Constitution a rejeté tout contrôle de la gestion du bien public par les travailleurs et les citoyens. Seul le pouvoir en place peut nommer et défaire les DG, Directeurs, Chefs de projet. La porte est ainsi laissée grandement ouverte au népotisme, au régionalisme, à la concussion, à une gestion opaque, à l’impunité des violateurs des libertés, des fraudeurs et corrompus. C’est ce à quoi les travailleurs, les étudiants, les partis de l’opposition, les vendeurs et vendeuses des marchés, les artisans, bref le peuple est confronté depuis 25 ans pour avoir laissé la victoire de sa lutte entre les mains de ceux-là qui tout en pérennisant le même système en vigueur depuis l’indépendance nominale de notre pays, se montrent comme les défenseurs du peuple. Nous sommes dans la même situation et je vous préviens jeunes. Car les plus sacrifiés par le système mis en place depuis 1990, ce sont les jeunes Les pouvoirs successifs du renouveau dont singulièrement celui du Président YAYI Boni se sont acharnés à priver le peuple de ces quelques parcelles de liberté pour mieux lui arracher le pain au profit de sa seule personne, de sa famille politique les FCBE, ainsi que des monopoles étrangers. Alors comme en 89, les violations de libertés, la volonté manifeste du contrôle de toutes les institutions, la création des syndicats jaunes dans les ministères et entreprises, le mépris des exigences des travailleurs en lutte (éducation, santé, Plan, producteurs de coton, etc.), la ruine de l’Ecole, les crimes politiques et économiques, les disparitions mystérieuses de citoyens et autres assassinats non encore élucidés, la corruption au sommet de l’Etat, les scandales financiers, les exactions sur les pauvres citoyens, les mensonges d’Etat pour couvrir la mal gouvernance, le bradage des secteurs vitaux de l’Economie aux opérateurs économiques étrangers, l’endettement du pays par des bons de trésor et des obligations (plus de 200 milliards au 30 juillet 2014, alors que notre Etat y fait recours presque tous les mois pour camoufler les problèmes actuels de trésorerie) le retrait de droit de grève aux douaniers et sa tentative aux magistrats et autres travailleurs, la monopolisation des médias d’Etat à son propre profit et de sa famille politique, les FCBE, la volonté de s’éterniser au pouvoir par la fraude avec l’intention de révision de la Constitution, les procès aux citoyens avec mandat d’arrêt et d’extradition, contrainte des citoyens à l’exil, l’achat des consciences avec les fonds publics etc. etc. La liste est longue vous en convenez avec moi puisque comme moi, vous êtes des témoins oculaires et victimes de cette gestion du pays qui étrangle et asphyxie le citoyen. D’une calamité sous le ‘’PRPB’’, on est passé à la catastrophe qu’il faut arrêter nette et cette fois sans erreur pour éviter le gouffre. 2- Les enjeux de l’heure et la responsabilité des travailleurs et de la jeunesse. Mesdames et Messieurs les journalistes ; Camarades travailleurs de tous les secteurs ; Ouvriers, artisans, vendeurs et vendeuses des marchés, paysans, élèves et étudiants, mesdames et messieurs ; Honorables personnalités invitées qui étaient dans les rues le 11 décembre 1989. Comme vous le savez, l’organisation de la marche du 11 décembre prochain de l’avis des organisateurs regroupés au sein de « la Plate-forme des organisations démocratiques » vise à protester contre la gestion actuelle par le pouvoir de YAYI Boni des prochaines échéances électorales. Elle dénonce « les incertitudes autour de l’organisation des élections…Le processus de la correction de la liste qui devient catastrophique». Elle appelle à « l’organisation d’élections crédibles sur la base d’une liste fiable et consensuelle, l’organisation des élections locales, communales et municipales dans les meilleurs délais en tous cas avant les législatives, l’organisation des élections législatives et présidentielles dans les délais constitutionnels ».etc. Nous affirmons ici même notre accord sur ces exigences. Et ne serait-ce que pour cela, le 11 décembre 2014, nous serons dans les rues de Cotonou aux côtés des forces et organisations réunies au sein de la Plate-forme. Mais je tiens à dire que ces exigences sont largement aujourd’hui en-deçà des espérances populaires, en deçà des souffrances et des gémissements qui