Mon émotion est bien grande devant cette dépouille de l'éminent citoyen dahoméen, du résistant dont l'exemple restera vivace, de l'homme intégral dans l'acceptation la plus noble du terme, indifférent aux honneurs et aux profits, Louis Hunkanrin.
- Né en Novembre 1887 à Porto-Novo, il fit à l'Ecole Normale de Saint-Louis de brillantes études qui lui permirent d'accéder de bonne heure aux fonctions d'enseignant, fonctions qu'il assuma d'ailleurs avec un rare succès, et nombreuses sont les générations d'hommes dont il eut à façonner l'esprit dans la plus pure tradition de droiture et de liberté.
Engagé volontaire pour la durée de la guerre 1914-1918, il fut en garnison tour à tour à Paris, Toulon, Saint Raphaël et Dakar. Sa bravoure on le voit, était inaltérable et ce n'est pas la peur de la mort qui aurait réussi à l'ébranler.
Un feu intérieur entretenu par un idéal rarement égalé, celui de la liberté non point nominale mais réelle, consumait l'homme.
Avec l'aide et l'appui de quelques bonnes volontés il entreprit de lancer un journal clandestin du nom de Récadaire du roi Béhanzin.
N'étant point l'homme à se satisfaire de demi-mesures il se fit résolument journaliste et fonda avec notre honorable citoyen M. Paul Hazoumè le Messager du Dahomey.
C'en était assez pour déclencher les foudres d'un colonialisme resplendissant et omnipotent.
Il eut droit dès 1920 aux honneurs de la prison politique et c'était déjà son premier titre de résistant. Révolutionnaire dans l'âme, il accepta le combat inégal face à un régime dont chacun sait les rigueurs et l'intransigeance parfois inhumaine.
LA BETE NOIRE DU COLONIALISME
Co-inculpé notoire dans le retentissant procès de La Voix du Dahomey avec les* Santos, les Nicoué, les Hazoumè, les Dossou-Yovo, etc, il était l'impénitent sujet dangereux, la bête noire qu'il fallait nécessairement abattre. Mais le procès se solda par un acquittement général dont le régime colonial d'alors se consola difficilement. Dès lors tous les motifs étaient bons pour atteindre celui qu'un Gouverneur mal inspiré et indigne d'esprit devait appeler un inconscient ; le plus conscient de tous, n'est-il pas vrai, était Louis Hunkanrin.
Conscient, il l'était de l'injustice et de l'arbitraire du colonialisme ; conscient, il l'était de sa mission d'apôtre parmi un peuple dépersonnalisé et asservi : conscient, il l'était aussi du grand risque qu'il courait à tenir tête à un adversaire incontestablement plus fort et résolu à la répression. On le lui fit d'ailleurs bien voir !
Déporté en Mauritanie au milieu des sables brûlants du désert, et plus tard au Soudan Français dans un climat qui n'était pas le sien, il fit imperturbablement front aux sévices et à la torture avec une rare sérénité et un courage admirable
UN PRISONNIER EMBARRASSANT
II échappa tour à tour à la mort — on pourrait dire par miracle — au point qu'un Administrateur des colonies, alors Commandant de cercle au Soudan français a pu dire de lui dans un rapport officiel : “Le sieur Hunkanrin est un prisonnier embarrassant et certainement aussi un sorcier”
Comment ne pas supposer un secret à un impénitent client des geôles et des cellules ? Comment ne pas s'étonner de l'endurance et de la détermination de cet homme qui sortait d'une terrible affaire pour en provoquer une plus laborieuse encore ?
C'est que Louis Hunkanrin était mû par un idéal supérieurement élevé et il en avait l'âme embrasée d'une espérance têtue.
Parallèlement ? d'innombrables activités politiques, son talent littéraire s'exerça à la rédaction de contes africains d'une rare saveur.
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Au cours de son exil en Mauritanie, il écrivit un petit livre intitulé L'esclavage en Mauritanie qui est le récit poignant de son destin de prisonnier dans un pays perdu où il ne connaît personne et d'où il espère bien s'en aller un jour.
Tout récemment, il écrivit une nouvelle Le Zangbéto de Porto-Novo que les services de l'I.R.A.D. ont publiée dans les Etudes et Recherches Dahoméennes sous les auspices du Ministre de l'Education Nationale et de la Culture.
Il a longtemps exercé une certaine fascination sur les masses populaires. Défendant farouchement les faibles et les opprimés, toujours prêt à voler au secours des humbles, il emprunte invariablement le dur chemin de l'honneur et du droit en payant souvent de sa personne.
Patriote de haute valeur et exemplairement avisé, il était toujours attentif aux pulsations de la vie publique. Nourri des plus pures traditions de sa race, ses conseils étaient partout requis et toujours appliqués.
Vieillard presqu'octogénaire, il se ceignit les reins au cours de la révolution d'octobre 1963 à laquelle il apporta une participation active et éclairée.
La période pos.'-révolutionnaire le trouve à pied d'œuvre car il avait vite compris que le peuple était revenu des mystifications qui se voudraient idéologiques mais qui étaient désespérément stériles, que le peuple était lassé des discours et combinaisons politiques sans lendemain, ïl subodora en temps utile la volonté farouche des masses d'aller au concret en rangs serrés, mobilisés pour l'unité réelle et définitive des fils du Dahomey.
Stigmatisant sans détour l'affrontement auquel les chapelles politiques nous avaient longtemps habitués, il prêcha la concorde et la fraternité génératrices des grandes œuvres.
LE CHAMPION DE LA LIBERTE
Toujours prêt à dispenser des paroles de paix, il participa, appuyé sur sa bonne vieille canne, à la grande réunion de conciliation des syndicats de commerçants qui s'est tenue au Palais de la Présidence le 5 Mai dernier à Cotonou. Il apporta au débat des paroles d'une grande sagesse et d'une immense générosité.
Il aura été jusqu'au soir d'une vie rude et dure presqu'à la veille de quitter la terre, le champion de la liberté et l'apôtre 'inlassable de la fraternité.
La postérité retiendra sûrement le souvenir de cette grande âme, sans cesse humiliée, toujours mobilisée et jamais lassée de servir et de se donner.
Le gouvernement et le peuple dahoméens par ma voix viennent rendre aujourd'hui au vieux combattant de la liberté qu'a été Louis Hunkanrin, l'hommage de profonde gratitude qui lui est amplement dû.
C'est justement pour concrétiser cet hommage que le Conseil des Ministres l'a unanimement promu à titre posthume à la dignité de Grand Officier de l'Ordre National du Dahomey avec citation suivante .-
« Publiciste, journaliste, chevalier du 1" Août 1960, patriote de grande classe, ancien fonctionnaire d'élite, a été toute sa vie un vivant exemple d'honnêteté, de dévouement, de courage et de mérite ».
Puisse son exemple nous inspirer chaque jour dans la conduite des affaires publiques.
Nous nous inclinons douloureusement devant l'immense affliction de sa famille que nous assurons de toute notre sympathie.
Louis Hunkanrin, adieu !
S M Apithy, Président de la République, 1964
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C'est que Louis Hunkanrin était mû par un idéal supérieurement élevé et il en avait l'âme embrasée d'une espérance têtue.
Patriote de haute valeur et exemplairement avisé, il était toujours attentif aux pulsations de la vie publique. Nourri des plus pures traditions de sa race, ses conseils étaient partout requis et toujours appliqués.
« Publiciste, journaliste, chevalier du 1" Août 1960, patriote de grande classe, ancien fonctionnaire d'élite, a été toute sa vie un vivant exemple d'honnêteté, de dévouement, de courage et de mérite ».
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