Candide Fait Son Cinéma
PROFESSEUR ZONON : Si vous suivez un peu le théâtre politique, depuis le temps qu’ils s’agitent, vous devez connaître ses acteurs et ses personnages...
DOCTEUR H2O : Oui, Professeur, un peu comme tout le monde... Pourquoi ?
PROFESSEUR ZONON : Vous connaissez alors Azannaï...
DOCTEUR H2O : Oui, le trublion de la République, l’homme qui n’a pas sa langue dans sa poche...
PROFESSEUR ZONON : Eh bien, il a encore parlé ...
DOCTEUR H2O : Et il a dit quoi ?
PROFESSEUR ZONON : Dans sa dernière conférence, l’ex député dénonce ce qu’il appelle la ruse politique du G4.
DOCTEUR H2O : Ah, bon ? Ruse du G4, c’est quoi ça ?
PROFESSEUR ZONON : Eh bien par là, il désigne les intérêts cachés des raisons invoquées par le G4 dans sa critique du gouvernement à la veille des élections municipales et qui ont été à l’origine de leur messe.
DOCTEUR H2O : Elles ont quoi, ces raisons ?
PROFESSEUR ZONON : Selon l’intransigeant Azannaï, ces raisons sont obsolètes, non fondées et non-avenues... Elles ne seraient que des prétextes à défendre des intérêts de personnes.
DOCTEUR H2O : Je vois...
PROFESSEUR ZONON : Avec astuce, Azannaï épargne le G13 et reformule le bien fondé de sa position politique, l’air de suggérer ou de préparer la prise de langue du gouvernement avec ses anciens alliés dissidents...
DOCTEUR H2O : En somme, il distribue des bons et des mauvais points.
PROFESSEUR ZONON : Exact, on peut le dire ainsi, et il pousse le raffinement jusqu’à tourner le couteau dans la plaie municipale et réclame le droit à l’inventaire des maires sortants.
DOCTEUR H2O : Donc il n’y a pas que le G4 qui fait l’objet de la critique de notre honorable mousquetaire...
PROFESSEUR ZONON : C’est ce que l’on peut croire en apparence, mais les deux critiques se rejoignent dans le fond : la deuxième n’est qu’une façon sibylline d’attaquer le G4 ...
DOCTEUR H2O : Ah, bon ! Comment ça ?
PROFESSEUR ZONON : Réfléchissez un peu, cher ami : qui sont les anciens maires ? Ce ne sont pas des FCBE, hein ?
DOCTEUR H2O : Ah oui ! Si je comprends bien, le droit d’inventaire s’adresse en primauté au G4, et consort...
PROFESSEUR ZONON : Oui, une manière de leur dire « Vous qui montez sur vos prudes chevaux de bien pensants ; vous qui parlez de la paille dans l’œil du gouvernement, et la poutre dans le vôtre, vous en faites quoi ? Vous vous dites démocrates, si vous êtes un tantinet honnêtes, que ne mettez-vous à l’honneur le devoir d’inventaire, banale exigence démocratique ! »
DOCTEUR H2O : Mais cela suffit-il pour parler de ruse ?
PROFESSEUR ZONON : Bonne question, vous avez compris
DOCTEUR H2O : Oh, l’ami, pas si vite ! Il y a bien quelque chose qui m’échappe ...
PROFESSEUR ZONON : Quoi donc, cher ami ?
DOCTEUR H2O : Pourquoi ce Azannaï-là se décide à parler seulement maintenant ?
PROFESSEUR ZONON : Vous demandez pourquoi il n’a pas dénoncé la supposée ruse du G4 en son temps, du tac au tac ?
DOCTEUR H2O : Oui, et pourquoi il ne le fait que maintenant ? Ça a tout l’air d’un mystère...
PROFESSEUR ZONON : Oui, mais le mystère est apparent
DOCTEUR H2O : Ah bon ? Vous voulez dire qu’en réalité...
PROFESSEUR ZONON : Oui, il suffit de scruter la méthode et la démarche de l’Honorable Azannaï, pour éclairer le mystère.
DOCTEUR H2O : Alors, Professeur, je m’en remets à votre précieux éclairage...
PROFESSEUR ZONON : Question : A votre avis, que fait l’honorable Azannaï ?
DOCTEUR H2O : Il critique le G4, évidemment
PROFESSEUR ZONON : Et il se positionne à sa gauche.
DOCTEUR H2O : Tout à fait !
PROFESSEUR ZONON : Mais, comme tout le monde le sait, le G4 est à couteaux tirés avec le gouvernement n’est-ce pas ?...
DOCTEUR H2O : Oui, cela n’est un secret pour personne
PROFESSEUR ZONON : Très bien, Dr ! Vous connaissez l’adage populaire qui dit que, « les ennemis de mes ennemis sont mes amis...» Alors à votre avis quel est le but de cette tactique ?
DOCTEUR H2O : Non... vous n’insinuez pas qu’il s’agit d’un appel du pied pour entrer dans le Gouvernement ?
PROFESSEUR ZONON : Si, si, la chose paraît claire comme l’eau de roche... N’oubliez pas que cela fait longtemps que le pauvre Azannaï, pourfendeur intraitable de la méthode Yayi, se ronge les sangs. Comme un certain nombre d’autres, son idylle avec Yayi Boni a foiré ; et il s’est enferré dans une critique radicale et douloureuse. Or le radicalisme nourrit rarement son homme ; maintenant, une occasion décisive est à sa portée ; il se veut l’homme de la situation, celui qui redonne du sens et du sang neuf au changement, il est temps de penser à sa carrière.
DOCTEUR H2O : Eh oui tout ça tombe sous le sens maintenant... quand on y pense, on se rend compte que le radical Azannaï n’aura pas été le premier à faire ce genre d’appel du pied. Cela rappelle le procédé d’un certain Adrien Ahanhanzo-Glèlè : critiquer Soglo, l’avilir, le descendre sans ménagement de son piédestal pour être dans les bonnes grâces du Gouvernement.
PROFESSEUR ZONON : Exact ; à la seule différence que la saillie de Adrien Ahanhanzo-Glèlè sur Soglo visait à préparer les conditions psychologiques d’un accaparement électoral de la mairie de Cotonou... Alors que la critique de Azannaï est plus un positionnement qu’une attaque ad hominem...
DOCTEUR H2O : Finalement, si je comprends votre analyse, tout ça c’est du cinéma, et la ruse n’est pas forcément à l’écran, il n’est pas du côté où on veut bien orienter notre regard...
PROFESSEUR ZONON : Bien sûr que non ; le geste est subtil mais il ne pourrait abuser qu'un candide, pas celui qui prend la peine de réfléchir à l’intention qu’il cache ; en effet, dans le pire des cas, le fait que des groupes politiques défendent leurs intérêts partisans ou personnels en usant de prétextes ou en invoquant des raisons plus ou moins douteuses est peut-être mesquin ou égoïste mais il n’a rien d’une ruse, auquel cas tout le paysage politique du Bénin serait un champ miné de ruse...
DOCTEUR H2O : Moralité, dans ce cinéma de courtisan, la ruse n’est pas à l’écran, mais dans l’ombre du projecteur...
PROFESSEUR ZONON : Pour le coup, cher ami, il n'y a pas l'ombre d'un doute, vous avez tout compris !
Hubert ODJO
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