Au cimetière Pk 14 route de Wida, jour de la Toussaint. Vacarme, foule grouillante de mille et un vendeurs, de mille et un articles se rapportant au thème du jour : « la fête des morts ». Chacun donnant de la voix, hélant, bêlant, criant, proposant son service ou son produit : fleurs artificielles, bougies, missels, allumettes, "pure water", beignets en tout genre ; tout cela dans une grouillante concurrence où on se demande comment tant de gens puissent chacun tirer son épingle du jeu, qui n'est qu'une infinie répétition ou imitation de la même chose. Pour une raison socio-économique hélas portée à l'indigence, le Béninois moyen ne jure que par l’imitation de son semblable. Ainsi, dans les métiers ordinaires proposés celui du tailleur/couturière, du coiffeur/coiffeuse sont les plus prisés. Aussi, dans chaque von, chaque rue, vous verrez invariablement les mêmes boutiques de tailleur, les mêmes boutiques de couturière, les mêmes salons de coiffeurs ou de coiffeuse. Et ce en nombre illimité, un nombre sourd ou aveugle à sa signification et ne tenant pas compte de l'effet de seuil. Dans ces conditions, lorsque le Béninois ne cherche qu'à imiter son prochain, comment voulez-vous qu'une activité--fût-elle artisanale ou commerciale--puisse être le moins du monde rentable ? Le Béninois ayant la culture de la jalousie chevillée au corps et à l'âme, pertinent est le soupçon que cette compulsion à l’imitation ne soit qu'une forme ouverte et fermée à la fois de destruction/déréalisation de l'autre par dilution dans la marée mimétique du même, la duplication systématique, qui fait qu'un promoteur qui innove se voit très vite noyé par un flot d'imitateurs désirant eux aussi faire la même chose, si bien--ou plus exactement si mal--que ni le modèle, ni le flot de ses imitateurs ne parviennent à rien de viable ! Ce mimétisme hypersocial qui tend à la limite à devenir antisocial, est d'une ruineuse réalité qui caractérise hélas la psychosociologie, ainsi que la socio-économie du Bénin. Elle s'exprimait fiévreusement dans le marché spontané et grouillant, mobile et agile qui mouvait à la |
devanture du cimetière où gît maman--Pk 14, route de Wida. Le cimetière était relativement plein. À l'entrée, je retrouvais l'ambiance de ce froid matin d'il y a sept ans où le cercueil contenant la dépouille de maman y a été amené et mis en terre. Je reconnus le petit local administratif à l’entrée où les agents municipaux renseignant sur, confirmant ou vérifiant l’adresse de la dernière demeure du corps quelque part à la frontière nord du cimetière. À l'intérieur, les divers racoleurs s'échinaient à proposer leurs services : laveurs de tombe, débroussailleurs, groupes musicaux proposant une animation plus ou moins longue avec fanfare et tambour. Au nombre de quatre ou cinq, chaque groupe se distinguait à son uniforme qui lui donnait l'air d'un orchestre. Deux ou trois fanfares, deux ou trois tambours précédés d'un négociateur--celui qui, de tombe en tombe, allait négocier avec les familles, le petit quart d'heure de divertissement. Musique colorée et facilement identifiable, fatalement entraînante au son de laquelle C. et V. n'hésitèrent pas à se trémousser de joie devant la tombe de Maman, que les laveurs et débroussailleurs venaient de requinquer en deux coups de cuiller à pot… |
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