s’entendent de partout dans le pays. Surtout qu’il est question depuis quelque temps de « dialogue politique » que le pouvoir de YAYI Boni veut faire avec « l’Opposition ». Les exigences de la « Plate-forme » ne touchent nullement au système de gouvernance actuelle qui fait la ruine du pays. Ce système de gouvernance fait de déploiement de la vieille morale népotiste, régionaliste, tribaliste, d’impunité, de gestion opaque, de pillage, de fraude et de corruption généralisée, de bradages des ressources nationales (Cf encore le scandale des nouveaux contrats PVI dont nous exigeons la publication immédiate, transparence oblige !) ; un système développé à la faveur du servilisme à l’égard de la puissance colonisatrice avec des cadres ou « présidentiables » qui pensent que pour diriger les peuples africains il faut d’abord la bénédiction de la France pour des nations qui ont 54 ans d’existence et plus. Un système qui ignore complètement la jeunesse réduite au chômage ; où l’on donne la chasse aux producteurs nationaux pour des monopoles étrangers, où le producteur qui travaille, sue sang et eau pour que le pays vive, n’a aucun droit de regard sur la façon dont le produit de son travail est géré ; un système où l’on doive consommer ce que l’on ne produit pas et produire ce que nous ne consommons pas… Mesdames et Messieurs, Il faut en finir avec ce système de pacte néocolonial. Ce qu’il faut immédiatement c’est tracer les issues d’une nouvelle gouvernance, d’un autre système de gestion transparente, d’un nouveau pouvoir qui libère réellement et ²morce le réel développement de notre pays en libérant la force du travail, qui assure le pain au citoyen en plus de la liberté. L’histoire de notre pays est émaillée de beaucoup de cas où les travailleurs, les jeunes se sont battus, se sont sacrifiés pour mettre à terre un pouvoir anti-peuple, mais bien vite un autre pouvoir anti-peuple s’installe dans la négation et l’asservissement des travailleurs et de la jeunesse. Plus jamais, il n’en sera plus ainsi dans notre pays ! Camarades, plus jamais, il ne doit plus en être ainsi dans notre pays ! C’est pourquoi, je dis « Pour nous représentants des travailleurs, jeunes, femmes des marchés, tous les secteurs combattants du pays ; bref représentants de tous ceux qui souffrent et qui se plaignent, il n’y a aucun dialogue politique s’il ne prend en compte, outre l’organisation d’élections crédibles à bonne date (des élections communales, municipales et locales, des législatives et présidentielles avec une liste ad ‘hoc), l’instauration d’une gouvernance politique nouvelle concrétisant les aspirations des travailleurs, des jeunes et des peuples, une nouvelle gouvernance où le pouvoir est celui des travailleurs et des peuples.» C’est pour réaffirmer tout cela que nous appelons, travailleurs de toutes catégories, jeunes, femmes, citoyens de toutes catégories à être dans les rues de Cotonou le 11 décembre 2014 aux côtés des forces et organisations réunies au sein de la Plateforme non pas pour une balade de santé, mais pour que se constitue le Forum des travailleurs et des peuples pour une Nouvelle Gouvernance dans notre pays. Je vous remercie |
CONVENTION DU PEUPLE COORDINATION DES COMITES D’ACTION APPEL A UN RASSEMBLEMENT LE LUNDI 11 DECEMBRE 1989 A 08 HEURES A LA MAISON DU PEUPLE DE COTONOU V - A tous les Travailleurs, - Aux Elèves, Etudiants et à toute la Jeunesse, - A toute la Population. Ca y est ! La mystification ne passe plus ! De partout, les Elèves, Etudiants, Paysans, Travailleurs de toutes catégories et de toutes conditions, Citoyens de tous âges sont dans la rue pour dire Non à l’autocratie et à la misère, et exiger le Contrôle Populaire de la Gestion. Persuadés que le régime de la Honte de Kérékou ne peut plus rien apporter de bon au Peuple, les masses se lancent dans des actions de plus en plus hardies. Il nous faut poursuivre… C’est pourquoi les Comités d’Action et Comités de Lutte des Travailleurs et de la Jeunesse, regroupés au sein de la Coordination des Comités d’Action (C.C.A.), invitent à un grand Rassemblement le lundi 11 décembre 1989 à partir de 08 heures à la Maison du Peuple de Cotonou V TOUS AU COMBAT ! Cotonou, le 08 décembre 1989 La Coordination des Comités d’Actions (C.C.A.) |
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